La Gazette, numéro 35
Stades : la barbarie ou le meilleur des mondes?
A la veille de recevoir le Sturm Graz en Ligue des champions, Manchester United a été obligé de lancer un appel à ses supporters afin qu'ils restent assis pendant la rencontre, sous peine de voir leur stade suspendu.
Un message a été lu avant la rencontre par Alex Ferguson et une lettre posée sur les sièges:
"Cher supporters de United
Nous voudrions attirer votre attention sur le fait que le conseil de Trafford nous a informé qu'une partie de cette tribune pourrait être fermée à l'occasion du prochain match européen si les fans persistent à se tenir debout pendant le match ce soir.
Dans l'intérêt de la sécurité et pour être sûr que notre équipe reçoive le meilleur soutien possible, veillez vous vous retenir de vous lever et rester assis pendant le match".
Quelle instance a bien pu brandir la menace d'une fermeture partielle des tribunes, et pour quelle raison? L'UEFA, parce que MU fait des jaloux? Non, le "Trafford Council" (le conseil municipal dont dépend Old Trafford), qui a autorité sur le stade.
On sait que la démocratie locale est plus développée en Angleterre qu'en France, mais reste un peu ébahi du pouvoir de ce comité de quartier. Peut-être est-il aussi civilement responsable de tout ce qui peut se passer dans l'enceinte sportive, et l'on comprend à quels extrêmes nos pays se situent en matière de sécurité : négligence d'un côté et paranoïa de l'autre… Ici, on se dispute les certificats d'irresponsabilité, là-bas, tout le monde est responsable. Cruellement instruits en la matière, les Anglais ont depuis longtemps déployé un arsenal législatif et répressif concernant l'organisation des matches de football. Il a été efficace, mais on en voit le prix et l'absurdité.
En temps ordinaire, on ironiserait à loisir sur cette injonction à rester assis bien sagement sur son siège, sur l'épuration qui a nettoyé les tribunes anglaises de ses classes laborieuses et remplacé les prolos dangereux par d'inoffensifs jeunes bourgeois, sur cette niaise discipline pour consommateur docile. Mais à l'heure où en France la Ligue accorde le droit de lancer des projectiles sur les arbitres et les joueurs (Stade dépassé), où de troubles incidents embrasent le Parc des Princes, il est permis de se taire.
N. Sur ce dernier point, en l'état lacunaire de nos informations, nous nous serions de toute façon abstenus de commenter des événements graves, mais dont l'origine reste incertaine et le déroulement exact inconnu de nous. Au mieux pouvons-nous espérer qu'ils ne furent pas prémédités, d'un côté ou de l'autre, et ne témoignent pas de la résurgence d'un certain hooliganisme parisien. On en reparlera peut-être.
Twist again à Moscou
Les matches de Coupe d'Europe à Moscou se déroulent toujours dans la redoutable atmosphère de congélateur de l'immense Stade Loujniki, avec sa pelouse en décomposition et ses tribunes dramatiquement sous-peuplées. Pour ne rien arranger Thierry et Jean-Mi masquent à peine leur profond ennui de se retrouver là. Mais le pire est cette ambiance sonore, faite de la stridence permanente d'insupportables trompettes à gaz (probablement du CFC), cacophonie insupportable qui ne s'arrête jamais. C'est peut-être cette arme psychologique qui a coupé les jambes des Lyonnais, dans un match énervant au possible, aussi énervant qu'une occasion ratée.
Nos clubs quittent donc la Ligue des champions au moment prévu par son règlement (les Italiens l'ont quant à eux probablement mal lu). Pas de bol, ils n'ont joué que des matches sans enjeu. Et il en aura fallu cent quarante pour désigner huit élus. Le spectacle commence en play-off, il faut être con pour acheter des billets avant. La LdC, tout le monde sait que c'est nul, mais il faut surtout pas la réformer.
Raul et Real, monstres sacrés
On a rêvé un instant. La Commission de discipline de l'UEFA suspendait Raul et lui infligeait une amende de 85.000 francs, pour avoir marqué un but de la main contre Leeds, et accessoirement de s'en être amusé. Figo échappait aux sanctions, même si le caractère délibéré de son carton jaune "volontaire" était aussi évident que le bénéfice d'être requalifié pour les quarts de finale, après avoir purgé la suspension automatique lors d'un dernier match de poule sans enjeu. Mais enfin, ces crimes insupportables que furent les mains de Maradona, Vata et Richard Claydermann allaient être punies, et progressivement dissuadées (voir Dossier arbitrage (2) Les solutions techniques). Le joueur symbole d'un club symbole faisait les frais de cette politique salvatrice. Mais les instances européennes sont aussi bien conçues que leurs consœurs françaises et sont elles aussi dotées d'une Commission d'appel, qui a naturellement passé un bon coup de torchon sur cette crasse déshonorante pour une équipe aussi respectable que le Real Madrid. La sanction a été annulée, mais c'est sympa de rêver un peu.