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Ballottés de match en match, jusqu’à quand ?

La qualité du traitement du football par la télévision reste inversement proportionnelle à son omniprésence sur les écrans. 

Auteur : Jacques Blociszewski le 11 Avr 2023

 

J'ai bientôt 74 ans. Autant dire que regarder un match de foot n'a pour moi plus le même goût que dans mes twenties. J'ai adoré jouer au foot, j'ai longtemps aimé très fort regarder des matches, soit dans les stades, soit très majoritairement - comme tout le monde - à la télévision, jusqu'à en avoir mal au ventre avant le coup d'envoi.

Aujourd'hui pourtant je n'en ai plus le goût. Ainsi j'ai regardé cinq minutes du récent France-Pays Bas, pourtant excellent d'après ce que j'ai lu. Pourquoi ? L'âge probablement, et c'est en partie logique. Autant de passion aussi longtemps, cela n'existe pas souvent...

Mais il y a aussi d'autres raisons. Depuis le milieu des années 1990, j'ai abondamment publié sur football et télévision, ainsi que sur l'arbitrage vidéo (VAR), cette horreur. J'ai écrit de nombreux articles, y compris sur ce site, et quatre livres, bientôt cinq.

Je suis aussi intervenu partout où j'ai pu pour sensibiliser des lycéens et des responsables du football - notamment à Clairefontaine - sur le rôle central joué par l'image de télévision, le pouvoir exorbitant des chaînes télé sur le foot, l'absurdité de la VAR et ses conséquences, nuisibles pour l'avenir de ce sport-jeu.

 

 

Traitement minimal

Toutefois, je constate non sans tristesse que le football est encore et toujours considéré comme un simple divertissement, un passe-temps jetable sitôt consommé. Il ne s'agit évidemment pas de transformer massivement les fans de foot en intellos stratèges... Pourquoi cependant le jeu, la tactique, le coaching d'équipe ne seraient-ils pas davantage et plus sérieusement expliqués aux téléspectateurs ?

Dégoûté par l'impossibilité de faire passer sur Canal+ un minimum de messages allant dans ce sens, Éric Carrière, ancien très bon joueur devenu consultant, a jeté l'éponge en 2022, montrant à sa façon la chape que fait peser la télévision sur une parole vraie et sur un traitement approfondi et compétent du football :

"J'avais exprimé à Canal ma frustration sur le plateau de ne pas entrer dans les sujets. Je ne trouvais pas ça passionnant. Mais c'est comme ça que cela fonctionne à la télévision." [1] Après quatre années passées sur Canal+, Carrière a donc décidé d'arrêter.

D'autres comme Bixente Lizarazu, sur TF1, qui aurait sûrement bien plus à nous dire, se résignent à passer avec nous de match en match, usant d'un style de commentaire plutôt bas de gamme et se contentant de suivre le déroulement de la partie en s'appuyant (trop) sur des statistiques de plus en plus présentes, en agrémentant le tout de quelques plaisanteries avec Grégoire Margotton.

Certains duos commentateur-consultant sont cependant très appréciables. Mais le traitement des diverses conceptions du jeu, les tactiques, la pédagogie, demeure très en dessous de ce qu'il pourrait être, soit directement pendant les matches, soit lors d'émissions spécialisées.

La grande terreur de la télévision, parallèlement à celle du vide, véritable peur primale des chaînes, est que le public s'ennuie à écouter ne seraient-ce que quelques analyses tactiques et qu'il zappe.

Conséquence de cette frilosité confinant au gel complet : nous ingurgitons les matches les uns après les autres sans avancer dans la réflexion. Le foot se trouve ainsi réduit à une accumulation d'aléas incompréhensibles et à son aspect de pur divertissement : autant dire une sorte d'insulte à ce sport et aux téléspectateurs.

Bavardages et divertissement

La multiplication des rencontres et des compétitions, quasi permanentes, n'aide pas non plus à entretenir notre désir de foot. La lassitude est alors inévitable et les matches dévalorisés.

En 2006, Fabio Cannavaro, capitaine de l'équipe d'Italie qui venait de gagner la Coupe du monde, déclarait deux semaines après le triomphe : "Il me semble qu'un siècle est passé depuis la nuit de Berlin. Dans l'atmosphère, dans les médias, c'est un peu comme si rien n'était arrivé." [2].

Tout cela revient à nous faire croire à un côté rudimentaire, fruste, que le foot n'a pas : c'est au contraire un sport subtil, qui a son intelligence propre, jamais desséchante ni purement théorique. Cela signifie aussi que les téléspectateurs ne seraient pas capables de comprendre un tant soit peu d'explications tactiques et stratégiques, c'est-à-dire en gros à les prendre pour des idiots.

Quant à moi, cet entassement de matches sans la moindre avancée du côté de l'analyse me gave littéralement. Où trouver l'envie et le sens dans ce défilé de rencontres filmées en outre (en France tout au moins) à grands coups de ralentis insupportables, de gros plans sur les yeux des joueurs et de réactions du "banc" ?

Où sont les Raynald Denoueix, lui qui savait si bien nous intéresser ? Dans "L'Équipe de Greg" ? Dans "L'Équipe du soir" ? Des bandes de potes s'y livrent à ce bavardage et à ces jeux plus ou moins débiles qui l'emportent partout dans les rares véritables émissions de football.

Ce magnifique sport n'est certes pas un exercice intellectuel - même si l'intellect y joue un rôle non négligeable, tant chez les joueurs que les entraîneurs et managers. Mais il n'est pas non plus un constant "divertissement" (au sens pascalien du terme ; en substance : regarder ailleurs, ne surtout pas penser, "s'oublier", uniquement se divertir) qui finit par perdre tout sens.

J'ai eu l'occasion de constater dans une émission de RMC ("l'Afterfoot") à laquelle j'étais invité, que certains jeunes auditeurs intervenaient à l'antenne avec une approche très fine et très durement critique du mode de réalisation des matches par Canal+, qui démolit le football plutôt qu'il ne le montre vraiment ni ne le promeut.

Faibles résistances

Il est donc faux que ceux qui aiment ce sport sont tous des "bas du front" incapables d'entrer un minimum tant dans la nature de ce sport lui-même que dans les arcanes de la réalisation télé des matches. Or l'analyse des dispositifs est une des clés de l'avenir. Pour préserver le football, il faut comprendre comment il est traité sur les écrans et quels effets cela a sur nous, notre vision du jeu et l'évolution de celui-ci.

Si on leur en donne l'occasion, de jeunes - et moins jeunes - auditeurs et téléspectateurs peuvent se montrer incroyablement pertinents, surprenant même en l'occurrence un des animateurs de l'émission évoquée ci-dessus, à savoir Daniel Riolo.

Oui, la possibilité existe de faire du football autre chose que "du pain et des jeux", de développer à partir de sa version télévisée cette éducation aux médias aujourd'hui vitalement nécessaire et pourtant tellement insuffisante en France.

La télévision sortira-t-elle un jour de son bunker aliénant pour oser autre chose ? On peut craindre que non, mais il faut continuer à se battre. Les résistances concrètes, sur le terrain, à tant de pauvreté des commentaires et à l'instauration de la VAR sont pourtant très loin du compte, presque inexistantes.

Se battre : c'est ce que font les Cahiers du football, auxquels j'ai été fier, et le demeure, de souvent contribuer. Ou encore les auteurs de Comment regarder un match de foot ? (Gilles Juan, Raphaël Cosmidis, Christophe Kuchly, Julien Momont), paru chez Solar en 2016, dont le succès est réconfortant, éloquent.

Beaucoup moins vendu, mais à mon avis également nécessaire : mon travail sur la critique du football télévisé, par exemple dans Comment la télévision a asservi le football (éd. Librinova, 2022). L'analyse des relations jeux vidéo-télévision est aussi essentielle, tant ces jeux sont désormais étroitement liés au regard du foot télévisé.

Le traitement du football à la télévision nous en dit long - souvent "en creux" - sur notre société. La télé peut et doit absolument mieux faire !

 

 

[1] "Eric Carrière : le dépit est réel", L'Équipe, 25 mars 2022.

[2] L'Équipe, 1er septembre 2006.

 

Réactions

  • Mangeur Vasqué le 11/04/2023 à 13h57
    J’aime beaucoup ce que vous écrivez et dites Jacques, et j’espère que vous continuerez encore longtemps.

    Je comprends votre lassitude, mais “Keep the faith” comme on dit par chez nous. Il faut toujours essayer de porter une bonne parole même si on pense (constate ?) que notre pierre portée à l’édifice n’est qu’un minuscule caillou et que le combat semble vain, comme Sisyphe et son rocher. Ne jamais renoncer.

    Je suis enseignant dans le secondaire en Angleterre depuis plus de trente ans. En tant qu’enseignant, on passe du temps, en tout cas au Royaume-Uni (où les enseignants ont souvent aussi une casquette de “tutor”), à essayer de développer un esprit critique chez les élèves, de les amener à réfléchir, à construire une argumentation basée sur des faits établis et vérifiables, ce genre de chose, et à débattre avec d’autres qui pensent différemment, dans le respect, l’écoute et la tolérance, sans juger ou porter de jugement de valeur.

    Depuis quelques années, y'a des mini modules “fake news” par exemple dans le programme pour les classes de 3è à la terminale (en anglais par exemple – la matière je veux dire, en tant que langue maternelle). Juste avant les vacances de Pâques, une collègue prof d’anglais me disait par exemple qu’elle travaillait actuellement avec ses secondes sur les sources d’information, sur le traitement et filtrage de l’information, sur les fausses équivalences, comment détecter l’infox, etc.

    J’ai assisté à un cours de ce département d’anglais l’an dernier (certaines écoles encouragent les enseignants à s’observer entre eux plusieurs fois par an, pour diversifier les approches, les techniques, etc. – ça se fait sur une base de volontariat), ils bossaient sur les fake news autour du programme Apollo de la NASA dans les années 1960, les premiers hommes sur la lune, les théories conspirationnistes, etc. lien. C’est un sujet lointain (dans le temps et géographiquement), ni trop controversé ni trop politique ni religieux, tu ne risques donc pas (ou beaucoup moins) d’effrayer ou avoir des parents se plaindre au proviseur (et/ou menacer d’écrire au canard local ou au Daily Mail), et le sujet illustre bien le propos.

    Il était vraiment bien fait ce cours (dispensé à un “top set”, élèves plutôt vifs et réceptifs. Les gamins sont “streamed” en Angleterre, mis par niveau dès la 5è, dans la plupart des matières), absolument rien à redire et les élèves donnaient l’impression d’en avoir tiré des enseignements positifs.

    Mais en tant qu’enseignant, et peu importe sa discipline pour le coup, quand on n’est pas encore trop blasé et cynique (!), on ne peut s’empêcher de réfléchir sur la pédagogie, sur son rôle personnel et celui de l’éducation/l’enseignement en général. Cette réflexion conduit souvent à une évaluation, à un “bilan” général, bien au-delà des murs de l’école. Et là, ça fait souvent mal. Ces leçons et modules sont bien sûr utiles, tout ce qui est développement de l’esprit critique l’est, mais l’impression dominante est bien souvent qu’il faudrait multiplier la magnitude de telles initiatives curriculaires par dix et les étendre à tout le monde, et dès l’école primaire et en petits groupes, pour que ça ait le début d’un effet. Et qu'évidemment ce n'est pas dans l'intérêt des politiciens en général de (trop) développer l'esprit critique et les capacités de réflexion. Les gens sont tellement plus faciles à manipuler quand on en reste aux bases.

    Y'a la phrase célèbre (et peut-être apocryphe) du politicien américain Adlai Stevenson II, gouverneur de l'Illinois dans les années 1950 et qui visait la présidence, grand amateur de bons mots lien ("When Illinois Gov. Adlai Stevenson was running for president in the 1950s, someone heard his impressive speech in a rally and said, “Every thinking person in America will be voting for lien Stevenson replied, “I’m afraid that won’t do—I need a lien) et celle de ce triste sire de G. Frèche lien ("Les gens fonctionnent avec leurs tripes, pas leur tête [...] Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 %; moi je fais campagne auprès des cons"). Pour les politiciens, et par extension beaucoup de médias, il ne faut pas être dans la réflexion, il faut être dans "l'émotion", dans la dimension émotive (les tripes), qui rejoint la dimension populiste.

    Quand on pose une réflexion, méta disons, sur ce qu’on fait en tant qu’enseignant, sur notre “production” et ses “résultats”, on ressent souvent un sentiment d’échec. Le bilan ne plaide guère en notre faveur faut dire.

    Depuis 2010 mettons, concrétement le bilan en Occident, dans “le monde des sachants”, c’est : 13 ans de gouvernements de type national-populiste au Royaume-Uni (avec des conservateurs ligne dure élus quatre fois de suite – 2010, 2015 2017, 2019), Trump, le Brexit, Bolsonaro, Orbán (j’ai passé une petite semaine en Hongrie en juin 1988 – Interrail vers la Grèce –, mes amis me parlaient de l’espoir suscité par des mouvements et partis comme Fidesz et me parleraient avec enthousiasme peu après de son leader, l’ex étudiant progressiste Orbán…), les régressions et victoires des progressophobes, la vitalité de la violence institutionnelle, les aberrations de la religion qui regagne sacrément du terrain (cf l’épouvantable situation anti-avortement en Pologne lien., Italie ou aux USA), l’extrême-droite/la droite dure partout en Europe, l’irrésistible montée du RN en France, une infox généralisée, normalisée, et l’indifférence, l’ignorance (“People in the UK have had enough of experts” lien) et la haine qui continuent à être érigées en valeurs porteuses.

    De temps en temps, des élèves, ou leurs parents (ou anciens élèves/parents) nous remercient, d’une manière générale ou sur un point précis, et on se dit qu’on sert au moins à quelque chose. Un “little thank you can go a long way” dit l'adage populaire. Tout compliment fait plaisir et est bon à prendre. Mais comme on se sent petit et impuissant bordel....

    L’influence de l’enseignant est bien plus limitée que ce qu’on veut bien raconter ici ou là. Le poids de l’environnement familial, les rézosocios, la conformité aux pairs, la pression sociale, l’appartenance à un groupe, les expériences personnelles puis professionnelles plus tard, etc. comptent au final bien plus que quelques heures par trimestre, fussent-elles formatives, dédiées à ces questions quand les gamins ont 15 ans (et ne retiendront pas nécessairement grand chose des années plus tard).

    Toutefois, que l’on enseigne ou essaie d’éduquer et d’élever le débat comme vous le faites Jacques, il faut croire en l’humain, il faut continuer et s’adapter, même si on doit faire un break parfois, s’éloigner ou mettre ses attentes sur pause quelque temps, faire autre chose, (s’)enrichir autrement. Malgré le découragement, la désolation ou l’impression d’un désespérant jour sans fin, tout message porteur d’intelligence et de sens percole et perdure dans les esprits. Il en restera toujours quelque chose de positif, une trace, des satisfactions, des enseignements, des transmissions. Ça se fait (trop) souvent dans le non-dit mais ça n’est en pas moins réel pour autant.

    Bravo et merci pour tout.

  • Mangeur Vasqué le 11/04/2023 à 14h13
    Petit bug avec les liens Stevenson, take 2 : "When Illinois Gov. Adlai Stevenson was running for president in the 1950s, a supporter purportedly said to him: "Every thinking person in America will be voting for you." Stevenson replied, "I'm afraid that won't do — I need a majority."

  • Ba Zenga le 11/04/2023 à 16h56
    Pas grand-chose à ajouter Jacques, à part te dire bravo et merci pour cet article dont je partage chaque mot.

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