José Arribas, aux sources du jeu
Bibliothèque – Le livre d'André Jaunay sur José Arribas propose de percer le secret du jeu à la nantaise à travers le parcours de son entraîneur emblématique.
Faut-il attendre qu’un club soit en complète déroute pour que soient rappelés les principes qui l'ont mené naguère au sommet? En tout cas, à l’heure où le FC Nantes se débat pour éviter la relégation, deux livres ont été publiés comme un rappel aux fondamentaux, à travers la figure emblématique du club, l’entraîneur José Arribas (1921-1989).
L'homme de base des premiers succès est le sujet de José Arribas, le jeu ou la mort de Bernard Verret, sorti en août 2020, et de José Arribas, la fabuleuse histoire du football à la nantaise d'André Jaunay publié en 2021.
José Arribas lors de court mandat de co-sélectionneur de l'équipe de France, en 1966.
Les tourments de l’histoire
Les suiveurs connaissent bien le premier nommé, auteur de nombreux ouvrages et articles sur le club jaune et vert. Bernard Verret a une plume passionnée, souvent excessive (ce titre…), avec toutefois une expertise rarement atteinte dans le domaine. Son ouvrage est d’ailleurs cité parmi les sources du second, qui propose un livre moins biographique et un peu plus analytique, retraçant le parcours de José Arribas avec du recul et une écriture proche de la littérature universitaire.
Pour remonter aux sources du football à la nantaise, l’auteur se penche d’abord sur la guerre civile espagnole puisque José Arribas, adolescent de Bilbao durant cette période, sera contraint à l’exil et, séparé de son père, grimpera dans un bateau qui allait le conduire en France. L’embarcation cherche à accoster à Bordeaux puis à La Rochelle avant d’obtenir l’autorisation de débarquer à Saint-Nazaire, tout près de Nantes.
L’histoire aurait pu commencer là, mais à peine débarqué, le jeune José rejoint la région bordelaise où il retrouvait de nombreux réfugiés basques. Les tourments de l’histoire allaient le poursuivre encore avec l’occupation allemande qui pousse le jeune homme à une vie clandestine sous des noms d’emprunt et du travail au noir.
André Jaunay souligne l’influence des conflits sur la destinée de grands sportifs, citant pêle-mêle Zatopek, Nakache, Trollmann, le footballeur chilien Carlos Caszely… À travers ces exemples, il rapproche deux hommes qui se sont souvent opposés dans les couloirs du club nantais, José Arribas et Antoine Raab.
Ces deux figures du FC Nantes ont connu des destins liés à la guerre et à la politique. Le second avait refusé de faire le salut nazi quand il jouait dans les sélections de jeunes de l’équipe d’Allemagne. Emprisonné, il s'évade et se réfugie en France jusqu’en région nantaise où l’occupation le contraint lui aussi à se cacher. Dans le même temps, au centre de la Cité des Ducs, des dirigeants collaborationnistes fondent, en 1943, le Football Club de Nantes.
Au début des années soixante, Antoine Raab est le principal conseiller de Jean Clerfeuille, président du FC Nantes. Il cherche à le convaincre de se séparer d‘Arribas, qu’il juge trop tendre pour le football de haut niveau. Mais le président tient à garder l'entraîneur qu’il a recruté en 1960, d’autant que les joueurs sont de son côté. Trois d’entre eux, non des moindres, ont fait irruption dans une réunion d’urgence en menaçant de le suivre si celui-ci venait à être contraint de partir.
Des questions sans réponses
Il y a dans les premières années d’Arribas du FC Nantes non pas des zones d’ombre, mais quelques questionnements qui cherchent encore leurs réponses.
Comment un club professionnel qui, en seize années d’existence, avait déjà consommé sept entraîneurs sans qu’aucun n’en fasse une équipe compétitive, a-t-il pu faire appel au coach inexpérimenté d’un club amateur? Et comment celui-ci en est-il venu à adresser une candidature au FC Nantes alors qu’il vivait une existence heureuse dans le petit village de Noyen-sur-Sarthe où il était à la fois patron de bistrot et entraîneur de l’équipe de foot?
Les premiers mois à Nantes, en outre, ont été marqués par de sévères déculottées, notamment un 10-2 encaissé à Boulogne qui aurait condamné n’importe quel entraîneur. Qu’est-ce qui a pu persuader une partie des hommes du club, le président et les joueurs, que cet entraîneur taciturne et méthodique mettait le club sur la bonne voie?
José Arribas monte patiemment une équipe, sans pousser le club à recruter de joueurs onéreux, en misant moins sur les talents individuels que sur leur complémentarité, créant ce style offensif et collectif qui deviendra la marque de fabrique de club, ce qu’on appelle à l’envi le "football à la nantaise".
L’accession de 1963 et les deux titres qui suivent, en 1965 et 1966, seront les premiers effets de cette révolution interne qui installera le club au sommet de la hiérarchie du foot français. La lecture du livre d’André Jaunay se poursuit en suivant José Arribas dans ses expériences hors de Nantes, à Lille, à Marseille et en équipe de France.
L'auteur tente d’élucider les secrets de l'entraîneur nantais, sa vision, ses inspirations, ses relations internes et externes, son héritage chez Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix. Il poursuit à travers des thèmes plus généraux, d’abord la rivalité du club nantais avec l’AS Saint-Étienne puis des réflexions sur la popularité du foot et son évolution.
L’auteur, André Jaunay, ne fait pas partie du sérail du football. Il a écrit plusieurs ouvrages dans son domaine professionnel, le développement territorial. Sa première publication sur le ballon rond, préfacée par Christian Gourcuff et ouvert par un avant-propos de Guy Roux, apporte un œil neuf sur le FC Nantes, son entraîneur emblématique et le football en général.
José Arribas, la fabuleuse histoire du football à la nantaise, André Jaunay, éd. Éric Jamet, 18 euros.