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L’effervescence footballistique de ces derniers mois a balayé un évènement remarquable : Vincent Péricard a raccroché les crampons.

Fin février, celui que les médias anglais aiment à présenter comme un « ex Juventus striker » a dit stop. Basta. A seulement 29 ans. Ou plutôt c’est son club de Havant & Waterlooville (mini cylindrée de D6 anglaise) qui l’aurait envoyé à la retraite anticipée en décidant, fin décembre 2011, de ne pas prolonger son contrat de trois mois. Une fin brutale pour un chasseur de buts qui fit jadis rêver dans certaines chaumières reculées de l’Angleterre profonde.

Des débuts bioniques

Tout commence chez les Verts pour ce joueur d’origine camerounaise. Vince fait toute sa formation à Sainté et après deux matchs de Ligue 1 saison 1999-2000, la Juventus le kidnappe. L’effet Mondial 1998 joue à plein pour les mini-Bleuets et la formation à la française a la cote. Vince fait partie de cette génération de jeunes cadors français dont les clubs italiens raffolent soudain (citons Mickaël Sylvestre, Ousmane Dabo ou Jonathan Zébina).

C’est Carlo Ancelotti qui l’a repéré avec l’équipe de France des U18. A 17 ans et demi, Vince cotoie les Zidane, Thuram, Nedved et autre Trézéguet et en profite pour s’imprégner de l’ambiance d’un grand club auquel il semble promis.

Tous lui prédisent en effet un avenir d’extraterrestre, à la Steve Austin. A commencer par Julien Courbet qui est frappé d’une inspiration géniale en lui consacrant en 2000 un numéro choc, sobrement intitulé « Vincent Péricard, l’homme qui vaudra des milliards », dans son émission Les 7 péchés capitaux (voir Top 10 des Cahiers ici).

Toutefois, loin de déraciner les arbres, Vince doit se contenter de la réserve Bianconera pendant deux ans (et de trente minutes de Ligue des Champions contre Arsenal, en mars 2002). Chez les coiffeurs, il décoiffe – deux fois meilleur buteur – mais la concurrence est féroce. Dans une interview accordée à The Independent en novembre dernier, il revient sur son étourdissant séjour transalpin :

« Au début, je ne parlais pas italien et je ne connaissais personne.  […] Zinédine Zidane était un ami et il m’arrivait de passer chez Edgar Davids pour croquer un morceau. Mon copain de chambrée, c’était Lilian Thuram. »

Été 2002, la Vieille Dame décide de le prêter au Portsmouth de Milan Mandaric, alors en D2. Le culture shock va être violent.

Vincent Péricard : « Même le manager, Harry Redknapp, disait « Péricard ne sait pas jouer au foot«  »

When Harry meets Vince

L’intersaison n’augure rien de bon. Le manager de Portsmouth, Harry Redknapp, se demande ouvertement s’il a tiré le bon numéro (Vince avait, dit-on, impressionné Harry lors de ce Juventus-Arsenal). Plus tard, Vince déclarera :

« En arrivant à Portsmouth à l’intersaison, j’en ai bavé. Le choc des cultures a été terrible et ça m’a affecté. Même Harry disait « Péricard ne sait pas jouer au foot », et c’est vrai que j’en touchais pas une les premières semaines. »

Entre deux coups de sang (savourez ce clip de 2002-03), Harry doit toutefois ravaler ses médisances car les débuts de Vince à Pompey sont fracassants, il fait notamment mouche lors de son premier match contre Nottingham Forest. Associé à Svetoslav Todorov (26 buts), Paul Merson (12), Yakubu et Steve Stone, Vince affolera les compteurs lors de cet exercice 2002-03, 9 pions. Puissant, technique, excellent dans la conservation du ballon, Vince impressionne.

Pompey finit largement premier (98 points) et retrouve l’élite quittée quinze ans auparavant. Été 2003, la Juventus le cède aux Anglais pour 400 000 £. L’avenir s’annonce des plus radieux.

Las ! Tout comme les emmerdes, les blessures vont arriver en escadrilles, principalement quadriceps et ligaments croisés. Entre le 13 décembre 2003 et le 13 août 2005, il ne dispute aucun match et révélera plus tard avoir sombré dans la dépression durant cette période (« Le médecin me prescrivait du Prozac mais franchement, je ne le recommande à personne ce truc. »).
Une fois la rééducation achevée, été 2005, il s’entraîne avec les internationaux camerounais en France, à l’occasion d’un match amical des Lions Indomptables.

Alain Perrin, le nouveau manager de Pompey, le juge toutefois encore un peu tendre pour la Premier League et, en septembre 2005, « Reggie » le prête pour trois mois à Sheffield United (D2). A son retour sur la côte sud, Perrin a péri et c’est son vieux pote Harry qu’il retrouve. Ce dernier ne sait trop quoi faire de lui et l’expédie chez les Pélerins (Pilgrims) de Plymouth (D2) en février 2006. A peine débarqué parmi les ancêtres du Mayflower, Vince claque un hat-trick mais sa pige Pilgrim sera plus un remake de « Vogue la galère » que de « L’île au trésor » (15 matchs, 4 buts).

Fin mai 2006, de retour dans un Portsmouth qui a frôlé la descente deux saisons d’affilée, Harry lui annonce qu’il veut monter un effectif bâti pour le milieu de tableau de Premier League. Exit Vince.

Nouveau départ avec passage par la case prison

Le 19 juin 2006, Stoke City (club ambitieux de D2) le recrute, pour trois ans et 15 000 £ de salaire mensuel. Tout comme à Portsmouth, ses débuts sont tonitruants (3 buts en 10 matchs). Puis commence une longue traversée du désert peu orthodoxe. D’octobre 2006 à mai 2007, il ne plante plus un pion (21 matchs). Les supporters lui reprochent une certaine lenteur et sa propension à tomber trop facilement.

Peu à peu, il est eclipsé par le déménageur Ricardo Fuller qui, lui, fait tomber les adversaires. Vince est cependant loin de se douter que sa méforme sportive va vite devenir le cadet de ses soucis. Fin août 2007, une banale infraction routière commise dix-huit mois plus tôt vient bouleverser sa vie.

Le 6 mars 2006, Vince s’était fait flasher près de Plymouth à 165 kilomètres/heure sur l’A38 (limitée à 112 km/h) au volant de sa Mercèdes. Le hic, c’est que Vince est un récidiviste des gros excès de vitesse.

Pour éviter les ennuis, il avait alors tenté de feinter la patrouille en déclarant que son beau-père, Jack, était au volant… Ce dernier, contacté par la police britannique, était tombé de haut. Et pour cause : Jack vit en France et n’avait pas mis les pieds en Angleterre depuis presque quatre ans !

Le 24 août 2007, le tribunal de Plymouth condamne notre Vince national à quatre mois de prison pour « entrave à la justice ». Vince déclarera à sa sortie de zonzon :

« Le juge qui m’a envoyé au trou ce jour-là était de mauvaise humeur et a voulu faire de mon cas un exemple. A l’annonce de la sentence, la police m’a menoté et conduit en cellule. Pendant plusieurs jours, j’étais en état de choc. […] Cette expérience est une dure leçon pour moi. Dorénavant, je respecterai scrupuleusement la loi et je conseille à tous de faire de même. »

Heureusement pour Vince, son avocat obtient rapidement une libération conditionnelle et l’extrait de la HM Prison Exeter le 20 septembre 2007, après quatre semaines de nick. Il rejoint alors une open security prison pendant dix jours avant d’être définitivement libéré. Seule condition : il devra porter un bracelet électronique pendant trois mois. Il devient le troisième footballeur du pays à avoir les chevilles qui enflent électroniquement, après Gary Croft (2000) et Jermaine Pennant (2005).

Harry Redknapp, le sauveur

Dans le Mirror du 9 octobre 2007, sous l’intitulé « My prison hell », Vince raconte pêle-mêle son Midnight Express à lui au pénitencier d’Exeter. Le détenu voisin qui se pend, les traumatismes, les cornflakes dégueulasses, l’isolement, la claustrophobie, la promiscuité, le défi mental permanent et la vie de sous-tricard à sept livres la semaine.

Ce pécule (7 £ hebdo), précise-t-il, qui lui a sacrément servi pour améliorer l’ordinaire. Comme par exemple se payer des rations supplémentaires de nourriture et des crédits pour son téléphone. Il confessera plus tard que Stoke City avait continué à lui verser ses quinze patates mensuelles pendant son incarcération. De quoi consommer de la céréale upmarket tous les matins.

Il avoue aussi ne pas savoir s’il aurait pu tenir le coup sans le soutien d’Harry Redknapp et Teddy Sheringham, son ex-coéquipier à Pompey. Il remercie également Tony Pulis et le board de Stoke City. Les Potters le soutiennent et ont decidé de lui accorder une seconde chance. Vince déclare que porter un bracelet ne lui posera aucun problème et envisage l’avenir immédiat avec bonheur :

« C’est comme si c’était Noël pour moi. Je suis aux anges de retrouver mes amis et coéquipiers et de ne plus être parmi les criminels. »

Mais lors d’une séance d’entraînement peu après sa sortie, la guigne s’acharne : la douceur des tacles de ses coéquipiers Potters fait exploser son bracelet électronique. La justice ne lui fait pas de cadeau pour autant et il doit passer deux semaines en confinement à Manchester.

Fin novembre, Vince-la-scoumoune se blesse à nouveau. Le 14 mars 2008, il est prêté à Southampton (D2), sans succès. Le bilan de la saison est déprimant : un séjour en prison, un bracelet qui éclate, une libération avortée, un retour en prison, des blessures, onze matchs, zéro but. Entre temps, Stoke City est monté en Premier League et ne compte plus franchement sur lui. Vince se met à sévèrement gamberger.

A suivre…

Kevin Quigagne.