1986-1990 : années noires, génération perdue
[Épisode 3/3] Ils devaient prendre la relève de la génération Platini. Certains ne s'en relèveront pas, d'autres connaîtront de beaux jours, et deux seront champions du monde…
1986-1990 : les années noires des Bleus
1986-1990 : années noires, losers bleus
1986-1990 : années noires, génération perdue
Sacré fourre-tout de joueurs de calibre international et d’honnêtes piliers de clubs, d’étoiles filantes et de vieux grognards, la liste des fins de carrière internationales, durant ces années 1986-1990, comporte quand même du beau monde et un paquet de sélections. On conçoit que le relais fut dur à prendre.
Joël Bats (Chypre 89)
Patrick Battiston (Yougoslavie 89)
Bruno Bellone (Maroc 88)
Daniel Bravo (Ecosse 89)
Jean-François Domergue (Norvège 87)
Jean-Marc Ferreri (Albanie 90)
Bernard Genghini (Islande 86)
Yvon Le Roux (Ecosse 89)
Michel Platini (Islande 87)
Yannick Stopyra (Irlande 88)
Jean Tigana (Yougoslavie 88)
Philippe Vercruysse (Eire 89)
Daniel Xuereb (Yougoslavie 89)
Platini mis à part, difficile de dire lequel est le plus préjudiciable. Offensivement, les inconstances d’alors d’un Bravo ou d’un Vercruysse n’ont pas aidé à stabiliser tout ça, alors qu’ils avaient indéniablement le talent pour prendre leurs responsabilités et s’imposer. Et l’air de rien, remplacer Bellone et surtout Stopyra n’est pas chose aisée.
En défense et au milieu, Battiston et Tigana, sur leur ligne de jeu respectives, laissent nécessairement un trou, et la retraite de Le Roux est aussi un écueil. Le poids de l’héritage, pour Sonor et Kastendeuch notamment, a pu amener une lecture sévère de leurs sorties lors des matches à enjeu.
Les adieux s’étalent de façon progressive, ce n’est pas un effondrement complet. Il n’est pas possible de parler de rupture. Alors est ce que cette transition se passe mal faute de talent? Peut-être.
Sous les cendres
Les nouveaux sélectionnés ne sont donc pas dans les meilleures conditions pour franchir un palier ou se transcender. Pourtant, quinze joueurs qui étrennent leurs galons sous Henri Michel ou sous Michel Platini seront du championnat d’Europe 1992 et prendront part à la campagne victorieuse qui débute à l’été 1990.
Eux ne rateront pas le bon wagon. Manquent Pascal Olmeta, Emmanuel Petit et Jocelyn Angloma, qui y prennent place plus tard, en 1991 et 1992.
Là encore, sur cette quinzaine d’heureux élus, il faut faire le tri. Deschamps et Blanc voient donc leur carrière décoller à cette période. Le futur "président" est de la débâcle écossaise, à laquelle il a le mérite de survivre. Ils seront champions du monde et d’Europe.
Ils côtoient des Rousset, Garde ou Divert, au parcours anecdotique, ainsi que des joueurs plus confirmés. On ne fera pas offense à Martini, Casoni, Boli ou Sauzée ou Cantona de ne pas ramener la lumière sur eux, ils en ont bien profité (les uns grâce à l’OM, l'autre grâce à son séjour britannique).
Victimes de l'époque
En revanche, Cocard, Perez ou Silvestre ou Vahirua sont moins restés dans les mémoires. Ils ont pourtant su sortir des nimbes, briller au moment opportun et ramener un peu de joie au Parc ou ailleurs.
Pascal Vahirua, magnifique ailier, terrorise bon nombre d’arrières droits par une vitesse d’exécution qui lui ouvre naturellement les portes de l’équipe de France.
Son alter-ego Christophe Cocard en profite allègrement (comme Laslandes, Silvestre ou Martins, autres Auxerrois qui apporteront leur écot aux Beus). Il connaît sa minute de gloire en plantant un des dix buts face à l’Azerbaïdjan devant le kop de l’Abbé-Deschamps, sans pour autant durer au-delà de l’été 1992.
Dans un autre genre, Christian Perez fut un poison tout aussi nocif pour les défenses. Le Parisien brille pour sa première sortie à Belgrade et, malgré la défaite, il s’installe pour quatre ans dans la rotation. Une belle conduite de balle, de la vitesse et des centres soignés sont ses principaux arguments. Platini lui accorde sa confiance. Gérard Houiller, lui, ne le sollicitera plus.
Mention à Franck Silvestre, défenseur propre qui, s’il n’affiche que 11 sélections, profite de l’équipe de France pour passer de Sochaux à Auxerre, ou il fera partie des cadres de la période la plus faste de l’équipe. Barré par l’arrivée des monstres Blanc et Desailly, il aura néanmoins contribué à tracer la voie du défenseur moderne, sûr à la relance et intelligent au placement.
Au bout du compte, quelle différence entre un Carmelo Micciche (ou un Stéphane Paille) et un Fabrice Divert, un Pascal Despeyroux et un Rémi Garde, un Bernard Pardo ou un Jean-Philippe Durand? Une année de plus ou de moins, une articulation plus solide, un choix de club ou de carrière qui font que l’un peut inscrire une participation à une grande phase finale, et pas l’autre.
Dans la petite histoire
Fabrice Divert fait le travail devant avec le Stade Malherbe de Caen, avant de confirmer suite à son transfert à Montpellier, claquant 14 buts en 1991/92 avec les Pailladins, soit autant que Stéphane Paille… sous le maillot normand. Pas suffisant pour ramener l’ancien Sochalien dans la maison bleue, mais assez pour que Divert plaise à Platini.
Une première sélection au printemps 1990 l’introduit dans le sérail. Deux ans plus tard et quelques semaines avant le départ pour la Scandinavie, un but en à Lausanne pour son retour en équipe de France (deuxième sélection) lui permet d'être de l’aventure. Divert ne sera plus convoqué après la compétition, mais laisse sa trace dans l’histoire avec un but et un Euro.
Rémi Garde, 6 sélections en 15 convocations, éveille l’intérêt de Platini après avoir contribué à ramener l’OL en D1. Au sein d’un milieu de terrain un peu rustre (Genesio, NGotty, Colin, Roche), il apporte une touche technique remarquable. S’il manque un peu de puissance, la suite de sa carrière à Strasbourg et Arsenal confirme sa capacité à stabiliser des équipes parfois fougueuses.
On pourrait prêter les mêmes qualités à Jean-Philippe Durand, qui fait ses armes au TFC pendant les belles années, et fête sa première apparition à Lescure face à l’Espagne en 1988. Il survit au limogeage de Michel, et confirme sa belle activité à Bordeaux, puis à l’OM, qu’il ne quittera plus jusqu’en 1997.
Joueur précieux pour un collectif, polyvalent, il s'inscrit dans une progression de carrière linéaire. Pourtant plus âgé qu’un Poullain, qu’un Bijotat ou qu’un Despeyroux, pas forcément plus talentueux, il présente un CV auquel ces concurrents auraient pu prétendre.
Les passe-muraille
Amoros, Fernandez, Papin. De vrais survivants, qui font la jonction entre Mexico et Göteborg sans avoir sombré dans le triangle des Bermudes que sont la fin des années Platini.
Manu Amoros, 29 sélections sur 30 possibles, manque juste l’inutile 3-0 contre l’Écosse, suppléé par Silvestre ou Di Meco. Il fut de tous les coups, les pires comme ceux porteurs d’espoirs. Il étrennera sa 82e et dernière cape lors de la défaite face aux Danois en 1992, après avoir emmené en bon capitaine cette équipe de France dans laquelle il aura tout connu.
Luis Fernandez, le phénix de cette équipe, aura survécu à un passage compliqué. Il n’est pas appelé entre le piteux nul en Irlande du Nord d’avril 1988, pour revenir quatorze matches plus tard, à Budapest.
Il sera en octobre 1991 le héros de Séville avec une volée magistrale en match de qualification, avant de se retirer lui aussi à l’issue de l’Euro suédois, après dix années de bons et loyaux services. Il amènera aux plus jeunes cette hargne et cette expérience qui leur faisait parfois défaut.
Jean-Pierre Papin n’aura donc pas connu la joie d’un titre en bleu. Trop jeune en 1984 (il sort de l’INF Vichy pour faire ses premières armes en D2 à Valenciennes), trop subalterne en 1986, trop court en 1992 avec une génération inexpérimentée en compétition, bouté hors des States par une bande de Bulgares déchaînés: il n’aura trouvé guère qu’à l’OM un écrin digne de son talent.
Avec tout de même 19 sélections et 5 buts à la fin de la saison 1988/89, il survit avec ses coéquipiers Amoros, Casoni, Durand et Sauzée aux turbulences de l'époque.
Jean-Marc Ferreri a connu l’Euro en France (il était même titulaire face à la Yougoslavie), le Mexique, puis les errances. Aurait-il pu être de l’Euro 1992? Même s’il n’est plus international depuis 1990, son séjour à Auxerre en 1991/92 est remarqué, au point que l’OM de Tapie le réclame au Vélodrome.
La relance opérée par Guy Roux n’est pas assez convaincante pour le sélectionneur, qui préfère Christian Perez ou Pascal Vahirua, joueurs à profil similaire. Il aura pourtant disputé 17 matches sur les 30 possibles dans cette période compliquée – un parcours conclu par une ultime sélection en Albanie, en novembre 1990.
Voilà comment une longue page blanche de l'histoire de l'équipe de France s'est refermée sur nombre de ses protagonistes, dont le destin international aura été lié à celui des Bleus pour le pire plutôt que pour le meilleur…
Remerciements de l’auteur aux cédéfistes Isaïas et Ligue Huns pour leur site cité dans l’article et pour les contributeurs du forum pour les idées, compléments et autres suggestions.
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