Bal tragique au Sports Complex Stadium
C'était le vendredi de la dramatisation, puisque la défaite des Bleus contre l'Australie, simultanée à l'annonce de la "rétrogradation" de l'OM par la DNCG, a également nourri une pluie de commentaires exclamatifs ou consternés.
Dans L'Equipe, on pouvait lire "stupeur", "cauchemar" ou "sacrifice", et constater la propension de Vincent Duluc à enfoncer des coins dans les failles. Le Parisien se surpasse: "Une défaite contre l'Australie, 78e au classement FIFA, en compétition officielle, c'est du niveau de France-Israël (2-3) du 13 octobre 1993 ou du Luxembourg-France (5-4) de 1914. Bref, c'est inimaginable." Tout à coup, Lemerre est l'auteur d'un coaching irresponsable et cette défaite imprévue prend des airs de crise aiguë sous la plume de nos commentateurs, qui réclament le retour de l'équipe "A" en oubliant qu'il s'agissait à Daegu plutôt d'une équipe "C". Décrispez-vous les gars, ce n'est que la Coupe des confédérations. Voilà où mène l'abus du caviar.
Roger Lemerre et Niccolo Machiavelli
Plus amusantes sont les hypothèses fictionnelles qui se sont développées devant de troublantes coïncidences, notamment dans le forum où Lemerre a été suspecté de machiavélisme. On peut en effet estimer que le scénario de ce match a servi certains de ses desseins, si l'on croit qu'il voulait renforcer indirectement le groupe presque immuable des champions d'Europe en démontrant l'écart de niveau. D'aucuns ne sont même pas loin de penser que l'opération favorise également les prochaines évictions en douceur de Lebœuf, Djorkaeff et Karembeu, seuls sélectionnés habituels qui sont aujourd'hui ouvertement contestés.
Lemerre est un personnage sibyllin, mais il est tout de même difficile de lui prêter des intentions aussi perverses, sachant les vrais risques pris en cas d'élimination prématurée. Non pas tant sportivement, cette compétition un peu superflue ne constituant pas un enjeu majeur, que pour sa propre position vis-à-vis des médias (voir paragraphe ci-dessus). Parions plutôt qu'il doit regretter un peu d'avoir fait confiance à une composition trop radicalement renouvelée, en sous-estimant un tantinet les Australiens. S'il se trompe dans un match comme ça et tape dans le mille en finale de l'Euro, ce n'est pas très grave.
Rangez la guillotine
Rien de très anormal dans cette (tout de même étonnante) petite défaite. Cette formation expérimentale a vu son destin contrarié par le sort, car en première mi-temps ses occasions probantes auraient pu lui permettre d'ouvrir le score et de prendre cette marge de confiance qui aurait ensuite suffi à lui assurer une victoire assez tranquille, quoique peu brillante. Si l'efficacité ou la réussite ont manqué avant la pause, c'est ensuite un déficit d'engagement qui a fait défaut, puis une imagination trop limitée et une passivité finalement coupable.
Improvisé, opposé à une sérieuse et chanceuse équipe australienne, ce onze ne mérite cependant pas d'être brocardé, ni les néo-tricolores d'être condamnés sans autre forme de procès. L'unanimité de la presse pour tirer des conclusions et culpabiliser les joueurs est d'autant plus excessive que le nouveau carton contre le Mexique ramène ce faux-pas au rang de péripétie sans grande signification. Qui doutait que les Camara, Bréchet, Robert, Gillet, Dacourt ou Née avaient encore du chemin à faire avant d'approcher la valeur de leurs aînés? Les circonstances ne les ont pas servis, mais il ne tient qu'à eux de survivre à cet épisode malheureux. Le Nanatais et le Lyonnais par exemple n'ont pas démérité, prenant leurs responsabilités dans une défense qui n'a été prise à défaut que sur un coup de pied arrêté. Et au moins Laurent Robert était-il super content de lui-même.
Lebœuf en daube
Pourtant, aucun des joueurs présents n'avait vraiment raté son match avant le but, mais la dernière demi-heure souligna leurs lacunes. Les anciens eurent d'ailleurs plus que leur part dans cet échec, à l'image d'un Djorkaeff, honorable jusque-là et qui sombra, montrant son incapacité à bonifier le jeu de son équipe (heureusement son pote Pierre Ménès lui sauve la mise dans L'Equipe).
Lebœuf sera une autre cible, avec un match un peu maudit, qui dérape avec sa tête manquée devant le but puis tourne à l'aigre quand il commet la faute qui amène le but australien et lui vaut un carton, et enfin au saumâtre au moment de son expulsion. Ses propos d'après-match, désolés et responsables, le rendent pour une fois sympathique, ce qui renforce le sentiment que ses jours sont peut-être comptés. Mais Lemerre mesure bien le poids de la régularité et de l'expérience pour un défenseur central. L'engouement actuel pour Silvestre ne doit pas faire croire que tout est joué pour la place d'assistant de Marcel Desailly. Le défenseur de Manchester a encore beaucoup à prouver avant de donner toutes les assurances du très haut niveau (celui d'une phase finale de Coupe du monde), même s'il est bien parti (la Ligue des champions, c'est déjà pas mal).
Bref, là encore, beaucoup de foin pour pas grand chose, mais c'est un peu normal. Nous aussi on en fait des tonnes sur l'équipe de France et c'est vrai qu'une défaite contre l'Australie, c'est un peu vexant. Surtout à midi moins le quart..