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Jeu sans ballon

Samedi soir, à Liège, l’artiste suisse Massimo Furlan incarnait Enzo Scifo et Nico Claesen en rejouant le huitième de finale du Mondial 1986 Belgique-URSS.

Auteur : Guillaume Balout le 5 Oct 2012

 

 

Depuis quelques minutes, Thierry Luthers grille une cigarette, debout dans son carré de commentateur. Il vient de laisser ses confrères de l’époque, dans la sono du stade de Sclessin, raconter en direct le quatrième but de la Belgique face à l’Union soviétique en huitième de finale du Mondial mexicain, le 15 juin 1986. Dans l’enceinte plongée dans l’obscurité, un quadragénaire grisonnant, affublé d’une tenue des Diables rouges qui trahit une bedaine naissante, fait des courses erratiques dans le halo d’une poursuite. Soudain, à l’entrée de la surface de réparation en face de la tribune III, il jette un regard vers le ciel, singe une reprise de volée puis exulte, bras levés, pour une parfaite action d’ "air football" sous la clameur d’un maigre public.

 

Dans son spectacle Enzo & Nico: e viva Mexico!, Massimo Furlan revisite le célèbre exploit de la Belgique face à la grande URSS de Valeriy Lobanovskyi (4-3), dans la peau d’Enzo Scifo durant le temps réglementaire, puis de Nico Claesen en prolongation. En intégralité et aux gestes près. Pour les Belges, le match du Nou Camp de Leon est un peu leur France-Allemagne 82 – que l’artiste suisse a d’ailleurs interprété en 2006 en incarnant Michel Platini au Parc des Princes. C’était un temps où l’Union soviétique était encore un État et la Belgique se qualifiait pour une grande compétition internationale. Au Mexique, la sélection de Guy Thys est tracassée par des tensions internes et fameuse pour les frasques de son gardien Jean-Marie Pfaff.

 

 


Entre théâtre et air football

Un an plus tôt, Enzo Scifo chantait un prémonitoire Gagné d’avance, bide légendaire de Toto Cutugno et Jacques Duvall. Ce soir, à Sclessin, le prodige d’Anderlecht se présente sous les applaudissements du millier de personnes qui occupe le bas de la tribune d’honneur. Déjà en plein dans sa prestation, Massimo Furlan n’oublie ni les hymnes, ni la photo officielle. Dans cette froide soirée automnale, Thierry Luthers, voix de la RTBF, est chargé de l’accompagner en faisant revivre le bouillant après-midi mexicain dans les petites radios portatives distribuées à l’entrée. Entre chauvinisme guilleret, expressions éculées et clichés, ce Thierry a beau avoir la manie de ses homonymes qui comment(ai)ent du football à la télévision, c’est bien Massimo qui suscite l’attention.

 

 

 

 

Une fois la curiosité de ses étranges déplacements rassasiée, sa performance ouvre une perspective intéressante: celle de suivre un match de manière singulière, en décentrant le regard. Principal objet d’une rencontre de football, le ballon est le grand absent de la partie. Débarrassé de l’incertitude du résultat, le spectateur est contraint de se concentrer sur les mouvements du joueur tout en laissant travailler son imaginaire et sa mémoire. En cela, la première période d’Enzo Scifo, cantonné à son flanc droit et peu sollicité, fait subtilement entrevoir la nette domination soviétique et montre aussi à quel point un footballeur utilise finalement peu la largeur du terrain. Au-delà de la dimension ludique, marquée par les éclats de rires lorsque l’artiste s’écroule ou se contorsionne de douleur après une faute, l’exercice ouvre plus sérieusement une brèche dans la réalisation télévisée d’une rencontre à l’heure où le genre peine franchement à se renouveler.

 

À l’approche de la mi-temps, le public de Sclessin, tiraillé entre la retenue d’une représentation théâtrale et le relâchement d’un match de football, se révèle peu exubérant. Enzo Scifo ne récoltera des applaudissements qu’après un tir de loin sans succès suivi de son retour aux vestiaires. "La vérité du marquoir", chère à Thierry Luthers, plaide pour les Soviétiques: 0-1, Belanov.

 

 


"Il ne nous restait que l’honneur du pays"

Alors qu’on se masse auprès des deux buvettes des loges, Thierry Luthers descend sur la pelouse où il retrouve Nico Claesen et Michel Renquin. Les vrais. Même retraités, les deux Diables rouges n’échapperont pas aux (non) questions que réserve traditionnellement le journaliste de terrain à leurs contemporains. "Dans la première demi-heure, ça venait de partout", lâche l’ancien défenseur, emmitouflé dans son manteau d’hiver. "Après, on a senti les Russes (sic) plus fébriles. Pour tous ceux qui ont porté ce maillot, ce match est une référence. L’Union soviétique était une machine. Guy Thys nous disait que de notre côté, il ne nous restait que l’honneur du pays. La suite du match va être extraordinaire..." Encore un peu et c’en était fait du suspens... Mais déjà, Stéphanie de Monaco et son tube Comme un ouragan accompagnent ceux qui ont pris la peine de rester vers les buvettes.

 

Les demis de Jupiler en retiennent quelques-uns pour le début de la deuxième mi-temps. Ceux-là manqueront l’égalisation d’Enzo Scifo après un long centre de Franky Vercauteren et seront rappelés par la première véritable effusion de joie du public. "Les Russes (sic) sont surpris par la coriace opposition des Belges. Leur jeu est moins précis que tout à l’heure", précise le commentateur alors que "l’Anversois Vervoort, crinière blonde au vent", parvient même à faire barrage à Igor Belanov.

 

L’euphorie se poursuit jusqu’à ce que Massimo Furlan se prenne la tête entre les mains: à la septantième minute de jeu, "ce diable de Belanov" marque d’un nouveau tir croisé. Le moment est à l’abattement, bientôt aux miracles. Annoncé hors-jeu, Jan Ceulemans égalise à nouveau d’une frappe en pivot. Le public se prend au jeu quand "le match commence tout doucement à prendre des proportions héroïques". Ben tiens… Sur un tir d’Ivan Yaremtchuk, "la latte" des buts de Jean-Marie Pfaff sauve les Belges.

 

 


Goldman, Johnny et Grand Jojo

Thierry Luthers convoque le commissaire Bourrel pour "les cinq dernières minutes". Le moment idéal pour épuiser ses comparaisons "rolandiennes", étonnamment laissées jusque-là de côté. Alors, on découvre que Vladimir Bessonov est "blond comme les blés d’Ukraine", que les offensives répétées des Soviétiques "reviennent tel un ressac de la mer de Crimée". À la fin, c’est un Enzo Scifo grimaçant qui rejoint le bord du terrain où il se fait masser sous les airs de Je te donne. Quand il se relève pour la prolongation, Massimo Furlan est Nico Claesen, attaquant chevronné du Standard de Liège, chevelure plaquée sur la tête et numéro 16 dans le dos.

 

Son premier tir est salué mais les piles des transistors ont lâché plusieurs spectateurs depuis longtemps. Il va falloir tendre l’oreille vers le poste de Thierry Luthers jusqu’à la fin de la partie. Ça devrait aller: dans une autre vie, quand il ne commente pas, Thierry chante Johnny. La tête victorieuse de Stéphane Demol annonce "encore quinze minutes avant le plus grand bonheur pour le football belge". À 4-2, certains spectateurs échoueront une nouvelle à attiser l’enthousiasme de Sclessin. Dans les dernières minutes, Nico Claesen et Michel Renquin "montent sur la pelouse" pour recevoir une ovation pendant que Massimo Furlan s’escrime une dernière fois avec ses adversaires fantômes.

En fin de partie, Igor Belanov inscrira son triplé sur penalty et "Zean-Marie" évitera aux Diables rouges une séance de tirs au but. Thierry Luthers peut écraser son mégot. Grand Jojo entonne E viva Mexico dans la sono quand les derniers spectateurs quittent le stade.

 

Réactions

  • Richard N le 05/10/2012 à 11h48
    Excellent article sur un artiste passionnant. Outre Scifo et Claesen, outre Platini, Furlan a également joué Hans Krankl, Jurgen Sparwasser, Zbignew Boniek... Ce qui doit représenter un énorme travail.

  • narcoleps le 05/10/2012 à 16h06
    (d'abord une remarque vitale: ce n'est pas en fin de partie que Belanov inscrit le troisième but soviétique, mais dans la minute qui suit le 4-2, il restait encore dix minutes à stresser).

    Super article. Je n'ai pas vu la performance de l'artiste (quel boulot de préparation ce doit être), mais le texte en donne une bonne idée, très chouette à lire.

    Je dubite par contre sur l'intérêt autre qu'événementiel et théâtral: tous les gestes d'un footballeur ne s'expliquent que par le mouvement du ballon et celui de ses partenaires et adversaires, sans eux, comment par exemple comprendre toute l'intelligence d'un simple pas en avant quand est tendu le piège du hors-jeu ?.

La revue des Cahiers du football