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Entre noir et blanc

Les bons sentiments s'accommodent bien de l'hypocrisie ou du manichéisme. Et certains font campagne contre le racisme en restant sourds au racisme...

Auteur : Jamel Attal le 8 Fev 2005

 

 

La "chronique bolchevique" du numéro 13 des Cahiers évoque le sursaut antiraciste du monde du football, au terme d'une année 2004 marquée par la forte visibilité d'incidents dans les stades et à leurs alentours, dans toute l'Europe. Nous y déplorons la passivité des institutions sportives, qui se contentent de déclarations d'intentions vertueuses et de fabrications de t-shirts bien intentionnés.

 

Nous interrogeons aussi la légitimité d'une multinationale comme Nike à mener campagne sur ce sujet forcément consensuel, avec tous les (énormes) bénéfices induits en termes d'image et de médiatisation gratuite (1). S'il faut bien reconnaître que la société met en œuvre des moyens très importants avec une réactivité remarquable, de la part d'un symbole de la surconsommation du Nord et de l'exploitation de la main d'œuvre à bon marché du Sud, il y a de quoi tiquer un peu.

 

Relevons qu'au Parc des Princes, au milieu du chaos de PSG-Lens, une banderole "Avec Nike pas de racisme, tous les enfants à l'usine!" a été déployée côté Auteuil (une autre, plus allusive, détournait le slogan en lançant "Le PSG de Graille : Sit down, shut up"). On aura certes vite fait de faire un sort à ces scrupules en considérant que "si les instances ne réagissent pas, une telle initiative est forcément bienvenue", ou que la campagne "Stand Up, Speak Up" aura au moins le mérite de faire évoluer les mentalités (2)... Sauf qu'il y a de bonnes raisons de penser que la bonne conscience est l'ennemie de la conscience, et ce depuis fort longtemps.

 

 

Le simplisme au service de la diversité ?
Les signes mobilisés par cette campagne posent déjà problème. D'abord dans le choix du symbolisme grossier du noir et du blanc, qui semble s'opposer l'un à l'autre, opposer les uns aux autres. L'idée de faire jouer Lens et Paris (et mercredi l'Angleterre et les Pays-Bas) chacun dans une "couleur", résume bien le caractère simpliste et manichéen de ce choix. Cette mise en scène semble d'ailleurs émaner en droite ligne de la conception américaine des "races", écrasant littéralement toutes les nuances du métissage (3).

 

Et quid du racisme qui touche moins la couleur de peau que l'appartenance à une ethnie, juive ou arabe par exemple? L'arc-en-ciel aurait été plus indiqué que ce code binaire, à l'image d'un bracelet double où le noir et le blanc se croisent, mais ne se mélangent pas... Illustrant cette faille, le message a suscité des détournements prévisibles de la part de membres de la tribune Boulogne, lesquels ont sorti une banderole "Allez les blancs" en reprenant ce slogan par la voix. Histoire de lutter plus efficacement contre les faux-semblants des appartenances et des identités, on aurait peut-être mieux fait d'inviter les équipes à échanger purement et simplement leurs maillots avant le match. Mais les sponsors n'auraient pas été contents.

 

Racisme partout, mais pas chez nous
On aura aussi rapidement pu apprécier les limites de cette adhésion de principe. À l'occasion de ce même PSG-Lens, Thierry Henry lui-même était invité par Canal+ pour évoquer sa mobilisation (dont on doit le féliciter, sa corporation se signalant généralement par son indifférence à toute lutte politique). Et il aura fallu une sacrée dose d'autocensure, d'hypocrisie voire de schizophrénie pour que les journalistes de la chaîne, pourtant empressés de s'associer à la campagne, occultent totalement au cours de la retransmission les banderoles et les cris racistes (4).

 

Ce qui nous a valu une scène surréaliste avec l'interview d'Henry à la mi-temps du match, Hervé Mathoux lui demandant notamment s'il fallait interrompre les rencontres ou quitter le terrain lorsqu'un match est ponctué de manifestations racistes... Alors qu'il avait sous les yeux un tel exemple. En résumé, au Parc des Princes, il y avait la meute des singes (qui poussaient des cris de singe), mais aussi les trois singes de la fable, qui ne veulent ni voir, ni entendre, ni parler.

 

Tout le monde n'est pas égal devant l'antiracisme
Autre signe de la médiatisation très différentielle des actions antiracistes: alors que la campagne de Nike est massivement reprise sur tous les médias, sans jamais la moindre interrogation sur les ambiguïtés de cette promotion collatérale (notons par exemple que les porte-parole de ce message sont exclusivement des joueurs sous contrat avec la marque), on ne peut que souligner l'indifférence habituellement absolue des médias spécialisés à l'égard des initiatives prises par des groupes de supporters ou des associations comme FARE (Football against racism in Europe — voir la Revue de stress du n°10 des CdF), dont la journée annuelle est relayée par certains Ultras. Évidemment, pour montrer les banderoles intelligentes (comme les banderoles stupides), il faudrait d'abord que les télévisions cessent d'appliquer la consigne de la Ligue leur ordonnant de ne pas les filmer, et endossent pleinement leur devoir d'information au lieu de véhiculer des visions partielles, incompatibles avec la complexité et la profondeur des problèmes. Et pour poser un regard un tant soit peu critique sur la com' de Nike, il faudrait probablement avoir un peu moins peur de se fâcher avec un annonceur aussi puissant.

 

> Post-scriptum : histoires de singes
En marge de ce débat, on peut aussi remarquer qu'en stigmatisant les "cris de singe", on leur confère malheureusement un caractère de provocation efficace. La subite recrudescence de ce phénomène, en Espagne ou au Parc des Princes, atteste d'une forme d'échec de la mobilisation: si celle-ci s'en tient aux intentions et n'est pas suivie d'une répression ciblée (et non pas aussi aveugle que celle qui permet de mettre tous les Ultras dans le sac du hooliganisme et du racisme), elle n'aura rien arrangé. Bien sûr, la campagne "Stand Up, Speak Up" vise justement à dresser la majorité silencieuse contre la minorité nauséabonde, mais il faudrait que les pouvoirs publics et les clubs appuient résolument cette démarche pour lui donner une vraie consistance. Et puisqu'on est dans le symbolique, imaginons une campagne qui en utilise les ressorts pour aller plus loin dans le discrédit des imbéciles. Par exemple: utilisons les images de la vidéo-surveillance où figurent les apprentis babouins, et diffusons la séquence avec un commentaire du genre, "Aujourd'hui, dans nos stades, des hommes ont choisi de régresser au niveau du singe".

 

(1) Pour une entreprise comme Nike, sujette aux remises en cause de la part de nombreuses ONG quant à sa responsabilité sociale, la possibilité de communiquer auprès de son cœur de cible autour d'une cause aussi consensuelle, d'imprimer (littéralement) sa marque sur cette cause, avec une médiatisation non-payante X fois supérieure à son investissement, est une véritable aubaine. Après, il se trouvera certainement des âmes charitables pour identifier, dans l'organigramme de l'équipementier, le gène de la sincérité.
(2) Parrainée par Nike, la campagne consiste en la vente d'un bracelet (deux euros minimum). Tout l'argent récolté sera géré et distribué par la Fondation du Roi Baudouin "pour soutenir les initiatives et projets pour combattre le racisme en Europe". L'équipementier précise que "25% maximum du montant des dons sont utilisés pour couvrir le coût du bracelet" (
site de la campagne).
(3) "Les Nord-Américains sont les seuls à définir la 'race' sur la base de la seule ascendance et, cela, dans le cas des seuls Afro-Américains : on est 'Noir' à Chicago, Los Angeles ou Atlanta, non par la couleur de la peau mais par le fait d'avoir un ou plusieurs parents identifiés comme Noirs (...). Les Etats-Unis sont la seule société moderne à appliquer la 'one-drop rule' et le principe 'd'hypodescendance' selon lequel les enfants d'une union mixte se voient automatiquement assignés au groupe inférieur (ici les Noirs). Au Brésil, l'identité raciale se définit par référence à un continuum de 'couleurs', c'est-à-dire par l'application d'un principe souple ou flou qui (...) engendre un grand nombre de catégories intermédiaires (...)" — Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant, in "Sur les ruses de la raison impérialiste", Actes de la recherche en sciences sociales n°121-122, mars 1998. (4) Les associations parisiennes mobilisées contre leurs dirigeants feraient bien, sous peine de décrédibiliser définitivement leur cause, de se désolidariser clairement et totalement des manifestations racistes constatées au Parc des Princes lors des deux dernières rencontres. On peut rêver.

Réactions

  • JP13 le 08/02/2005 à 08h40
    Oui, on peut toujours réver...............
    Et si, effectivement, le match de dimanche a mis en évidence, un phénoméne, bien occulté par la Ligue et les télés depuis des années, je crains fort qu'il ne débouche sur rien de concret, alors qu'éffectivement les moyens de répression ciblée existent.
    Toutes les idées développées sur le fil parisien sont bonnes, mais il faudrait que nous rallions au moins 50% des spectateurs à des actions communes, alors que même, s'ils sont d'accord, je ne crois pas qu'ils bougeront ?

  • Larry Poste le 08/02/2005 à 09h32
    « il faudrait d'abord que les télévisions cessent d'appliquer la consigne de la Ligue leur ordonnant de ne pas les filmer, et endossent pleinement leur devoir d'information au lieu de véhiculer des visions partielles, incompatibles avec la complexité et la profondeur des problèmes »
    ............................
    Cette phrase me fait littéralement flipper et je m'interroge sur la légitimité de canal plus qui injecte 600 millions par an avec des moyens de diffusion conséquent.
    La télé en tant que premier média remplit très mal son rôle.
    Une question d'ailleurs, jamais les banderoles ou actes de racisme dans les stades ne sont filmées ?

    Néanmoins, merci pour l'article.

  • Larry Poste le 08/02/2005 à 09h49
    Fliper bien entendu, quoique ça me fasse tilt aussi.

  • suppdebastille le 08/02/2005 à 10h02
    '"Larry Poste - mardi 8 février 2005 - 09h32

    Cette phrase me fait littéralement flipper et je m'interroge sur la légitimité de canal plus qui injecte 600 millions par an avec des moyens de diffusion conséquent.
    La télé en tant que premier média remplit très mal son rôle.
    Une question d'ailleurs, jamais les banderoles ou actes de racisme dans les stades ne sont filmées ? "

    Justement Canal paye 600M€ par an et donc ne peut pas se permettre de "déprécier " son produit. Canal ne fait pas du journalisme , Canal diffuse le championnat donc C+ ne montre pas les manifestations racistes et ne montre surement pas (j'étais au stade donc j'ai pas vu Canal) la banderole d'Auteuil anti Nike ni la banderole des Lensois en soutien aux ultras parisiens.

  • JP13 le 08/02/2005 à 10h16
    Suppdebastille:
    "Justement Canal paye 600M€ par an et donc ne peut pas se permettre de "déprécier " son produit. Canal ne fait pas du journalisme , Canal diffuse le championnat donc C+ ne montre pas les manifestations racistes et ne montre surement pas (j'étais au stade donc j'ai pas vu Canal) la banderole d'Auteuil anti Nike ni la banderole des Lensois en soutien aux ultras parisiens"

    Effectivement, en étant très attentif, on ne pouvait qu'entrevoir let reconstituer la banderolle" Graille, sit down, shut up"

  • JP13 le 08/02/2005 à 10h17
    qu"entrevoir et reconstituer
    Excuses

  • Larry Poste le 08/02/2005 à 10h18
    suppdebastille - mardi 8 février 2005 - 10h02

    J'ai pas maté non plus canal occupé que j'étais à festoyer avec des potes.
    Je déplore simplement la priorité des intérêts financier au détriment de l'impact que peut justement représenter la tivi.

    Sur ce je vous laisse, je dois me préparer pour l'enregistrement du bigdil, YES !!!!!

  • Krisprolls le 08/02/2005 à 10h24
    "Et quid du racisme qui touche moins la couleur de peau que l'appartenance à une ethnie, juive ou arabe par exemple?"

    Ca devient pénible de répéter tout le temps les même choses, mais on va y retourner malgré tout.

    Arabe : distinction LIGUISTIQUE
    Juif : distinction RELIGIEUSE


  • Jean-Luc Skywalker le 08/02/2005 à 10h26
    Réaction de Gabriel Fouquet : "Si fiasco il y a eu, c’est en raison du silence complice des autres tribunes. "

    C'est exagéré : les tribunes K et I ont malgré tout fini par huer la tribune Boulogne, et en toute honnêteté, ce n'était pas seulement pour répondre au chambrage " Latérales, une chanson". Réaction timide, certes, mais qui a eu le mérite de naître spontanément au sein d'une tribune sans groupe de supporter officiel. C'est un début.

  • Paris 14 le 08/02/2005 à 10h45
    Dans 0.80€ (version papier) on voit une photo entière de la tribune Auteuil montrant bien la banderole anti- Vahid, mais aussi la banderole anti-Nike.

La revue des Cahiers du football