Le poing sonneur délira (à qui la faute???)
Patrick Proisy souhaite prendre des mesures contre la vingtaine de casseurs strasbourgeois qui ont notamment pris à parti certains joueurs après la défaite face aux promus lillois bien en jambe. Or, s'il est évidemment impardonnable de s’adonner à des exactions violentes, surtout pour du foot, il est plus que temps de rappeler les responsabilités des dirigeants de club dans ces dérapages.
De Lyon à Marseille en passant par Paris et donc Strasbourg, l'on retrouve toujours le même processus.
Primo, le temps des promesses et de l’espoir. Un gros investisseur reprend le club, investit massivement, recrute en conséquence et annonce le début d’une nouvelle ère de fierté et de titres.
Secundo, l’attente et le rêve. Les supporters alléchés par l’odeur des temps nouveaux se mettent à y croire et rêvent tout haut. Rêves d’autant plus beaux qu’ils font passer la pilule d’une hausse du prix des places destinée à financer en partie les nouveaux investissements.
Tertio, la déception et la colère. La saison commence et patatras, les résultats immédiats ne suivent pas. Naît alors une réaction épidermique du public, l'erreur bien entendu humaine et bien souvent footballeuse contrastant violemment avec les promesses claironnées ou les ambitions avouées des dirigeants. Suivent les images regrettables du Marseille de l’an dernier ou de Strasbourg en ce début de championnat.
Si ces violences sont stupides, elles sont également le fruit de certaines erreurs des directions en place. En effet, venant pour la plupart du milieu économique « traditionnel » les hommes au pouvoir veulent gérer leur club selon leurs expériences passées sans tenir compte des spécificités du milieu sportif (Yves Marchand en est l’exemple type). Ces hommes habitués à la victoire ont du mal à intégrer le fait que le résultat sportif puisse être plus ou moins aléatoire. Ayant tellement confiance en leurs méthodes, ils réussissent par le biais de leurs talents de communicateurs à convaincre les gens autour d’eux d’où une déception encore plus marquée en cas d’échec momentané ou récurrent. De même, en dissimulant mal leur impatience de résultats immédiats, ils la contaminent au public. Ce dernier étant déjà bien souvent désappointé par la démarche adoptée où on ne raisonne plus qu’en terme financier. La situation est en place pour que se forme un clivage entre les travées populaires (qui ont vite fait de se considérer comme des vaches à lait) et le monde de ces nouveaux dirigeants regardés la plupart du temps comme des individus dans lesquels on ne se reconnaît pas. L’argent étant dès lors bien accueilli pour acquérir des joueurs de renom mais montré du doigt dès qu’il s’agit de construire des loges, d’offrir une meilleure visibilité aux annonceurs ou de rémunérer ces joueurs devenus subitement « trop payés » faute de résultats.
Tout ceci étant, bien entendu, amplifié par la médiatisation à outrance du football qui fait de vous des rois devant le pays entier en cas de victoire mais qui démultiplie la honte de chaque défaite.
Ainsi pour peu que le monsieur tout le monde qui traîne dans les tribunes ait eu à subir d’ultimes railleries, inhérentes au monde du football et des supporters, on comprendra aisément son désarroi et la colère née de sa frustration. Ceci étant, les sentiments de trahison et de honte faisant bon ménage lorsqu'il s'agit d'exacerber la violence qui sommeille, chacun se doit de veiller à ce que les limites ne soient pas dépassées dans une enceinte qui transforme régulièrement les gens en boxeurs en puissance.
Le désir de devenir le plus fort du monde par l’intermédiaire de son équipe favorite est tel que lorsque tout ne se passe pas comme annoncé par les repreneurs multimillionnaires du ballon rond, la bête qui dort en certains explose et fait n'importe quoi. Il faut trouver dès lors trouver un adversaire, quel qu'il soit (mur, poteau, joueur, entraîneur, siège, femme ou supporter adverse). Ces manifestations d'hostilité, particulièrement courante en Argentine, sont maintenant de mieux en mieux organisées. Malheureusement. Ainsi, on dépasse de plus en plus souvent le niveau raisonnable du simple passage à tabac de sa dernière cigarette. Les groupes ultra violents minoritaires mais bruyants que l'on voit dans les stades deviennent aussi bien managés que les clubs de football d'aujourd'hui. De véritables entreprises à massacrer tout ce qui passe. Par essence, le stade est le dernier endroit où l'on explose. Un fantastique moyen de se regrouper sans trop risquer de se faire repérer malgré les flagrants (mais insuffisants) progrès de la sécurité des "grandes" équipes.
Ces "grandes" équipes aux dirigeants si axés sur les paramètres économiques qu’ils en oublient souvent l'aspect ludique et sportif de la chose. Aller au stade maintenant et encore plus qu'hier, c'est aller à la foire. On y trouve de somptueux sponsors, un magnifique merchandising, des gens que l'on a vus à la télé, des gens que l'on verra à la télé. On y trouve du rêve, normal, mais ce n'est plus le sport qui le crée. En tous cas de moins en moins. C'est aussi l'une des principales raisons du succès populaire des Bleus, qui outre la centaine de magazines dont ils font la couverture, donnent réellement l'impression de se "battre" pour le même but. De se "battre" pour la gloire de leurs supporters autant que pour la leur. Ce qui n'existe pratiquement plus dans ces fameuses "grandes" équipes touchées par le fléau monstrueux du hooliganisme. Promettre des résultats, c'est bien, mais créer un véritable groupe qui joue dans le même sens, c'est mieux. C'est souvent ce qui ressort des revendications des supporters mécontents. Alors condamnons ceux qui sont incapables de respecter les limites de la sécurité de chacun. Mais ne blâmons pas trop ceux qui sifflent ou renient momentanément leur équipe ce sera peut-être bientôt notre tour. On croit tous au Père-Noël, surtout lorsqu'il porte un short et qu'il court à notre place derrière un ballon pour tirer le plus fort possible dans le but adverse. Mais quand le Père-Noël se met à courir à l'envers...