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Demain se disputera à Old Trafford un replay de 32è de FA Cup inattendu : Man United vs Cambridge United, l’actuel 14è de D4. L’occasion de revenir sur un succulent épisode anglo-français de l’histoire récente de Cambridge.

Il y a dix jours, les U’s tenaient superbement en échec les Red Devils dans leur vieil antre archicomble d’Abbey Stadium (8 000 places), devant les caméras de la BBC et 6 millions de téléspectateurs. Cet exploit vaudra à Cambridge United d’empocher un chèque d’environ 1,7m £ (provenant principalement de la moitié de la recette d’Old Trafford demain), soit un quart de plus que leur masse salariale et les deux tiers de leur budget 2014-15 (hors gains FA Cup).

Outre cette manne fort bienvenue, la mini épopée remontera le moral des supps de la Amber Army souvent en berne depuis 2004. Dix longues années de purgatoire en D5, dans l’anonymat de la non-League, après avoir été placé en redressement judiciaire et évité de peu la liquidation pure et simple.

Pourtant, les temps furent bien plus glam’ dans un passé récent. En 1992 par exemple, quand Cambridge faillit accéder à la Premier League sous la houlette musclée de John Beck, un chantre du kick and rush aux méthodes controversées. Ou début 2004, quand un célèbre duo français débarqua à l’Abbey Stadium. Un binôme attendu comme le Messie…

[L’article ci-dessous est un extrait de ma Preview de D4 2014-15, en deux parties, publiée dans Teenage Kicks fin août dernier. J’y parle notamment de l’ex Red Devil Luke Chadwick, 34 ans, revenu au bercail à Cambridge – section « Vieux de la vieille », dans la deuxième partie]

Cambridge United Till I die

En mars 2004, à la stupéfaction générale, le petit Cambridge (22è de D4 et fauché) nomme le tandem Claude Le Roy-Hervé Renard respectivement manager et adjoint. Dès le départ, c’est le flou artistique le plus total sur la nature du contrat et les attributions de chacun. Le « Sorcier Blanc » déclare à un journal local que sa nomination n’en est pas vraiment une et que sa démarche est totalement désintéressée (« C’est avant tout un contrat moral », lâche-t-il au quotidien de la ville).

Interviewé par Canal Plus, le globe-trotter explique (propos rapportés dans le magazine When Saturday Comes de mai 2011) : « Je me suis engagé avec Canal Plus et me dois de leur être loyal. Quand je me suis retrouvé libre [après une pige en Chine], j’ai dit que je serais prêt à donner un petit coup de main à Cambridge, c’est le deal entre nous. On n’a jamais parlé argent ou quoi que ce soit. J’y vais simplement pour faire un audit. »

OK, très charitable au demeurant d’aider les pauvres mais ce n’est manifestement pas ce qu’a compris le président-proprio de Cambridge, l’homme d’affaires Gary Harwood, amateur d’envolées lyriques un brin grandiloquentes : « En faisant venir Claude, nous avons recruté l’un des managers les plus respectés d’Europe, sinon du monde. C’est peut-être la nomination la plus sensationnelle de l’histoire du club. Quand nous aurons, je l’espère, assuré notre place en Football League, Claude pourra bâtir une équipe conquérante et attrayante qui visera bien plus haut. »

Dans un élan émotionnel très « Feux de l’amour », Harwood ajoute (toujours dans cet article de WSC # 291) :

« Claude m’a dit « Gary, mon coeur est à Cambridge et y sera jusqu’à ma mort« . Je crois sincèrement qu’il s’est vraiment pris d’amitié pour Cambridge United. »

Tambouille contractuelle

L’étrange attelage se poursuit encore deux mois. Renard manage l’équipe en tandem avec l’adjoint de l’entraîneur limogé, Le Roy se pointe à l’occasion mais uniquement pour les matchs, le proprio magouilleur tente de sauver le club du redressement judiciaire.
Selon les médias anglais, cet « arrangement contractuel » est censé tenir jusqu’à la fin de saison, suivi en principe d’un vrai contrat de deux ans. Détail cocasse : le salaire de Le Roy (le « contrat moral » n’était donc pas complétement philantropique) est partiellement financé par Dr. Johnny Hon, un Docteur en psychiatrie et businessman de Hong-Kong qui siège au directoire du club (il a étudié localement et s’est fait bienfaiteur des causes locales). La barque un peu bancale est finalement menée à bon port puisque le maintien est confortablement assuré, Cambridge finissant 13è.

Renard, à l'Abbey Stadium contre York City, en avril 2004

Renard, à l'Abbey Stadium contre York City, en avril 2004

Nul besoin d’être Grand Maître en art divinatoire pour deviner la suite. La saison à peine terminée et sentant probablement une implosion proche, Le Roy reprend sa bourlingue, direction le Congo. « Je n’étais là que pour aider mon ami Hervé Renard », confie-t-il à un canard local. Bizarrement, il se repointera en novembre 2004 pour diriger un entraînement avant un match de FA Cup ; Renard est nommé entraîneur en mai 2004 mais, après un bon début, est licencié mi décembre 2004 (Cambridge est 23è) ; le club vend son stade 1.9m £ en lease-back pour payer ses dettes (et en devient donc locataire, à 200 000 £/an) ; le club est placé en redressement judiciaire en avril 2005 ; le psychiatre de Hong-Kong démissionne du directoire ; Cambridge finit 24è et descend en D5 où il végétait jusqu’à la saison passée. Welcome back en Football League à Cambridge United donc.

Toujours en proie à des problèmes de trésorerie, les U’s ont dû décrocher leur sésame aux play-offs. On aura donc Oxford et Cambridge en D4 cette saison (une première depuis dix ans). Si ça ne devrait pas trop faire bander footballistiquement parlant, ça relèvera le niveau intellectuel de la division, au moins sur le papier.

Kevin Quigagne.

Si le football anglais a dominé la scène européenne des Seventies aux Nineties, on ne peut pas en dire autant de ses maillots.

Le consensus est unanime : le pire maillot de football jamais créé est le Rodeo Fringe. Instantanément reconnaissable grâce à ses lanières en cuir, il fut porté par les éphémères Colorado Caribous en 1978 (ci-dessous). In-dé-trô-na-ble.

Mais ne nous gaussons pas trop. Des horreurs, il en eut aussi des wagons dans le football anglais, surtout au cours des Nineties, la décennie de tous les massacres. Les 12 premiers de la Dirty Dozen qui salopèrent le plus la tunique sacrée sont ici et les 13-22 ici.

Aujourd’hui, troisième partie de notre plongée dans ce Hall of Shame du maillot anglais : présentation des classés 23è à 33è. Et pour lire moins bête, voir dossier TK en trois volets sur l’historique du maillot anglais (1, 2, 3).

# 23. Notts County 1994-95 (D2), maillot extérieur

Design très pique-nique écossais pour les (premiers) Magpies, cornemuse, kilt et sporran livrés en sus. Mal leur en prit, ils finirent bon dernier cette saison-là et furent relégués en D3 après 4 saisons en D1/D2. Bien fait pour leur gueule.

Verdict TK : franchement, qu’attendre d’un club surnommé les Magpies, hein ?

# 24. Newcastle United 1990-93 (D2), domicile

Le design utilisant des rayures fines fit fureur à la fin des Eighties. Les designers pensaient que ça faisait plus raffiné, tout en lorgnant sur le marché streetwear et leisurewear (adaptation des maillots en vêtements portables en toutes circonstances).

A l’évidence, Umbro, le designer de ce spécimen Magpie, ne savait plus sur quel pied rayé sautiller. Rayures fines ou moyennes, ou larges ? Espacées ou rapprochées ? Et les manches, on les raye comment ? A force d’atermoiements et tâtonnements, l’imagination des gars d’Umbro s’enraya et ils produisirent cette version textile d’une réponse de Normand bourré, une hésitation officiellement nommée le « Torino » et rapidement surnommée le « Bar code shirt ». Une aberration asymétrique que les joueurs ne portèrent pas en exhibant fièrement le trophée D2 en mai 1993, le club refilant à tout le monde le maillot de la saison suivante, designé par Asics. Et dire que Kevin Keegan était le manager à l’époque…

Verdict TK : on a ce qu’on mérite et généralement moins si on supporte les Magpies.

# 25. Newcastle United 2009-10 (D2 – une nouvelle fois), extérieur

Pour qu’on ne m’accuse pas injustement de m’acharner sur ces pauvres Mags, je vais laisser un neutre s’exprimer, en l’occurrence Ian Holloway. Ce bon Ollie, alors manager de Blackpool, écrivait ceci dans le programme du match Blackpool-Newcastle du 16 septembre 2009 (Blackpool joue en orange, d’où leur surnom, les Tangerines – mandarines) : « Je suis ravi que Newcastle ait décidé ne pas jouer avec leur tenue extérieure jaune, sinon je crois que les spectateurs auraient eu l’impression d’assister à un match entre salades de fruits. »

Verdict TK : un autre grand comique aurait adoré ce maillot : Bourvil.

# 26. Newcastle United 1997-98 (PL, enfin atteinte), extérieur

[Que voulez-vous que je vous dise hein, je m’acharne pas, je constate, c’est tout]

Encore un coup d’Adidas, qui innove avec une incrustation sérigraphique voilée de l’écusson du club sur le maillot en deuxième rideau. Effet hallucinogène garanti, on aurait cru voir une apparition divine (Poséidon ?) dans une grotte. Cette abomination inspirée du maillot de 1885 (ici) de Newcastle East End (le club qui fusionna avec Newcastle West End pour donner NUFC en 1892) couperait presque l’envie de s’enfiler des Newcastle Brown, le nectar local (le sponsor à l’étoile bleue). Porté trois matchs seulement, trois défaites.

Verdict TK : Immonde, immonde, immonde. On devrait réinstaurer la peine capitale pour des monstruosités pareilles.

[bon, c’est pas qu’on s’ennuie mais va p’êt’ falloir penser à passer à des vrais clubs]

# 27. Sunderland 1997-99 (D2/PL), extérieur et third 1998-99

Effet or brillant particulièrement repoussant. Guère étonnant que ce chiffon peine à atteindre 15 £ sur ebay. Le maillot exter 1998-99 est presque aussi répugnant :

La direction du club manquait vraiment d’inspiration à l’époque. Pour fêter le déménagement au Stadium of Light en 1997, l’écusson fut aussi totalement changé. On passa de ce crest original et évocateur :

à cet insipide truc corporate :

Verdict TK : Indigne d’un grand club.

# 28. Workington AFC 1995-96 (D7), domicile

Non, vous ne rêvez pas, il s’agit bien d’un oeuf frit sur le maillot. Yes, un putain de fried egg avec la mention « The Big Breakfast » plastronnée bien en évidence.

Comme l’explique ce site ici, The Big Breakfast, une émission de la chaîne Channel Four (C4 pour les intimes, créée en 1982 et censée initialement être intello-décalée-hipstérisante), voulut absolument sponsoriser un petit club amateur, comme un couple de bobos adopterait un chat errant de Birmanie ou un hérisson accidenté de Madagascar. Et pas n’importe quel club amateur : les bons Samaritains de C4 insistèrent pour parrainer le pire club de la Northern Premier League Division Two (à l’époque, D7).

Ça tomba malencontreusement sur Workington AFC, là où Bill Shankly fit ses gammes d’entraîneur et aussi premier club de Grant Holt qui bossa comme docker localement tout en s’alignant pour les Reds. Sur le papier, ces Reds n’étaient pas les plus mauvais (les pires qu’eux au classement déclinèrent cette invitation à l’humiliation publique) mais, vu qu’ils avaient fini antépénultième du championnat, ils firent largement l’affaire. Et comme la spécialité culinaire de ce superbe coin d’Angleterre (Cumbria) est la fameuse Cumberland Sausage, niveau English breakfast, ça collait parfaitement. Manquait plus que le bacon et les baked beans pour que le carnage soit complet.

Workington bénéficia d’une forte exposition médiatique mais, malgré les coups de pub de Robbie Williams, Richard Branson, Chris Evans et d’autres poids lourds de la scène people british, ils ne touchèrent pas un centime de quiconque. Ils devinrent juste la risée de l’Angleterre, pour que dalle. La lose totale quoi. Enfin, ils se consolèrent en terminant 16è, contre 20è la saison précédente. Ce maillot est devenu un collector’s et se vend 50-60 £ sur les sites vintage.

Verdict TK : pitresque mais un oeuf est un oeuf (enough is enough) comme disent les Anglais à Pâques.

# 29. Liverpool 1994-96, third

Encore une bavure signée Adidas. Avec ses écussons de toute taille et ses effets péteux similaires au # 26 (en encore moins « subtil »), ce Third ressemble à un mauvais papier peint d’une salle d’attente de cirque (si y’avait une salle d’attente et du papier peint dans un cirque).

Verdict TK : le port de ce spécimen est fortement déconseillé aux cueilleurs de champignons (trop psychédélique, mauvais trip assuré).

# 30. Liverpool 2014-15, third

Je vous épargne la prose boursouflée du designer, Warrior (extrait : « Elégant, stylé et qui améliore la performance grâce à ses innovations technologiques »), ce truc est infâme. Après les horreurs Candy de 1988-1991 (voir le volet # 2), le # 29 et le maillot « Space Invaders » de l’an dernier, les incorrigibles Reds persistent, signent et s’enfoncent.

Verdict TK : et après, on s’étonne qu’ils galèrent domestiquement depuis 1990.

# 31. Manchester United 1990-92 (D1), extérieur

Oui, oui, c’est bien Ryan Giggs, en pyjama. Au début des Nineties, les designers cherchèrent par tous les moyens à torpiller la tradition. Ici, Adidas choisit de mettre au placard le classique blanc du maillot exter et le bleu foncé du third pour introduire cette singulière synthèse qui irrita fortement les supps de Man United. Et pour cause : le bleu ciel rappelait furieusement le look du rival City, ainsi que l’horrible Candy de Liverpool.

Verdict TK : espérons que Van Gaal n’insiste pas pour resusciter ce maillot vintage, ça les assoupirait encore plus.

# 32. Watford 1993-95 (D2), extérieur

Surtout, ne réglez pas votre écran : ce maillot est vraiment flou. Il est aussi affublé d’un motif papier peint lowcost années 70. Vu le sponsor, Blaupunkt, il fut vite surnommé « The TV interference kit ». Où ont voulu en venir les designers de Hummel ? Nul ne le sait mais on peut penser qu’ils taquinaient la bouteille ou étaient atteints d’une diplopie incurable.

Verdict TK : on n’ose pas imaginer dans quel état Elton John était pour avoir laissé passer ça.

# 33. Wigan 1993-94 (D4), extérieur

Comme si végéter en bas de classement de D4 dans l’un des pires stades d’Europe de l’Ouest (voir # 2) n’était pas assez douloureux, le club infligea cette infamie à ses pauvres supporters. Résultat : Wigan enregistra le pire classement de son histoire en Football League cette saison-là, 19è de D4.

Le designer, le mal nommé Matchwinner, trop fier de sa trouvaille, jugea bon de décliner son design à la noix en x exemplaires et l’étala sur les tuniques de Preston (ci-dessous), Oxford et Bristol Rovers. On ne s’éternisera pas sur le classieux sponsor, Heinz, la coupe est déjà assez pleine comme ça (de Ketchup évidemment).

Verdict TK : ma théorie « Plus un maillot est hideux, plus le club rame » n’est peut-être pas si fumeuse que ça.

Kevin Quigagne.

Dans la même série :

Les pires maillots du foot anglais (1)

Les pires maillots du foot anglais (2)

Demain, devant les caméras d’ITV, Crawley Town, D5 (les « Red Devils »), tentera de créer l’exploit pour atteindre les quarts de finale de la FA Cup : éliminer Manchester United. Un pari insensé. Mais si des non-Leaguers sont capables de réaliser ce tour de force, c’est bien les Red Devils du Sussex, un vrai club déjanté. Eux croient dur comme fer au miracle.

Au sommaire du dossier :

  • Man United en bave plus contre les D5 qu’en Ligue des Champions
  • Un Cendrillon de Cup « bastard child » de Man City et Millwall
  • Un club punk-viking au passé sulfureux
  • Bruce Winfield, le nouveau propriétaire, més que un Messie
  • L’extraordinaire aventure anglaise de l’Argentin Sergio Torres, le « Maradona du Buckinghamshire »
  • Un effectif armé pour la Football League. Et Shearer dans les buts.
  • Le manager le plus controversé d’Angleterre
  • Un speaker du stade bien allumeur… qui rend fou Robbie Savage !
  • Le génial clip des supps (chant de pour la Crawley FA Cup) : « A message to you Rooney »
  • Fiche du club
  • Dix raisons de supporter Crawley… et quelques unes de les siffler

En atteignant les quarts, Crawley deviendrait ainsi le premier club de non-League (D5 et en dessous) à réaliser cet exploit. Depuis la deuxième guerre mondiale, seuls cinq autres clubs de non-League ont atteint les huitièmes, sans toutefois  parvenir à se hisser en quart. Ils sont : Colchester United, 1948 ; Yeovil Town, 1949 ; Blyth Spartans, 1978 ; Telford United, 1985 ; et Kidderminster Harriers en 1994 (éliminé par West Ham, 1-0).

Crawley, le petit poucet de la coupe, ne craint personne et le passé récent leur donne raison. Par deux fois ces dernières années, Manchester a bien failli se faire sortir de la Cup par des équipes de D5. Et personne en Angleterre n’a oublié l’élimination de Newcastle United (D1) en février 1972 par Hereford United (D5), lors d’un replay de 32è de finale. A ce jour, considéré comme le plus grand exploit de la FA Cup.

 

Man United souffre plus contre les non-Leaguers qu’en Champions’ League

La non-League, ce sont les divisions hiérarchiquement inférieures à ce que l’on appelle traditionnellement « League Football », c’est-à-dire les 92 clubs 100 % professionnels qui composent la Premier League et la Fooball League (D2 à D4). Avant le démarrage de la PL en 1992, ce club des 92 évoluait dans la même structure, la Football League (quatre divisions à l’époque), et ce, depuis 1888. Voir ce wiki sur la structure des divisions en Angleterre.

Au sommet de la pyramide non-League (dix-neuf divisions en tout), se trouve la Conference National (D5), Blue Square Premier ou BSP pour les intimes (une poule nationale à 24 clubs, à 75 % professionnelle). La non-League est très cotée et suivie. Elle a le droit à son propre hebdomadaire et même à un superbe mensuel de 120 pages (ainsi qu’à plusieurs émissions de radio). Depuis cette saison, le club (nouvellement) argenté de Crawley fait sa loi en BSP, en compagnie des deux autres caïds de la division, l’AFC Wimbledon et Luton Town (les Red Devils sont 2è mais comptent quatre matchs de retard sur le leader, Wimbledon).

Deux clubs de D5 ont bien failli sortir Man United de la FA Cup ces dernières années. Exeter City, en 2005, qui tient en échec les Red Devils 0-0. Et Burton Albion en 2006, qui frôle l’exploit, 0-0, alors qu’ils avaient dominé les Red Devils.

Tombeur successivement de Swindon (D3) en 64è, puis Derby (D2) en 32è et Torquay (D4) au tour précédent (16è), Crawley, surnommé « Le Man City de la D5 » n’avait pas gagné un seul match de FA Cup depuis huit ans !

Aussi déséquilibré que puisse paraître cette confrontation, plusieurs exploits accomplis au détriment de Man United donnent espoir au « minnow » (cendrillon) de la coupe. Tout d’abord, en septembre 1995, York City, mal classé de D3, bat les Mancuniens 3-0 à Old Trafford en Coupe de la Ligue, une confrontation mémorable ! Puis en janvier 2010, en 32è de FA Cup, Leeds (D3) élimine MU sur ses terres, 1-0.

Plus près du niveau de Crawley, deux clubs de D5 ont sacrément donné du fil à retordre à MU ces dernières années. En janvier 2005, en 32è, Exeter City tient en échec les Red Devils 0-0, avant de perdre le replay 2-0 à Old Trafford. Les Grecians empochent un gros chèque de plus de 700 000 £ qui leur permet de rembourser une partie des dettes laissées par l’effroyable gestion du surréaliste trio Uri Geller-John Russel-Michael Jackson (Honorary Director), et David Blaine, « Special Board guest » (une ardoise de 4,5M de £, avec redressement judiciaire, relégation et tribunal à la clé, voir le Show Michael Jackson à Exeter City).

Puis, en janvier 2006, c’est au tour de Burton Albion, à domicile, de frôler l’exploit, 0-0, alors qu’ils avaient dominé les Mancuniens (ils s’inclineront 5-0 lors du replay 5-0). L’énorme chèque reçu (1M de £) finança largement la montée des Brewers en Football League trois ans plus tard.

 

La devise du Cendrillon de la coupe : No one likes us, we don’t care

Crawley, ville nouvelle de cent mille habitants située entre Londres et Brighton n’est pas une place forte du football, contrairement à ses principaux rivaux de D5, Luton et Wimbledon (tous deux ex pensionnaires de D1). Le club n’a jamais évolué en Football League et l’affluence moyenne cette saison n’est que de 1 936 spectateurs. Leur stade, Broadfield Stadium, est à trois kilomètres de Gatwick à vol d’Airbus à 150 décibels et le raffut incessant des réacteurs au-dessus des tribunes a tendance à casser l’ambiance. Aucune « Cup Fever » notable non plus dans cette ville mi-dortoir, mi-parking d’aéroport. Pour le côté « romance de la coupe », on repassera.

On a du mal à s'entendre au-dessus du stade

On a du mal à s'entendre au stade de Crawley

Ce match sera l’occasion d’un face-à-face entre deux Glasvégiens, Sir Alex, (pro-Rangers) et le manager de Crawley, le très décrié Steve Evans. Un pro-Celtic au sang chaud qui n’hésite pas à faire le coup de poing sur la ligne de touche pour un oui ou pour un non, et qui colle bien à l’image de mal-aimé du club.

Crawley est le grand paria de la non-League, un club souvent affublé de l’étiquette « que les autres aiment détester ». Le chant favori des adversaires de Crawley est : « You’re just a car park for Gatwick ». Les Diables Rouges bis sont aussi parfois dépeints comme un croisement entre Man City et Millwall, aussi bien pour leur train de vie de nabab que leur style agressif, sur et en dehors du terrain (ainsi que pour leur entraîneur, voir plus bas). Mais aussi car, à l’instar des Lions de Millwall, leur devise non-officielle est « No one likes us, we don’t care ».

Crawley, le « Bastard child » de Man City et Millwall

Et ce n’est pas la visite discourtoise chez les Gulls de Torquay au tour précédent qui aura amélioré leur image. Ce 16è de Cup tint plus de la descente de vikings que d’un match censé perpétuer la « magie de la Cup ». En l’espace de quelques heures, les incidents furent légion. Entre le refus de respecter les consignes du club hôte ne pas s’échauffer dans la surface, et les altercations entre membres du staff avant le match (deux jardiniers du club expulsés du terrain manu militari par des Crawleysiens, dont l’entraîneur-adjoint, Paul Raynor), en passant par les actes antisportifs et grossières simulations de plusieurs joueurs Reds, la fée de la coupe n’osa pas pointer le bout de son nez.

Bilan de cette rencontre aussi dingue que houleuse : 2 expulsions, 10 cartons jaunes, 2 bagarres générales, 2 pénaltys ratés (par Crawley) et deux épisodes chiqué dignes de Rivaldo pour couronner le tout ! Ce raid punk dans le paisible Devon déclencha l’ire de l’habituellement flegmatique Chris Coleman, l’ex Cottager aujourd’hui consultant télé, et alimenta une mini polémique dans la presse tabloïd. Le Gallois, sur ITV :

« Autant il faut saluer l’exploit sportif de Crawley, autant leur comportement à Torquay a été déplorable. Ils ont créé des tensions et provoqué des altercations avec le staff de Torquay, et ces simulations, c’est lamentable ! Crawley a vraiment manqué de professionnalisme et de respect vis-à-vis de leurs adversaires. »

Réponse de Ben Smith, milieu de terrain de Crawley :

« Coleman a prouvé à quel point il est ignorant. Le problème, c’est qu’on a monté le résumé de telle manière que Crawley se retrouve dépeint sous un mauvais jour, simplement pour raconter encore des histoires sur notre compte. C’est totalement injuste. »

Evans, en pleine crise de zénitude

Evans, en pleine crise de zénitude

 

Un club au passé récent sulfureux

Il faut dire que le passé récent du club ne plaide guère en sa faveur. En 2005, Crawley, alors en D6 avec un statut semi-pro, est racheté par les Frères Majeed, Chas (président) et Azwar (propriétaire), qui décident de professionnaliser entièrement l’effectif du jour au lendemain. Plusieurs joueurs clés, qui ont de bons boulots dans le civil se trouvent alors dans l’impossibilité de combiner activité professionnelle et entraînement quotidien. Entre un statut pro précaire et un emploi stable bien payé, le choix est vite fait pour cinq d’entre eux qui raccrochent les crampons. Rapidement, l’ambiance se détériore et les résultats deviennent catastrophiques, vite suivis de problèmes financiers insurmontables.

En cours de saison, les Majeed imposent une solution radicale… les contrats seront divisés par deux ! Trois mois plus tard, Les Bruise Brothers mettent toute l’équipe en vente… L’été 2006, Crawley est placé en redressement judiciaire et se voir retirer  dix points. La situation financière est tellement grave que le club échappe de peu à la liquidation pure et simple, synonyme de disparition du paysage footballistique. Il ne s’en faut littéralement que de 24 heures pour que ce club ne soit rayé de la carte, et disparaisse (ou recommence à zéro dans les bas-fonds de la non-League).

Les instances interdisent alors aux Majeed de diriger le club mais ces derniers se dégotent une responsabilité quelconque au sein du club et continuent à tirer les ficelles. Aussitôt, les supporters organisent des manifestations de pression pour les évincer, dont une « Red Card Campaign ». Entre temps, la police enquête sur les douteuses activités d’Azwar Majeed, aussi bien sur ses nombreux business que ses magouilles au club (entre autres, évasion fiscale et détournements de fonds). La brigade financière met à jour une impressionnante collection de délits et autres malversations impliquant directement le club. Majeed sera condamné en avril 2009 à trois ans et demi de prison.

Azwar Majeed, l'ex boss véreux de Crawley

Azwar Majeed, l'ex boss véreux de Crawley

Surnommé le « Booze Baron » (il a fait fortune dans la vente d’alcool), ce multi-récidiviste, qui compte dix condamnations à son casier, menait grand train de vie. Il possédait de multiples biens immobiliers et commerciaux et raffolait des bolides, il n’en avait pas moins de trente-cinq ! (dont une Ferrari Enzo, des Bentley, Lamborghini et Ducati). Le gros hic c’est que Majeed ne se contentait pas d’une ou deux niches fiscales plus ou moins légales, lui, c’est la totalité du chenil qu’il lui fallait. Ses nombreuses affaires généraient au bas mot 40M de £ annuels (surtout du liquide) mais Majeed ne payait que 3 155 £ d’impôts par an !

La police confisque une partie de ses biens, et déniche même 505 000 £ en cash planqués dans un coffre du magasin londonien Harrods, non déclarés bien sûr. Cet argent sert à rembourser partiellement les dizaines de créanciers (1,8M de dettes) mais le club perd toujours 400 000 £ par an. Les administrateurs mettent même le club en vente mais personne ne se manifeste… sauf un membre de la famille Majeed ! (éconduit par l’administrateur judiciaire). Le club démarre la saison suivante à moins dix au classement, et un effectif squelettique.

 

Le sauveur arrive au printemps 2008

En avril 2008, Bruce Winfield (Prospect Estates Holdings) et le couple Carter, des hommes d’affaires du coin et supporters de Crawley depuis toujours, reprennent le club et commencent l’entreprise de réhabilitation. Les choses sérieuses démarrent, vu que la majorité des clubs de cette division sont devenus professionnels. L’ex comptable à British Airways fait les choses dans l’ordre. D’abord, entre 2008 et mars 2010 (menaces de nouveau redressement judiciaire), aidés d’investisseurs (anglais) basés à Hong-Kong et dans le Golfe Persique, il rembourse toutes les dettes. Ensuite, l’été 2010, une fois le club stabilisé, Winfield recrute malin, et gros. Il sort le chéquier et explose le record de la non-League : un demi million de £ !

Bruce Winfield, le messie

Bruce Winfield, le messie

Winfield le passionné, qui aurait tenté de faire venir Robert Pirès à Crawley, déclare dans les colonnes du Daily Telegraph deux jours avant le 16è contre Torquay :

« Effectivement j’aurais pu investir mon argent dans des actions British Telecom ou Marks & Spencer, j’aurais sûrement gagné au change ! Mais j’ai pris une décision émotionnelle quand j’ai repris ce club en 2008. Je le supporte depuis 50 ans. Et sur mon certificat d’action, y’aurait pas marqué « victoire contre Derby County en 32è de FA Cup ». Vous savez, je vis modestement, toutes ces rumeurs me comparant à Sheikh Mansour sont amusantes mais infondées, je roule en Toyota Prius, pas en Ferrari. »

Néanmoins, même le « squeaky clean » Bruce Winfield n’échappe pas à la controverse, beaucoup d’autres clubs et supporters de Crawley le soupçonnant d’avoir associé Steve Evans à la reprise du club (alors qu’il était interdit de gestion de club), ce que Winfield a toujours démenti.

 

Le seul Torres en FA Cup

Sergio Torres, la vedette médiatique du club, ex joueur de D2 à Peterborough et darling des tabloïds comme des « broadsheets » (presse dite de qualité). D’ailleurs, le beau Sergio vient de signer un « exclusive deal » avec The Sun. Le logo de la feuille de chou murdochienne figure aussi sur le short des joueurs depuis les 32è. Torres, sur cette association, dans le Sun du 31 janvier :

 « Avoir le logo du Sun sur le short nous rend plus rapide »

Espérons que ça n’ait aucun effet sur le cerveau. Torres, c’est d’abord un vrai conte de fée, comme il sied tant à Dame Coupe.

Au début des années 2000, cet Italo-Argentin originaire de Mar del Plata évolue à Banfield (D4). Il poursuit des études d’EPS mais ne rêve que d’une chose : être professionnel. Après un essai infructueux à Boca Juniors, il se dit que cela lui sera impossible en Argentine. Un agent lui conseille de tenter sa chance en Angleterre, et envoie des clips de Torres à plusieurs clubs anglais. Bingo. Brighton (D2) lui offre un essai de deux semaines.

Sergio, le seul Torres en FA Cup

Sergio, le seul Torres en FA Cup

En avril 2004, Torres a 20 ans et débarque sur la Riviera anglaise avec trois sous en poche. L’entraîneur des Seagulls, Mark McGhee, un Ecossais amateur de jeu musclé, le met à l’essai pendant deux semaines mais n’est pas convaincu. Fidèle à sa réputation d’homme direct, McGhee n’y va pas par quatre chemins au moment du bilan final :

« Sergio, t’es un bon joueur, c’est indéniable, mais t’es pas assez costaud, ni assez rapide, et physiquement, c’est pas ça, tu m’as l’air hors de forme. Je ne vais pas te raconter d’histoires, à mon avis, tes chances de devenir pro en Angleterre sont infimes. »

Torres accuse le coup. Sur cette période noire de sa vie, l’Argentin raconte, dans son Sun :

« Moi, je pensais avoir donné satisfaction. J’étais extrêmement déçu de ne rien décrocher, pas même un petit contrat, il m’avait fallu deux ans en Argentine pour économiser l’argent du billet d’avion et des formalités, plus de 1 000 £. J’avais le bourdon mais je me suis accroché, j’ai payé pour prolonger mon billet d’avion car je me voyais pas rentrer chez moi sur un tel échec. J’ai été blessé par les mots de McGhee mais ça m’a aussi galvanisé, même si sur le coup, il avait raison, il fallait que je m’endurcisse et travaille ma condition physique. »

C’est alors le début d’une longue odyssée anglaise qui va lui faire découvrir six clubs dans cinq divisions différentes, à la dure.

 

Des années de galère pour le « fucking Argie »

Torres atterrit à Molesey, sud de Londres (D8, l’ex club de Cyrille Regis), et découvre la dure réalité des tréfonds de la non-League. Il partage une maison bondée – et même un lit – avec des immigrés plus ou moins clandestins, surtout des Camerounais qui, comme lui, vivotent de petits boulots.

Avec ses chaussures brillantes, son énorme serre-tête blanc, sa tignasse, ses retournés acrobatiques et ses gris-gris, Torres ne passe pas inaperçu en non-League. En juin 2005, il décroche un contrat semi-pro, à Basingstoke Town (D6), dans l’Essex. Semi-pro… quel joli « misnomer » ! Un terme glamour des plus trompeurs ; semi-amateur serait plus près de la réalité. Le plus souvent, ça signifie toucher 100 £ par semaine et évoluer devant 300 spectateurs. En plus de ses entraînements quasi journaliers, Torres bosse comme magasinier pendant un an et demi. Il en bave sérieusement :

 « L’argent que je touchais couvrait à peine mes dépenses. C’était très difficile pour moi, je n’avais même pas de logement, rien. Mais un supporter de Basingstoke, John Gray, m’a accueilli chez lui et m’a aidé à trouver un boulot de magasinier à Boots. Je me levais tous les jours à 5 h du mat’ et je me rendais au boulot en vélo, par tous les temps. Et ensuite, fallait jouer, le samedi, c’était dur, j’étais rincé. La première fois, j’étais tellement claqué que je me suis endormi pendant la causerie d’avant-match ! Tout me manquait terriblement, ma famille, mes amis, ma culture, le climat, la  plage… J’ai détesté cette période de ma vie. »

La guerre des Malouines a laissé des traces en Angleterre

La guerre des Malouines a laissé des traces en Angleterre

En plus de ces difficultés, il doit endurer la xénophobie. Les « fucking Argie » (= Argentin) sont monnaie courante. Torres se rend compte que son pays n’a pas toujours la cote en Angleterre. Il se remémore ces moments douloureux dans une interview Guardian de 2008 :

« Certains adversaires n’arrêtaient pas de m’injurier, par rapport à la guerre [des Malouines], et insultaient ma famille. C’était dur, fallait encaisser. J’ai failli me faire expulser plusieurs fois. »

A Basingstoke, il dispute une quantité phénoménale de matchs (69 en une saison et demie !), marque une dizaine de buts mais ne voit toujours pas se profiler à l’horizon ce fameux contrat pro pour lequel il a tout sacrifié. Et il ne peut pas rester éternellement en Angleterre à faire du couch surfing et se faire pourrir en D6. Mais, à l’intersaison 2005-2006, la chance lui sourit. A l’occasion d’un match amical contre une équipe de Football League, Wycombe Wanderers (D4), Basingstoke gagne 7-2 et Torres impressionne John Gorman le nouvel entraîneur des Wanderers, qui a succédé à Tony Adams (yes, l’ex Gunner).

 

Le « Maradona du Buckinghamshire »

Wycombe (Buckinghamshire) le recrute sur le champ et lui offre son premier vrai contrat de deux ans. Pas le Pérou, même pour un Sud-Américain, il ne touche que 1 300 £ par mois, mais il se dit qu’il a peut-être mis le pied à l’étrier. Après un début tonitruant du club cette saison (21 matchs invaincus), Torres accumule les pépins physiques au mauvais moment.

Saison 2006-2007, Wycombe réalise l’exploit de se hisser en demi-finale de Coupe de la Ligue, après avoir éliminé deux équipes de PL, Charlton et Fulham (ils seront sortis par Chelsea après un 1-1 à domicile). Malheureusement, Torres est blessé…

Décembre 2007, le moral est au plus bas. Il est immobilisé depuis cinq mois (tendon) et veut retourner en Argentine. Ses parents lui rendent visite et le poussent à rester. Il revient, s’arrache et cette saison-là, le magazine Four Four Two élit Torres « 76ème meilleur joueur en dehors de la Premier League ». En Football League, sa belle technique impressionne, on l’appelle « Le Maradona du Buckinghamshire ». Voir clip. Le Guardian sort les dithyrambes. Dont ce clin d’oeil :

« Il ne fait aucun doute que Sergio Torres est unique à ce niveau, et sur un plan général. Il est le seul Argentin qui se soit retrouvé magasinier à Boots après avoir eu un essai avec Boca Juniors. »

En juillet 2008, il signe pour Peterborough (surnommé Posh, club de D3) pour 100 000 £, alors dirigé par Darren Ferguson. Posh finit 2ème et monte en D2. mais il ne parvient pas à se faire une place de titulaire. Nottingham Forest se manifeste mais ne donne pas suite. L’ambitieux Crawley Town le recrute l’été dernier pour 50 000 £, probablement l’une des affaires de la saison dans le foot anglais.

Le 10 janvier, d’un beau tir du gauche, il marque le but victorieux contre Derby County (D2) dans les arrêts de jeu et envoie les Diables Rouges en 16è dans le délire le plus total.

Victoire de Crawley sur Torquay, plus chaud que le derby River Plate - Boca Juniors

La victoire de Crawley sur Torquay, plus chaud que le derby River Plate - Boca Juniors

Au tour suivant, contre Torquay, après la féroce bataille, Torres, déclare :

« Ça m’a rappelé le derby River Plate – Boca Juniors, un match dingue. Moi, j’ai joué les Javier Mascherano ! Mon but est digne du grand Torres ! J’espère qu’un jour je jouerai avec lui, même dans un parc, ça me suffirait. A peine le match fini, j’ai appelé mes parents, ils avaient regardé le match sur internet, c’était intense, on pleurait tous au téléphone. »

 

Des joueurs armés pour la Football League

Outre Torres, il y a… Shearer ! Scott Shearer, le gardien remplaçant. Mais la vedette de l’équipe est incontestablement Matt Tubbs. Surnommé le « Berbatov de la D5 », 25 buts en 26 matchs de championnat cette saison, l’ex maître-nageur est chaud comme la braise en ce moment, auteur d’un hat-trick le week-end dernier.

Cet ex stagiaire de Bolton est la révélation non-League de l’année et compte une cape en équipe d’Angleterre C (sélection des meilleurs non-Leaguers). Le mois dernier plusieurs clubs de D2 se seraient montrés intéressés mais Crawley a refusé de discuter, l’objectif obsessionnel étant la montée. Tubbs a inscrit presque 200 buts en 308 matchs de non-League.

Richard Brodie (attaquant) est une autre pièce maîtresse de l’effectif. Cet ex ébéniste attaquant de 23 ans est la recrue la plus chère du club et le nouveau record entre deux clubs de non-League : 200 000 £ payés à York (D5).

Parmi les autres cadres, citons le bouillonnant latéral gauche Dean Howell, un « journeyman » de 30 ans et déjà quinze clubs (presque tous de non-League).

Sans oublier l’excellent milieu central et capitaine Pablo Mills, 26 ans, qui évolue parfois arrière central et qui a joué pendant trois ans en D2, à Derby County. Signalons aussi Ben Smith, milieu offensif, formé à Arsenal ; ainsi que Craig McAllister, un athlétique attaquant écossais de 30 ans qui posséde une solide expérience de la Football League, notamment à Exeter City.

Tubbs, Brodie, Torres et quelques autres : des joueurs achetés à la concurrence l’été dernier pour environ 500 000 £, somme énorme pour la non-League. De quoi se faire des jaloux, et quelques ennemis, surtout quand votre manager est le personnage le plus décrié du football anglais.

Dean Howell, Matt Tubbs, Craig McAllister, Pablo Mills, Sergio Torres, Kuipers

Dean Howell, Matt Tubbs, Craig McAllister, Pablo Mills, Sergio Torres, Michel Kuipers

Steve Evans, le manager le plus controversé d’Angleterre

Steve Evans est un Ecossais de Glasgow qui traîne plus de casseroles que le rayon Arts Ménagers du BHV n’en stocke. Même la photo de son Wiki le montre escorté par un Bobby. Une « hot head », souvent flanquée de son fidèle adjoint Paul Raynor. Un duo habitué des confrontations musclées avec le staff adverse et le corps arbitral (innombrables suspensions et amendes). Les arbitres de non-League détestent arbitrer Crawley, il n’est pas rare qu’Evans tambourine à la porte de leur vestiaire bouclé à double tour…

Evans est le vilain de la pièce, et à ce titre, il est souvent la cible des supporters adverses. Il endosse avec plaisir le costume du méchant :

« Comme le dit mon compatriote Sir Alex, si les supps adverses s’en prennent à un entraîneur comme moi, c’est que je les dérange, et c’est tant mieux, ça veut dire que je fais bien mon boulot. »

Mais ce n’est pas vraiment pour ses nombreux écarts sur la ligne de touche ou ses déclarations provocantes qu’Evans irrite tant que cela. Beaucoup ont le sentiment qu’Evans s’en est tiré à trop bon compte dans le retentissant scandale Boston United du début de la décennie 2000, y compris les propres supporters du club du Lincolnshire, parfois appelé le « sleeping giant of the non-League ».

Les arbitres de non-League prient pour ne pas arbitrer Crawley. Il n’est en effet pas rare que leur manager, Steve Evans, tambourine à la porte de leur vestiaire bouclé à double tour… Un jour, la police est même obligée d’escorter Evans hors du stade car il menaçait le quatrième arbitre.

Quand Evans arrive à Boston United en 1998, les Pilgrims végètent en D7. En l’espace de quatre saisons seulement, l’Ecossais les catapulte en D4 ! Problème, cette progression en flèche s’est faite dans l’irrégularité la plus totale : falsifications de contrats et documents, malversations financières, évasion d’impôts, bidouillages de comptes, etc. Nombre de clubs de non-League ont le sentiment que Boston a faussé le championnat pendant toutes ces années et, au final, a privé certains d’entre d’eux d’une légitime place en Football League, synonyme de prestige et statut professionnel garanti.

En janvier 2003, la FA suspend Evans pour vingt mois. Puis, le club lui casse son contrat… avant de le prier de revenir deux ans plus tard ! Un retour qui s’accompagne de deux nouvelles affaires de fraude en 2005 et 2006 (évasion de fonds, 250 000 £, prison avec sursis), auxquelles d’ajoutent des amendes et suspensions pour insultes et menaces envers le corps arbitral.

Le 11 février 2006, la police est même obligée de l’escorter hors du stade de Grimsby à la mi-temps à la suite d’une conduite violente envers le quatrième arbitre… Evans reste cependant en place, protégé par le président du club, qui accuse ses détracteurs de « conspiration ».

Finalement, en mai 2007, Boston est relégué de deux divisions (de D4 à D6), en banqueroute totale et placé en redressement judiciaire. Evans, quant à lui, en a profité pour s’éclipser à Crawley deux jours après avoir démissionné de Boston, laissant derrière lui colère et chaos [ndlr : en 2010, Boston remontait tout juste de D7]. Il emmène dans ses bagages son fidèle lieutenant Paul Raynor. Le duo a été recruté par Azwar Majeed, celui aux trente-cinq bolides et comptes frelatés. Entre escrocs, commentent les observateurs de la non-League, ces deux-là avaient toutes les chances de s’entendre. Malgré ses déboires, Evans est loin de s’être assagi. Au cours de la saison 2007-2008, il est expulsé du banc six fois ! La saison suivante, il écope d’une suspension de banc de dix matchs.

Steve Evans, souvent marqué à la culotte par la marée chaussée

Steve Evans, souvent marqué à la culotte par la marée chaussée

Récemment interrogé par le Daily Telegraph sur les talents de gestion très particuliers d’Evans, Winfield, le propriétaire de Crawley, rassure :

« C’est vrai que nommer Steve comme entraîneur a pu être perçu comme un risque. Mais ici, c’est moi qui gère les contrats, le recrutement et les finances. Steve ne s’occupe que du terrain et de la détection. »

Et c’est vrai qu’Evans est calé pour dénicher des perles rares, telles Matt Tubbs, qui ne coûta que 70 000 £ mais risque d’en rapporter cent fois plus si le club monte en Football League. Il est forcément beaucoup question d’argent dès qu’on évoque Crawley, et ça ne plaît pas à tout le monde…

 

Un speaker original qui allume Robbie Savage

C’est cette opulence qui fit dire à Robbie Savage (consultant BBC et à 36 ans, toujours milieu de Derby County, adversaire de Crawley en 32è) que « plusieurs joueurs de Crawley étaient mieux payés que certains à Derby. » (grosse cylindrée de D2). Ce que démentit aussi Winfield, en précisant que le plus gros salaire du club (Sergio Torres) n’est que de 3 000 £ / mois.

Un Robbie Savage comiquement annoncé par Steve Leake, le speaker du stade de Crawley :

 « […] Et portant le numéro 8, l’homme que nous attendions tous avec impatience, Robbie « I can’t get near the ball anymore » Savage. »

Le fantasque Gallois, autant vexé par l’élimination nette et sans bavure de Derby que par la pique du speaker, attendit le lendemain pour piquer sa crise à la radio (et dans son billet du Mirror). Il menaça de « lui coller le micro à ce speaker là où le soleil ne brille pas. ». Déclarations immédiatement suivies d’une mini polémique, puis d’excuses de Robbie.

Robbie "I can't get anywhere near the ball anymore" Savage

Robbie "I can't get near the ball anymore" Savage

En tirant au sort Man United, Crawley s’assure un chèque de plus d’1,5M de £ (partage des recettes d’Old Trafford et droits télévisuels –  plus 90 000 £ de la FA pour leur victoire en seizième, manne qui s’ajoutera aux 140 000 déjà versés par la fédération). Et bien plus encore si Crawley l’emporte… Un espoir fou qu’entretiendront les 9 200 Crawleysiens présents à Old Trafford. Des supporters qui entonneront sûrement leur chant fétiche :

 We are the pride of all Sussex

The cock of the South

We hate the Dover

Coz they are all mouth

(on est la fierté de tout le Sussex, le coq du sud, nous détestons Douvres, ils n’ont que d’la gueule).

La fierté de tout le Sussex ? Pas si sûr. Pour la première fois depuis la création de la FA Cup en 1871, deux clubs du Sussex seront en huitièmes, Crawley et Brighton-le-métamorphosé qui affrontera Stoke City.

Crawley jouait mardi soir en BSP contre le Wrexham de Dean Saunders (0-0), un match encore houleux (entraîneur assistant de Crawley expulsé) disputé devant 4 630 spectateurs, dont un invité de marque : Sir Alex Ferguson. L’Ecossais s’était déplacé jusqu’au Pays de Galles pour observer les énergumènes. Lui aussi les prend au sérieux, très au sérieux. Sir Alex se méfie des miracles.

 

LA FICHE DU CLUB

Division : Conference National (D5)

Classement actuel : 2è (mais 4 matchs en retard sur le 1er – seuls deux clubs montent en D4)

Fondation : 1896

Surnom : The Red Devils (ou The Reds)

Statut professionnel: obtenu en 1962 (mais souvent semi-pro) 

Couleurs : bas, short et maillot rouge

Domicile : Broadfield Stadium (depuis 1997), 4 996 places

Affluence saison en cours : 1 938 (la moyenne de la D5 est de 2 000, de Luton Town, 6 376 à Hayes & Yeading, 370).

Propriétaires : Bruce Winfield et Susan Carter (actionnaires majoritaires)

Entraîneur : Steve Evans

Prix d’une place (adulte) : 14-17 £

Prix abonnement (adulte) : 240-300 £

Employés à temps plein : 4

Palmarès : diverses coupes locales, dont la Sussex Professional Cup en 1970, et la Sussex Floodlight Cup ; 32è de FA Cup en 1992 ; 8è en 2011

Highlights : 2003-2005 et depuis 2009 (7è de D5 la saison passée)

Lowlights : redressement judiciaire en 1999 et difficultés entre 2005 et 2008 qui faillirent faire disparaître le club

 

Dix raisons de supporter Crawley

1) Sergio Torres. Le nom le plus cool de la non-League 

2) La ville a vu naître le groupe The Cure, qui ont traîné leurs guêtres et amplis au collège-lycée St Wilfrid’s et dans les pubs de la ville avant de conquérir la planète

3) Leur jardinier en chef (Head groundsman), Clinton Moore, est un ancien champion d’Angleterre de kickboxing en lourds légers. Il jouait autrefois en semi-pro dans feu la Doc Martens League (D7)

4) Leur speaker-chambreur

5) leur goal-machine Matt Tubbs

6) C’est l’heure la plus glorieuse de la ville depuis 1980, quand son fiston préféré, l’ex champion du monde des mi-lourds Alan Minter, tenta de défendre son titre. Malheureusement pour lui, il tomba sur Marvin Hagler qui régla l’affaire en trois rounds

7) Quand on sert de parking d’aéroport, on a droit de temps en temps à un peu de « TLC » (tender loving care)

8) Leur boss, Bruce Winfield, un « propriétaire-supporter » passionné

9) Ils pourraient bien empêcher Luton Town de remonter en terre promise (Football League)

10) La géniale FA Cup song de Mike Dobie et d’une centaine de supps du club (sur l’air de la célèbre reprise des Specials). La version originale de ce clip fut interdite il y a deux semaines, après diffusion, car un Mancunien s’était plaint que, sur le clip, on voyait un supp de Crawley faire le mouvement d’un avion qui tombe, en référence au crash de Munich en 1958 qui coûta la vie à 23 personnes, dont 8 joueurs de Man United. Le type en question, 19 ans, a été interdit de stade à vie et vient d’être arrêté par la police (relâché sous caution. Son geste tombe sous le coup de la loi sur l’ordre public  – Public Order Act –  « suspicion of causing harassment, alarm or distress »). Voir articles de la BBC et de The Independent.

 

… et quelques raisons de les siffler

1) Ils sont soutenus par le Sun. Qui a « recruté » Sergio Torres en exclusivité

2) Kevin Muscat est originaire de Crawley

3) Leur entraîneur, Steve Evans. Ne mentionnez jamais son nom à un Pilgrim ! (Boston)

4) Ils pourraient bien empêcher l’AFC Wimbledon de rejoindre la terre promise (Football League) qu’ils n’auraient jamais dû quitter (cf affaire Milton Keynes)

5) cette épopée lucrative va encore plus les engraisser et risque de retarder la montée de l’AFC Wimbledon en Football League

 Kevin Quigagne.