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Le dialogue avec les supporters attendra

Les instances voulaient que les supporters se structurent avant d'entamer tout dialogue. Mais, maintenant que ce travail a été mené, et bien mené, les portes restent fermées.

Auteur : Pierre Barthélemy le 28 Jan 2015

 

 

Le 15 janvier 2015, le Conseil national des supporters de football (CNSF) était reçu à la FFF pour convenir de la place que le supporter est appelé à occuper dans le modèle de demain. Sans surprise, les dirigeants du football français se sont de nouveau montrés hermétiques à l’ouverture d’un dialogue avec ceux qu’ils ne considèrent pas comme partie prenante digne d’intérêt.

 

 

 

 

En théorie, le dialogue fait consensus

S’il est une préconisation de l’ensemble des acteurs du football qui reçoit l’approbation de tous, travail après travail, depuis deux décennies, c’est l’établissement d’un dialogue régulier et institutionnel entre supporters, pouvoirs publics, clubs et dirigeants. Pour ne retenir que les travaux les plus récents, un rapport sénatorial de 2007 mettait en avant le rôle d’intégration sociale et la qualité d’interlocuteur des associations de supporters [1]. Le rapport dit "Besson" de 2008 jugeait "souhaitable d’encourager en France toutes formes d’initiatives favorisant le dialogue entre les supporters, les pouvoirs publics et les clubs" [2]. En 2010, le Livre vert du supportérisme a invité les associations de supporters "à se fédérer en une ou plusieurs fédérations nationales" [3]. Enfin, récemment, le rapport dit "Glavany" a synthétisé ces recommandations et rappelé que "les clubs de football professionnel ont la responsabilité d’inciter les supporters à se regrouper dans des associations agréées et respectueuses des valeurs citoyennes" [4].

 

Pour les supporters, les difficultés d’un regroupement en associations sont nombreuses. Ils ne disposent d’aucun appui financier ou logistique pour communiquer dans toute la France et organiser des réunions de travail. Il ne faut pas nier, non plus, les difficultés pouvant résulter de rivalités sportives ou culturelles entre différents groupes. Enfin, il n’est jamais aisé de trouver un consensus tant sur le fond (le modèle envisagé) que sur la forme (gouvernance de l’association, implication de tous, absence de prépondérance de groupes sur d’autres…). Pour autant, malgré la difficulté, ces associations ont vu le jour. Elles ont su proposer des éléments de réflexion à la fois réfléchis, pertinents et réalistes. Leurs propositions n’ont pas de caractère impérialiste: d’une part, elles sont le fruit de concessions entre groupes; d’autre part, elles anticipent et prennent en compte les réalités politiques, économiques, sociales et sécuritaires qui s’imposent à leurs interlocuteurs.

 

Le premier exemple est celui du CNSF, auteur d’un manifeste et de travaux sur la gouvernance du football de demain ayant vu coopérer supporters, politiques, juristes et universitaires. Le deuxième exemple au niveau national est celui de l’Association nationale des supporters (ANS) qui réunit la majorité des associations dites "Ultras". L’ANS a notamment pour vocation de permettre "la réouverture d'un dialogue avec les instances du football", d’être "force de proposition […] sur l'organisation des déplacements, le prix des places, le matériel d'animation, les interdictions administratives de stades ou les arrêtés préfectoraux". Au niveau local, l’exemple de l’ADAJIS (Association de défense et d'assistance juridique des interdits de stade) est tout aussi éloquent. Le contexte parisien est particulier. À la suite des débordements inacceptables d’une minorité, le club a opté pour l’annihilation de toute vie associative en tribune et le recours à une répression aveugle et illégale. L’ADAJIS s’est donc posée en interlocuteur et a rédigé un ensemble de propositions devant permettre la restauration d’un dialogue et la réglementation juridique de la responsabilité des différents acteurs locaux dans l’appréhension des tribunes.

 

 

Les masques tombent

Si tout cela est encore perfectible, les supporters ont largement rempli leur part du marché et ont offert aux travaux susmentionnés une réponse d’ouverture et de responsabilité. Malheureusement, leurs interlocuteurs ont vite oublié leurs beaux principes. Soit parce que, par condescendance ou incompétence, ils n’estimaient pas les supporters capables d’une telle prouesse, soit parce qu’ils n’ont jamais cru à ce qu’ils ont prôné: les pouvoirs publics, clubs et institutionnels refusent de considérer les supporters comme des interlocuteurs légitimes.

 

Avant tout, c’est la forme qui choque. Engoncés dans leur entre-soi, ils ont opposé un triste mépris à ces initiatives. Pour Noël Le Graët, coupant court à une réunion avec le CNSF, c’est simple: "Le débat ne [l]’intéresse pas". Pour sa part, l’ANS a envoyé plusieurs courriers au ministère des Sports sans ne jamais recevoir la moindre réponse, pas même par respect ou simple politesse. Pour M. Ebongue, vice-président de SOS Racisme et manifestement porte-parole du PSG, les supporters de l’ADAJIS: "insultent certains responsables et attaquent le club en justice. Dans ce contexte, il est impossible de travailler avec eux" [5]. Considérant ainsi qu’il est injurieux de faire valoir ses droits devant les juridictions ou la CNIL.

 

Sur le fond, il est donc criant que les acteurs en place n’ont pas l’intention d’accorder le moindre crédit ni la moindre légitimité aux supporters. Plus probablement, ces refus maladroits, irrespectueux et dénués de tout argumentaire sont révélateurs d’une crainte plus profonde.

 

 

Une crainte inavouée

Ces acteurs qui dominent le football français depuis tant d’années craignent d’être confrontés à leur propre incompétence. À force de marteler que les supporters sont une masse informe d’êtres décérébrés et avinés, ils ont fini par s’en convaincre. Accepter de discuter avec les supporters, c’est souffrir de devoir admettre non seulement ses propres lacunes mais surtout la richesse de l’expérience et de la réflexion de ceux que l’on a tant méprisés. La bonne gestion d’un club comme Portsmouth, repris par ses supporters, contraste avec ces dirigeants qui choisissent de s’enfermer dans des modèles ni pertinents ni pérennes (comme par exemple à Grenoble, Lens ou encore Valenciennes). Pour d’autres, ce serait reconnaître que le modèle anglais, sans dialogue, n’a fait que déplacer la violence loin des caméras du football business alors que le modèle allemand a consacré avec réussite le dialogue. Ce serait donc concéder que la perpétuelle surenchère dans le tout répressif n’est pas une avancée supplémentaire mais un nouvel aveu d’échec.

 

Dialoguer avec les supporters, c’est aussi s’exposer à davantage de transparence. Ce n’est pas un hasard si certains dirigeants, refusant d’admettre leur échec, opposent l’opacité et le silence à leurs supporters (la question des financements lensois ou havrais est éloquente). Ce n’est pas non plus un hasard si la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme refuse de communiquer les chiffres détaillés des interdictions de stade (ratio prononcées / annulées en justice, ratio par type d’infractions: pyrotechnie, cannabis, violence…). La transparence fait peur car elle impose de prendre ses responsabilités et de les assumer. La transparence fait peur car elle nous confronte à nos propres limites. Et il est d’autant plus compliqué d’admettre ses erreurs que l’on a opposé mépris et répression à ceux qui sont force de proposition depuis tant d’années.

 

C’est enfin une nouvelle confirmation: le supporteur de football de demain doit être réduit à l’état de consommateur. Il ne doit pas penser, il ne doit pas s’exprimer mais il doit financer. Avec l’explosion de la manne des droits de retransmission télévisuelle (qui représentent 57% des recettes des clubs), il n’est donc pas surprenant que le souhait des institutionnels ne soit pas l’ambiance des tribunes mais l’augmentation du nombre de téléspectateurs. Parce qu’il vaut mieux en rire, rendons hommage à Raymond Devos, et sa maxime: "Il [m']est arrivé de prêter l'oreille à un sourd. Il n'entendait pas mieux".

 

[1] MARTIN Pierre, MURAT Bernard, 2007, Faut-il avoir peur des supporters ?, rapport d’information de la commission des Affaires culturelles du Sénat, n° 467: "Il ressort de cette analyse que les associations de supporters sont dans le monde du football des acteurs sociaux incontournables avec lesquels les pouvoirs publics peuvent et doivent négocier. Outre leurs fonctions sociales, elles peuvent en effet constituer de précieux auxiliaires, compte tenu du contrôle qu'elles exercent sur leurs éléments les plus extrémistes.
[2] BESSON Éric, 2008, Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français, rapport remis au Premier Ministre: il prône donc un "débat dépassionné" passant par "la mise en place de plateformes de dialogues entre supporters, Ligue, clubs et sphère politique". Il estime dès lors que la stratégie française de gestion du supportérisme pourra s’avérer efficace, "pour peu qu’à l’arsenal législatif de plus en plus sévère s’adjoigne le dialogue nécessaire entre les parties prenantes".
[3] Livre Vert du Supportérisme: "Il faut prendre acte que les associations de supporters font désormais partie des partenaires sociaux du football, qu’elles constituent une des familles du football, et donc leur accorder une place au sein des clubs et des instances", ou encore "des représentants d’associations de supporters doivent siéger dans des instances de la FFF et de la LFP, au moins au sein d’une commission mixte d’animation et de sécurité.
[4] Rapport pour un modèle durable du football français, 29 janvier 2014: "Il s’agit bien entendu d’un outil pour lutter contre la violence mais également, plus largement, pour associer étroitement les supporters à la vie sociale, économique et sportive du club. Pour être responsables, les supporters ne peuvent être réduits à des clients. De bonnes pratiques existent d’ores et déjà en matière de relations contractuelles passées entre des clubs de football professionnel et des associations de supporters, sur la base de conventions établissant clairement les droits et les devoirs de chaque partie, et pouvant comporter à ce titre un subventionnement de l’association agréée. Il convient désormais de les généraliser. Dans une perspective d’ouverture et d’efficacité, les pouvoirs publics et sportifs doivent dans le même temps se fixer pour objectif de faire émerger au plan national une représentation organisée des supporters avec laquelle entretenir un dialogue constructif."
[5] L’Équipe, 16 octobre 2014.

 

Réactions

  • Sens de la dérision le 28/01/2015 à 10h13
    Clair, net, efficace. Je suis quand même assez abasourdi des fins de non-recevoir : c'est quand même la moindre des choses de répondre aux sollicitations...

  • OLpeth le 28/01/2015 à 13h10
    L'article est clair sur les raisons de ce silence. Personne ne veut d'un interlocuteur en plus, qui demandera des comptes, forcera à travailler sur certains problèmes, etc. L'entre-soi ça simplifie la gestion !

  • Vieux légume le 28/01/2015 à 20h15
    Merci pour l'article, effectivement édifiant.
    Le manque total de suite dans les idées est vraiment navrant arrivé à ce point-là.

  • José-Mickaël le 29/01/2015 à 01h03
    Merci pour cet article ! Je ne suis pas supporteur, mais je considère que le problème abordé est très important. D'ailleurs je pense qu'il pourrait être abordé par Canal Plus ou nos chaînes de sport, puisque ceux qui s'y abonnent pour le foot sont probablement souvent des supporteurs.

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