Sunderland, 24 septembre 2013 (ATP) – Lorsque deux crises du supportérisme se rencontrent, c'est peut-être une solution qui émerge. D'un côté de la Manche, la Premier League, ses droits télé records et sa capacité à attirer les meilleurs joueurs du monde, mais une atmosphère dans les stades de plus en plus aseptisée. De l'autre, des Ultras devenus indésirables, chassés des tribunes et privés de matches, en mal d'équipes à supporter. Il y a donc une logique à voir le club de Sunderland annoncer une collaboration avec une cinquantaine d'anciens membres d'associations dissoutes du virage Auteuil du Parc des Princes.
 

Concrètement, ces Ultras, après une procédure de recrutement, se sont vu offrir un CDD d'un an reconductible et confier une mission non seulement d'animation, mais aussi de formation des supporters locaux. Au programme: confection de tifos, lancement de chants, maniement d'écharpes, apprentissage du rôle de "capo", etc.
 

Stadium of Light. Photo : cc Ben Andreas Harding / Flickr
"Nous avons d'abord pensé recruter en Angleterre, mais nous nous sommes vite rendus compte qu'en vingt ans, le savoir-faire s'était perdu. Et puis ici, pas grand monde n'aurait assumé de soutenir Sunderland, alors que les Parisiens sont ravis", a commenté Ellis Short, président du club. Le coût de l'opération pourrait sembler excessif, mais les dirigeants du club estiment que "l'opération ne coûte pas plus cher que le recrutement d'un joueur de Ligue 1, et pourrait nous rapporter plus de points." Le dernier obstacle a été levé avec le limogeage de l'entraîneur Paolo Di Canio, dont les sympathies d'extrême droite ont fait hésiter certaines recrues, issues d'une tribune aux idées notoirement opposées.
 

Cette initiative fait suite à d'autres démarches du même genre en Premier League. Manchester United vient ainsi d'annoncer la création d'une "tribune de chant" à Old Trafford, où 1.400 supporters des Red Devils prendront place pour le match de Ligue des champions contre la Real Sociedad, le 23 octobre prochain. L'un d'eux, cité par The Independent récemment, déclarait ainsi: "L'ambiance de certains matches à domicile ressemble à celle d'une bibliothèque, et nous voulons changer ça." Sunderland avait aussi, en début de saison passée, tenté de créer une singing section mais l'expérience se termina en fiasco: les fans les plus fervents refusèrent de rester assis pour chanter, et dérangèrent les spectateurs attachés à leur tranquillité.
 

On n'en est pas encore au rétablissement de tribunes debout, mais la situation évolue dans un pays encore traumatisé par les drames du Heysel et de Hillsborough. On peut tout de même se demander comment des supporters du PSG, à la réputation sulfureuse, n'y ont pas été considérés comme indésirables. "En Grande-Bretagne, nous sommes plus attachés aux libertés civiques qu'en France. Nous avons étudié les dossiers des candidats, et il en est ressorti qu'on leur avait simplement reproché de supporter leur club. Ici, c'est le contraire: nous reprochons à nos fans de ne pas le supporter assez", explique Ellis Short. 

Selon nos informations, Sunderland AFC se serait même procuré les listings de supporters "interdits" du PSG (listings récemment condamnés par la CNIL) afin de sélectionner les meilleurs éléments. Ces agents d'ambiance d'un nouveau genre se sont déjà choisi un emblème: une moustache. L'accessoire fait à la fois une allusion au stéréotype du Français et un clin d'œil au président de la Ligue hexagonale Frédéric Thiriez, pour son combat contre les fumigènes et les banderoles. Une moustache qui pique, donc.

En raison du caractère drastique des mesures de sécurité dans les stades anglais, les supporters embauchés devront respecter un code de conduite. Mais, contacté par l'ATP, l'un d'eux se réjouit franchement: "C'est une belle occasion de montrer que les Ultras ont leur place dans le football actuel, y compris en Premier League, et même qu'il n'y a pas de football durable sans nous."  De la Ville lumière au Stadium of Light, pour ceux-ci en tout cas, il n'y avait qu'un pas.