Seuls 36% des internautes parviennent à saisir leur e-mail / password du premier coup. En feras-tu partie ? Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Comment j’ai foiré mon boycott

Boycotter une Coupe du monde, c'est facile. Sauf si on aime le foot, évidemment. 

Auteur : Richard Coudrais le 14 Dec 2022

 

On ne reviendra pas sur les raisons qui m'ont poussé à refuser de suivre les rencontres de la Coupe du monde 2022. Celles-ci sont connues et largement étayées par ailleurs. Elles ont des raisons politiques, éthiques, idéologiques, elles concernent le climat et les droits de l'homme, principalement. Cette décision résulte aussi de la lassitude que génère le foot d'aujourd'hui, du moins le traitement que l'on en fait.

Pas de télévision, pas de journaux, aucun commentaire sur les réseaux sociaux, la feuille de route était établie. J'avais bien pensé que laisser la télévision éteinte à l'heure des matches serait parfois difficile, mais je me sentais capable de faire ce sacrifice. Il faut dire qu'avec un Équateur-Qatar comme match d'ouverture, la partie semblait bien engagée.

 

 

On ne veut rien savoir, on sait tout

Dans les jours qui suivent, je m'aperçois que boycotter une Coupe du monde de football demande une véritable préparation. Snober la télévision ne suffit pas : il faut également se déconnecter d'Internet, couper la radio, et éviter globalement toute source d'information. J'aurais dû m'exiler en rase campagne, là où on ne capte rien.

L'expression "coupé du monde" prend tout son sens. Sortir prendre l'air ? Inutile d'y songer : bars et restos ont installé leurs écrans et mettent le son à fond. Se changer les idées avec les amis ? Peine perdue : même ceux qui n'aiment pas le foot habituellement deviennent des consultants en puissance en période de Mondial. Se plonger dans le boulot ? Encore faut-il avoir un travail.

Non, boycotter la Coupe du monde n'est pas chose aisée, d'autant que notre esprit reste captif. L'Angleterre qui met six buts à l'Iran, l'Arabie saoudite qui bat l'Argentine, le Japon qui bat l'Allemagne, l'Espagne qui en met sept au Costa Rica, les Français qui déroulent... cette Coupe du monde nous fait de l'œil.

Et puis le Maroc qui bat la Belgique, la Tunisie qui bat la France, le Japon qui bat l'Espagne, le Cameroun qui bat le Brésil, le Maroc qui passe l'Espagne, le Portugal qui en met six à la Suisse, le Brésil qui danse sur la Corée, un Messi qui sort le grand jeu... Non non non ! On ne veut rien savoir. Malheureusement, on sait tout.

Trois semaines à refuser de se faire plaisir, à jauger ses convictions, à faire semblant de penser à autre chose... On mesure combien le ballon rond dévore notre vie, combien il est une addiction aussi forte que la clope et la mauvaise bouffe.

Pourtant, la cause est juste. Comment ne pas regarder un match sans penser à ceux qui sont morts sur les chantiers ? Sans ressentir un certain malaise devant ce barnum qui piétine tout, qui corrompt tout, qui pourrit tout ?

L'environnement ne nous aide pas. Les chaînes de TV vantent leurs audiences sans la moindre décence. L'appel au boycott ne semble pas avoir été suivi. Même les ONG les plus en vue n'ont pas vraiment appelé en ce sens. OK pour alerter sur la situation, mais rien n'empêche de regarder les matches, selon elles. Le doute s'installe.

Mais je tiens. D'ailleurs, mon week-end parisien s'annonce bien, avec une soirée de concerts qui me permettra d'occulter les premiers quarts de finale sans même y penser.

C'est à cet instant que surgit Giroud

Le jour des deux derniers quarts, je décide de me rendre au Babel Café, lieu estampillé "No Qataran" de la capitale, sorte de Théâtre des rêves (lire le roman de Bernard Foglino) où j'espère trouver quelques autres intégristes histoire de renforcer mes convictions et poursuivre le combat.

L'endroit diffuse le France-Italie de 2006, mais semble abriter plus de clients distraits que de véritables activistes. Je reste seul au bar et je m'en vais juste après le coup de boule de Zidane.

Je m'enfonce dans la froide nuit parisienne. Je cherche un endroit pour manger, mais la plupart des restos diffusent France-Angleterre. J'aperçois quelques voitures qui brandissent le drapeau marocain en faisant sonner les klaxons. Je devine l'impensable exploit.

Je vois un attroupement devant une grande brasserie. Malgré le froid, les yeux sont rivés sur l'écran qui, de l'intérieur, diffuse France-Angleterre. Je jette un œil pour lire le score, c'est plus fort que moi. C'est à cet instant que surgit Giroud qui plante une tête magnifique. L'attroupement explose de joie. Et moi avec. Je reste un peu.

La partie se poursuit, la faute de Théo, la consultation de la VAR, le penalty que Kane envoie au-dessus. Je me laisse happer par le match, et par les discussions passionnées autour de moi. J'avais presque oublié ce que le foot a de plus beau : cette force qu'il a de nous faire partager de bons moments avec des inconnus. C'est encore plus fort en pleine nuit, dans le froid, sur un trottoir parisien.

Je regarde la fin du match avec mes nouveaux amis. Je laisse mes convictions de côté, comme un sac un peu lourd que je peux enfin poser. J'ai bien le droit à une petite entorse, j'ai fait le plus dur. Il y a le coup franc de Rashford, puis la fin du match, la victoire, l'euphorie partagée.

Ça change quoi, désormais ? La situation a été dénoncée, la réputation du pays organisateur et celle de la FIFA ont été ternies. On peut souhaiter que l'un et l'autre vont chercher à améliorer les choses à l'avenir. C'était le but.

Je me dis qu'il ne reste plus que trois matches et que finalement je vais probablement les regarder. Je me suis privé de quelques moments de plaisir, et un peu aussi d'histoire. Je pense avoir donné ma part à la cause.

Bref, j'ai foiré mon boycott.

Réactions

  • Marius T le 14/12/2022 à 14h52
    Mon fils comme je viens de l’écrire, gauchiste quelques fois même. Il cite même sa défunte grand mère « Melenchon est un con ». Pour une journaliste du provençal, elle faisait rire ses petits enfants avec des gros mots.

  • Lancelot du HAC le 14/12/2022 à 15h23
    Super texte, Richard, merci, et bravo.

    Sans avoir forcément au préalable annoncé un boycott, j'étais plutôt dans l'idée de ne pas regarder ce mondial. Difficile cependant de passer outre les sensations que procure un match une fois qu'on a commencé à le regarder: ma joie suite au but de Rabiot contre l'Australie a fini de briser les maigres espoirs que j'avais de pouvoir ignorer cet évènement.

    Je finis décomplexé, et ne cherche ni excuse, ni rédemption: j'aime vraiment le foot, et manque sûrement de cette résistance qui anime les grands militants.

  • Lancelot du HAC le 14/12/2022 à 15h27
    Du coup, est-ce que ton fils prononce "François Mitrand" ?

  • L'amour Durix le 14/12/2022 à 19h29
    Ton erreur de mon point de vue, Richard, a été de viser un boycott pur et dur. Comme arrêter la beuh sans même s’autoriser une clope en soirée. Il a été évident pour moi avant même le début que je n'arriverais pas à m'isoler totalement de cette coupe du monde. Je me suis donc autorisé dès le départ à me tenir informé des résultats. D'autant plus que mon boycott était très personnel. Peu m'importe qu'il ait été suivi ou non par d’autres, j'ai juste fini par admettre qu'il serait plus difficile pour moi de jouir d'un spectacle bâti sur quelques milliers de morts et une aberration écologique (entre autres) que de m'en passer. En revanche, consulter les résultats sur internet, sans même avoir à visiter un site dédié pour cela, ne m'a posé aucun problème.
    Un petit conseil pour ceux qui ne peuvent pas se passer d’une coupe du monde : il y a une technique très simple pour ne pas regarder les matchs. Il suffit simplement… de ne pas les regarder putain ! C’est évidemment plus facile pour un Costa Rica – Japon que pour un quart de finale Angleterre France mais mon fils de 11 ans qui est plutôt du genre à se réjouir de pouvoir regarder un Stade Briochin – US Orléans un vendredi soir sur fftv y arrive. Alors des adultes doués de raison…
    Pour l’instant, mon boycott tient bien, dans les limites que je me suis fixées à savoir ne pas voir une seule minute de jeu en dehors des résumés des matches de l’équipe de France que je m’autorise le lendemain. J’ai bien conscience de rater des choses mais je me dis que dans 20 ans, quand la coupe du monde aura lieu en Corée du Nord, mon dégout de cette coupe du monde au Qatar sera moins fort et je me materai les matches sur Footballia.
    Tout le monde connait la citation d’Oscar Wilde sur la tentation. Je l’ai toujours trouvée très conne mais ton article, Richard, m’a enfin permis de la comprendre. Tu as cédé à la tentation et personne ne pourrait te le reprocher. Mais cela devrait te permettre de renforcer tes convictions et de tenir le coup pour ce soir (et dimanche ?). Ou pas. Pour ce soir, je me suis gardé un petit paquet de copies sous le coude. Qu’est-ce qu’une demi-finale la France en coupe du monde face au bonheur de mes élèves de partir en vacances avec leur dernière gaufre en date ?

  • OLpeth le 15/12/2022 à 10h32
    J'ai craqué comme une merde en huitième, la tension des matchs à élimination directe j'ai pas résisté. Et aussi le fait de voir que ce boycott semble peu suivi ça aide pas.

  • Le Meilleur est le Pires le 15/12/2022 à 10h59
    Peu suivi, mais ce qui n'aide pas c'est la très forte propagande qu'il peut y avoir dans ce pays (vendu à la botte du Qatar, faut il le rappeler, le poivreau qui fait office de président de la FFF en étant un bel exemple). Tout est fait pour valoriser l'évènement et rabaisser ceux qui refusent de le suivre - il serait intéressant après coup de savoir comment cela a été vécu dans d'autres pays, d'ailleurs. Des pays ayant moins d'intérêts avec le Qatar...

    Ca m'embête d'avoir raté Costa Rica - Japon, quand même. Plus qu'un énième crunch. En plus y a même pas eu d'essais, tout s'est joué au pied.

  • José-Mickaël le 15/12/2022 à 13h27
    L'amour Durix hier à 19h29
    > Un petit conseil pour ceux qui ne peuvent pas se passer d’une coupe du monde : il y a une technique très simple pour ne pas regarder les matchs. Il suffit simplement… de ne pas les regarder putain !

    Hier soir j'ai appliqué cette technique, effectivement on y arrive, mais je ne parvenais pas à faire autre chose. Je ne pensais qu'au match, je regardais l'heure fréquemment (ah, 20h50, bientôt la mi-temps... ah, 21h50, on doit commencer les arrêts de jeu...) J'ai coupé l'ordinateur pour ne pas être tenté d'aller sur les Cahiers, je me suis ennuyé (mais c'est passé plus vite en 2ème mi-temps), je ne savais pas trop quoi faire, en plus j'avais le cœur qui battait. Contre l'Angleterre j'avais attendu 1h après la fin pour aller voir le résultat, au cas où il y aurait des tirs aux buts. Hier soir j'ai cédé avant : à un peu plus de 22h j'ai consulté le résultat et c'est tout. Mais je n'ai pas allumé la télé, c'était le but - ne pas participer aux bonnes audiences. N'empêche, c'est vraiment dur. Quand je pense qu'au début je croyais ne pas regarder les matchs par manque d'intérêt. Là je me force, et je ne vois pas comment je résisterai à la tentation pour la finale. Contrairement à certains d'entre vous, j'ai trouvé plus difficile d'éviter les matchs du tour éliminatoire (pour le suspense, mais aussi la qualité des équipes) que ceux du premier tour.

  • gurney le 15/12/2022 à 18h08
    Tu peux quoi qu'il arrive être fier de toi José-Mickael.
    Ce matin je me disais au réveil dans ma tête "putain je m'inflige ça quand même, avec un impact nul en terme de résultat"
    Et puis mon fils de 9 ans parle de la coupe du monde en parlant du bazar dans la rue et en rigolant parce que moi je dormais et ça m'a pas reveillé, et en disant qu'il était content de pas avoir regardé. Et ma femme a juste répondu "on doit bien ça aux 6500 morts"
    Et là silence. Et je me suis dit putain que oui, des fois on perd le fil du boycott, enflammé par le sportif, l'excitation d'être en finale.
    Mais bordel : 6500 morts
    Des conditions atroces.

    On devrait passer les images des conditions de ces travailleurs à la mi-temps
    Pendant que les occidentaux se gavent de foot en acceptant totalement ce prix à payer.
    Quelle honte.

  • José-Mickaël le 15/12/2022 à 21h28
    gurney aujourd'hui à 18h08
    > Et ma femme a juste répondu "on doit bien ça aux 6500 morts"

    Mince, tu as raison, je commençais à oublier le but : ne pas oublier, justement, les milliers de morts. Ils ne ressusciteront pas, mais il ne faut pas les oublier.

    Je vais essayer d'y penser pour m'empêcher de regarder la finale (en plus on va perdre...) Ce n'est pas en battant un nouveau record d'audience qu'on se rappellera des milliers de morts nécessaires pour bâtir les stades.

  • Oh Mamm Billig le 16/12/2022 à 17h40
    Pour le moment c'est encore bon de mon côte et j'ai d'ores et déjà l'assurance que ça le sera jusqu'au bout puisqu'on a prévu une sortie en famille au moment de la finale dans un endroit sans TV. Quitte à boycotter, autant en profiter pour aller dans des lieux désertés de leurs (nombreux) visiteurs.

    Mais je m'étais déjà entrainé lors de la précédente édition avant de craquer lamentablement à l'occasion d'un WE entre amis, alerté par les cris de ces derniers lors du fameux "Second poteau Pavaaaard" qui avait eu comme conséquence de me faire replonger jusqu'à la finale. Le second boycott aura été le bon.

    Le plus dur aura été de devoir en plus subir les accusations d'être l'empêcheur de profiter ou le pisse-froid du coin tout en ayant au fur et à mesure de plus en plus la conscience qu'au final ça n'aura probablement rien changé.
    Les diffuseurs sont contents, les annonceurs aussi du coup et le mauvais arrière-goût de cette CDM sera vite de l'histoire ancienne dans l'inconscient collectif.
    Un peu comme d'aller manifester pour ensuite se faire à la fois traiter d'emmerdeur et de voir les concernés par ces manifs s'en tamponner royalement le coquillard.
    Mais bon, chacun ses idéaux, chacun ses principes, chacun ses limites.

    Et en effet, difficile de faire l'impasse à 100% tant on est abreuvé d'infos concernant la compétition, aussi bien de la part des media que des amis ou même des "bruits" de la rue. Mais je considère que connaitre (malgré soit ou pas) un score de match s'étant déjà déroulé tient plus de la culture générale que d'un suivi réel de la compétition. Je ne vais pas chercher les infos, mais c'est vain d'espérer être à l'écart complet sauf à vivre en ermite.

    Vivement la reprise et vivement l'Euro.

La revue des Cahiers du football