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Deschamps, le sens de l'histoire

Au terme d’une Coupe du monde durant laquelle l’équipe de France s’est muée en une machine clinique, les Bleus se sont adjugé une seconde étoile. Le triomphe d'une génération et d’un sélectionneur qui savait où il l'emmenait.

Auteur : Philippe Rodier le 18 Juil 2018

 

 

"Il y a eu un nivellement par le haut. Je n'ai jamais vu une Coupe du monde pareille: même les équipes moins cotées sont arrivées avec un niveau de préparation athlétique et défensif – car c'est plus simple de défendre, donc on commence par là – sans précédent. On a vu quoi? Des équipes qui étaient dans la maîtrise du jeu, la possession du ballon, qui se faisaient punir sur attaques rapides. Parler d'une belle Coupe du monde, je n'en sais rien, mais j'ai vu des équipes soi-disant 'petites' présenter de meilleures statistiques sur le plan athlétique ou sur celui de l'intensité que des sélections qui sont arrivées en Russie avec l'étiquette de favorites. Nous concernant, bien sûr que j'avais des incertitudes sur le niveau des jeunes joueurs: je suis convaincu qu'ils seront plus forts ensuite. Mais ils ont été à la hauteur." Didier Deschamps, 15 juillet 2018.

 

 

 

 

Une histoire de maillot

En plateau, Vikash Dhorasoo avait annoncé la couleur quelques instants avant la finale: "Celui qui joue le plus gros aujourd'hui, c'est Didier Deschamps. Si on ne gagne pas, il deviendra un grand perdant." Dans les faits, l’ancien Lyonnais n’avait pas totalement tort. Perdre en finale d'un Euro à domicile face au Portugal et en finale du Mondial (à la tête d’une génération aussi prodigieuse, malgré son manque d’expérience), cela ne pourrait pas coller avec le profil d’un winner assumé. Les débats sur la notion du "beau" (toujours très subjective) pourront bien continuer, DD nous adresse un message clair et limpide avec cette victoire. Mais lequel? Faire confiance à la jeunesse.

 

En prenant les rênes de l’équipe de France, le Basque avait trois missions. La première: redorer l’image d’une équipe en quête de réunification avec son public après Knysna et une période compliquée sous la coupe de Laurent Blanc (une élimination prématurée intervenue lors de l’Euro 2012, sans féerie particulière et sans communion avec le peuple français). Avec DD, "les joueurs n’auront plus le droit à l’erreur". L’homme est "direct", "intransigeant", et cela va se vérifier dans les faits.

 

En 2014, à la sortie de la Coupe du monde au Brésil, il expliquait au sujet d’un possible "manque d’attachement" des joueurs au maillot de l’équipe de France: "Cela pouvait donner cette impression, effectivement. Aujourd’hui, ça a changé, l’attachement au maillot est différent. Notamment grâce à ce qui s’est passé face à l’Ukraine et à notre parcours à la Coupe du monde. Après, à la décharge des joueurs, il faut se rendre compte que le passé de l’équipe de France n’était pas radieux. Depuis, il y a eu du positif autour du groupe. Ça rassure les joueurs, ça les encourage et ça leur donne envie de continuer sur cette lancée. Et puis, vous savez, souvent, les joueurs sont plus attachés au maillot qu’on ne le croit."

 

 

Une histoire de leaders

La seconde mission? Intégrer la fameuse nouvelle génération tout en performant sur la scène internationale. Ici aussi, avec un discours toujours très clair: "Les joueurs actuels ont déjà des responsabilités. La génération des 20-23 ans évolue pour la plupart dans de grands clubs et baigne dans un quotidien d’exigence. Cette génération côtoie le haut niveau très tôt tout en assumant ses responsabilités. Il y a la partie footballistique, mais le côté humain aussi, de faire face aux exigences du haut niveau sur le terrain et en dehors. C’est la chose qui m’agaçait le plus, quand on me disait 'Patiente, tu as le temps, t’es jeune.' Non, il faut tout prendre tout de suite, le plus vite possible."

 

Au fil du temps, certains joueurs acquérant l’expérience nécessaire pour devenir de vrais leaders sur le terrain: "Des leaders, rappelait Deschamps en 2014, il ne suffit pas de claquer des doigts pour en trouver. Ça se fait avec le temps. Il y en a qui le sont déjà, d’autres qui vont le devenir, certains sont déjà en train de le devenir. C’est un 'processus'. On ne peut pas débouler du jour au lendemain et dire: 'Je suis un leader.' C’est quelque chose qu’on a dans le sang et qu’on développe au contact des autres. Il faut que son autorité naturelle soit reconnue par le groupe et pour ça, il ne faut pas avoir de souci avec sa propre personne ou dans son jeu. Il faut savoir passer du temps avec les autres. C’est fondamental. En club, je fonctionnais avec trois leaders. Pourquoi? Parce qu’à quatre, ils ne peuvent pas se mettre d’accord. En sélection, c’est un peu différent. Mais je m’appuie bien évidemment sur un noyau de joueurs représentatif du groupe."

 

En 2018, ils s’appelaient Paul Pogba, Antoine Griezmann, Blaise Matuidi, Raphaël Varane, ou bien encore Hugo Lloris: le capitaine tranquille, pourtant si décrié après une saison compliquée, et auteur d’une compétition presque parfaite. L’adage populaire explique qu’on ne "gagne une grande compétition qu'avec un grand gardien, et un grand buteur". Avec Deschamps, comme avec Jacquet, on gagne une grande compétition avec un grand gardien, et avec un buteur inscrivant zéro but durant la compétition.

 

 

Une histoire d'idées

C’est ici que réside notre dernière leçon: faire confiance aux hommes. Garry Kasparov: "Mon style agressif, dynamique, est en accord avec mes talents et ma personnalité. Même lorsque je suis contraint à la défense, je cherche constamment une ouverture pour renverser les rôles et contre-attaquer. Et lorsque je suis offensif, je ne me contente pas de gains modestes. Je préfère un jeu tendu, énergique, avec les pièces opérant de grands mouvements et où le premier à faire une faute perd la partie. D’autres joueurs, tel celui que j’ai battu en championnat du monde, Anatoly Karpov, se spécialisent dans l’accumulation de petits avantages. Ils ne prennent que peu de risques et se satisfont d’améliorer leur position petit à petit jusqu’à faire craquer leur adversaire. Mais toutes ces stratégies – de défense, d’attaque, de manœuvres – peuvent être hautement efficaces dans les mains de celui qui les maîtrise bien." La vie est une partie d’échecs.

 

Après avoir souffert au Brésil (souvenez-vous des larmes d’Antoine Griezmann, après France-Allemagne), puis à domicile (ne repensez plus au but d’Eder), le groupe était désormais prêt. Il ne manquait plus qu’une seule donnée à l’équation: il fallait rester fidèle à ses idées, peu importe le prix à payer. Entraîneur légendaire, Carlo Ancelotti développe: "Une grande équipe doit proposer un football adapté à la qualité de ses joueurs. Après, on peut discuter sur la définition de l'esthétique. C'est quoi un beau football? Pour moi, ce n'est pas seulement un jeu d'attaque. Pour une équipe, c'est la qualité de son collectif, la façon d'exprimer son jeu."

 

Probablement séduit à l’idée de proposer un jeu plus direct avec une meilleure maîtrise technique, Deschamps avait initialement opté pour une composition d’équipe sans Olivier Giroud et sans Blaise Matuidi pour affronter l’Australie, remplacés par Corentin Tolisso et Ousmane Dembélé. Homme pragmatique (et fidèle à ses origines, fils spirituel de Marcello Lippi et d’Aimé Jacquet), le Basque s’est directement repris pour le second match en alignant ses bons soldats sur la pelouse.

 

Pour Deschamps, le message est clair: "La réalité du haut niveau, c’est quoi? Le mental et le caractère. C’est ça la réalité du football. La force individuelle et collective passe par l’aspect mental. C’est quoi le beau jeu, d’ailleurs? J’ai toujours considéré que bien jouer pour ne pas gagner à la fin, ça ne sert à rien. Le plaisir n’est pas total. Alors oui, j’ai gagné des matches en jouant mal, plusieurs fois même. Mais il y avait le plaisir de gagner. Aujourd’hui, je ne suis pas dans la formation. Bien sûr, je ne dis pas: 'Peu importent les moyens tant que la victoire est au bout', mais il faut savoir être réaliste. C’est ça, la vérité du haut niveau." Une équipe ne peut gagner que si elle reste cohérente avec ses idées; peu importe qu’elle s’attire la sympathie des foules ou non: "Le football est divers, personne n’en détient la vérité", expliquerait Diego Simeone.

 

 

Une histoire qui continue

Élevé à l’école italienne et façonné par ses années aux côtés d’Aimé Jacquet, Deschamps a donc su conserver son cap tout au long de cette Coupe du monde (le Basque devient par la même occasion le troisième à remporter le trophée comme joueur puis comme entraîneur, aux côtés de Franz Beckenbauer et Mario Zagallo). Vainqueur en 1993 de la première Ligue des champions du football français avec l’OM, vainqueur de la Coupe du monde, puis de l’Euro avec le brassard de capitaine, DD avait rappelé les trois mots essentiels à la veille de cette finale: "Sérénité, calme et concentration".

 

En soi, un slogan qui collerait parfaitement aux Bleus tant la maîtrise collective affichée par cette équipe a été grande durant cette Coupe du monde. Le mal-aimé Olivier Giroud l’avait pourtant rappelé: "Didier (Deschamps) excelle dans la manière de dédramatiser l’événement." En Russie, il nous a offert un animal à sang-froid (ainsi qu'une deuxième étoile), tout en restant à fidèle à ses idées. Sans profiter d'une ossature de clubs, à l'inverse de l'Allemagne et de l'Espagne précédemment.

 

Le mot de la fin. "Avant de sortir du vestiaire, je leur ai dit deux choses. Un: ils seront champions du monde à vie. À vie. Et ils seront toujours liés par ça, quoi qu'il advienne par la suite. Deux: ils ne seront plus jamais les mêmes. Je suis désolé pour eux [on sent alors Deschamps au bord des larmes] mais c'est ainsi: ils peuvent gagner tous les titres qu'ils veulent, la Ligue des champions dix fois, mais c'est ce soir [dimanche] que ça a basculé pour eux et cette bascule est définitive. Parce qu'il n'y a rien au-dessus d'un titre de champion du monde. Rien."

 

Réactions

  • José-Mickaël le 19/07/2018 à 13h02
    Je pense qu'on exagère à ce sujet. Il y a dix ans c'était la possession qui faisait gagner les matchs, maintenant c'est l'inverse. Comme s'il y avait une mystérieuse force supérieure qui faisait osciller entre les deux tendances.

    Il me semble que ça dépend des joueurs en présence. Quand on a des joueurs très techniques ayant une très bonne vision du jeu (parce qu'ils ont été formés pour ça), le jeu de possession sera efficace, du moins s'il y a des buteurs devant. Si on a des joueurs très rapides et une défense solide, on peut bien s'en sortir avec un jeu de contre-attaque. Quelque chose comme ça.

    Quant au France-Belgique, il s'est joué sur des détails et si on refaisait le match, pas sûr qu'il se termine pareil. Je ne crois pas que la Belgique a perdu parce qu'elle a eu plus souvent le ballon. Je dirais plutôt que l'une des deux équipes a été un petit peu plus incisive que l'autre durant les quelques moments-clés du match, et je soupçonne que la part individuelle y est pour beaucoup.

  • Moravcik dans les prés le 19/07/2018 à 21h01
    Je n'émettais pas de jugement, juste une perplexité face à cette idée très présente (voir l'interview de Varane dans kiplé hier, entre autre multiples exemples) selon laquelle d'une part l'EdF était frileuse et moche à voir, et d'autre part qu'elle aurait forcément pu être meilleure en revendiquant la possession. Les deux me semblant absurde puisque 1. sa tactique n'excluait pas du tout d'attaquer, bien au contraire (elle a d'ailleurs marqué beaucoup de buts) et 2. on sait tous qu'elle est très mal à l'aise en attaque placée, et donc que ce choix de jouer bas et de se projeter vers l'avant dès la récupération en profitant des espaces était justement ce qui lui permettait d'être le plus dangereuse (et pas seulement efficace). L'idée n'a rien de révolutionnaire, mais elle n'a rien à voir avec dégager le ballon en touche toutes les 2 minutes.

    Il y a mille manières de jouer au football, celle-ci était intéressante et adaptée, et les réactions qu'elle suscite me semblent étranges.

La revue des Cahiers du football