Posts tagged ‘Susan Boyle’

Bien avant les chinoiseries de Nicolas Anelka, un autre pékin de renom défricha le terrain chinois pour tous les cadors pré-retraités : un certain Paul Gascoigne. Un séjour court mais ô combien mémorable.

Suite de la première partie et fin. Voir introduction ici.

La route de la soif

Paul est un client rêvé pour les médias et la BBC le suit partout. La Beeb produit même un documentaire sur son séjour. Au fil des semaines, il s’ouvre.  Avec émotion et une sensibilité à fleur de peau, il s’exprime sans filtre :

« Ce qui me tue ici, c’est de diriger les entraînements… Et ouais, parce que j’avais oublié en signant que je m’engageais à gérer l’effectif, et ça me flingue. Au début, ça me plaisait, puis maintenant ça me fait paniquer à mort. Parfois je flippe tellement que j’ai du mal à respirer, je me sens comme prisonnier, je tremble et tout, je n’entends plus rien. Je me fais un mourron de chien parfois. J’en fais des cauchemars ! J’ai toujours eu peur de l’avenir, dès l’enfance. Tout ce que les gens voient c’est le Paul Gascoigne clown et con comme un putain de manche mais j’ai des sentiments profonds. »

En attendant le début de la saison (mi-mars), l’équipe dispute quelques matchs amicaux mais l’ennui devient vite pesant. Plus que trois longues semaines à tenir. Seul. Côté divertissement, amateur de dolce vita, passe vite ton chemin. La ville de Lanzhou où est basé le club se trouve aux portes du désert de Gobi et s’enorgueillit du titre de ville la plus polluée de la planète…

Fatalement, l’alcool redevient son meilleur ami. Paul s’envoie souvent une bonne dose de whisky avant l’entraînement et même trois boutanches certains jours. Les hallucinations et délires sont fréquents. Parfois, il est persuadé d’entendre des voix lui ordonnant de « boire, boire, boire ».

Un passage chez Susan Boyle

Autant dire que le football passe au second plan. Les entraîneurs et préparateurs physiques se plaignent ouvertement du lifestyle de Paul, eux qui ont jusqu’alors toléré ses excès et vite archivé son passé éthylique au rang des dossiers classés (« Gascoigne a réglé ses problèmes d’alcolisme avant de venir » avait assuré le manager, Zhong Bohong). Le ton a changé, « Il faut vraiment qu’il bosse bien plus dur » se plaignent les dirigeants à la presse.

« Je me suis retrouvé chez moi, à poil… Je tenais une bible en chinois et je n’arrêtais pas de pleurer devant la glace. Je demandais à voix haute qu’on m’aide, j’étais paumé et je voulais mourir. »

Gazza est très proche de sa famille et il vit mal cette séparation. Une famille si soudée que Paul leur a offert cinq maisons pratiquement côte à côte, dans sa ville natale de Dunston, pour y loger confortablement ses parents – divorcés -, ses deux soeurs et son frère.

La grosse dépression compliquée reprend le dessus. Début mars 2003 :

« Un jour, je marchais dans la rue et j’ai été pris de panique… Je me suis senti totalement étranger à cet environnement et me suis dit qu’il fallait vraiment que je me barre rapidement, sinon j’allais me retrouver coincé ici pour toujours dans cette putain de ville fantôme et je risquais d’en mourir. Peu après, je me suis retrouvé chez moi, à poil… Je tenais une bible en chinois et je n’arrêtais pas de pleurer devant la glace. Je demandais à voix haute qu’on m’aide aussi, j’étais paumé et je voulais mourir. Mon meilleur ami de toujours, Jimmy « Five Bellies«  Gardner, venait de partir et je paniquais. »

[…]

[…]

Là, j’ai recommencé à avoir des crises d’angoisses aiguës. Faut dire que les somnifères n’aidaient pas vraiment, ni les anti-dépresseurs, sans parler de la quantité d’alcool que je m’envoyais. Je tremblais et j’étais parano. Sheryl [son ex femme] m’a alors conseillé d’appeler le thérapeute qui m’avait aidé lors de mon séjour à la Priory Clinic [Clinique de désintox pour people et accessoirement résidence secondaire de « SuBo » – Susan Boyle, ndlr]. Ce dernier m’a dit d’essayer de tenir bon jusqu’ à la trève de mai et qu’il essaierait de me rendre visite. J’ai réussi à ne pas boire pendant dix jours mais ensuite, j’ai eu des gros problèmes de respiration. Je voulais vraiment mourir. »

Enfin, le championnat démarre

Le 22 mars 2003, la saison commence enfin mais sans Paul, Gansu préférant le réserver pour le premier match à domicile. L’attente est énorme.

Le samedi suivant, pour la première sortie, devant un stade plein à craquer, Paul frappe fort. A la 14è minute, il élimine deux adversaires au milieu du terrain, accélère et plante une mine de 20 mètres dans la lucarne gauche. Les 20 000 spectateurs exultent. Cinq minutes plus tard, il fait obtenir un pénalty (manqué) à sa nouvelle équipe et offre ensuite la passe décisive pour le deuxième pion. Victoire 2-0 sur Hailifeng. C’est sûr, se réjouit-on, Paul va tout casser (voir article).

Las ! Inévitablement, son hygiène de vie suicidaire va faire dérailler le scénario. Paul ne se pointe plus qu’occasionnellement aux entraînements et la dépression devient permanente. En tout, il ne disputera que quatre matchs.

Le 18 avril, les dirigeants chinois du club déclarent aux médias que Paul s’est volatilisé sans prévenir personne ! Reuters titre : « Chinese club in hunt for Gazza ». Paul écrira plus tard qu’il était parti avec l’accord du club. Selon certaines sources, il aurait disparu pour une destination inconnue. Toutefois, on a bon espoir de le revoir, une rumeur persistante l’annonçant de retour sous dix jours.

Mais Paul ne remettra plus jamais les pieds en Chine. Il s’est envolé vers l’Arizona, pour soigner son état dépressif (et cocaïneux) à la Cottonwood Clinic. C’est son deuxième séjour là-bas (le précédent datait de juin 2001). Il avait également séjourné deux fois auparavant dans des établissements anglais pour des cures de désintox liées à son addiction à l’alcool, devenue inquiétante depuis ses deux saisons à Middlesbrough (1998-2000 – divorce compliqué avec Sheryl en août 1998).

Une parenthèse Middlesbrough s’impose. Le début de son passage à Boro fut particulièrement arrosé. Et pour cause : de mars à juin 1998, Gazza partagea une maison avec Paul Merson !

Tous deux entretenaient alors un réél espoir de faire partie du groupe England pour la Coupe du Monde 1998. La dive bouteille et les noubas médiatisées se chargèrent de plomber leurs rêves. Comme cette fameuse virée à Londres en mars 1998 où, sous les flashs des paparazzi, Gazza déambula à deux heures du mat’ dans les rues de Soho accompagné de people (dont le célèbre Chris Evans), kebab et bière à la main…

Au final, Glenn Hoddle préféra se passer de Paul (une décision qui mit Gazza dans un tel état qu’il vandalisa la chambre d’hôtel de l’ex Monégasque à la Manga, Costa Blanca).

A ce jour, ce house-share compte probablement comme la plus énorme bourde commise par un club de toute l’histoire des colocations du football anglais. Le chapitre 13 de l’autobiographie de Merson (How not to be a professional footballer) s’intitule « Do not let Gazza move into your house »  – Merson fut vite expédié à Aston Villa).

Après la Chine, retour chez Jimmy Cinq Ventres

Sur ce séjour américain de 2003, Gazza écrit :

« Juste avant de partir en Chine, comme je savais que je reviendra probablement pas et que je partais pour Cottonwood, j’en ai profité pour picoler non-stop pendant huit jours. C’était ma deuxième visite et j’ai pris ça beaucoup plus sérieusement que la première fois. C’est la-bas que j’ai commencé à ecrire sur ma vie, ma carrière. Mettre sur papier tous les trucs horribles que j’ai commis et ceux que j’ai subis m’a aidé à surmonter mes difficultés, je me suis senti mieux. J’y ai passé 33 jours exactement, et ça m’a couté que 16 000 £ cette fois-là, 5 000 £ de moins que pour mon premier séjour, pourtant moins long de presqu’une semaine. On m’a accordé la réduction habitué. »

Fin mai 2003, Paul est de retour en Angleterre. Contractuellement, il est tenu de retourner en Chine le 10 juin, mais il fait savoir au club qu’il n’est pas au mieux psychologiquement. L’affaire traîne et automne 2003, il confirme son refus de repartir en Chine : « Le seul Chinois que je vais m’envoyer dorénavant, c’est au takeaway du coin. » lance-t-il finement à un journaliste. Pour justifier sa décision, il invoque de grosses sommes que lui devrait le club (des primes liées à des apparitions commerciales).

L’affaire s’envenime, le club chinois fait intervenir la fédération. L’agent de Paul contre-attaque en mêlant la FA et la Fifa au contentieux. Entre-temps, la grippe aviaire chinoise frappe durement le pays et le championnat est reporté. Le 16 octobre 2003, Gazza part s’entraîner chez les Wolves histoire d’entretenir sa forme et peut-être y gratter un contrat. Paul Ince (son ex coéquipier de Boro) est là pour l’aider et il joue parfois avec la réserve. Au bout de quelques mois, on arrête les frais et Gazza disparaît un bon moment de la circulation.

Pendant six mois, il se terre chez son vieux pote Jimmy. Même s’il avoue au Daily Mail avoir dépensé 90 % des sommes gagnées durant sa carrière (qu’il estime à 20M £), financièrement, il ne se plaint pas. Il a eu la bonne idée de mettre à l’abri ses signing-on fees (primes à la signature) à Jersey et a de quoi voir venir. Quelques offres médiatiques juteuses le tentent, dont un combat contre Vinnie Jones dans l’émission Gladiators et divers contrats publicitaires (rien de tout cela n’aboutira).

Un contrat Premier League et Ligue des Champions inédit

Paul nourrit toujours l’ambition d’entraîner professionnellement un jour et, entre deux reunions d’Alcoholics Anonymous, il potasse ses bouquins pour espérer passer les examens d’entraîneur.

Belle Vue, le stade de Rhyl, sur pilotis donc.

Belle Vue, le stade de Rhyl FC, sur pilotis donc.

Quelques clubs avides de publicité le contactent. Comme Rhyl FC, une grosse cylindrée de Premier League. De la Welsh Premier League. Rhyl vient de signer un quadruplé totalement bluffant : Championnat-Welsh League Cup-Welsh Cup-North Wales Coast Challenge Cup.

Ergo, Rhyl est européen et doit recruter du lourd pour disputer sa toute première Ligue des Champions. Surtout que Andy Moran, leur buteur vedette, vient de tester  positif à la Nandrolone. Le scandale a éclaboussé le foot du pays-Dragon et son Soulier d’or lui a été dûment retiré. D’autres joueurs de Rhyl sont fortement soupçonnés d’avoir aussi avalé des produits illicites. Et ouais, c’est ça le très haut niveau gallois, si on se dope pas, aucune chance (Rhyl se fera sortir par le Skonto Riga au tour préliminaire, 7-1).

Alors, tout naturellement, Rhyl a pensé à Gazza. Mais le deal proposé par les Gallois fait pouffer de rire le Geordie : 250 £ par semaine. Hébergement et frais de déplacement en sus. S’il acceptait, Gazza y serait de sa poche. Un first dans le football britannique « d’élite ».

Finalement, Gazza trouve preneur. Fin juillet 2004, il signe pour le petit mais ambitieux Boston United en D4, comme entraîneur-joueur (entraîneur dans le sens anglais du terme – coach -, le notoire Steve Evans étant le manager). Le genre d’offre qui ne se refuse pas : 15 000 £ par mois, plus un pourcentage sur les affluences supérieures à 3 500 (sa présence dans l’équipe attirera jusqu’à 7 500 spectateurs).

En contrepartie du salaire mirobolant, il devra s’occuper des équipes de jeunes et des stagiaires du mini centre de formation. Paul est motivé mais l’expérience tourne court. Il ne s’adapte ni à ce coin reculé du Lincolnshire ni à l’ambiance particulière du club. Il a aussi du mal à encaisser les trois heures quotidiennes que Boston United exige de lui le matin en tant qu’entraîneur, en plus de son entraînement comme joueur l’après midi. Quatre matchs et trois mois plus tard, il démissionne mais répète à l’envi qu’il compte bien faire son trou dans le manageuriat.

Dans la foulée, il révèle aussi avoir changé son nom en… G8 (procédure aisée et courante en Angleterre). Paul serait-il devenu un fan des grandes puissances industrielles ? Que nenni. Il s’explique :

« G8, c’est le nom qu’il me faut. J’ai souvent eu ce numéro de maillot et ça sonne un peu comme « great« . Je veux me débarrasser de mon nom. Paul, c’est trop lié au passé, et je veux tourner la page. Je n’ai pas bu depuis six mois. »

Et G20 pour Nico, ça serait sympa, non ?

Kevin Quigagne.