Arbitrage et discipline: une faillite bien organisée (2).
Les règlements actuels et les pratiques ordinaires de la commission d'appel limitent le champ d'application des sanctions et compromettent délibérément les conditions d'arbitrage. Seules des mesures plus radicales, comme le double arbitrage et le recours sélectif à la vidéo après les matches, peuvent prétendre assainir réellement la situation. En a-t-on la volonté politique?
Dans l'autre cas de figure illustré par le Marseille-PSG (notons qu'on peut trouver des dizaines d'autres exemples moins médiatisés) tout se joue également après le match. Au cours de l’échauffourée de la 19ème minute, Perez et Abardonado pètent les plombs à quelques mètres des caméras en se précipitant poings en avant dans une altercation où mis à part les deux Leroy, personne n’était réellement vindicatif. L’arbitre n’ayant pas fait état dans son rapport de ces incidents (qu'il a pu ne pas voir dans la mêlée), l’histoire s’arrête là. Sans évidemment remettre en cause le résultat d'un match bel et bien remporté par l'OM, on se demande comment des exactions répréhensibles peuvent rester aussi évidentes qu'impunies. La commission d’appel et de l'éthique est une nouvelle fois la clé de l'énigme.
Une impuissance délibérée
Celle-ci, lors de "l'affaire Letizi" (après un tacle sauvage ayant blessé Marsiglia, le gardien messin avait écopé d'une lourde suspension), avait déjugé la commission de discipline et "blanchi" le gardien lorrain, en invoquant le fait qu’un joueur ne pouvait être sanctionné rétrospectivement pour une agression ou un acte d'antijeu qui n'a pas été consigné dans son rapport par l'arbitre. Cette "jurisprudence Letizi" limite non seulement l'utilisation de la vidéo, mais concourt même à nier purement et simplement des faits avérés. Elle signifie que dans le dos de l'arbitre, tout est permis, devant des millions de téléspectateurs. La commission d'appel a pris en toute connaissance de ses effets ultérieurs une décision qui limite considérablement le champ d’action de la commission de discipline, laquelle ne peut plus épauler des arbitres à qui il est impossible de tout voir lors du match. On constate en effet que même avec le renfort supposé des juges de touche, de nombreuses irrégularités restent impunies (on se demande tout de même où regardait celui de Marseille-PSG).
Se sachant libérés de cette menace rétrospective, les joueurs hésiteront d’autant moins à commettre des actes répréhensibles. Là aussi, on nourrit le laxisme ambiant par crainte d’assumer des responsabilités qui sont sources potentielles de conflits avec les dirigeants de clubs.
La morale sportive laisse encore quelques plumes dans ce type d'affaire, et on se demande bien ce qu'attendent des instances pour faire avancer le dossier, en permettant simplement aux arbitres et aux délégués d'inclure si nécessaire dans leur rapport les faits enregistrés par les images. On limiterait ainsi le champ des comportements impunis, et l'effet de dissuasion sur les joueurs serait rapidement efficace. Mais une telle réforme est peut-être trop délicate à mener politiquement. L'omniprésence des dirigeants de club à tous les niveaux de la Ligue, dont les commissions de discipline et d'appel ne sont que des services, rend-elle difficile l'affirmation d'une politique disciplinaire rigoureuse? (voir l'article précédent)
Doubler les effectifs!
Une autre piste a été suivie par les propositions de la FIFA, agréées cette semaine par le vénérable International Football Association Board, consiste évidemment à renforcer les pouvoirs des assistants, qui pourront intervenir lorsqu'ils seront mieux placés que l'arbitre de champ et signaler toute faute constatée. Etrangement, il nous semblait que de telles directives étaient anciennes, et n'avaient simplement jamais été appliquées. Elles auraient logiquement pour effet de limiter les interventions de la vidéo au strict nécessaire, et surtout de sanctionner sur le terrain même les débordements éventuels. Dans l'état actuel des choses, on ne peut cependant espérer que cette mesure ait une réelle influence: les arbitres assistants sont déjà sous la pression de la surveillance constante des hors-jeu, tâche extrêmement délicate. D'autre part, les arbitres de champ sont peu enclins à céder de leurs prérogatives, comme en témoignent souvent leurs préjugés négatifs sur le double arbitrage. Un double arbitrage qui apparaît pourtant comme la solution la plus réaliste pour améliorer sensiblement les conditions de jeu, et que l'International Board veut encore tester : quatre arbitres actifs plus un délégué, ce sera à peine suffisant pour couvrir l'étendue du terrain de jeu, mais ce sera déjà un net progrès.
Avant d'en arriver là, les directives FIFA seront-t-elles soutenues et appliquées dans les confédérations et les fédérations? Le chantier est plus vaste qu'il n'y paraît.