Le modèle nantais
Un miroir cruel
Parmi les grâces rendues au FC Nantes qui se sont succédées dans la bouche de ses rivaux, on dénote des autocritiques à peine déguisées, des éloges qui pointent très exactement sur ce qui a manqué à leur propre équipe. Florilège.
Puel : "C'est vraiment la victoire d'un groupe où une vingtaine de joueurs ont participé et fait la preuve d'un état d'esprit remarquable toujours axé sur la réussite collective".
Fernandez : "Quand une équipe parle le même langage, les résultats suivent".
Tournay : "Ils ont petit à petit mis leur équipe jeune en place et le travail auquel ils se sont livrés a fini par payer".
Ivic : "Les Nantais ont été constants depuis le début de saison en sachant ce qu'ils devaient faire et comment le faire".
Nouzaret : "Ce sacre met en lumière le travail en profondeur d'un club à la fois stable et serein"…
On ne peut pas rêver meilleure illustration d'une certaine morale sportive dans cette consécration, qui intervient un an après un sauvetage à l'ultime journée. Nantes ne vire pas son entraîneur à chaque période difficile, ne se pique pas de révolutions à l'intersaison, de changements de cap en pleine saison, de transferts pharamineux. Denoueix n'aurait jamais été champion à Paris, Marseille ou Rennes
Au diable le "jeu à la nantaise"
Nantes a dû vaincre quelques clichés pour emporter ce titre que bien auraient pronostiqué au mois de septembre. Celui d'abord d'une incapacité à bien recruter. Celui aussi d'une incapacité à recruter un bon avant-centre ou à jouer avec un bon avant-centre. Celui surtout du "jeu à la nantaise", tarte à la crème relancée à chaque fois que les Canaris enchaînent deux passes. Leurs six dernières journées laborieuses (mais victorieuses), celles durant lesquels ils ont véritablement conquis le titre, ont montré qu'il n'y avait pas que ça dans cette équipe, mais aussi une sacrée volonté, une bonne dose d'expérience et des individualités remarquables.
S'il y a un style nantais, il réside plutôt dans l'intelligence de ses entraîneurs que dans l'identité totale de leurs systèmes de jeu, et dans cette faculté qu'a le club d'accompagner vers le haut niveau des générations de jeunes qui ont joué ensemble pendant des années.
Enfin, derniers clichés à terrasser : Nantes ne sait pas garder ses joueurs, et les anciens Nantais ne réussissent pas ailleurs…
Chaînon manquant
Parmi les hommages à l’école nantaise et à ses figures mythiques, on remarque qu’ils associent systématiquement Arribas, Suaudeau et Denoueix, en oubliant presque aussi systématiquement le titulaire du poste entre 76 et 82, champion en 77 et 80, à savoir Jean Vincent. Il a pourtant été filmé dans la tribune, et son visage presque inchangé rappelle à quelques-uns d’entre nous des vignettes Panini d'une autre époque, celle du stade Marcel Saupin. Peut-être paye-t-il le fait qu'il n'ait pas fait partie du "gang du centre de formation". Mais nous ne connaissons pas toutes les arcanes de l'histoire du FC Nantes, club historique s'il en est…
Le mariage du Figaro
La Socpresse, repreneur comblé du club, a déjà remporté un titre onze mois après avoir repris le FC Nantes, en n'ayant versé que 50 des 150 millions qu'elle s'est engagée à investir en trois ans. Une misère à l'échelle actuelle, à peine de quoi conclure un seul transfert pour le PSG ou Monaco. Le groupe s'est déjà félicité de la remontée de la diffusion de Presse-Océan, attribuée à la belle saison nantaise, et travaille à un projet de télévision locale avec le Télégramme de Brest ( Le Monde 12/05). Au moment où le passage du club en SASP (société anonyme de sport professionnel, selon la loi Buffet dont les décrets d'application ont été récemment promulgués) va lui permettre de détenir 95% des actions, la Socpresse est peut-être le seul gros investisseur du football actuel qui se dit qu'il n'a pas fait une connerie. Car à ce prix-là, il n'est pas exclu qu'il parvienne même à réaliser des bénéfices, le FCNA étant un club particulièrement "économique", dont la gestion ne nécessite pas la signature de chèques long format. La responsabilité de cet actionnaire très majoritaire est d'autant plus grande : il faudra quand même donner au club les moyens de se pérenniser sans risquer sa santé financière (en 92, il avait failli être rétrogradé en D2 par la DNCG) ni sa santé sportive (inutile de rappeler la fin de saison dernière).