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Entretien avec Vincent Guérin

Le football professionnel français n'est pas épargné par les affaires de dopage. Depuis trois ans, plusieurs d'entre elles ont éclaté et ont concerné presque exclusivement une substance, la nandrolone. En rencontrant Vincent Guérin, dont l'annulation du contrôle positif d'octobre 1997 a été tout récemment confirmée en appel, nous avions l'occasion de discuter avec le protagoniste d'une de ces affaires, d'entendre les arguments d'un sportif mis en cause et qui ne s'est pas défendu en se contentant d'un vice de forme. Cet entretien ne suffit évidemment pas à trancher dans un débat très difficile, mais au moins met-il en évidence certaines incohérences d'une lutte antidopage loin d'être aussi transparente et vertueuse qu'elle devrait l'être.

Auteur : la Rédaction le 9 Mai 2000

 

 

Un an après sa retraite sportive, Vincent Guérin, qui travaille désormais pour le site de Canal+ et intervient comme consultant sur la chaîne, reste très marqué par l'affaire qui a compromis la fin d'une carrière sportive exceptionnelle. Si le sujet est sensible, il ne rebute pas notre interlocuteur, très désireux de s'exprimer sur un sujet auquel il s'est beaucoup consacré. Sans se lasser, mais sans non plus pouvoir atténuer la blessure, il s'exprime donc, et son récit se veut une dénonciation, parfois accablante, du système un peu ubuesque qui l'a condamné.

 

Vincent, vous avez arrêté votre carrière il y a un an, est-ce que la reconversion est aussi difficile qu'on le dit?


C'est vrai, cela fait maintenant quasiment un an jour pour jour que j'ai arrêté, puisque c'était en mai 99. La reconversion est un cap très difficile pour les footballeurs, parce que nous sommes quelque part livrés à nous-mêmes. Nous avons été plus ou moins assisté pendant notre carrière, même si individuellement chaque personnalité se démarque pour essayer de trouver autre chose et pour ne plus être assisté justement. Mais c'est un cap difficile parce qu'on ne sait pas dans quelle direction aller en quittant un métier de passion qu'on a connu pendant 15 ans, je dirais presque 25 ans. On choisit de faire du football son métier à un certain moment, à 18 ans pour moi, mais on a toujours baigné dans le football depuis l'enfance, depuis l'âge de 8 ans en ce qui me concerne. Il y a ensuite un no man's land devant soi, vis à vis de son avenir professionnel, de son statut social, de son identité, parce qu'effectivement on a été en pleine lumière pendant 15 ans, et d'un seul coup toutes les lumières s'éteignent et on devient Monsieur Tout-le-monde, même si on a un nom, une aura, et cela dépend des carrières… Moi, j'ai déjà eu ce privilège, cette chance de faire une carrière que beaucoup de joueurs m'envient certainement, et j'en suis très conscient.


J'ai donc choisi d'embrasser dans un premier temps une carrière qui a trait à la télévision et tout ce qui est "consultanat" par l'intermédiaire de Canal+. Je garde un lien avec le terrain, avec le milieu du football et des joueurs, c'est assez important. Je m'intéressais aussi à l'informatique et j'ai eu l'occasion avec Laurent Fournier de voir ce que fait Canal+, qui cherchait du monde avec une certaine compétence professionnelle, et qui s'intéresse à l'Internet. Ça nous a tout de suite intéressés et nous avons choisi cette filière en suivant une formation, avec des modules caméra, Internet, écriture journalistique etc.

 

Et une reconversion plus directement en lien avec le terrain, une fonction technique dans un club ou comme entraîneur ne vous a pas tenté?


Si, mais il faut dire que maintenant le métier d'entraîneur est de plus en plus difficile, à la limite du supportable. Il y a trop de choses qui entrent en ligne de compte. Il y a peu être 20 ans, le métier d'entraîneur était sain, dans le sens où il faisait à peu près tout ce qu'il voulait. Il avait une grande liberté, une sorte d'harmonie avec les joueurs — même s'il y avait déjà quelques soucis avec certains. Au fil du temps, ces problèmes avec les joueurs sont montés en puissance, mais ils n'étaient pas insurmontables. Mais il y a eu ensuite une pression médiatique qui est montée au fil des années, en même temps que la pression financière et celles des dirigeants, des présidents, des managers, des joueurs, des supporters, des médias. Il faut savoir gérer tout cela et je ne sais pas si un homme peut y arriver. C'est un métier très dur, très prenant et qui oblige à mettre sa vie familiale de côté. Il faut savoir faire ce choix, certains le font mais on voit vraiment les gens vieillir très vite…

 

Laurent Fournier a pris un coup de vieux l'an dernier par exemple?


Non, parce qu'il l'a fait peu de temps. Maintenant, je suis parisien, ça m'aurait intéressé d'avoir un rôle dans le club. Ça m'intéresse toujours. Ça ne s'est pas fait, tant pis, c'est comme ça. Je trouve dommage que dans un club comme Paris il n'y ait pas d'anciens joueurs dans l'encadrement, que ce soit moi ou d'autres. C'est complètement aberrant: tous les grands clubs forgent leurs racines à travers des gens qui en sont issus et conservent leur mentalité, leur identité.

 

Cela a été un peu dû au changement de direction du PSG, au moment de l'arrivée de Charles Biétry avec sa volonté de faire table rase?


C'est évident, mais ça prouve surtout qu'il n'y a pas véritablement une identité chez ces clubs-là, et ça je pense que ça manque. Il faut profiter des gens qui passent dans les clubs. Il y a eu beaucoup d'internationaux au Paris-Saint-Germain, il faut se servir d'eux, ils ont un passé, un vécu. C'est aberrant de se passer d'eux, qui en plus n'ont qu'une envie, c'est de travailler pour leur ancien club. Tous ceux qui sont passés par Paris, même issus d'autres régions, ils s'en souviennent tous…

 

Même Anelka…


Oui, et il y en aura d'autres. Je parle surtout des joueurs qui ont joué il y a 15 ans ici. Paris, cela représente quelque chose pour eux. Antoine Kombouaré est arrivé cette année (au centre de formation ndlr), c'est le seul "ancien joueur" qui est intégré dans le staff.

 

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Le 29 mars dernier, la cour d'appel du tribunal administratif de Versailles a confirmé l'annulation pour vice de forme de votre contrôle positif à la nandrolone du 5 octobre 1997. Avez-vous été surpris ou déçu que cette décision n'ait pas été plus reprise et commentée dans la presse?


Non, parce que je m'y attendais. A partir du moment où on anticipe les choses, elles sont moins lourdes à supporter, il n'y a pas de surprise. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il y ait beaucoup de répercussions dans les médias. C'est toujours le cas dans ce genre d'histoire, malheureusement.

 

Que représente cette décision pour vous? Est-ce la fin d'une procédure et d'une affaire qui vous a déjà beaucoup coûté et que vous allez laisser derrière vous?


Non, ce n'est pas la fin. C'est quelque part satisfaisant sans l'être. C'est un aboutissement logique. J'ai eu cette chance dans mon cas d'obtenir un vice de forme presque indépendamment de ma volonté. Au départ, quand je suis passé devant toutes les commissions —j'en avais parlé avec mon avocat— je voulais surtout avoir la vérité scientifique. C'est pour cela que j'ai fait beaucoup de tests: un nouveau test urinaire à Lausanne, un test capillaire à Strasbourg, puis je suis allé voir le Pr Schanzer à Cologne qui est la référence pour les anabolisants. Tous ces tests se sont révélés négatifs. J'ai même un dossier scientifique de ce professeur sur mon contrôle du 5 octobre. Je suis passé devant la commission d'appel dopage de la FFF avec ce papier qui établissait qu'en Allemagne jamais mon cas ne serait considéré comme un cas de dopage. Mais les dés étaient déjà pipés, nous avons servi de boucs émissaires. Lui considérait de toute façon qu'il y avait production endogène, ce qui n'est pas le cas en France. L'autre point, c'est que dans la nandrolone, il y a deux métabolites (qui sont identifiées dans les urines ndlr), la 19NA et la 19NE. Quand il y a dopage à la nandrolone, la plupart du temps l'une d'elles est beaucoup plus présente que l'autre, dans des proportions très nettes. Dans mon cas comme dans certains autres, la proportion est inversée, ce qui est déjà une ambigüité.


Mon avocat m'a dit que la preuve scientifique de la production endogène pouvait venir, mais que cela pourrait aussi prendre du temps. En tant qu'avocat, il m'a conseillé de dénoncer les procédures qui n'ont pas été faites dans les normes. Je lui ai fait confiance. Mais je me suis rendu compte que toutes les preuves scientifiques que je pouvais apporter, quelles qu'elles soient, ils n'en avaient vraiment rien à faire. J'ai donc bien fait d'écouter mon avocat.
La loi sur le dopage a été transgressée, et c'est un vice de forme très sérieux. La loi indique que le médecin doit être assermenté (Christophe Dugarry a été blanchi sur ce point), que le prélèvement d'urine doit faire 70ml répartis dans deux flacons équivalents. Lors de mon contrôle, il n'y avait que 60 ml et ils ont été répartis de façon totalement inégale (45/15). Les droits du sportif, c'est là où c'est intéressant, ne sont plus respectés dans la mesure où il n'a plus les mêmes chances de pouvoir se dédouaner, puisque le deuxième flacon n'a pas la même quantité que le premier (le second sert aux contre expertises ndlr).


On s'est aperçu en faisant effectuer des recherches dans un laboratoire de Chatenay-Malabry (qui n'a rien à voir avec celui qui est agréé par le CIO ndlr) que sur chaque expertise urinaire, il y a une marge d'erreur fixe. Un directeur de laboratoire agréé par le CIO le sait pertinemment, ou alors c'est un incompétent. Sibierski avait 2,1ng. Ce qui est intéressant pour Sibierski, c'est qu'il a été condamné en première instance comme nous tous, avec 2,1ng. (le seuil de positivité est de 2ng/ml ndlr). Mais après cela, il ne voulait même pas faire appel, il ne voulait plus en entendre parler, purger sa peine et point à la ligne. On a 5 jours pour faire appel. Moi, je jouais à Bastia et j'avais appris sa décision. J'ai pris mon téléphone l'après-midi, alors qu'on jouait le soir. J'ai passé une heure et demi avec lui et le Dr Francis Lepage du PSG pour le faire changer d'avis et lui faire comprendre qu'il fallait absolument qu'il fasse appel et qu'il soit blanchi. C'est ce qui s'est passé. Sinon, il purgeait ses 6 mois.


J'insiste sur ce point, un directeur de laboratoire sait ce genre de chose. Le cas de Sibierski n'aurait jamais dû sortir. Jamais! Il faut aussi savoir autre chose. J'avais choisi M. Bonner comme contre-expert. Cinq contre-experts sont agréés par le Ministère de la jeunesse et des sports, il y a donc de la concurrence. Il s'est aperçu d'une chose parfaitement anormale, qu'il n'avait jamais vue: dans les échantillons-étalons, qui sont sensés être complètement purs et ne contenir aucune substance —et surtout pas de la nandrolone— ces échantillons prélevés apparemment sur des laborantins contenaient des traces de nandrolone, dans des taux très bas mais bien réels. M. Bonner a subi des pressions très fortes de la part du ministère. On lui a retiré deux subventions d'état et par la suite, il a appris dans un courrier qu'il ne faisait plus partie de la liste des contre-experts agréés… Il s'est posé la question de la production naturelle et mené une étude sur 30 personnes lambda. Il s'est aperçu chez ces 30 personnes qu'il y avait présence de nandrolone, à des taux infimes mais chez tout le monde. Cette étude scientifique, il l'a produite aux Etats-Unis. Il a dû la faire valider aux Etats-Unis et pas en France…

 

Beaucoup de ces affaires se concluent par des décisions de justice qui établissent un vice de forme…


C'est faux, Arribagé a purgé 6 mois, Pouget 6 mois, Bouras 15 mois. Il y a un handballeur qu'on a oublié, Zuniga, qui a pris un an de suspension avec sursis. Ce n'est quasiment rien, alors qu'apparemment c'est lui qui avait les taux les plus élevés de tous les sportifs. Encore une aberration. C'était un gamin, ça lui est tombé dessus et il s'est retrouvé complètement perdu. Un an avant, il y avait eu Garcion. Et Garcion, je pense que c'est pareil, c'est un garçon qui certainement n'avait rien pris et qui s'est fait massacrer. Je pense que sa carrière a tourné court à cause de ça.

 

Mais pour ces affaires qui se concluent sur un vice de forme comme celles de Dugarry et la vôtre, quand on a été confronté à certaines incohérences de la lutte antidopage et au doute scientifique, n'est-ce pas un peu frustrant que ces affaires ne soient pas tranchées sur le fond, qu'elles laissent les choses dans le doute, au préjudice des joueurs eux-mêmes?


Tout à fait. Déjà, le doute n'a jamais bénéficié aux sportifs, alors qu'il était plus que flagrant. Nous avons essayé de tout faire scientifiquement, d'aller voir les meilleurs experts comme Pascal Kintz à Strasbourg, notamment pour faire le test capillaire, qui permet de remonter dans le temps: j'avais 3 centimètres pour revenir 3 mois en arrière jusqu'en septembre, ce qui était largement suffisant puisque mon contrôle était en octobre. Il faut savoir que la nandrolone est vraiment un produit bas de gamme, on est sûr d'être pris au premier contrôle. Celui qui veut vraiment se doper ne prend pas ce produit-là. M. Kintz m'a dit: "L'intérêt de ce produit-là c'est soit de le prendre en doses massives et là on va retrouver des taux hallucinants; ce n'est pas votre cas. Soit on le prend en petites doses, mais on va le retrouver dans le temps. Vous allez avoir des taux bas mais très longtemps". Les tests capillaires ont été négatifs. Nous avons donc fait toutes les démarches scientifiques que nous pouvions faire, elles se sont révélées négatives. Nous avons l'impression d'avoir en face de nous des gens qui n'ont pas d'objectivité, pas de réflexion. Alors, effectivement, il y a des affaires où nous avons été blanchis sur la forme. Nous ne pouvons pas être totalement satisfaits de cela, mais, quelque part, nous n'avons pas eu en face de nous des gens d'une grande fiabilité, et à mon avis d'une grande impartialité, parce qu'il y avait aussi le ministère de la jeunesse et des sports derrière qui a fait un gros forcing médiatique pour lutter contre le dopage. Nous avons été des pions qui servaient la cause de Mme Buffet. C'est un dossier complètement bancal. Il faut savoir que des cas de nandrolone il y en a dans le monde entier, dans différentes disciplines et avec des taux très bas.

 

Le problème, c'est donc qu'au niveau disciplinaire on continue à prendre des sanctions alors qu'au plan scientifique les certitudes ne sont pas acquises?


Un peu moins. Un triathlète contrôlé positif en 1998 a été blanchi par le tribunal arbitral du sport. C'est le premier sportif qui est blanchi pour la nandrolone. C'est une avancée indéniable. Jean-Michel Ferret s'est exprimé à ce sujet lorsque qu'il y a eu l'affaire de la FIFA (dont le porte-parole Andreas Herren avait déclaré début mars que la FIFA ne pouvait plus sanctionner les cas de nandrolone, suite à une étude prétendument révélée. Voir CdF 24 ndlr), mais il a un devoir de réserve. Il a quand même annoncé qu'au mois de septembre, il avait fait un test sur six joueurs avant et après un match. Les 6 étaient négatifs avant le match, il y en a eu deux positifs à la nandrolone après le match, un légèrement au dessus de 2 ,et l'autre, allègrement au dessus. C'est bien qu'il existe une présence endogène, c'est clair. La FIFA s'est exprimée là-dessus, mais on a tout de suite relevé le bouclier. Il est évident qu'ils vont devoir trouver une porte de sortie.

 

Lorsque le porte-parole de la FIFA a déclaré qu'il ne pouvait plus considérer les cas positifs à la nandrolone, puis s'est rétracté, on assisté à un débat très confus. Des scientifiques qui avaient participé à cette étude (qui daterait en outre de 1998 et était déjà connue) ont démenti qu'elle puisse conclure à une production endogène, des témoignages inverses ont été entendus. On a l'impression que le débat scientifique sur le sujet n'est vraiment pas tranché.


Non, mais il évolue. De mon temps, on considérait que des traces de nandrolone signifiaient "dopage". Ce n'est plus le cas maintenant. Je suis passé sur LCI avec le Pr Escande, qui a répondu à une question de Pujadas (c'était la dernière question): "Est-ce que la nandrolone est produite naturellement?" Il a répondu: "C'est comme si vous me demandiez si les crampons des chaussures des footballeurs poussent sur les terrains de foot". Il était président de la commission antidopage. Quand vous entendez quelqu'un comme ça qui se prononce vraiment par l'affirmative et qu'ensuite vous apprenez que la nandrolone existe à l'état naturel, on se dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Vous n'avez pas affaire à des gens compétents.

 

Dans le même temps, il y a des scientifiques qui soutiennent quand même que la production endogène ne peut pas exister.


Ce n'est pas un phénomène qui se produit tout le temps. Malheureusement, on ne peut pas reproduire facilement la production endogène. Il faut qu'il y ait des facteurs, x ou y, je ne peux pas vous le dire, je ne suis pas scientifique, qui font qu'on est dans un état de dépassement, de sublimation, de motivation extrême, de déshydratation par exemple (c'était mon cas)… Le problème se situe là.

 

La question est donc bien qu'en l'absence de certitude, les instances sanctionnent quand-même…


Tant qu'il n'y a pas de certitude, pourquoi condamner? Une carrière de sportif est trop aléatoire, trop courte et pour une vie d'homme on n'a pas le droit de faire ce genre d'erreur. Pour moi, c'est impardonnable.

 

Il semble aujourd'hui, à propos de la nandrolone, qu'il y a 3 grandes hypothèses. Soit les tests sont fiables et il y a des conduites dopantes. Soit il y a une production endogène, qui est mal établie mais qui pourrait invalider toutes les procédures qui ont eu lieu jusqu'à maintenant. La dernière hypothèse, qui a pris de plus en plus d'importance ces derniers temps, est celle de la pollution de compléments alimentaires ou vitaminiques "pollués" par des produits interdits, non mentionnés dans la composition.


J'en suis tout à fait conscient, mais moi je suis à des années-lumière de tout cela parce que je prenais très peu de choses. Ce sont des produits très spécifiques qui ont été mis en cause en Italie par exemple, pas des vitamines mais plutôt des compléments nutritionnels. Toutes ces choses-là je les entends, mais pour moi ce n'est pas la bonne explication. Pour mon cas, c'est la production endogène. Au point de vue médicaments et vitamines, j'étais quelqu'un qui prenait vraiment très peu de choses. La pollution alimentaire est une solution que je n'ai jamais envisagée, même si au départ nous avions étudié toutes les hypothèses, même les plus inenvisageables pour moi dans un premier temps.

 

Mais l'hypothèse de la pollution n'est-elle pas la plus plausible pourtant?


A mon avis, c'est celle qu'ils veulent faire passer. Parce qu'elle dédouanerait tout le monde: les fédérations, les ministères, les fédérations internationales de nombreuses disciplines et même les joueurs. C'est une solution qui arrangerait tout le monde. Mais ils ne me feront pas avaler ça.

 

Ne peut-on pas penser que les sportifs auraient du mal à soutenir cette explication, dans la mesure où elle confirme l'existence de pratiques un peu "limite" (à l'exemple de la créatine) dues notamment à l'intense médicalisation du sport de haut niveau, aux pressions extérieures et aux contraintes physiques? Ils auraient du mal à admettre ces pratiques…


Dans mon cas, cette solution est bannie. D'autre part, ce qui est quand même un peu bizarre, c'est que dans différentes disciplines on a contrôlé des sportifs avec les mêmes taux, ce qui voudrait dire qu'ils prendraient tous les mêmes produits pollués dans un temps identique, alors que les métabolismes sont tous complètement différents. Je pense que cette hypothèse pourrait être valable dans certains cas, mais il ne faut pas la généraliser. Et surtout pas dans mon cas, c'est évident.

 

Dans le premier numéro des Cahiers du football, il y avait un article qui dénonçait un peu l'attitude de Christophe Dugarry, qui s'était déclaré prêt à partir au combat pour démontrer les incohérences des instances et du ministère dans la lutte antidopage, mais qui avait renoncé à ce combat dès que le vice de procédure a été prononcé.


Il y a peut-être eu un marché de conclu, je ne sais pas… À part Arribagé et moi, personne n'est allé jusqu'au bout.

 

Cela confirme l'impression que le vice de forme est une façon de clore l'affaire, de tourner la page et de fermer le débat, alors que les revendications initiales de Christophe Dugarry étaient parfaitement légitimes.


C'est vrai que ce n'est pas facile. Le cas de Sibierski est révélateur. A partir du moment où il a été blanchi, c'était terminé. Il a morflé, il ne voulait plus en entendre parler. Quelque part c'est humain aussi.

 

——————

Nous évoquons ensuite l'intensification des compétitions et les risques d'incitation au dopage, dont Vincent Guérin pense qu'ils sont limités par la croissance des effectifs.

 

Avec votre expérience douloureuse, que pouvez-vous suggérer pour que la lutte antidopage en France soit plus cohérente et efficace?


Qu'il y ait des gens compétents. C'est la première des choses. Parce que c'est un domaine qui n'est pas facile. Il faut des gens formés pour ce domaine, notamment dans les commissions fédérales. Ce sont des médecins, mais pour moi, le domaine scientifique du dopage n'est plus de la médecine. C'est un pôle très particulier, dans lequel il faut être extrêmement pointu. Personnellement, je n'ai pas eu la sensation d'avoir eu affaire à des gens compétents.


Il faut des juristes aussi. Quand on s'évertue à avoir une politique antidopage, il faut être transparent et fiable, ce qui n'a pas été le cas. Il faut de la compétence dans les contrôles et dans l'application de ces contrôles. C'est tout le système qui est bancal. Après, je pense que l'idée du suivi longitudinal est une bonne chose. Dans le football ce n'est pas nouveau, il existe depuis longtemps.


Quand on voit les moments très difficiles que nous avons vécu… J'ai pleuré deux fois à cause de ça. J'ai joué un match 3 jours après contre Lens, j'étais dans un état de stress terrible et dans le vestiaire j'ai craqué. Je n'en pouvais plus, je ne dormais plus à force de chercher l'explication. J'ai explosé. J'ai explosé une autre fois à l'entraînement. Ce sont des choses qui marquent, qui détruisent, c'est impardonnable. On est marqué à vie.

 

Quand on est un observateur extérieur, on a le sentiment que la seule ligne de défense des sportifs contrôlés est la dénégation absolue, comme s'il ne pouvait pas y avoir de cas réels de dopage. Est-ce que ça ne nuit pas à la crédibilité de toute démarche?


Il y a quand même des sportifs qui ont reconnu s'être dopé, dans le cyclisme, comme Chiotti récemment. Mais je ne veux pas rentrer dans le débat du vélo. Arribagé et moi, nous avons fait des démarches scientifiques. Si vraiment nous n'en avions rien eu à faire, nous n'aurions fait aucune démarche. Nous faisions appel sur le vice de forme et point à la ligne. Nous avons essayé de faire la lumière, nous sommes allés loin. Si nous avions pris des produits, la démonstration aurait été vite faite: que ce soit par le laboratoire de Cologne, par les tests capillaires réalisés 15 jours après, si réellement il y a avait eu dopage, cela aurait été mis en lumière tout de suite. Quand nous sommes allés voir ces gens-là, c'était dans la méconnaissance de ce qui allait arriver. Nous sommes allés dans l'inconnu, en voulant abattre les cartes soit dans un sens soit dans l'autre. Et la vérité a été inversée, c'est-à-dire que les tests qui ont été faits se sont tous révélés négatifs.

 

Mais cette loi du silence et cette renonciation de certains sportifs ne portent-t-elles pas préjudice à ceux qui font des démarches, qui recherchent des avis scientifiques, qui alimentent le débat?


Certainement, mais chacun voit midi à sa porte, je ne peux pas me mettre à la place des autres, je ne peux pas me mettre à la place d'un mec qui se dope. Chacun voit s'il est d'accord avec sa conscience, avec ses valeurs. Quand il vous arrive tout cela, vous avez l'impression que toutes ces valeurs tombent à l'eau. C'est terrible aussi, ça fait partie intégrante de tout ce que j'ai vécu. On se rend compte que c'est le pot de terre contre le pot de fer. De toute façon je me dis que j'ai été un bouc émissaire dans cette affaire-là. A mes yeux c'est clair. Quels que soient les tests, même si nous avions pu prouver par A plus B que nous ne nous étions pas dopés, le laboratoire était agréé par le CIO et il y avait la Coupe du monde à venir. Il y avait un marché et il ne fallait surtout pas casser ce marché, parce qu'il y avait de l'argent en jeu et une politique de lutte antidopage. Il était donc impossible d'inverser la tendance. C'est aussi pour cette raison qu'ils ne sont pas près de se démentir, il y a trop d'enjeux au niveau des postes et des carrières. C'est pour ça qu'il y a des controverses.

 

Cela renforce l'idée que ce dont la lutte antidopage a le plus besoin, c'est de transparence.


Oui mais il n'y en a pas. M. Audureau, le président de la commission fédérale, a déclaré des choses complètement insensées, je ne me souviens plus des termes exacts, mais il a dit (après que Pouget soit passé) que dans le doute, on ne pouvait pas sanctionner. Nous passions un mois et demi plus tard, et il a sanctionné. Quand je me suis présenté devant cette commission —il faut savoir qu'ils sont cinq— , mon avocat a commencé à prendre la parole et s'en est pris à M. Sadoul, qui s'était exprimé vis-à-vis de Pouget en disant que si on avait sanctionné Garcion, comment alors ne pas sanctionner Pouget? Il n'avait pas le droit de dire ça dans la presse, le dossier n'était pas instruit. Sadoul a quitté la commission. Le lendemain dans la presse, Audureau a déclaré que deux membres étaient contre les sanctions. Ils étaient logiquement à deux contre deux. La majorité s'est faite comment? Apparemment Sadoul a dit "Je me rallie à la majorité". Il n'était plus là. C'est quasiment un vice de forme, entre guillemets. C'est complètement anormal.

 

Vous avez eu l'occasion de vous exprimer auprès du ministère?


J'ai rencontré une fois un directeur de cabinet, M. Smajda. Je suis resté deux heures avec lui, j'ai cru que ça allait très mal se passer. Et ça s'est très mal passé. Son langage c'était de dire "vous les sportifs, vous vous dopez tous". Le débat était déjà clos.

 

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Pour conclure en reparlant un peu de football, que vous a inspiré la défaite du PSG en finale de la Coupe de la Ligue?


Je suis déçu. Dans la carrière d'un joueur une finale ne se représente pas toujours. Dans ma carrière j'ai eu l'occasion d'en disputer sept et d'en gagner six, j'ai eu aussi ce privilège de remporter la plupart de celles auxquelles j'ai participé. J'ai connu Albert Rust, il disputait sa première finale à 36 ans. C'est pour ça qu'il faut toujours donner le maximum pour ne pas avoir de regrets, parce qu'une finale perdue reste toujours en travers de la gorge.

Il n'y a qu'Alain Roche qui est sûr de toutes les gagner…
Oui

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