Ainsi finissent les sélectionneurs
Les carnets de l'archiviste – Après un échec ou une victoire: y a-t-il d'autres manières, pour les sélectionneurs, de quitter leurs fonctions? Comment le cas des prédécesseurs de Domenech a-t-il été réglé?
Auteur : Bruno Colombari
le 19 Juin 2008
Nul ne sait si l'ère Domenech s'est achevée le 17 juin à Zurich. L'histoire des trente dernières années des Bleus montre qu'il n'y a pas de règle: des sélectionneurs sont partis après un triomphe, d'autres (parfois les mêmes) sont restés malgré un échec, d'autres enfin ont été débarqués de force ou ont préféré prendre la tangente.
Premier cas : We Are the Champions

12 juillet 1998. Saint-Denis. Il ne lâche pas son cahier à la couverture noire, comme s'il avait besoin de s'accrocher à quelque chose au moment d'entrer dans la quatrième dimension. Vilipendé par la presse depuis plusieurs mois, Aimé Jacquet lui réserve un peu de bile après match, mais pour lui l'heure de la béatification est arrivée.
Deuxième cas : I Will Survive

16 juin 1987. Oslo. Les Bleus bouclent une saison d'une remarquable médiocrité: une victoire, deux nuls et deux défaites. La victoire contre la Norvège à Oslo est indispensable. Mais Platini vient d'arrêter sa carrière, le terrain est boueux et rien ne va. Battue 0-2 avec notamment une grosse erreur de Bats qui manque une interception au pied, l'équipe de France peut tirer un trait sur l'Euro 88 en Allemagne. Henri Michel reste toutefois en place moyennant un aménagement du calendrier (18 clubs au lieu de 20, suppression des aller-retour en coupe de France).
29 avril 1989. Paris. Les éliminatoires du Mondiale 90 en Italie ont commencé depuis huit mois et déjà c'est le match de la dernière chance. Platini sélectionneur a accumulé les contre-performances (2-3 en Yougoslavie, 0-0 contre l'Eire, 0-2 en Ecosse) et le match contre la Yougoslavie de Susic, qui est chez lui au Parc, doit être gagné pour éviter une élimination précoce. Il ne l'est pas (0-0), même si Didier Deschamps fête sa première sélection en remplaçant Xuereb. Platini avait promis qu'il démissionnerait en cas de non-qualification pour l'Italie, mais il reste en place. Il a déjà tout compris de la politique.
Troisième cas : The Final Cut

17 novembre 1993. Paris. Ginola, le coup-franc, Kostadinov, le tir sous la barre de Lama, air connu. Le ciel tombe sur la tête de Gérard Houllier, à qui il faudra des années pour s'en remettre. Dans une ambiance détestable (règlements de comptes entre Parisiens et Marseillais, tergiversations de Jean Fournet-Fayard), il se passe une bonne semaine avant que le sélectionneur ne consente à céder sa place après seulement quinze mois et douze matches. Jamais la Coupe du monde 1998 n'avait paru aussi lointaine.
11 juin 2002. Incheon. Jamais sans doute l'écart ne fut aussi grand, en un siècle d'histoire, entre l'attente suscitée par une équipe qui marche sur l'eau et la réalité du terrain. Dépassés dans le jeu par une sélection danoise qui profite des largesses de la défense, les Bleus sortent en lambeaux d'un tournoi mondial qui leur semblait acquis. Mais Roger Lemerre, dont le contrat a été prolongé par le président Simonet quelques semaines auparavant, n'a pas l'intention de partir. Il faudra attendre le conseil fédéral de juillet pour voir la Fédération trancher.
Quatrième cas : Hello Goodbye

25 juin 2004. Lisbonne. Privés de Vieira, en panne d'inspiration offensive et piégés par une équipe grecque coriace, les Bleus de Santini concèdent leur première défaite en compétition depuis deux ans au plus mauvais moment. Le sélectionneur a déjà la tête ailleurs, à Tottenham où il s'est engagé avant même le début de l'Euro, la Fédération lui ayant refusé une prolongation de contrat. Il ne fera qu'y passer.