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Dimanche 24 février, se disputera la plus improbable des finales de coupe : Bradford (D4) contre Swansea (Premier League). Mieux. Cette finale de League Cup, entre deux clubs aux parcours furieusement inverses depuis 2000, tient du miracle. Et avec la succession de glauqueries qui polluent le football britannique depuis plusieurs saisons, cette grosse bouffée d’air frais arrive à point nommé.

C’est Michael Laudrup, le manager de Swansea, qui a le mieux résumé cette finale au lendemain de la qualification des Swans pour Wembley : « Ce match opposera le petit conte de fée au grand conte de fée. »

Conte de fée. Si ce terme taillé pour la coupe est souvent galvaudé, il prend ici tout son sens. Deux fairytales aux trames diamétralement contraires et hors normes, et bien malin qui pourrait désigner avec certitude le minot de ce conte enchanté.

Des précédents mais rien de comparable

Etablir ici une liste un tant soit peu exhaustive des giant-killings de Cup (FA ou League) serait impossible. Et vain : elle a déjà été dressée maintes fois sur le Net et ailleurs (en voici une – à laquelle il faudrait ajouter le récent exploit de Luton Town – D5 – tombeur de Norwich le mois dernier en FA Cup, première fois depuis Sutton United-Coventry en 1989 qu’une D5 eliminait une D1). Seuls deux clubs de D3 ont atteint, et remporté, une finale de coupe (tous deux en League Cup et contre des D1) : QPR, en 1967 – contre WBA – et Swindon Town, en 1969, contre Arsenal.

Avant Bradford, seul un club de D4 était parvenu en finale : Rochdale FC, en 1962. Toutefois, cet exploit ne peut être comparé à celui de Bradford, pour deux raisons. D’une part, l’écart – de moyens – entre un club de D4 et D1 était beaucoup plus faible que maintenant (ce dossier explique pourquoi). D’autre part, au début des années 60, la League Cup était bien moins cotée qu’aujourd’hui et fut délaissée par nombre de grosses écuries de D1. De fait, cette compétition était si peu considérée au départ que sa première finale se disputa en début de saison suivante ! (22 août et 5 septembre 1961).

Cette coupe avait été imposée par Alan Hardaker en 1960, le controversé patron de la Football League (voir bas d’article TK sur les 50 ans de la League Cup). Les clubs de D1 ne furent pas franchement emballés et seuls dix d’entre eux participèrent à la première édition. Parmi ceux-là, aucun n’avait fini dans le Top 5 la saison précédente.
Puis, l’engouement vint timidement : 80 clubs en 1961-62, mais seulement 12 de D1 (sur 22). Rochdale, après un beau parcours (2 D4, 2 D2 et 1 D1 éliminées), fut battu en finale par Norwich City (D2), 4-0 sur les deux matchs.

Sentant que sa coupe allait dans le mur, Hardaker fit deux grosses concessions : à partir de 1967, la finale se jouerait à Wembley avec une qualification européenne à la clé. La League Cup décolla enfin.

Les Bantams clés… et leurs potins de vestiaire

(les petits secrets ci-dessous sont révélés par Matt Duke, l’excellent gardien Bantam, dans le Guardian du 22 janvier dernier).

Phil Parkinson. Manager, 45 ans. Honnête carrière de milieu en Football League, à Bury (D3) et Reading (D3 et D2). Ce licencié en sciences sociales est un féru d’organisation et de préparation physique. Comme tant d’autres, son parcours d’entraîneur est fait de hauts (Colchester) et de bas, voir première partie. Courtisé par plusieurs clubs de Football League récemment, dont Blackpool (D2).

Parkinson ne touche que 1 000 £ / semaine + 1 000 £ par point engrangé… au-dessus de 52 unités (et vu que Bradford n’en a que 44 au compteur – sur 31 matchs disputés, 46 journées – le performance bonus se sera pas mirobolant). Son contrat se termine en juin prochain et les négociations avec le club ont commencé. En place depuis août 2011.

Matt Duke. Gardien, 35 ans, 1m96. Héros des quarts et demi-finales (superbe contre Arsenal, homme du match contre Aston Villa à Valley Parade). Commença tout au bas du bas de l’échelle, en Pub League à Sheffield (équivalent des championnats corpos, non affiliés à la fédération anglaise). Puis vint la non-League (football amateur et semi-pro) à Burton Albion, alors en D7. Vendu à Hull City pour 20 000 £ en 2004, où il disputa 21 matchs de Premier League en 2008-2010.

N’a probablement pas eu la carrière qu’il méritait. Atteint d’un cancer testiculaire en 2008. Au club depuis l’été 2011.

Stephen Darby. Latéral gauche, 24 ans. Liverpool reject (nous en débattions d’ailleurs chaudement sous cet article sur l’Academy de Liverpool, où il fut formé). S’est refait une santé chez les Bantams après quelques prêts infructueux en Football League. D’après Matt Duke, Darby se fait souvent chambrer car il est le sosie de Ken Barlow (étant jeune), un personnage incontournable de Coronation Street, ce soap qui déprime toute l’Angleterre depuis 1960… (et ouais, vous vous cognerez Plus belle la vie jusqu’en 2075 probablement). Au club depuis juillet 2012.

Gary Jones. Solide milieu de 35 ans, capitaine et leader du groupe. L’aboyeur de service et archétype du midfield enforcer. Meilleur passeur (ex-aequo) de la League Cup cette saison. Rochdale Legend (D3 – D4, plus de 500 matchs pour The Dale). Membre d’une école de pilotage sur route, ce que les autres joueurs trouvent « very sad » selon Duke (navrant et digne de chambrage intensif).

Ce qui est bien moins sad, ce sont ses performances héroïques durant cette épopée, a tenu la baraque comme un Roy Keane. Homme du match contre Arsenal en quarts et superbe également contre Aston Villa à domicile en demie. Au club depuis juin 2012.

Rory McArdle. Arrière central, 25 ans. Débuta sa carrière pro à Sheffield Wednesday en 2004 (D2 – D3) mais ne perça pas chez les Owls. A marqué contre Aston Villa (but who hasn’t this season?). International nord-irlandais (5 capes). Compte déjà 39 matchs en 2012-13, l’un des totaux les plus élevés cette saison en League Football (PL + Football League), ce qu’il ne cesse de rappeler aux autres selon Duke ! Malheureusement, une blessure à la cheville le tient éloigné des terrains depuis presque trois semaines (incertain pour dimanche). Au club depuis juin 2012.

Zavon Hines. Ailier droit / milieu offensif, 24 ans. Fut l’un des « Joueurs d’avenir » que le magazine Four Four Two mit en avant dans feu sa page mensuelle The boy’s a bit special (rubrique assez kiss of death !). Ex Espoir anglais, très technique. Il y a du Raheem Sterling / Wilfried Zaha dans ce joueur. Vif et rapide mais croque un peu trop.

Après quatre ans compliqués à West Ham (31 apparitions) et une sérieuse blessure au genou en 2010, l’Anglo-Jamaïcain rebondit aujourd’hui en D4. Au club depuis juillet 2012.

Nakhi Wells. Avant-centre, 22 ans. Dans un bon jour, quand cet international des Bermudes combine en triangle avec le duo Hines-Hanson, l’adversaire disparaît. Commença sa carrière sur son île, au superbement nommé Dandy Town Hornets. Fulgurante progression cette saison, 18 buts (dont 14 en championnat). Rapide et technique, il serait convoité par plusieurs clubs de D2.

Selon Matt Duke, se fait souvent charrier pour avoir acheté une puissante voiture de sport il y a peu… avant même d’avoir le permis (examen qu’il mit une éternité à décrocher, toujours selon notre gardien chambreur). Et conduire un bolide avec des plaques L (Learner) en Angleterre attire un sévère mickey-taking (chambrage). S’est racheté en marquant le premier but des demies à Valley Parade. Au club depuis juillet 2011.

James Hanson. Avant-centre, 25 ans. Ce Bradfordian d’1m93 est le seul joueur de l’effectif à avoir été acheté (au club semi-pro de Guiseley, près de Leeds)… 7 500 £ seulement !
Marqua le but du 2-1 contre Aston Villa à Villa Park en demi-finale, où il joua sous infiltrations avec une fracture à l’orteil. Homme du match contre les Villans à l’extérieur. Travaillait dans un supermarché Co-op de Bradford jusqu’à son premier contrat pro en 2009 (il y fait d’ailleurs toujours ses courses). Les supporters lui ont dédié un chant court mais sympa : « Avant il bossait au Co-op du coin, au Co-op du coin, au Co-op du coin, etc. » Au club depuis 2009.

Egalement :

Curtis Good. Arrière central ou latéral gauche, 19 ans. Australien prêté par Newcastle, qui le refourgua illico en se rendant compte qu’il n’était pas français (donc sans intérêt) après l’avoir acheté à Melbourne pour 250 000 £. Selon Matt Duke, Good dort tellement que l’équipe est persuadée qu’il ne s’est pas encore remis du décalage horaire (il est en Angleterre depuis sept mois). International U20 australien et promis à un bel avenir dans le football selon Duke. A bien neutralisé le Villan Andreas Weimann en demies à domicile. Au club depuis 3 mois.

Carl McHugh. Défenseur, 19 ans. International irlandais U19, excellent durant toute cette campagne. Pas le plus athlétique des arrières mais solide et impressionnant face à Villa. Y est même allé de son but contre les Villans (et depuis, se fait charrier). Au club depuis l’été dernier.

Nathan Doyle. Milieu polyvalent (aussi latéral droit et ailier), 26 ans. Formé à Derby County, ex international anglais chez les Jeunes (des U16 aux U20). Transfuge de Barnsley, D2 (100 apparitions en trois saisons). Au club depuis l’été dernier.

Garry Thompson. Avant-centre / ailier / milieu offensif, 32 ans. Transfuge de Scunthorpe (D2 – D3). Très rapide et technique, a marqué contre Arsenal en quart. Se fait copieusement chambrer pour sa ressemblance avec James Bond-Daniel Craig. Au club depuis l’été dernier.

L’effectif complet en photos.

Avant le match, les Bantams s’échaufferont en survêtement commémoratif du drame de Valley Parade le 11 mai 1985 (voir footnotes première partie de ce dossier et ici), tenues floquées du numéro 56 correspondant au nombre de morts ce jour-là (265 blessés). Pour le manager Phil Parkinson, dans le Times du 20 février, Valley Parade est la « tragédie oubliée » du football anglais.

Deux bonnes anecdotes Bantams pour le prix d’une

Le Dungeon. C’est le surnom du vestiaire extérieur de Valley Parade. De l’avis de tous, l’un des plus pouilleux du football anglais. Il n’y a que 8 douches, confinées dans un espace étriqué, difficile de se doucher à plus de cinq. Un endroit récemment décrit par un dirigeant de Bradford comme squalid (infect). Trois toilettes seulement, au bout d’un long couloir et à partager entre les deux équipes. Selon Paul Rowan, journaliste au Times, les équipes visiteuses se plaignent souvent de l’état des lieux et certains joueurs, de rage, n’hésitent pas à vandaliser les WC ! Selon la légende, quand Arsenal affronta Bradford en 2001 en championnat, Wenger ordonna à l’équipe de filer directement dans le bus, sans passer par la case toilettes-douches !

Bradford City, sur le toit du monde

Bradford City, sur le toit du monde (FOBC = Friends Of Bradford City, groupe de supporters)

Paul Deo, le prêtre chambreur. Ce vicar (pasteur) qui sermonne dans une église de York (à 50 kms de Bradford) est aumônier à Bradford City, une fonction prise très au sérieux dans les clubs anglais (deux tiers d’entre eux en ont un).

Mais Paul Deo est également speaker à Valley Parade et c’est un charrieur de première. Le 8 janvier dernier, Bradford terrasse les Villans 3-1. Après le match, une fois les joueurs rentrés aux vestaires, le spirituel curé gratifie ses ouailles d’une homélie prophétique au micro du stade :

« Allez-y mes enfants, vous pouvez déjà réserver votre chambre d’hôtel à Londres pour la finale à Wembley le 24 février. »

[devant la polémique soulevée quelques jours avant le match retour (!), Deo donnera une version plus édulcorée de ses propos ce soir-là – on l’accusa aussi d’avoir « écorché les noms des Villans » pendant la présentation des équipes et d’avoir réagi wildly sur chacun des trois buts Bantams… Tant est si bien que, selon le Daily Mail – que nous croirons exceptionnellement sur parole pour l’intérêt burlesque de l’affaire – quelques supporters Villans se plaignirent des agissements du curé auprès de la police ! ici]

Quelques jours avant le match retour à Villa Park, Paul Lambert apprend les mots du curé allumeur de la bouche d’un journaliste. Au lieu d’en sourire et pardonner au prêtre pécheur, l’Ecossais se braque (ce qui en dit long sur la fébrilité et l’état d’esprit régnant dans ce club) :

« S’il a vraiment dit ça, il nous a manqués de respect. Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. C’est irrespectueux d’agir de la sorte. On verra ce qui se passera après le match. […] Il y a quinze jours, c’était chez eux. Mais je le redis, je trouve ça irrespectueux de faire ça à d’autres équipes. »

Se faire pourrir par un curé et mordre à l’hameçon, on aura tout vu du côté de Villa cette saison. Du côté de Bradford, on est tellement plus zen. Peut-être parce que leur supporter numéro 1 est… le dalaï-lama.

Kevin Quigagne.

PS : quand on ne fait pas du tourisme à Doncaster ou du lèche-vitrine (sans « s », y’en a qu’une) à Wigan, il nous arrive de poster sur Facebook et Twitter.

Dernière minute : A voir absolument ce double reportage de Philippe Auclair sur Bradford City.

Dimanche 24 février, se disputera la plus improbable des finales de coupe : Bradford (D4) contre Swansea (Premier League). Mieux. Cette finale de League Cup, entre deux clubs aux parcours furieusement inverses depuis 2000, tient du miracle. Et avec la succession de glauqueries qui polluent le football britannique depuis plusieurs saisons, cette grosse bouffée d’air frais arrive à point nommé.

C’est Michael Laudrup, le manager de Swansea, qui a le mieux résumé cette finale au lendemain de la qualification des Swans pour Wembley : « Ce match opposera le petit conte de fée au grand conte de fée. »

Conte de fée. Si ce terme taillé pour la coupe est souvent galvaudé, il prend ici tout son sens. Deux fairytales aux trames diamétralement contraires et hors normes, et bien malin qui pourrait désigner avec certitude le minot de ce conte enchanté.

Aujourd’hui, deuxième partie : Swansea City. Pour en connaître un rayon sur les Swans sans se fatiguer, lire cet article TK d’août 2012.

[tous chiffres en £]

Swansea, l’anti Bradford

3 mai 2003, dernière journée de D4. Stade déglingué de Vetch Field (aka The Vetch), Swansea. Le club joue sa survie et affronte Hull City, 13è. La mission est claire : gagner, sinon  descente en non-League et quasi certitude d’un deuxième redressement judiciaire en trois ans.

Il faudra un miracle pour que les Jacks (leur autre surnom) restent en Football League : un hat-trick de leur avant-centre James Thomas (admirez le travail, à la Messi : 9’30 sur ce clip). Victoire 4-2 et maintien arraché d’un petit point. Ironie de l’histoire, ce Thomas qui joua les urgentistes ce jour-là était ambulancier dans le civil ! (plusieurs joueurs étaient semi-pros).

A noter que Leon Britton, l’actuel brillant milieu de terrain Swan (il vient de prolonger), était déjà là ainsi que le défenseur Alan Tate. On retrouve aussi dans cette équipe… Roberto Martinez, le sorcier de Wigan.

Car ce Swansea version 2012-13, classieux et dominateur, revient de loin, de très loin.

Janvier 2002, les supporters se révoltent et reprennent Swansea City pour de bon, las de voir leur club dirigé par des propriétaires incompétents et absents. Quelques mois auparavant, 600 d’entre eux avaient créé le Swans Trust et racheté une partie du club après les difficultés financières du début des Noughties (années 2000) quand Swansea fut reprit à la hussarde par un consortium anglo-australien qui se débarrassa de 15 joueurs dès son arrivée, provoquant l’ire des instances et des fans.

L’experience aussie tourna court avant que les supporters, assisté de Huw Jenkins (ci-dessus), l’actuel président Swan, ne prennent le contrôle des opérations (détails dans cet article). Ces mêmes supporters qui se cotiseront pour payer une partie des salaires de l’effectif, régler les factures du club et feront appel aux bonnes volontés (artisans bénévoles) pour rendre le vétuste Vetch plus présentable (peinture, remplacement des sièges abîmés, etc.).

En 2004, Swansea est toujours en D4 quand survient le premier véritable tournant sportif du club depuis belle lurette : l’arrivée du manager Kenny Jackett (aujourd’hui à Millwall où il fait du bon travail depuis 2007). Jackett imprime patiemment son style, celui voulu par le board : une équipe organisée pratiquant un football de possession et le plus près possible du sol. Un pari qui s’avère payant. Les Swans montent en D3 en mai 2005 et déménage dans la foulée au Liberty Stadium (20 750 places), élément vital de leur réussite.

Le déclic arrive en 2007

Février 2007, no Jackett required, Kenny est limogé. Arrive Roberto Martinez (ci-contre), l’ex capitaine des Swans (2003-06) joue désormais à feu Chester City (D4). L’Espagnol a 33 ans et c’est son premier poste d’entraîneur.

Débute ce que les médias appelleront « The Swansea Revolution » (puis Swanselona). Roberto confère au club une aura supplémentaire et surtout fait monter les Jacks en D2. Ce faisant, il établit les bases de la success story dont l’apothéose sera la montée en Premier League en 2011.

L’Espagnol sert aussi de mentor à quelques entraîneurs locaux, dont Ian Holloway, l’actuel manager de Crystal Palace (le Bristolien, pendant sa saison sabbatique en 2008-09, l’observera de près et a souvent dit depuis s’être largement inspiré de son style offensif). Sous sa direction, et avec une masse salariale de seulement 6M en 2009, Swansea rate de peu les play-offs d’accession à la PL (8è).

Eté 2009, Martinez cède aux sirènes de Premier League et part à Wigan. Arrive le Portugais Paulo Sousa (1er ci-dessous), qui continue l’oeuvre commencée en 2004 par Kenny Jackett. De nouveau, Swansea échoue de peu aux portes des barrages (7è).

Eté 2010, c’est au tour de Brendan Rodgers de s’essayer à la montée. On connaît la suite, le Nord-Irlandais hissera les Swans en PL au deuxième essai.

Laudrup débarque l’été dernier. A l’instar de ses prédécesseurs, il prône un football offensif en 4-3-3, un jeu en triangle basé sur la possession, le pressing et le contre. Le style est plus direct et tranchant que sous Rodgers. Assurément, le Danois était le candidat idéal pour faire fructifier le précieux héritage légué par le trio Martinez-Sousa-Rodgers et s’inscrire dans ce continuum, cette « philosophie » tant recherchée par le président Huw Jenkins et le board dès 2002.

Une volonté de beau football qui trouve ses racines dans le jeu pratiqué par Swansea… il y a soixante ans. Comme l’explique l’attachant Jenkins (lifelong fan du club) qui parle souvent de « vision », dans le Times du 10 janvier dernier :

« J’ai fait des recherches sur le jeu de Swansea dans les années 50, en D2. On avait des gars comme les frères Ivor et Len Allchurch [Ivor est le meilleur buteur du club, 164 buts], Cliff Jones, Harry Griffiths et ça jouait au ballon, croyez-moi ! »

Plan à long terme, philosophie de jeu, stabilité, tradition… Ce club a tout pour réussir et s’installer durablement en Premier League. Et l’avenir s’annonce radieux : un permis d’agrandissement du stade (à 32 000 places) vient d’être deposé pour satisfaire la forte demande. Les finances sont également au beau fixe, avec des derniers comptes (exercice 2011-12) qui feraient pâlir d’envie tous les chairmen du foot anglais : presque 15M de bénéfices (pour un  chiffre d’affaires de 65M).

Le parcours des deux finalistes

Pour plus de détails, voir tableau de la League Cup 2012-13.

Bradford (les joueurs Bantams seront présentés dans la dernière partie)

Premier tour (70 clubs) : Notts County (D3) 0 – Bradford 1

11 août 2012, tour de chauffe de la coupe maudite. Quiconque aurait dit ce jour-là que Bradford, qui a fini 18è de D4 trois mois auparavant, sortirait 3 Premier League – dont Arsenal – et jouerait la finale à Wembley le 24 février 2013 serait passé pour un fou. Bradford est coté 2 000 contre 1 pour décrocher la League Cup.

Victoire à l’arrache après prolongations, alors qu’un joueur de Notts County rate un immanquable (et donc la qualification) à trois mètres du but à la 91è… James Hanson marque d’un brossé en lucarne dans la prolongation.

2è tour (50 clubs) : Watford (D2) 1 – Bradford 2

Mené 1-0 à la 84è par la bande à Gianfranco Zola, Bradford égalise à la 85è. Puis Garry Thompson marque le but victorieux, à la 93è !

16è de finale : Bradford 3 – Burton Albion 2 (D4)

Bradford se retrouve une nouvelle fois mené et sévèrement : 2-0 à sept minutes de la fin… Avant que l’avant-centre Nakhi Wells ne plante un doublé aux 83è et 90è ! Extra-time. A la 115è, l’ex latéral de Liverpool, Stephen Darby, inscrit le but des huitièmes d’un tir sec.

Trois tours et autant de qualifications in extremis… On commence à se dire que ce Bradford en état de grâce permanent peut surprendre.

8è de finale : Wigan (PL) 0 – Bradford 0

(vainqueur 4-2 aux tirs aux buts, après prolongations)

Quart de finale : Bradford 1 – Arsenal 1

(vainqueur 3-2 aux tirs aux buts, après prol.). Gary Jones, capitaine des Bantams, déclare :

« On a joué Torquay récemment et ça a été plus dur de les battre qu’Arsenal ! »

(les Bantams aiment chambrer… – dans la dernière partie)

Demi-finale (match aller-retour, 8 et 22 janvier)

Bradford 3 – Aston Villa 1

Superbe match des Yorkshiremen qui asphyxient un piètre Villa dominé dans tous les compartiments du jeu (certes, Bentenke, N’Zogbia et Agbonlahor ont copieusement vendangé). Et les spectateurs (22 300, dont 4 000 Villans) de chanter : « Are you Arsenal in disguise ? » et « Can we play you every week ? »

Aston Villa 2 – Bradford 1

Les Bantams restent sur une mauvaise série en championnat : 1 seul point de pris sur les 4 derniers matchs. On se dit que Villa va faire au moins aussi bien que les trois clubs de D4 qui ont dernièrement battu Bradford, dont le minuscule Barnet d’Edgar Davids (entraîneur-joueur) qui vient de corriger les Yorkshiremen 2-0 à Valley Parade.

Parkinson aligne le même XI qu’à l’aller. Inaugurant une nouvelle stratégie de combat, Aston Villa donne un petit drapeau à chacun de ses supporters (40 000 – moins les 6 500 Bantams). Ils l’agitent beaucoup mais ça ne suffit pas, malgré la forte domination Villan (60 % de possession et 21 tentatives de but – mais 6 cadrées seulement) et un dispositif ultra offensif – sorte de 3-1-2-4 – dans la dernière demi-heure.

Scènes de liesse Bantams sous la neige de Birmingham, les supporters entonnent un triomphal « Que sera, sera, we’re going to Wem-ber-ley, que sera sera ». Première finale de coupe depuis… 1911 ! (FA Cup remportée sur Newcastle). La dernière visite des Bantams à Wembley remontait à 1996 (finale des play-offs de D3, Bradford était alors managé par Chris Kamara – si, si, Chris Kamara a bien été manager ! Cette saison-là, Swansea descendait en D4…).

Bradford a déjà engrangé 1,3M £ lors de cette campagne League Cup (surtout en billetterie) et recevra 1M supplémentaire après la finale, principalement en billetterie (45 % des recettes Wembley) et droits télé – les sommes versées au vainqueur / finaliste sont négligeables, respectivement 100 000 et 50 000 £. Les joueurs toucheront eux un pactole de 250 000 £.

Comme le révèlait le site Sporting Intelligence le 23 janvier (ici), si Bradford décrochait la timbale, il deviendrait le seul club de D4 à avoir remporté une coupe nationale dans les 100 premiers pays au classement Fifa. Seul le Sri Lanka Navy a réalisé cette prouesse (le Sri Lanka n’est cependant que 190è à  la Fifa). Toutefois, Navy était un club de D1 relégué en D4 pour des raisons bien particulières Et si Bradford City triomphait, cela transporterait de bonheur Bradford-ville, une cité multiculturelle de 500 000 habitants qui a souvent mauvaise presse.

Le parcours de Swansea

2è tour : Swansea 3 – Barnsley (D2) 1

16è : Crawley (D3) 2 – Swansea 3

8è : Liverpool 1 – Swansea 3

Quart de finale : Swansea 1 – Middlesbrough (D2) 0

Demi-finale :

Chelsea 0 – Swansea 2
Swansea 0 – Chelsea 0

Quelques chiffres

Bradford

Swansea

Budget

4M

65M

Coût total de l’effectif

7 500

26M

Masse salariale (2011/12)

1,3M

35M

Prix (plancher) abonnement adulte

299*

449

Prix billet adulte

20**

35**

Affluence moyenne (2012/13)

10 044

20 329

(*199 £ en early bird, acheté à l’avance ; **Prix unique stade)

Kevin Quigagne.

Dimanche 24 février, se disputera la plus improbable des finales de coupe : Bradford (D4) contre Swansea (Premier League). Mieux. Cette finale de League Cup, entre deux clubs aux parcours furieusement inverses depuis 2000, tient du miracle. Et avec la succession de glauqueries qui polluent le football britannique depuis plusieurs saisons, cette grosse bouffée d’air frais arrive à point nommé.

C’est Michael Laudrup, le manager de Swansea, qui a le mieux résumé cette finale au lendemain de la qualification des Swans pour Wembley : « Ce match opposera le petit conte de fée au grand conte de fée. »

Conte de fée. Si ce terme taillé pour la coupe est souvent galvaudé, il prend ici tout son sens. Deux fairytales aux trames diamétralement contraires et hors normes, et bien malin qui pourrait désigner avec certitude le minot de ce conte enchanté.

A tout saigneur, tout honneur : Bradford ayant sorti trois clubs de Premier League pendant cette campagne (!), aux Bantams d’ouvrir le bal.

[tous chiffres en £]

Les Bantams

Les Bantams, à Villa Park, fêtant leur billet pour Wembley

Une finale « salutaire » pour le moral du foot britannique

Une finale décrite ainsi par Mike Harrison, rédacteur en chef du principal fanzine du club, The City Gent, depuis 1984 (l’un des premiers du pays et le plus vieux en circulation) :

« Cette finale est un coup de fouet salutaire pour les supporters désabusés par le gouffre sans cesse grandissant entre les clubs riches et pauvres. Notre épopée a ravivé la flamme de la passion que beaucoup pensaient avoir perdue dans le football d’aujourd’hui. Les exploits de Bradford rappellent à tous les supporters des petits clubs anglais qu’il faut oser rêver. Ces épopées semblaient appartenir au passé mais tout est possible, toujours. Dans cinquante ans, on parlera encore de notre parcours de rêve. »

Flashback, début des Noughties (années 2000). Bradford évolue en Premier League et dépense sans compter tandis que Swansea, descendu en D4, ferraille devant à peine 3 000 inconditionnels pour ne pas sombrer en non-League [1], sorte de Triangle des Bermudes du football anglais (cf Luton Town ou Grimsby).

Tout l’effectif Bantam a coûté le tiers d’une beuverie téquila-champagne avec Patrice Evra : 8 750 €.

Puis, en 2001, l’énorme bulle éclate à la face des Bantams et la spirale cauchemardesque s’enclenche : dettes faramineuses (jusqu’à 40M £), descente en D2 (il y en aura trois en six saisons) et redressement judiciaire en 2002 (un autre suivra en 2004). Depuis 2007, Bradford est englué en D4 et toujours endetté. Pour preuve, le XI qui sortit Aston Villa en demi-finale le mois dernier a coûté… moins cher qu’une voiture bas de gamme, 7 500 £ ! En fait, c’est tout l’effectif Bantam qui est revenu au tiers d’une beuverie téquila-champagne avec Patrice Evra et au dixième d’une soirée Las Vegas du Secret Footballer…

=

Parallèlement, après les heures sombres de 2000-03, Swansea est repris par les supporters, avec à leur tête Huw Jenkins, homme d’affaires local. Une ascension fulgurante jusqu’au sommet de la Premier League, largement réalisée à la force du mollet et grâce à des choix de personnel réfléchis (dans le dernier volet).

Bradford City, ex kakou de Premier League

S’il fallait résumer le Bradford City des quinze dernières années par une expression anglaise souvent utilisée en sport, rise and fall irait comme un gant. Car peu de clubs britanniques se sont élevés aussi haut avant de tomber si bas (ah si, un autre… Swansea City ! voir leur wiki).

Mai 1999. Sous la houlette du manager Paul Jewell, les Bantams finissent 2è de D2 et rejoignent l’élite qu’ils n’ont plus revu depuis 1921 quand, devant 30 000 spectateurs bien souvent, il se tiraient la bourre avec Bradford Park Avenue, l’autre (ex) grand club local (aujourd’hui semi-pro en D6).
Bradford est aussi une ville de rugby (Bradford Bulls, jeu à XIII, celui de la working-class) où les Manchots ont toujours eu du mal à exister. Pour illustration, les affluences moyennes de Bradford City dans les Sixties et Seventies : à peine 5 000 (époque où la ville connut un fort déclin économique,
effondrement du commerce du coton et textile notamment).

Eté 1999, Geoffrey Richmond, le propriétaire du club depuis 1994, est ambitieux et veut de la vedette. De l’avis général, il a dirigé feu Scarborough FC pendant six ans avec brio et vient de vendre son entreprise pour 10M £. Tout lui sourit et les supporters sont confiants. Ce dont personne ne se doute est que la fortune (relative) de Richmond s’est bâtie sur du sable (entre autres malversations, il a « omis » de payer 3M d’impôts – il sera condamné en 2004) et que ses penchants mégalomaniaques précipiteront le club dans une crise d’une ampleur rare dans le football anglais.

Une tripotée de cadors, has-beens et could-have-beens passeront par Valley Parade entre 1999 et 2001 (achats et prêts), sans y laisser un souvenir impérissable. La liste (non exhaustive) est impressionnante pour un petit club de Premier League. Pêle-mêle, citons : Stan Collymore, Benito Carbone (ci-dessous), Jorge Cadete, Dan Petrescu, Lee Sharpe, Dean Saunders, David Hopkin (acheté 2,5M à Leeds, record du club), Ashley Ward, Peter Atherton, Andy Myers et Ian Nolan.

Sans oublier notre Bruno Rodriguez national qui, dans cette interview de 2010 ne semble pas avoir réalisé que Bradford évoluait en Premier League. Pour lui, Bradford, c’était de la D3… Mettons cette légère méprise sur le compte du piètre niveau d’anglais de l’ex Parisien et de l’état des vestiaires qui ont pu lui faire penser à un club amateur (nous les visiterons dans la dernière partie, prévoyez de vieilles fringues).

Parmi tous ces noms ronflants (pour un habituel pensionnaire de Football League), Dan Petrescu et Benito Carbone laisseront les plus amers souvenirs. Carbone est recruté d’un Sheffield Wednesday à la dérive et qui amorce sa longue descente aux enfers. L’Italien, brillant avec les Owls, floppera et deviendra une hate figure du club. Son salaire de 180 000 £ / mois sera jugé obscene. De plus, pour s’en « débarrasser », il faudra lui verser 800 000 £, sans bien sûr pouvoir le vendre…

Lors de l’ultime match de sa première saison en PL, le club joue quitte ou double. 14 mai 2000, 38è journée, celle de la dernière chance. Problème : Bradford accueille Liverpool, 3è. Miraculeusement, les Bantams se maintiennent, grâce à un but du défenseur David Wetherall et d’une performance défensive héroïque. Avec aussi un moment émotionnel très fort ce jour-là entre Bradford et Liverpool (unis dans la tragédie pour des raisons évidentes) qui observeront une minute de silence pour les quinze ans du drame de Valley Parade (voir article TK) [2].

Une gueule de bois à 40 millions

La deuxième saison de PL, la mayonnaise ne prend pas entre les « vedettes » et Bradford finit bon dernier avec 26 misérables points. Les détracteurs surnomment l’équipe vieillissante la « Dad’s Army de la Premiership », du nom d’un célèbre sitcom anglais des Seventies où un groupe de vétérans gaffeurs est enrôlé dans la Home Guard.

L’après-Premier League sera terrible. A l’instar du voisin Leeds United (à une moindre échelle), que les dirigeants couleront peu après en déclarant haut et fort avoir « lived the dream » [3], le club a maximisé les risques pour rester en PL. Bradford a « chased the dream » dira plus tard le président-propriétaire d’alors, G. Richmond (ci-dessous).

Le rêve s’est envolé mais pas la gueule de bois. Le club est financièrement exsangue et le bout du tunnel est encore loin, il faut par exemple rembourser le coûteux agrandissement du stade (de 18 000 à 25 000 places) entrepris par Richmond, à coups d’emprunts et montages risqués. La spectaculaire faillite de ITV Digital (en 2002), le seul bailleur de fonds de la Football League, finira d’enfoncer les West Yorkshiremen. Saison 2001-02, Bradford se retrouve en D2 avec une pléthore de contrats mirololants (et sans « clause de relégation ») sur les bras.

L’inévitable arrive : redressement judiciaire en 2002, avec 13M de dettes à la clé… (chiffre qui triplera en quatre ans). L’administrateur judiciaire ne fait pas dans la dentelle : d’emblée, il brade ou licencie 16 joueurs, soit les deux tiers de l’effectif professionnel.

L’euphorie de 2000 n’est alors plus qu’un très lointain souvenir ; l’heure est desormais aux réglements de comptes et autres mea-culpa embarrassants. Les dirigeants jurent qu’ils auraient préféré ne jamais connaître la Premier League. Geoffrey Richmond lui-même :

« Jamais, jamais je ne me pardonnerai d’avoir dépensé autant. A la réflexion, ces six semaines [d’acquisition tous azimuts – été 2000] furent de la pure folie et j’en porte l’entière responsabilité. On s’est emballés, beaucoup pensaient que nous pouvions rester en Premier League encore longtemps. »

Eté 2002, Richmond quitte Bradford, « pour le bien du club » avancera-t-il laconiquement [4]. Les frères Rhodes (Julian – ci-contre – et David), déjà « investisseurs » du club depuis le milieu des années 90, prennent le relais, assisté de Gordon Gibb, homme d’affaires local qui possède Flamingo Land, un parc d’attractions du Yorkshire qui fait dans la montagne russe. Tout un symbole.

Attention, chute (libre) de club

En 2003, pour assurer la survie du club (désormais managé – ou plutôt maintenu sous perfusion – par l’ex Red Devil Legend Bryan Robson), le stade de Valley Parade est vendu à une société appartenant… au co-propriétaire Gordon Gibb. Ce dernier le sous-loue au club, pour une fortune (les chiffres oscillent entre 380 000 £ et 700 000 £ / an). Un problème épineux et toujours d’actualité.

Début 2004, rebelote, deuxième redressement judiciaire. Les dettes ont atteint un niveau stratosphérique : 36M £. Bradford est relégué en D3. De nouveau, les Bantams sont sauvés par les Rhodes, qui injectent plusieurs millions de £ pour rembourser les principaux créanciers. Les supporters en ont ras l’obole mais se mobilisent : 300 000 £ collectés.

Mai 2007, le club dégringole en D4. Pour fidéliser un public en baisse (tout de même 8 700 spectateurs de moyenne en 2006-07), Bradford innove avec une batterie d’offres originales (voir ici). L’abonnement Adulte est par exemple fixé au tarif le plus bas du pays : 138 £ (pour 23 matchs). Les affluences monteront à 12 700 de moyenne en 2008-09.

Eté 2007, arrive alors le businessman Mark Lawn (ci-contre), un lifelong fan qui met 3M sur la table pour éponger le gros des dettes.

Quatre managers (dont la club legend Stuart McCall) se succéderont de janvier 2010 à l’arrivée de Phil Parkinson en août 2011 (ci-contre).

« Parky » débarque avec un bilan contrasté. Il a certes hissé le petit club de Colchester en D2 mais ce succès fut suivi d’un échec à Hull (alors en D3), puis d’une expérience mitigée à Charlton (Premier League) où il est d’abord l’adjoint d’Alain Pardiou (l’actuel Consul de France à Newcastle) avant de lui succéder en novembre 2008. Les Addicks sont alors redescendus en D2. Charlton, en proie à de graves difficultés (fin de l’ère mouvementée Simon Jordan – propriétaire, 30M de dettes), descendra en D3 sous sa coupe. Parkinson sera limogé en janvier 2011.

La saison dernière, le club évite la descente en non-League de peu. En décembre 2011, Bradford occupait la 22è place de D4 (sur 24, plus basse position jamais atteinte par un ex club de Premier League) avant finalement de finir l’exercice 18è.

Bradford végète en D4 depuis 2007 (10è en 2008, 9è en 2009, 14è en 2010, 18è en 2011 et 2012) et a beau aller mieux sportivement aujourd’hui, les supporters se plaignent du status quo apparent. Mais comme le disait lui-même Mark Lawn dans une récente interview à la chaîne de radio Talksport :

« Si la famille Rhodes n’avait pas remboursé les dettes et stabilisé le club, les Bradfordiens supporteraient aujourd’hui Bradford Park Avenue [D6] car soit on n’existerait quasiment plus, soit BPA serait dans une division au-dessus de nous. Je ressens beaucoup de plaisir à diriger le club mais aussi du stress. J’ai pris 30 kilos depuis que je m’investis dans Bradford et ma santé a terriblement souffert ! »

Cette saison, après avoir longtemps occupé les places de play-offs (4è à 7è), les distractions de la coupe ont fait rétrograder Bradford en milieu de tableau.

Quelques jours avant la victoire sur Aston Villa en demi-finale, Bradford s’inclinait sèchement face à Barnet (2-0). De surcroît, le club est toujours en difficulté financière : pertes de 4M £ pour l’exercice 2010-11, derniers chiffres disponibles. Rien que la location et l’entretien du stade coûteraient 1,3M £ / an au club, soit le montant de sa masse salariale. Les 2,5M engrangés pendant l’aventure League Cup seront les bienvenus.

Kevin Quigagne.

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[1] Divisions situées sous la Football League, D5 et au-delà. Seule la D5 est professionnelle – à 80 % – le reste est semi-pro (D6, voire D7) et amateur. La différence principale entre la D4 et le premier échelon de la non-League (D5) se situe au niveau a) de l’exposition médiatique donc, logiquement, b) des revenus médias.
a) La D4 est diffusée par Sky (et BBC, résumés), tandis que la D5 doit se contenter de Premier Sports, une chaîne câblée confidentielle.
b) Le minimum revenus médias garanti en D4 est d’environ 600 000 £ / an. Un club de D5 ne touchera qu’environ 10 000 £.
[2] Un récent numéro de So Foot (le # 100) y consacre un papier intéressant, malheureusement entaché de deux erreurs de taille :
1) Dans le chapô est écrit : « […] faisant de ce match le premier drame du football anglais… »
Non. Avant Bradford, il y eut le tristement célèbre Burden Park disaster, 33 morts et plus de 400 blessés.
Un stade rendu fameux par Going to the Match, le tableau de L.S. Lowry, le « peintre de la working-class », acheté aux enchères en 1999 par la PFA (syndicat des joueurs) pour 1,9M £. Il est habituellement accroché au siège de la Football Association (mais parfois prêté, récemment au National Football Museum de Manchester). En mai 2011, un autre tableau de Lowry sur le football s’est vendu aux enchères – pour 5,6M –, The Football Match (et pour ceux qui seront à Londres entre la fin juin et octobre 2013, la Tate Britain consacrera à Lowry sa première exposition).
2) Dans la dernière partie est écrit : « A la suite de ce drame [Bradford], le football britannique prend un virage important dans son histoire : la sécurité dans les stades devient une priorité. »
Non. Certes, un rapport sur la sécurité dans les stades fut rédigé en janvier 1986 (le Popplewell Report) mais vite royalement ignoré. Ce n’est qu’après la tragédie d’Hillsborough le 15 avril 1989 qu’un réel virage fut pris et que la sécurité dans les stades devint une priorité (rapport Taylor).
Le Popplewell Report était le huitième rapport de ce type depuis le premier, le Short Report de 1924 (voir article TK), qui portait sur la toute première finale de FA Cup disputée à Wembley, la célèbre White Horse Final de 1923 : 1 000 blessés, bousculade monstre due à la surpopulation (voir fascinant clip d’époque).
On estime que 300 000 personnes furent admises ou entrèrent illégalement dans Wembley ce jour-là pour une capacité maximale de 127 000 places. Hormis les ventes de joueurs, la billetterie représentait la seule ressource des clubs et il était alors habituel de vendre plus de billets qu’autorisé, parfois trois fois plus ! L’organisation souvent chaotique faisait le reste (la finale de FA Cup 1893 se disputa ainsi devant environ 60 000 spectateurs, au stade mancunien de Fallowfield, d’une capacité de… 15 000 places).
[3] Selon le fameux mot de Peter Ridsdale, ex président fossoyeur de Leeds United. Depuis octobre dernier, Ridsdale est enfin sous le coup d’une interdiction d’exercer toute fonction de director dans une entreprise anglaise, ici.
[4] Geoff Richmond réapparaîtra peu après dans l’organigramme de Leeds United, avant que les Whites n’implosent. Plus tard, en épluchant les comptes de Bradford, l’administrateur judiciaire constatera que Richmond s’est versé de généreux dividendes et « frais de consultations » d’au moins 2,5M. Idem pour son associé Julian Rhodes, jusqu’à 8M – toutefois, Rhodes remboursera intégralement cette somme et poursuivra son association avec le club dont il est maintenant co-président.