Le hurlement des agneaux
Les incidents qui mettent aux prises les supporters avec les joueurs et les dirigeants deviennent presque rituels: des réactions brutales qui traduisent leur désarroi face à des clubs de plus en plus cyniques...
Auteur : Jamel Attal
le 21 Dec 1999
Les "affaires" lyonnaises et marseillaises, qui mettent en scène des affrontements sérieux entre clubs, joueurs et supporters, se prêtent à de nombreuses interprétations. Les interventions des groupes de supporters semblent abusives à plus d'un titre, lorsqu'à Gerland le public tourne le dos à son équipe deuxième du championnat, ou qu'au Vélodrome il dépasse les bornes en faisant régner la peur et en menaçant l'intégrité physique des joueurs. Dans ce deuxième cas, il semble bien que les ultras de tous bords ne fassent qu'accélérer la chute, jouant clairement contre leur camp dans une démarche qui va jusqu'à l'auto-destruction. Mais il faut aussi voir une sorte de réaction plus générale à l'évolution économique du football et au cynisme grandissant qui l'accompagne : destinés à n'être plus que de dociles consommateurs bien alignés dans des stades proprets ou dans les boutiques officielles, les spectateurs ont effectué un brutal retour et rappelé avec force une vérité très simple : les équipes ne peuvent gagner sans eux. Le Lyon-Troyes comme le Marseille-Lens en ont fait une démonstration évidente : dans le silence des tribunes, les joueurs sont bien peu de choses. A Marseille, les conflits de longue date entre associations et dirigeants ont bien pour objet le rapport de force entre ces deux parties, et un peu partout en France, on se pose la question de l'expression des supporters, dont la gestion purement politique par les staffs n'atténue pas les frustrations, ni le sentiment d'exclusion. Les manifestations d'hostilité qui atteignent des extrêmes dans certains stades marquent bien la rupture symbolique et l'éloignement croissant entre les intérêts des actionnaires et ceux, moins terre à terre et souvent contradictoires, des publics.