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La Coupe du monde 2022 n’aura pas lieu (pour moi)

Appel - Le Mondial au Qatar compromet le football dans un désastre humain et environnemental. Notre passion doit-elle nous en rendre complices ? 

Auteur : François Thomazeau le 16 Sept 2022

 

Dans un peu plus de deux mois, le 20 novembre 2022, commencera la Coupe du monde de football au Qatar. Peu de fois dans l'histoire, un événement sportif n'aura autant mêlé le scandaleux à l'absurde, jusqu'à l'écœurement, peu de fois le football aura autant été l'instrument d'enjeux qui n'ont plus rien à voir avec le sport, le jeu ou la compétition.

Attribuée par la FIFA en décembre 2010 à l'issue d'un pacte de corruption présumé qui se trouve actuellement sous le coup d'investigations des autorités judiciaires américaines, françaises et britanniques, la Coupe du monde au Qatar a soulevé depuis le premier jour de légitimes polémiques.

 

 

Désastre humain

Si les instances internationales du football s'accommodent depuis longtemps des atteintes à la démocratie et aux libertés publiques (on peut se souvenir du Mondial 1978 dans l'Argentine de la junte militaire), cette attribution a eu ceci de particulier d'ajouter l'aberrant au scandaleux du fait des caractéristiques mêmes du pays d'accueil.

Minuscule en superficie (trois fois plus petit que la Bretagne) comme en population (autant d'habitants que dans le seul département du Nord), sans aucune tradition footballistique ni aucune perspective d'essor populaire de ce sport sur place, le Qatar a pour principal atout sa rente gazière. Ce Mondial en plein désert se désintéresse de ce qui fait le football même : son public.

Depuis douze ans, les réformes mineures intervenues pour libéraliser la société ou améliorer certains droits sociaux n'ont pas changé la réalité d'une monarchie absolue fondée sur l'application de la loi islamique, qui n'accepte aucune opposition, et d'une société qui impose une ségrégation de fait, des entraves aux libertés publiques et à l'égalité femmes-hommes, la criminalisation de l'homosexualité et de l'adultère, etc.

Des centaines de milliers de travailleurs venus des pays les plus pauvres d'Asie ont émigré pour construire les infrastructures de la compétition dans des conditions dénoncées par les ONG comme Amnesty International ou Human Rights Watch. Selon une enquête du journal britannique The Guardian, au moins 6.500 travailleurs ont trouvé la mort sur les chantiers qataris. Comment faire abstraction du sentiment que la compétition se déroulera sur un charnier ?

Désastre environnemental

Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) publie depuis plus de vingt ans des rapports accablants sur le changement climatique, ses causes humaines et ses conséquences désastreuses illustrées par un été de catastrophes.

Celles-ci, avec les tensions sur l'approvisionnement en pétrole et en gaz, conduisent nos sociétés et nos gouvernements à prôner enfin ! - la modération et la restriction des usages énergétiques à ce qui est vraiment utile ou nécessaire.

À cette nécessité de sobriété, la FIFA répond par une démesure coupable. La construction de stades à usage unique et climatisés en plein désert, le déplacement par avion de dizaines de milliers de supporters dans un pays qui détient le record mondial des émissions de CO2 par habitant : cette Coupe du monde se présente comme une révoltante aberration écologique.

S'il est trop tard pour empêcher l'émergence de ces infrastructures, est-il raisonnable de cautionner passivement ce modèle, au moment même où nous réfléchissons à baisser la température dans nos logements, bureaux et écoles pour pouvoir passer l'hiver ?

Désastre pour le football

Je suis un passionné de football, l'équipe de France me fait vibrer depuis l'Euro 96 et le Mondial 98. 

Cette fois, je ne peux échapper à la conscience que regarder cette Coupe du monde reviendra à la cautionner et à participer à un désengagement moral mal dissimulé derrière l'apparente innocence d'un match de football. La frontière de cette passion doit s'arrêter au respect de la vie humaine et des conditions de vie sur terre dans les décennies à venir.

Cet édifice ne repose que sur notre adhésion. En définitive, nous autres passionnés, amateurs de football, si souvent réduits au rang de consommateurs, devrions avoir le dernier mot, devrions reprendre le contrôle de notre passion.

Cette Coupe du monde n'aura pas lieu, pour moi. Je ne regarderai aucun match de la compétition, et ne lui porterai aucune attention. Ce geste est en soi dérisoire mais, multiplié, il pourrait changer le cours du jeu. Alors je vous appelle à envisager de faire, vous aussi, l'impasse sur ce tournoi. 

J'invite les responsables publics à ignorer les représentations officielles autour de l'événement. J'invite les supporters à renoncer à ce déplacement qui les rendrait complices de ce qu'ils n'accepteraient pas chez eux. J'invite les sponsors et partenaires à se désengager pour ne pas se compromettre encore plus.

J'appelle les acteurs du football, clubs, joueurs, fédérations, journalistes et médias, consultants, passionnés ou simples amateurs à marquer leur désapprobation, par quelque forme que ce soit, et à faire vivre ce débat autour d'eux pendant la durée de la compétition.

Je ne veux plus d'un football complice des régimes autoritaires, du mépris des droits humains, des catastrophes climatiques, devenu outil de greenwashing et de sportwashing. Je veux vivre un hiver 2022 plein de football, mais pas de celui-là.

Réactions

  • Flo Riant Sans Son le 18/09/2022 à 08h45
    On est devant une illustration du syndrome de la grenouille. Pour certains c'est déjà trop chaud, pour d'autres ça commence à être désagréable, d'autres encore sont comme des poissons dans l'eau.

    Chaterhouse, je comprends bien ta position, sauf qu'elle amène à terme à ne prendre position sur rien et à ne plus mettre de limites. On accepte tout, c'est triste et ce n'est pas ce que j'ai envie que ma fille voit. Elle ne regardera pas sa première CdM et pour l'utilité que le boycott peut avoir, il est déjà simple: c'est pour qu'elle ne tombe pas elle-même dans la marmite. Je lui répète déjà que le PSG n'est plus un club de foot pour un temps encore, je ne vais saquer mon propre travail...

    Lyes, sans vouloir te convaincre, sportivement, tu arrives vraiment à te dire que ça ne va pas être un CdM de Wish? Comme un truc factice que tu achètes sur tous ces sites marchands low cost? Même sans tenir compte des désastres afférents, on parle d'organiser la plus grande compétition de foot dans un pays qui à découvert ce sport il y a 10 ans. J'ai l'impression qu'on nous prend pour des cons...

  • Utaka Souley le 18/09/2022 à 09h41
    Merci inamoto pour cet article. Je souscris en totalité à l’argumentation, et je pense qu’il est sain de boycotter, même si je ne suis pas sûr d’en être capable à 100%, mais je vais essayer.
    L’irruption du Qatar dans le foot a tué la L1 en tant que compétition en la promouvant en tant que spectacle. Dans mon imaginaire personnel, le foot est avant tout un sport, avec quelques attributs romantiques, comme l’incertitude, la force du collectif et le dépassement de soi. Pendant longtemps, cet imaginaire-là collait assez bien à la réalité. La réalité s’en détourne, je me suis détourné du foot, mais je conserve un attachement au MHSC (comme à d’autres clubs, Lens par ex) pour leur fidélité à l’esprit, en tous cas à ma représentation de cet esprit.
    Le Qatar, les oligarques russes, les milliardaires anglais, les investisseurs américains, les princes saoudiens ou dévêtus (abu dhabi, désolé), c’est la fin de mon football que j’aime.

  • Mix Diskerud le 18/09/2022 à 11h09
    A la lecture des commentaires, on paraît nombreux à être déçus de la tournure de ce sport et à avoir freiner notre consommation depuis longtemps.
    Pour autant je crois que l'on a jamais entendu autant parler de football, que des gens n'ont jamais autant dépensé pour suivre le football, les recettes des clubs augmentent, les maillots et survêtements de clubs fleurissent dans l'espace public, de nouveaux territoires sont conquis... Je travaille dans un collège et je constate que de plus en plus de filles portent des maillots ou survêtements de clubs (en majorité le PSG), je ne compte pas les agendas, trousses ou classeurs portant un écusson de club ou d'équipe nationale (PSG ou EDF notamment). Et je crois que l'on pourra bientôt faire de l'éducation aux paris sportifs. Le nouveau jeu FIFA va sortir et ça va encore être un immense succès. Et je ne parle que de mon observation au niveau local, je n'ose imaginer ce que c'est au niveau mondial. Et je n'ose imaginer les scènes de liesse si l'Argentine ou le Brésil viennent à remporter le trophée.

    Pour un passionné du football qui tourne peu à peu le dos à sa passion (c'est un processus lent), combien de nouveaux consommateurs apparaissent ? Je souscris à toutes les critiques sur le Mondial mais je me dis à quoi bon, moi aussi. Mon seul boycott, c'est celui de l'album Panini. Je ne changerai pas mes habitudes de visionnage pour autant, je sais que je verrai quelques matches par amour du jeu et de certains joueurs, et ça paraîtra bien invisible aux yeux de la FIFA et des diffuseurs. Tant pis pour moi et mon éthique.

  • Jamel Attal le 18/09/2022 à 11h57
    "Injonction" ? Pourquoi prendre l'exposé d'un choix et un appel à envisager de le suivre comme une injonction ? Ça me semble relever du même genre d'assimilation grossière que "devoir de mémoire" = "repentance", ou "prise de conscience écologique" = "écologie punitive / culpabilisatrice" (je ne reviens pas sur "bien-pensants"). Selon moi, ça en dit beaucoup plus sur 'vous', votre malaise et le fait d'être contrariés par ces appels, que sur ces appels et ceux qui les lancent.

    "Ça arrive trop tard." Étrange… Pour nous autres spectateurs, à deux mois du coup d'envoi, c'est précisément le moment d'y réfléchir et de prendre une décision. Le fait que les institutions sportives ou les États n'ait pas bougé durant tout ce temps n'a rien à voir avec cette réflexion qui, elle, vient à son heure. Il fallait envoyer un préavis, on a dépassé un délai administratif ?

    "On s'en est accommodé." Je vois bien ce que tu désignes, mais de qui parles-tu ? Que ce soit Inamoto, les forumistes qui s'expriment dans le même sens ou les Cahiers, tu as le sentiment qu'on s'en est accommodé ? Bien sûr, il y a chez tous des compromis / des compromissions. Mais en quoi ils obligeraient qui que ce soit (toi comme Inamoto) à continuer à adhérer indéfiniment, à tout accepter ? Là aussi, il y a un délai de prescription ? "Ah trop tard, fallait se réveiller avant, et puis on vous a vu regarder un match du PSG, chat perché interdit de retoucher son père triple baleine blanche". Variante lyes : "Désolé, je supporte le Gym d'Ineos, je suis pieds et poings liés." :)
    Blague à part, je trouve très inquiétante cette manière de consacrer la compromission, comme si on avait été corrompus, comme si c'était irréversible.

    "Occident-centré". Autant je sais que "l'universalisme" occidental a maintes fois servi de masque à des intérêts bien plus cyniques et a été l'expression d'un certain ethnocentrisme, autant il me semble impensable de bazarder la défense des droits humains pour ce motif. Quant au volet environnemental, faut-il rappeler que les effets du changement climatique frappent plus durement le Sud que le Nord ? Et sur l'impact présumé négligeable : c'est justement dans les pays riches que les effets d'un boycott seraient les plus néfastes économiquement pour la FIFA…

    Dans tout ça, il m'est difficile de ne pas voir une manière d'entériner la victoire du foot-business, du foot-soft power, du foot-Infantino. Je ne vous remets pas mon couplet sur la fatalisme et la résignation, hein.

  • gurney le 18/09/2022 à 12h12
    "Là encore, le fatalisme, le postulat que rien de changera sont les meilleurs alliés du statu quo"
    Merci Jamel, je pense que tout est là.
    La résignation m'est insupportable.
    Si demain on est 2, qu'un taureau nous charge à pleine vitesse, même si on a 1% de chance de survivre on tapera le sprint de notre vie, et je vois pas la personne à ma droite me dire "c'est ridicule, qu'est-ce que t'essayes de prouver, c'est mort il va nous embrocher".

    C'est le principe de la lutte. Elle n'est jamais une réussite totale et éclatante, mais tu vois aux avancées qu'elle a permis de faire, ben qu'elle a été utile, même si aucun décisionnaire ne viendra te dire droit dans les yeux "c'est ta lutte qui a tout fait basculer"
    Le raisonnement "de toute façon c'est plié c'était à nos gouvernements de se bouger le cul" marche parfaitement avec la politique en générale, et en tenant ce discours tous ensemble, on n'aurait toujours pas de congés payés.

    Je trouve pour le coup le timing de ces appels au boycott parfaits. En communication tu lances tes campagnes de promotion à 50/90J du lancement.
    Actuellement toutes les marques finalisent leurs ventes de noël par exemple.
    On est donc dans le bon tempo.
    Je rappelle qu'on a été nombreux à parler de boycott en 2010, mais que passé le scandale de l'attribution (avec de grosses critiques même dans les journaux random comme france foot ou l'équipe, je crois me souvenir de Riolo qui parlait déjà de boycott), ben le truc c'est noyé dans les autres actus plus urgentes. Car oui, passé l'annonce, on parle d'autre chose et ça devient un sujet froid. La CDM 2024, c'est un sujet froid jusqu'à aujourd'hui. Et là on rentre dans le moment ou ça devient l'actu : on va voir arriver les dossiers spéciaux, les vidéos de préparation des youtubeurs, mais jusqu'alors, ça n'était PAS UN SUJET.
    Dés lors demander aux gens de se reveiller avant, c'est ridicule, puisque les gens ne drivent pas l'actu.

    C'est pour finir dommage que ce type de prise de position soit encaissée comme une injonction personnelle. Quand on prend la décision du boycott, on jette notre petit caillou en direction de la FIFA, des qataris, des marques sponsor qui se foutent de notre gueule avec leur raison d'être fictive.
    On jette pas le caillou en direction des copains qui ont choisi de regarder la compétition.

  • gurney le 18/09/2022 à 12h19
    Ah et au cas où ça soit pas clair : je me fais 0 illusion sur le fait que la CDM se tiendra grosso modo comme d'habitude. Par contre je pense qu'on habitue les oreilles de chacun à la petite musique qu'on joue, et qu'à terme ça change en profondeur.
    Prenons l'exemple de Galtier/Mbappe : leur bad buzz serait passé crème y a encore 4/5 ans. Là vu ce qu'ils ont pris, on peut être certain que ça n'arrivera plus. Et que les teubés qui ont répondu "MDR ils ont trop raison wesh" sur les publications de ce bad buzz seront tout seul à rigoler demain.
    A ceux qui disent "ça ne change rien ils vont continuer à prendre leur jet", je donne rendez-vous dans 1 an ou 2, je suis certain que ça aura bougé un peu plus vite.
    Qu'après un bad buzz comme ça, le mec qui gérait le dossier transport au PSG a du placer le dossier SNCF du bas de la pile au haut de la pile, et qu'il devra rendre des comptes à sa direction dans les prochaines semaines avec des solutions permettant au club de communiquer sur ses actions.
    Pas parce que l'émir du qatar se sera dit "ils ont raison putain, c'est important l'écologie".
    Mais parce que l'émir du qatar il doit pas être super content que son image en prenne plein la gueule pour un bad buzz de merde.
    Bref, si ça avance pas vite ça avance quand même.
    Même si personnellement j'aimerais pouvoir enfermer Blatter dans une prison ignoble, et avoir lui plaisir de lui écorcher les tétons avec une pince rouillée en l'entendant hurler "je m'excussssse".
    C'est sur que ce point de vue là le kiff est moins grand et qu'on doit attendre de voir notre passion se faire rouler dessus pendant des décennies avant que ça bouge dans le bon sens.

  • inamoto le 18/09/2022 à 14h42
    @ Charterhouse : Tes réactions me laissent un peu perplexe, mais je vais quand même essayer de répondre. Ce qui est étonnant c'est tout en ayant une rhétorique franchement agressive (bien pensant, ridicule, pisse pas bien loin, etc.), qui fait davantage penser à ce que j'ai reçu sur Twitter qu'à ce que je m'attendais à lire ici, sur le fond tu te poses les mêmes questions que moi, et que tu as les mêmes doutes sur la portée et la pertinence des réponses.
    Je vais te répondre sur 2/3 points, sans chercher à te convaincre mais plutôt pour préciser mon intention et te dire d'où je parle puisqu'on a débordé du texte lui même.
    - Sur la critique qui relève du registre du "ça ne sert à rien, à quoi bon" : c'est sans doute là où nous sommes le plus d'accord. Ca ne sert probablement à rien, et point de vue engagement dire "je laisserai ma TV éteinte", ça fait plus BHL que Malcom X, je te l'accorde volontiers. Paie ton héroïsme en charentaises. Néanmoins je pense que si les milieux politiques et économiques sont restés si longtemps muets face à une telle aberration politique et écologique, c'est précisément car ce genre de signaux faibles - ou très faibles si tu veux - n'existaient pas en 2010. Je crois, peut-être à tort, que les temps changent principalement sous deux effets : le regain de tension géopolitique qui mettent nos modèles démocratiques sous pression et évidemment le réchauffement climatique. Pour preuve : je ne sens pas pour ce Mondial l'effervescence habituelle, je sens ces doutes affleurer ici ou là, y compris là où je ne les attends pas, par exemple lors de mon foot du dimanche. N'étant pas en position de pouvoir, le désengagement du consommateur est le seul levier qu'il me reste, je l'active voilà tout ;
    - Sur la critique qui relève de la démarche "une tribune pour la bonne conscience dans une inaction généralisée, et pour en plus regarder en cachette derrière". Ca rejoint un peu ce que disait Edji sur le fait que probablement c'était plus facile de sécher une compétition quand on avait pas le temps de la regarder... Ca me gêne car là on s'éloigne du propos pour se déplacer sur le terrain de la sincérité de l'auteur, donc moi. Donc en 10 mots commen en 100 : oui, ça me fait chier de rater cette compétition. J'en rajoute pas, mais oui, ça m'emmerde drôlement. J'adore le foot, sinon je n'aurais pas regardé Lille-Toulouse hier, j'adore le Mondial, et j'aime bien les Bleus. Voilà, c'est dit. Et si ce texte est peut-être vain, il vient aussi certainement comme procédure d'autopersuasion pour me convaincre que cette privation a de bonnes raisons d'exister pendant les deux mois que je passerai mi-envieux mi-résigné, j'espère qu'au moins je progresserai aux échecs. Concernant le silence avant... écoute il y a probablement 1000 façons de s'engager contre ce modèle qui nous dévore. Moi j'ai choisi les miennes en essayant de mettre en conformité mes actes avec mes convictions, en m'engageant dans le combat politique pour l'environnement (je ne rentre pas dans les détails, mais ça m'a beaucoup occupé ces dernières années), et en mettant ces sujets au coeur d'une réorientation professionnelle dans laquelle j'ai dû faire pas mal de concessions. Je ne fais pas un papier mensuel sur les Cahiers, c'est sûr, et je ne suis pas un frénétique du tweet, mais j'essaie d'avoir de la constance et de l'engagement, cette tribune ne sort pas de nulle part entre un voyage à Tahiti et une soirée au KFC du coin. Evidemment je ne te demande pas de savoir ça et ne réclame aucune médaille, mais je suis surpris que tu ne m'en donnes pas le bénéfice du doute.
    - Sur la critique "on accepte déjà l'inacceptable dans le foot contemporain, ça change quoi ?", je vais te répondre en deux temps. Premièrement je suis largement d'accord, et j'ai conscience de mes petites compromissions du quotidien sur pas mal d'autres aspects de ma vie footballistique ou de ma vie tout court. Mais ce qui me semble très particulier au Qatar, que j'ai essayé d'expliquer dans le texte, c'est qu'en plus du bras d'honneur écologique, du malaise politique, des conditions de travail effroyables des salariés etc..., choses qui ont pu exister ailleurs, il manque un point essentiel : le public ! Cette assise populaire qui nous fait souvent accepter le reste. Le propriétaire du SRFC est un marchand de canons, certes, mais le Stade Rennais c'est le club de ma ville, de mes amis, de mes voisins, de tous âges, toutes classes toutes religions, et au fond c'est ça d'abord et c'est grâce à ça que j'accepte le reste. Le Qatar est vide, et quand il n'y a plus la joie des supporters, il ne reste plus que l'évidence des dégueulasseries alentours. Et ce n'est pas beau à voir.
    - Enfin sur l'occidentalo-centrisme. Probablement que la FIFA, et c'est heureux, a d'autres continents dans le viseur que le nôtre. Mais évitons d'en dériver sur un relativisme culturel mal venu : tout ce dont on parle - droits de l'homme, droits des minorités, droits sociaux, préservation de la planète - ce sont à mes yeux des valeurs universelles, et je ne suis pas sûr de la pertinence de la critique car dans le cas précis on voit que ceux qui bénéficient le plus de leur piétinement sont des Occidentaux, et ceux qui en pâtissent le plus des habitants de pays pauvres.

    Voilà donc en réponse. Je voulais juste dire en conclusion que je n'ai pas voulu enjoindre quoique ce soit, Jérôme m'a d'ailleurs aidé dans ce cheminement, et que je suis déçu que ça ressorte ainsi. J'exprime un choix personnel, et j'invite les autres à se poser la question de faire de même, ou au moins à faire vivre ce débat, ce qui est le plus important à mes yeux. A la relecture je regrette seulement l'utilisation du terme "complice" qui en effet renvoie à une posture moralisatrice, mais ça ne fait qu'un mot sur un texte qui doit être lu pour ce qu'il dit et pas pour ce que tu crois qu'il veut dire.

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    Et sinon, j'ai rattrapé toutes les pages de retours. Ce qui m'a motivé c'était précisément de voir que beaucoup se posaient des questions et d'essayer de mettre des mots dessus, sans apporter de réponse uniforme, mais j'ai l'impression que c'est encore plus généralisé que ce que je pensais. J'ai donné ma conclusion personnelle, et je vois que je ne suis pas seul. La prolongation proposée par Markov me paraît géniale. Je souhaite un bon Mondial à tous ceux qui regarderont, l'essentiel encore une fois est que le débat ait lieu!

  • Edji le 18/09/2022 à 17h48
    On peut aussi émettre l’hypothèse que les choses sont susceptibles d’évoluer dans le bon sens indépendamment de tout boycott (ou appel de ce type).
    A preuve, sauf erreur de ma part, Amnesty n’appelle pas au boycott, mais ne lâche pas la pression pour obtenir de larges compensations financières pour les familles des victimes des chantiers.
    Le boycott, par définition, me semble n’avoir de sens que dans l’optique d’une démarche collective, et pour éviter d’apparaître comme une énième pétition lien, doit avoir un minimum d’efficacité, dont on peut douter à ce stade.
    Aquoibonisme ? Peut-être pour moi mais on pourra difficilement faire le même reproche à Amnesty.
    De mon côté, ça fait belle lurette que j’évite soigneusement de céder à l’ultra-marchandisation du foot, et à en profiter comme un simple jeu et une manière de nouer des relations fortes avec des amis et consolider un héritage familial.
    Et le jour où les désagréments l’emporteront, eh bien j’arrêterai tout seul dans mon coin, ce n’est pas plus compliqué que ça.

  • Tonton Danijel le 18/09/2022 à 19h16
    Pas d'appel au boycott, mais quand Amnesty s'intéresse à tes affaires, ce n'est pas de la bonne publicité non plus...

    Le Qatar investit dans le foot pour des raisons publicitaires, les mêmes qui poussent les sponsors à soutenir l'organisation via la FIFA. L'échec en terme d'image est déjà préjudiciable, si le retour sur investissement est encore moindre que prévu, la sanction risque d'être plus efficace que le mot gentil tout seul.

  • beltramaxi le 18/09/2022 à 19h31
    Les répétitions sont prometteuses dites-moi :
    lien

    Bon par contre ceux qui appellent au boycott et qui ne l'ont pas fait en 2018 ne sont pas obligés de se justifier en parlant de la Russie d'alors comme d'une démocratie juste un peu illibertaire ou de dire "qu'on ne savait pas". Vous savez très bien que c'est faux, à moins d'avoir besoin d'un rafraîchissement de mémoire ? Y a plus grand monde pour tenir ce discours à part à la FI et au RN. A mon avis le contexte humain de la construction des stades au Qatar suffit à différencier cette compétition des autres sans avoir à minimiser d'autres infamies.

La revue des Cahiers du football