Collectifs contre collections
Est-il vraiment surprenant que ce soit le championnat de France qui voit aujourd'hui les petites équipes tenir la dragée haute aux grosses écuries? Que les valeurs collectives l'emportent ici sur la simple logique de l'argent?
Ceux qui veulent n'y voir que l'affaiblissement du championnat passent à côté de l'essentiel. Paris, Lyon ou Monaco disposent d'infrastructures et d'effectifs (tant en quantité qu'en qualité) qui devraient leur permettre de rivaliser au niveau européen et de dominer leur compétition nationale. Rennes, Lens ou Bordeaux sont également armés pour se dégager dans la hiérarchie.
Leurs difficultés à surclasser les équipes moins dotées s'expliquent d'abord par leurs propres carences: mauvais choix sportifs, manque de continuité, recrutements ratés... Pour faire tourner ces lourds orchestres symphoniques, tout doit être au diapason et nos ténors manquent peut-être d'expérience dans le management de telles entreprises.
L'évident resserrement des valeurs, dû en grande partie aux progrès techniques et tactiques des outsiders (voir Déclin du foot français: le démenti...), oblige les présumés favoris à marcher à plein régime. Or, on constate qu'en matière d'abnégation et d'engagement, ils accusent fréquemment un net déficit. Fascinés par la Ligue des champions, certains joueurs ont du mal à produire la même intensité d'effort dans les joutes nationales hebdomadaires. Alors que Troyes ou Lille jouent leur survie à chaque rencontre, et consacrent toute leur énergie au championnat, les "européens" sont condamnés à une délicate gestion des efforts.
Du côté de Paris ou Monaco par exemple, les stars sont-elles prêtes au combat? Leur confort matériel, leurs plans de carrière, leur tendance à n'être que de passage dans les clubs sont autant de raisons de douter de la constance de leur motivation. La fragilité psychologique, le mental déficient sont des symptômes fréquents au camp des Loges, à la Commanderie ou à la Turbie, qui compromettent l'expression pleine et entière du potentiel de ces formations.
Le parallèle est vite fait avec des équipes comme l'Inter ou Chelsea qui collectionnent les individualités mais ont du mal à les faire jouer ensemble et n'arrivent pas à enclencher une dynamique de groupe. A Nantes ou Sedan, l'équipe comprend une ossature avec des éléments qui jouent ensemble depuis des années. Le différentiel, net sur le papier, disparaît alors souvent sur les pelouses quand ces équipes solidaires, parfaitement rodées tactiquement, s'attaquent sans complexes à leurs prestigieux opposants. Voilà même qui pourrait être un programme à suivre pour nos engagés européens, lesquels seraient bien inspirés d'adopter cette attitude à l'échelle continentale...
Bien sûr, tout le monde glose aujourd'hui, nous y compris, sur la symbolique trop évidente de ce classement, alors qu'il est provisoire et pourra être plus tard largement contredit. Dans un championnat comme dans la Ligue des champions, la différence se fait à terme moins sur les qualités techniques que sur d'autres facteurs liés aux moyens financiers, comme la taille des effectifs ou l'efficacité des infrastructures qui permettent de tenir la distance et de gérer les compétitions... Mais les Aulas, Perpère Pinault ou Campora devraient s'inquiéter du faible rendement de leurs investissements sur les terrains nationaux, où leurs clubs jouent encore l'essentiel de leurs destins sportifs.
Et bonne chance à Sedan, qu'on imagine déjà en train de croquer la Lazio ou le Real!