Amoros 1982, la forte tête
[saga Mundial 1982] Le 24 juin 1982, l'équipe de France passe pour la première fois depuis vingt-quatre ans le premier tour d'une Coupe du monde. Sur un coup de tête de son benjamin.
Les Tchécoslovaques ne payent pourtant pas de mine. Ils pratiquent un jeu d'une étonnante lenteur, mais se montrent difficiles à manœuvrer. Réduits à dix dans les dernières minutes de la partie, ils se montrent encore les plus dangereux.
À moins que ce ne soit les Français, tétanisés à l'idée de manquer leur qualification, qui ont inconsciemment choisi de laisser le ballon à l'adversaire et de défendre au mieux. Ce France-Tchécoslovaquie disputé à Valladolid le 24 juin 1982 restera peut-être dans l'histoire comme le match le plus crispant de l'histoire des Bleus.
Un score nul suffit aux hommes de Michel Hidalgo pour passer le premier tour - une qualification attendue depuis vingt-quatre ans. Platini lui-même est saisi par l'angoisse et joue la rencontre comme un demi défensif.

Avoir vingt ans en 1982
Manuel Amoros est le plus jeune des Tricolores présents sur la pelouse. Sélectionné parmi les vingt-deux comme remplaçant, après avoir connu ses premières sélections dans les mois qui ont précédé le tournoi, il est devenu titulaire à la suite des changements opérés par Michel Hidalgo après la défaite initiale contre l'Angleterre.
Brillant contre le Koweït, le jeune Monégasque a conservé sa place contre la Tchécoslovaquie. Mais il sait déjà qu'il ne jouera pas le prochain match si la France parvient à se qualifier. En début de deuxième mi-temps, il prend un carton pour une faute sur Fiala. Un avertissement qui s'ajoute à un autre reçu contre le Koweït et qui le suspend automatiquement pour un match.
Le jeune défenseur des Bleus ne baisse pas les bras pour autant. C'est lui qui est à l'origine du but des Tricolores. Son centre dans la surface est mal repoussé par la défense tchèque, le ballon rebondit au sol puis sur quelques têtes avant d'arriver dans les pieds de Bernard Lacombe.
Le Bordelais se fraye un chemin vers le but. Sa frappe du gauche est légèrement freinée par le plongeon du gardien Stromsik. Le ballon roule devant la cage vide et Six vient le pousser de l'extérieur du pied gauche.
L'ouverture du score ne débride pas les vingt-deux acteurs, et le match reste heurté. L'entraîneur tchécoslovaque fait alors entrer son artificier Antonin Panenka, qui se démène pour renverser la tendance. Il est de tous les corners, de tous les coups francs, de tous les tacles. Il administre même une béquille à Michel Platini, ce qui lui vaut un carton jaune.
L'équipe tchécoslovaque n'est pas brillante, mais elle pèse de tout son poids sur des Tricolores apeurés. À six minutes de la fin, elle obtient un penalty pour une légère faute de Bossis sur Vizek. C'est Panenka qui tire.
On sait que c'est un joueur redoutable sur coups de pied arrêtés. Il est réputé pour ces penalties qu'il transforme d'un tir piqué, ce qui a rendu fous quelques gardiens réputés. Mais celui-ci, Panenka l'exécute de manière plus conventionnelle, et pas moins efficace : Ettori est pris à contrepied.
Premier coup de tête
À 1-1, la nervosité gagne les Tricolores, au point que Michel Hidalgo lui-même préfère entrer au vestiaire. Leurs adversaires ne sont guère plus sereins : Vizek se chamaille avec Soler, lui règle son compte sous les yeux de l'arbitre et reçoit logiquement un carton rouge. C'est le premier de cette Coupe du monde espagnole.
Le ballon reste pourtant dans les pieds tchécoslovaques. Bicovsky, près du poteau de corner sur le côté gauche, se fait faucher par Amoros. Panenka tire le coup franc vers le but français. Ettori intervient, mais relâche le ballon devant Bicovsky.
Le tir flotte vers la cage désertée par le gardien. Mais sur sa trajectoire se trouve Amoros, sur la ligne, qui dégage de la tête...
Le ballon revient encore et passe au-dessus de la cage, Platini et Amoros s'accrochent à la barre transversale en suivant le ballon des yeux. Le corner de Panenka ne donnera rien. Paolo Casarin, l'arbitre italien, siffle la fin du match.
Le premier tour des Tricolores aura été intense de la première minute (le but de l'Anglais Robson) à la dernière (le coup de tête d'Amoros). Le jeune Monégasque devient le héros de cette rencontre ô combien crispante.
Il sera, par son culot et son agressivité, l'une des grandes révélations de ce Mundial. Il aurait pu devenir un héros plus grand encore si la frappe qu'il avait envoyée à la dernière minute du temps réglementaire de la demi-finale de Séville ne s'était pas écrasée sur la barre transversale.
Il deviendra une figure de l'équipe de France. Après son coup de tête de Valladolid, il se distinguera par un autre coup de tête moins sympathique administré au Danois Jesper Olsen en match d'ouverture de l'Euro 1984. Cela lui vaudra une expulsion, suivie d'une lourde suspension qui le privera de la suite du tournoi. Il retiendra la leçon pour les années à venir.

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