Faut-il changer la règle du penalty ?
Des polémiques sans fin agitent les après-match à propos de penalties. Et si l'on réformait la règle, pour plus de justice dans la sanction?
"Il y a juste à aller voir une caméra (sic) et on plie le débat": vendredi soir, à la fin du match contre Lille, le gardien lensois Jean-Louis Leca, s'est emporté contre l'arbitre, coupable de ne pas être allé vérifier par lui-même les images du penalty sifflé contre son équipe en tout début de match.
Le surlendemain, c'est Damien Da Silva, capitaine du Stade rennais, qui, à la pause de la rencontre contre le PSG, reprochait à Rudy Buquet d'être allé regarder les images d'un contact dans la surface parisienne – une attitude qui aboutirait toujours, selon lui, à trouver des fautes, même minimes (difficile de lui donner tort).
La sanction et le contexte
Inutile de débattre ici pour trancher dans un sens ou dans un autre. La question n'est pas de savoir s'il y avait bien faute(s) ou non, mais simplement de constater, une fois encore, que les cas susceptibles de susciter des penalties sont extrêmement nombreux et complexes à arbitrer. Et que la sanction qui en découle est bien souvent disproportionnée: elle génère un but dans 75% des cas [1].
Car Bamba et Kurzawa, respectivement victimes des fautes lensoise et rennaise, avaient-ils 75% de chances de marquer un but sur les actions en question? Pour l'attaquant nordiste, difficile d'être formel, mais les xGoals répondraient probablement par la négative. Quant au latéral parisien, la réponse est plus aisée, la faute ayant été commise après sa reprise infructueuse.
En droit pénal, on adapte la sanction en fonction du contexte dans lequel la faute a été commise. Dans le cas des penalties au football, ce contexte se limite à la zone géographique dans laquelle elle se produit: la surface de réparation. La VAR a même intensifié cette "décontextualisation", en supprimant progressivement la notion d'intentionnalité pour les fautes de mains.
Concrètement, aujourd'hui, toute faute commise dans la surface entraîne la même réparation (à la couleur du carton près pour le fautif), qu'il s'agisse d'un anodin et involontaire croc-en-jambe dans un coin de la surface ou d'une faute grossière pour empêcher un but.
Afin de mettre fin à cette situation, il faudrait donc simplement accepter que la sanction du penalty soit une sanction majoritairement injuste. Et que cette injustice ne peut que générer une incompréhension ou une colère légitime chez ceux qu'elle sanctionne.
Arbitrage en zone
Plutôt que de chercher constamment à vouloir vérifier, checker au millimètre, ou adapter les règles pour les rendre compatibles avec l'outil, il semblerait plus simple de revenir à l'esprit d'une sanction équitable: une sanction qui pénaliserait le plus sévèrement uniquement les fautes qui annihilent une occasion de but manifeste.
Plus de penalty pour des mains sans conséquence, pour des fautes sans gravité ou manifestement involontaires. On n'octroierait cette réparation que pour sanctionner des fautes sur les actions qui sont le plus susceptibles de se rapprocher de ces fameux 75% de chances de se transformer en but.
Et cela quelle que soit la zone dans laquelle est commis l'attentat à l'esprit du jeu: un joueur qui part seul au but à quarante mètres des cages, et qui se fait faucher par le dernier défenseur serait tout aussi légitime à en bénéficier que le défenseur maladroit (mais agressé du tibia) qui envoie sa volée dans les tribunes vides du Roazhon Park…
Mais les amateurs de football sont-ils prêts à renoncer à cette sanction prosaïquement spatiale, qui figure dans le corpus réglementaire de ce jeu quasiment depuis ses origines (le penalty étant apparu en 1891, à peine trente ans après la première codification des règles)?
Surtout, le monde du football semble peu disposé à accepter qu'on remette de l'interprétation dans la façon de dispenser les sanctions, alors que l'usage de la vidéo a imposé une conception binaire, administrative et "technologique" de l'arbitrage, selon laquelle on sanctionne ce qu'on voit sur les images sans plus chercher à comprendre les situations de jeu.
[1] Statistiques tirées du "Guide ultime des penalties", étude publiée sur Facebook par l'institut InStat le 6 février 2019. Basé à Dublin, il est l'un des leaders de l'analyse statistique de la performance sportive.