Le carton pour se faire battre
Le pire du football des années 70 se perpétue à Ajaccio, sous la houlette d'un Courbis toujours amoureux de l'esprit du jeu. L'occasion de promouvoir un plan d'éradication des plus grossières escroqueries en vigueur sur les pelouses.
Auteur : Etienne Melvec
le 23 Avr 2003
1 carton + 1 carton = 1 carton 36e minute du match Ajaccio-Bordeaux, Laurent Moracchini effectue un tacle par derrière qui cisaille Savio et prend sa jambe d'appui. L'auteur de ce geste s'ulcère auprès d'Alain Sars qui vient de lui adresser un carton rouge, probablement parce que le Brésilien (inexplicablement au vu des images) n'a pas souffert d'une rupture des ligaments croisés. Le réflexe contestataire étant ce qu'il est dans le football, les esprits s'échauffent chez ses coéquipiers. Quatre minutes plus tard, Grégory Lacombe manque de peu l'arrachement des testicules du gardien bordelais, mais pas sa propre expulsion. Incompréhension du jeune attaquant. Carton plein, donc, et parfaitement justifié, conséquence logique d'un énervement stupide. Dans de tels cas de figure, on est facilement enclin à reprocher à l'arbitre de ruiner le déroulement normal d'un match de foot prématurément transformé en séance d'entraînement (et en l'occurrence, en stand de tir). Mais c'est se tromper de coupable. En bon démagogue, Rolland Courbis ne reconnaîtra évidemment pas la bêtise des gestes commis par les deux fautifs, préférant étaler sa théorie de la conspiration, un discours constant tout au long de sa carrière qui lui permet de justifier à peu de frais un palmarès anémique. Ses récriminations et ses grimaces renforcent le faux sentiment d'injustice de ses joueurs, les incitent à récidiver (ou du moins de les en dissuadent pas), et excitent tout aussi efficacement les supporters. Samedi à François-Coty, on a assisté à l'agression de l'arbitre assistant par un stadier, à des jets de graviers sur les joueurs et les arbitres, à des insultes racistes pour Darcheville, à un assaut sur les supporters girondins et à l'agression d'un photographe de l'AFP (rapporté par L'Equipe, 20/04 et France Football, 22/04)… L'hypocrisie courbissienne culmine avec cette déclaration: "Si un jour, malgré tous nos efforts pour calmer le public (sic), il y a un incident grave, il ne faudra pas dire que nous sommes des voyous et qu'il ne fallait pas laisser monter ce club en L1". Apprécions la menace, ainsi que le victimisme consistant à prêter des insultes aux autres ("voyous"). Il est relayé par son président, qui estime que M. Sars a "manqué de psychologie" (L'Équipe 22/03). Parce qu'il n'a pas bien compris les messages délivrés dans un tunnel hostile au point d'y récolter insultes, menaces et coup de pied? À ce rythme, tout le monde va souhaiter l'existence d'un complot pour faire descendre l'ACA, dont l'immaturité des dirigeants n'égale que l'inadaptation du stade. Grosse comédie et escroqueries Mais laissons là l'incident ajaccien, qui ne vaut que comme une manifestation — parmi une infinité d'autres — des mentalités ordinaires sur les pelouses. Car contestations, gesticulations et hurlements sur l'arbitre semblent l'effet d'une seconde nature pour bon nombre de joueurs dès que survient une décision arbitrale lourde de conséquences. Ce n'est pas l'apanage de nos modestes formations de L1, puisque l'on vit mardi soir Luis Enrique hurler au scandale après un tacle lamentable qui ne lui avait pourtant valu qu'un jaune… Et voilà bien une des pires figures de notre sport préféré, symptomatique du degré de respect des arbitres et de sa fonction de bouc émissaire. Lorsqu'un joueur qui vient de commettre une faute grossière dont il est parfaitement conscient proteste à grands cris, il insulte le jeu, il bafoue l'arbitre et il le rend responsable de sa propre erreur. Et je vous le dis franchement en abandonnant la réserve de rigueur sur ces pages, moi, Etienne Melvec, ça me les brise encore plus menu qu'un tir de Roberto Carlos à bout portant dans l'entrejambe. On peut ajouter à cette classe de délits les provocations lors des échauffourées et autres pitoyables bagarres qui éclatent parfois, dont les auteurs viennent envenimer une situation initiale. Idem pour les contorsionnistes qui se roulent par terre sur des coups imaginaires. L'arbitre ne peut "sur-sanctionner" ce genre de contrevenants, sous peine de précipiter la dégénérescence des rencontres, mais on peut rêver qu'une instance comme le Comité national de l'éthique se saisisse de ces cas aggravés pour sévir rétrospectivement. Suggérons-lui quelques mesures de salubrité publique. Forfaitisons les forfaitures ! Barème de sanctions à l'usage des gesticulateurs et hurleurs à lippe baveuse. Protestation après une faute manifeste : 3 matches de suspension, privé de M6 et de Playstation pendant un mois. Traversée du terrain pour aller se mêler à un incident : 4 matches de suspension, mise de la Porsche sous scellés. Simulation de coups et blessures : 5 matches de suspension, 1 mois d'entraînement avec la réserve du FC Toul.