Alex Ferguson, le devoir de mémoire
Dans le documentaire Sir Alex Ferguson : Never Give In, le légendaire entraîneur de Manchester United confie à son fils les souvenirs d'une vie exceptionnelle.
Le film débute par un test. Face caméra, Alex Ferguson répond à des questions de son fils Jason. Sur des aspects basiques de sa vie, comme les prénoms de ses enfants et sa date de naissance, aussi bien que sur ses souvenirs les plus forts. Le but est de mettre à l'épreuve la mémoire du natif de Govan, victime en 2018 d'une hémorragie cérébrale.
La mémoire, voilà bien le thème principal de ce documentaire qui revient sur la vie d'Alex Ferguson en s'attardant surtout sur son parcours jusqu'au triplé de 1999. Ne jamais abandonner, pour ne jamais oublier. Ou bien est-ce l'inverse.

Les origines et les valeurs
Attaquant coriace et redoutable, Alex Ferguson a connu une carrière de joueur honorable, quoique marquée par un échec fondamental sous les couleurs de son club de cœur, les Glasgow Rangers, auxquels il gardera une rancune tenace suite à son traitement après la déroute en finale de la Coupe d'Écosse 1969 face au Celtic.
Le récit appuie sur ses origines modestes et ouvrières, avec force images et films d'époque d'excellente qualité, insiste sur le rôle de son père et de son entraîneur, qui sauveront sa carrière des dérives et des tentations classiques de la jeunesse.
Valeurs de travail, humilité de l'ouvrier des chantiers navals, positionnement anticapitaliste : autant de points de caractère et d'héritage familial soulevés dans cette première partie du film. On regrette justement que la polémique autour de son non-positionnement lors de la reprise de Manchester United par la famille Glazer ne soit pas évoquée.
Parce que Ferguson n'occulte pas, en revanche, les remords de ce passage blessant voire traumatique chez les Rangers et son manque de courage face aux dirigeants du club lorsque la question de la confession catholique de son épouse avait été abordée lors de son recrutement.
Mais c'est aussi, peut-être, ce qui explique la ténacité qui va être la sienne par la suite dans le rôle de coach, d'East Stirlingshire à Manchester United en passant, surtout, par Aberdeen où il accomplit ses premiers exploits notables, glanant au passage quelques titres nationaux et la Coupe des Coupes 1983 face au Real Madrid.
Archives et confessions
Le film est bien évidemment accompagné de témoignages de proches et joueurs qui l'ont côtoyé, étoffant le portrait d'un homme à la détermination et aux capacités de meneur uniques. En fil rouge, il y a cet accident cérébral de 2018 qui est raconté par épisodes, en parallèle du récit principal.
C'est ici que les confessions se font plus intenses, plus émouvantes, à la fois du côté de la famille et de celui de Ferguson, qui raconte ce qui l'a alors le plus effrayé : perdre la mémoire, les souvenirs de la vie d'un entraîneur de club peut-être la plus fastueuse que l'on ait connue.

Au-delà de cette solidité narrative, Sir Alex Ferguson : Never Give In bénéficie également d'un montage efficace, beau, voire exaltant par moments. Le travail de recherche d'archives est remarquable, comportant certains passages illustrant parfaitement le témoignage des intervenants.
On pense par exemple au récit de Ferguson assistant pour la première fois à un match de Ryan Giggs, le décrivant comme "dansant sur le terrain" - ce que le film montre alors sur une action magnifique du Gallois se baladant en équipe de jeunes.
Le réalisateur Jason Ferguson fait probablement son choix de plan le plus pertinent lorsqu'il traite les dernières minutes de la finale du Camp Nou face au Bayern Munich. C'est l'apothéose à la fois de l'histoire de l'entraîneur et d'un documentaire passionnant, qui réussit l'exploit de faire vibrer le spectateur, que l'on connaisse déjà ou non les faits évoqués, que l'on soit supporter de Manchester United ou non.
Sir Alex Ferguson: Never Give In, de Jason Ferguson, 1h48, 2021. Disponible en VOD.