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Dudelange et démons

Reportage – Partons à la rencontre du Luxembourg footballistique avec un peu d'avance sur les Bleus, pour y retrouver Vairelles, Caillet ou Ollé-Nicolle...
Auteur : Guillaume Balout le 12 Oct 2010

 

Quand le monde du football avait la tête en Afrique du Sud, d'autres destins se jouaient en d'autres contrées. Comme ceux des Luxembourgeois de Dudelange et des Danois de Randers qui s'affrontaient en juillet dernier... au premier tour de la Ligue Europa.
Photos cc Christopher Voitus
Comme tous les soirs de la semaine, les voitures battant pavillon "57" se mêlent au trafic des poids lourds sur l’A31 pour regagner le pays. Dans le sens inverse, passée l’industrieuse Thionville, l’autoroute se fraie un passage dans un paysage vert et vallonné. Au sommet de la dernière côte, un poste-frontière se fait discret au milieu des va-et-vient quotidiens des travailleurs transfrontaliers entre la France et le Luxembourg. Cinq minutes et deux bretelles autoroutières plus tard, c’est déjà Dudelange. Diddeleng, en luxembourgeois, pour ses quelque 20.000 habitants.
Ancienne cité sidérurgique des Terres rouges, la commune semble aujourd’hui avoir réussi sa transition économique: aux résidences cossues de la périphérie succèdent des berlines allemandes neuves dans un centre-ville que se disputent bars et pubs. Malgré la chaleur, les terrasses sont presque vides. Des drapeaux portugais sont accrochés aux fenêtres. Dans la rue, nada. Au pays des magots qui prospèrent dans les banques, le Dudelangeois est adepte du silence et du cours ordinaire des choses. On n’aurait pas dû venir, ça va commencer à se voir! Soit. Dudelange a le charme d’une bourgade germanique et la quiétude d’une station thermale alpestre.

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Mais Dudelange s’emmerde. Alors elle crée une allée de jets d’eau en centre-ville, propose ses Vélib et, aux arrêts de bus, installe des panneaux électroniques indiquant la température, la pression atmosphérique, l’humidité de l’air, l’ozone, le monoxyde de carbone. En revanche, pas le moindre détecteur de match décisif de coupe d’Europe à deux heures du coup d’envoi. Près de l’Hôtel de ville, le F91 Dudelange tient boutique entre un kebab et un café, uniques traces perceptibles du champion du Luxembourg de 2005 à 2009. Né de la fusion de deux clubs en 1991, le F91 ferait figure de nouveau riche au Grand-Duché. Une sorte d’OL local où même Tony Vairelles, sûrement grisé par le maillot rayé sang et or, a réalisé la meilleure saison de sa carrière l’an dernier avec 24 buts. Battu cette saison par son rival et voisin de la Jeunesse d’Esch, Dudelange a troqué le premier tour de la Ligue des champions pour le premier tour de la Ligue Europa. En 2005, opposé aux Bosniens du Zrinjski Mostar en C1, il fut le premier et dernier club luxembourgeois à avoir franchi un tour sur la scène européenne.



Cinq euros, le prix de l’ombre

Ce soir, un défi équivalent lui est proposé avec la venue du FC Randers au stade Jos-Nosbaum. Pour le coup, en cas de qualif’, le F91 marquerait l’histoire de la compétition puisqu’il doit corriger un 6-1 encaissé la semaine précédente au Danemark… Au moment de remonter la rue du stade Jos-Nosbaum, installé à flanc de colline, le public déambule en tenue de vacanciers parisiens flânant dans la campagne normande. Bermudas, lunettes de soleil, bananes autour de la taille, marmots pleurnichards sur les épaules, mais pas le début d’un maillot du F91 à l’horizon. En haut, un petit millier de personnes se tasse dans le stade. Sur le papier, cette enceinte, coincée entre un jardin pour enfants, des maisons avec potager et une prairie où paissent des chevaux, est censée pouvoir accueillir près de 5.000 spectateurs… Pourquoi pas, en comptant alors l’espace entre la sortie des vestiaires, la buvette, la boucherie Ferreira et la pelouse. Le plus grand des quatre stades de la ville n’a pas de virage, seulement une tribune couverte et des gradins qui lui font face. Jouxtant la buvette, donc, les vestiaires se retrouvent derrière un but, au même endroit que le club house... À vrai dire, il n’y a pas vraiment d’autre choix: la tribune accueille déjà les bancs de touche encastrés sous une estrade... Cette extravagance surplombe le terrain d’un bon mètre et en laisse à peine deux entre les spectateurs et la ligne de touche. Avec un brin de mauvais esprit, on pourrait s’amuser à tirer le maillot d’un joueur qui s’apprête à faire une touche. Ça doit être ça, les normes de l’UEFA...

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Pas terribles, les places en gradins à 15 euros. Pour 5 euros de plus, le public a massivement choisi la tribune. 5 euros, c’est le prix de l’ombre et de la visibilité. Et on est au Luxembourg, quand même. D’ailleurs, à bien y regarder, les gradins sont surtout occupés par de petits groupes de touristes danois qui bronzeront donc au Luxembourg. Même les ultras dudelangeois s’embourgeoisent. À une extrémité de la tribune, deux jeunes supporters se font remarquer en déployant leur bâche "Ultras Diddeleng" devant l’estrade… et juste devant une poignée d’Altivos, les ultras danois qui n’osent plus sortir la leur…



Caillet, le coup franc à papa

Quand les deux équipes entrent sur la pelouse, tous les éléments d’une farce semblent alors réunis. Même les Danois apportent leur contribution. Déjà, leur nom et leur maillot bleu délavé évoquent une sordide contrefaçon chinoise des Glasgow Rangers. C’est peut-être ce qui leur a permis de se qualifier pour la coupe d’Europe. Premier non relégable de son championnat, le FC Randers n’a pas remporté la coupe nationale. Pour la deuxième saison consécutive, le club dispute donc la Ligue Europa au bénéfice… du prix du fair-play! Une opportunité rendue possible par un règlement obscur qui vaut notamment aux Suédois de Gefle et aux Finlandais de MyPa 47 de connaître pareil destin européen cette saison.

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Sur la pelouse, les Danois sont les premiers à envoyer un ballon sur le parking. (De l’autre côté, il se perdra plutôt dans les potagers). Au F91, il y a du répondant technique, à défaut de toujours maîtriser la situation. Ici et là, quelques joueurs déclarent un peu de bide mais ça tient bien. Par deux fois, le remuant Benzouien se débrouille tout seul pour inquiéter le gardien. Les coups de pied arrêtés représentent toutefois le gros du danger. À chaque corner dudelangeois, les deux ultras se retrouvent à taper sur la tôle de la tribune, sûrement dans un souci d’intimidation. Assez logiquement, deux coups francs directs tendus font 1-1 à la mi-temps: Lorentzen pour Randers, Caillet pour Dudelange. Si, si, Jean-Philippe, l’ancien Messin, tout juste rentré de Chine. À trente-trois ans, le défenseur central est venu dispenser sa sagesse d’ancien professionnel aux amateurs luxembourgeois. Et à Romain Ollé-Nicolle qui honore son premier match de coupe d’Europe par un carton jaune.

Les Danois sont-ils vraiment des imposteurs? Hormis de la rigueur et de la vélocité, Randers peine dans l’animation offensive. Pour avoir des mecs un peu plus motivés et laisser les titulaires à l’ombre, l’entraîneur aurait très bien pu aligner les gamins de son groupe qui amusent la galerie pendant la pause. La résistance insoupçonnée des Luxembourgeois vaudra même une défaite aux Danois. Le tacle hargneux, Rémy intercepte une relance adverse et sert Gruszczynski en profondeur. Le gringalet polonais, le "Popov" du public local, tergiverse un peu dans la surface, s’essaie à un crochet trop long mais parvient à décocher une frappe écrasée qui trompe Ousted… Une action haletante qui aurait pu esquisser les contours d’un exploit... s’il ne restait pas seulement une vingtaine de minutes de jeu et quatre buts à inscrire, si Benzouien avait cadré son coup franc et si Fenger avait été expulsé plus tôt. Peu importe: les spectateurs de la tribune et des gradins se renvoient des "Diddeleng! Diddeleng!". Même les Altivos sortent enfin leur banderole en entamant une série de chants.



Comme une montée en DH

2-1, c’est très bien. On laisse gentiment rentrer les Danois aux vestiaires avant d’ouvrir la pelouse au public, comme lors d’une dernière journée de championnat à Bollaert. Là, c’est surtout pour occuper les gosses pendant que les parents descendent des Diekirch à la buvette ou partagent leurs impressions avec les joueurs. Pour les journalistes qui n’ont pas eu la présence d’esprit d’en alpaguer un du haut de l’estrade, la séance de rattrapage est aisée. Honni dans la plupart des équipes professionnelles, l’exercice de l’interview post-match semble ici apprécié, avec la bénédiction des dirigeants. Un stadier, enfin un type avec une casquette et un badge illisible, joue les rabatteurs pour pousser les journalistes dans le club house.
Là, un autre gars cherche à entrer en communication avec vous. Renseignement pris, c’est le président Théo Fellerich. Enchanté. "Je vais vous chercher Romain Ollé-Nicolle." Arrivé le mois dernier en provenance de Clermont, le fils à Didier prend un ton qui contraste notoirement avec l’ambiance "bière et saucisson". Dans un discours bien potassé, celui qui vient de disputer le premier match de coupe d’Europe de sa carrière a eu "un bon feeling avec le coach avant de signer", est satisfait "des installations", s’intéresse "au projet du club de regagner le titre et la coupe", est venu acquérir "du temps de jeu". Heureusement que ce soir, l’essentiel n’était pas les trois points… Bon, la reconquête du titre, d’accord, mais quand même... "J’ai senti que je ne pouvais pas percer à Clermont. J’avais quelques pistes en Ligue 2 ou en National mais bon... Le Luxembourg est frontalier avec pas mal de pays. Je n’ai que vingt-deux ans, on ne sait jamais ce qui peut se passer." Gare toutefois à ne pas finir en Jupiler League…

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Le championnat belge, lui, il le connaît bien pour avoir passé trois ans à Genk. Après une saison en Chine, d’où il est revenu après une affaire de paris truqués, Jean-Philippe Caillet a décidé de revenir chez lui, en famille à Metz, de l’autre côté de la frontière. "Ici, c’est convivial", lâche simplement le nouveau patron de la défense dudelangeoise, clope et bière à la main à la sortie des vestiaires. Mais attention. "Je ne veux pas donner l’image du joueur en fin de carrière venu s’enterrer ou jouer en roue libre. Je crois l’avoir montré ce soir, non?"

Le club house est désormais ouvert à tout le monde. A-t-il seulement été fermé? S’il y a bien un endroit où la victoire sera fêtée, ce sera vraisemblablement là. A la buvette, comme une montée en DH. Plus bas, en ville, la soirée est gagnée par l’ennui et la monotonie. Des restaurants sans client et des serveurs prostrés offriraient des décors de film pour Kaurismaki pendant que la jeunesse dudelangeoise se rassemble discrètement dans quelques bars. Ce soir, le F91 s’est imposé pour la première fois de son histoire à domicile en coupe d’Europe.

Réactions

  • ULF le 12/10/2010 à 01h28
    je ne sais pas pourquoi, mais ce compte rendu ca me rappelle mes années lycée d'épopées fantastiques à la balzac... tiens ca rime avec prozac :-/

  • DidierF le 12/10/2010 à 01h36
    En tout cas, c'était drôlement bien à lire. Merci.

  • Ô Mexico le 12/10/2010 à 01h54
    C'est pour ce genre d'articles qu'on vient sur les Cahiers. Merci !

  • OLpeth le 12/10/2010 à 07h58
    On s'y serait cru, très bon reportage.

  • Tonton Danijel le 12/10/2010 à 09h14
    Très sympa reportage en effet, merci!

  • Diablesse Rouge le 12/10/2010 à 09h26
    Même les Luxos nous snobbent... j'vais pleurer.

  • Bio-Hazard le 12/10/2010 à 09h44
    Ouais, le "attention à ne pas finir en Jupiler Ligue", ben, c'est pas gentil. C'est quand même mieux que la d1 luxembourgeoise, et tout le monde le sait.

    Hein ?
    Vous le savez, les copains français ?

    Bon, je retourne me faire l'intégrale des victoires belges en coupe d'Europe. Oui, les 3...

  • Toni Turek le 12/10/2010 à 09h59
    Bien bel article que voilà.
    Merci et bravo.

    Concernant le championnat luxembourgeois, il risque d'être assez monotone cette année... Dudelange a dix points d'avance sur son dauphin Grevenmacher après seulement neuf matches joués, et le dernier n'a pas encore marqué son premier point (comme quoi il y a pire qu'Eupen).

  • Sens de la dérision le 12/10/2010 à 11h48
    Magnifique, ça donne envie sincèrement d'aller voir ce genre de match.

  • le Bleu le 12/10/2010 à 11h57
    Superbe.

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