La culture de la débâcle
Une polémique a fait suite à la Gazette 33, mais la Gazette n'y était pas pour grand chose. C'est plutôt Luis Fernandez qui s'est mis tout seul au banc des accusés à la suite de la déroute du Riazor, et il a presque autant de procureurs qu'il y avair de défenseurs dans son équipe à la fin du match de mercredi. L'entraîneur conserve néanmoins ses aficionados, il suffit pour s'en convaincre de constater que malgré un bilan épouvantable, le Parc n'est toujours pas à feu et à sang et que beaucoup de supporters ne s'en prennent qu'aux joueurs (sur l'air de "avec des chèvres pareilles, il ne peut rien faire, le pauvre). Peut-être ont-ils du mal à reconnaître que leur condamnation de Bergeroo était un peu hâtive, à admettre ce qui ressemble trop clairement à de monumentales erreurs de coaching et à une gestion humaine catastrophique.
Dans les faits, Bergeroo partage pourtant avec son successeur quelques erreurs fatales, comme celle d'une transition mal gérée entre le groupe qui avait relevé la tête lors de la saison précédente et le nouvel effectif, dans lequel le montant des transferts justifiait des places de titulaires. Le Basque (avec Lamarche) s'est puni d'avoir recruté sans discernement, notamment dans les lignes arrière, et pour n'avoir pas reconduit ses formules gagnantes (Okocha en récupérateur, Benarbia en meneur, Christian et Leroy en pointe, par exemple). Fernandez a fait pire à la trêve, par orgueil, en voulant refonder ce groupe en le bouleversant à nouveau, en recrutant à nouveau, brisant ce qui restait de l'unité de son groupe. Transférer des joueurs pas meilleurs que les actuels mais en démoralisant ceux-ci, voilà du management. Si l'on fait la liste des tous les joueurs dont le PSG a disposé depuis un an, il y avait pourtant de quoi composer deux équipes capables de joueur le titre, pour peu qu'elles soient dirigées de manière cohérente.
Le club de la capitale est d'une constance invraisemblable quand il s'agit de ruiner son potentiel et surtout celui de ses joueurs. Le procès fait à ces derniers semble assez absurde, tout comme les jugements sur leur niveau: dans un tel contexte, quel joueur pourrait bien exprimer son talent (tiens, Ronaldinho y arrivera-t-il?). Leur mental est trop friable (même reproche fréquemment adressé aux joueurs marseillais), parce qu'ils ne résistent pas héroïquement à la déroute générale? Les "grands clubs", s'ils assument leur statut et remportent des titres, savent se faire respecter et donner un cadre favorable à la pleine expression de leur effectif. Là où Dhorasoo se sort d'une situation conflictuelle, Fernandez veut reconstruire, et comme d'autres avant lui, il a commencé par détruire. Il confirme avec éclat cette incapacité totale à maintenir ce minimum de continuité sans lequel aucune formation en peut parvenir à un haut niveau. On peut bien accuser la volatilité du footballeur moderne, celle des dirigeants bat des records et les encourage dans cette voie. Nos stratèges changent de stratégie pour cinq ans tous les six mois et le marasme s'éternise, de saison de transition en saison d'écroulement, en faisant quelques générations de victimes.
Pour en revenir à un registre plus proche de la comédie, mentionnons la rebuffade de Robert, avec lequel Fernandez n'a pas dû être très diplomate, et qui s'est répandu en phrases assassines pendant trois jours, avant de s'excuser à la suite d'un entretien avec ses dirigeants. Avec les départs déjà annoncés et une campagne de recrutement qui a déjà commencé, le PSG est parti pour connaître un nouveau turnover.
Il ne se passe presque rien à Marseille en ce moment et le club connaît une période de discrétion assez inédite, à quelques incidents près. Ce serait plutôt bon signe pour un club en difficulté (voir ci-dessus), si une impression de déprime ne dominait pas. Pour ne rien arranger, le passif marseillais n'en finit décidément pas d'être apuré. Robert Pires a ainsi obtenu devant la Commission juridique le paiement d'une indemnité de 12,4 millions de francs, somme qui lui avait été promise par le club au moment de sa signature. Entre les indemnités de licenciement de Courbis et celles de Casoni, l'OM continue à payer pour ses erreurs du passé.
Parlant de nos deux grands dépressifs, on n'a finalement envie que d'une chose. Qu'ils accèdent à la sérénité et à l'humilité, qu'ils travaillent discrètement, qu'ils reconstruisent de belles équipes, avec des jeunes et une ou deux stars s'ils veulent, mais en prenant leur temps et tenant leurs promesses. Enfer et damnation, cela ressemble à l'OL de Jean-Michel Aulas!
Louis-Dreyfus annonçait un "Bayern du Sud" et Fernandez un "deuxième Manchester". Commencez donc par faire l'Olympique de Marseille et le Paris-Saint-Germain, c'est assez difficile comme cela.
PS : un lecteur nous a reproché de ne pas "reconnaître notre erreur", parce Lyon a gagné avec un seul milieu offensif. Notre regret cette saison (cf. Diaporamas) était de voir l'OL SANS milieu offensif, ou n'associant pas Dhorasoo et Malbranque. Nos préférences sont-elles des erreurs si d'autres systèmes sont efficaces? Et nous n'avons rien contre Santini, sauf quand il parle vraiment trop lentement, c'est chiant.
Pour lier avec ce qui précède, on a vu toute la différence entre le 3-0 de Lyon et celui de Paris, à la 55e minute, la même qu'entre un club qui marche sur la tête et un autre qui ne fait pas n'importe quoi. Si l'OL conserve cette assurance et enfonce encore quelques portes en LdC, il pourrait nous aider à contredire son propre président, qui dénonce constamment l'incapacité des clubs français à rivaliser avec leurs homologues européens. Les CdF sont derrière l'OL (juste derrière Aulas).