Avant-Premier League 2023/24 : le bon et le truand
Preview Premier League - Sympa, nous avons séparé pour vous le bon grain (Luton Town) de l'ivraie (Newcastle United) cette saison.
Le club à supporter
Luton Town. Les Hatters étaient encore en D5 il y a neuf ans, après avoir évolué en D1 de 1982 à 1992. Le club appartient indirectement aux supporters, via le consortium Luton Town FC 2020 Limited, créé en 2008 par des cadres du Supporters' Trust (détenteur de 50.000 actions du LTFC2020, dont 82% détenues par le businessman Paul Ballantyne), après un grotesque retrait de 30 points qui condamna Luton à la descente en non-League.
Depuis, une banderole "Betrayed by the FA" (Trahis par la fédération) est accrochée dans une tribune. L'actuel directeur général du club, Gary Sweet, est l'un des fondateurs du Supporters' Trust.
Luton Town, c'est aussi le premier club professionnel anglais à refuser le sponsoring des sociétés de paris sportifs, et le premier, dès janvier 2015, à rémunérer ses employés au "Living Wage", un smic facultatif (payable aux plus de 23 ans) supérieur au salaire minimum.

Le jeune manager Rob Edwards déclarait récemment vouloir "injecter un peu de chaos" dans l'élite. Cette philosophie punk donne un style de jeu conquérant, direct et physique (ça recherche pas mal les athlétiques attaquants Carlton Morris et Elijah Adebayo) s'articulant autour de systèmes disséqués ici, et dans lesquels la contre-attaque et les wingbacks(latéraux-ailiers, pistons) jouent un rôle clé.
L'ossature de l'effectif D2 a été conservée et rehaussée par neuf recrues (pour environ 23 millions), dont le latéral burkinabé Issa Kaboré (prêté par Man City), passé par Troyes et l'OM. Marvelous Nakamba, milieu prêté par Aston Villa la saison dernière, a signé pour trois ans.
Le merveilleusement nommé Zimbabwéen sera l'un des cadres, aux côtés du capitaine Tom Lockyer, de Pelly Ruddock Mpanzu (premier joueur à faire D5-PL avec le même club), des latéraux gauches Ryan Giles et Amari'i Bell, de l'ailier Jordan Clark et des buteurs Morris et Adebayo.
L'ex prodige Ross Barkley arrive (gratos) de Nice et tentera de se relancer après une succession d'échecs. Il est vrai qu'être étiqueté "The next Paul Gascoigne" étant jeune (à Everton, son club formateur) porte rarement bonheur.
Le stade de Kenilworth Road (10.356 places), vestige d'un autre temps, illustre à merveille l'idiosyncrasie de ce club, aussi bien par son caractère unique que par sa désormais célébrissime entrée visiteurs (que je présentais ici en 2012, voir vignette #7).
Le "Kenny" n'étant pas (du tout) aux normes PL, des salles VAR et un centre média équipé de studios d'analyse ont notamment dû être construits. En moins de trois mois (joli tour de force), c'est une bonne partie du stade qui a été totalement refaite ou modernisée, pour un coût d'environ dix millions (détails dans ce clip).
Le gros morceau a été la reconstruction totale de la tribune Bobbers, convertie en loges privatives en 1986 après une première tentative de démolition en mars 1985 des hools de Millwall... Le premier match à domicile, vs Burnley (J2), a été reporté mais le deuxième devrait se disputer au Kenny. Le nouveau stade devrait être terminé courant 2025.
Le club insupportable
Newcastle. Petit conseil aux Magpies en Ligue des champions : les arbitres y sont beaucoup moins coulants qu'en PL. Car au milieu et derrière, Burn, Schär et Botman en particulier ont bénéficié l'an passé d'une indécente clémence du corps arbitral. Bon sang, même les frotteurs du métro vont moins au contact.
La stratégie antisportive de NUFC (faire tourner le chrono, stats à l'appui) ne les rend guère populaire mais elle a payé. Le coup de génie des Saoudiens : nommer un entraîneur anglais à la touche de gendre idéal, ça invite l'indulgence et amadoue les médias. Les nouvelles consignes sur le time-wasting devraient les forcer à évoluer.
Après avoir tout de même claqué 250 millions nets en recrues en 18 mois, l'équipe n'a ébloui que par à-coups, grâce au jeu occasionnellement très soyeux des Guimarães, Almirón, Isak ou Wilson.
Côté business, NUFC vient de signer un contrat de sponsoring maillot à 25 millions l'année avec la société Sela, propriété du PIF (évidemment). Même avec la plus-value d'une participation en C1, le montant semble élevé (le précédent, avec FUN88, n'était que de 7 millions).

Fort heureusement, depuis décembre 2021, les impitoyables justiciers de l'instance PL possèdent un outil infaillible pour détecter la magouille, à savoir la règle du "FMV", Fair Market Value. Mais rien d'anormal de relevé en l'espèce. Infaillible, l'outil, on vous dit.
L'entreprise de normalisation du club va bon train, et avec elle la surenchère dans la flagornerie et la fascination pour Amanda Staveley (actionnaire minoritaire de NUFC et le principal visage public des Saoudiens). Seules quelques voix s'élèvent ici ou là pour dénoncer le rachat et l'aberration du concept de club-État. Rendons hommage ici à Barney Ronay et Jonathan Wilson, tous deux du Guardian, parmi les seuls journalistes connus à l'ouvrir sur ces deux thèmes.
Et saluons l'action du groupe NUFC Fans Against Sportswashing qui a créé le fanzine Hailstones in the desert. Ces activistes protestent parfois devant St James' Park (ci-dessus avant le match contre Chelsea le 12 novembre dernier) et montent des coups à l'occasion.
Et, pour couronner le tout, après des essais "concluants" dans le cricket, le rugby et quelques festivals, ainsi que lors d'un double concert à SJP du novocastrien Sam Fender (le "Springsteen anglais", lol), des buvettes de SJP pourraient être remplacées par des murs de "e-bars", des alignements de machines débiteuses de pintes, "éliminant ainsi les files d'attente", vantent leurs commerciaux.
Des distributeurs "censés servir la pinte parfaite à chaque fois", s'enthousiasme Nick Beeson, le concepteur. Bonjour la convivialité... À quand le parfait e-stade ou e-public pour chanter le e-chant idoine ? Une putain d'époque qui sied parfaitement à ce navrant club.

AVANT-PREMIÈRE LEAGUE
Le bon et le truand