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Troisième partie des évènements et futilités du mois dans le football anglais.  Encore un mois riche en émotions, surprises et cocasseries. Aujourd’hui, du 14 au 21 février (voir première partie ici et deuxième ici).

Au sommaire :

  • Barry Austin, refoulé pour quelques quintaux en trop
  • Francis Jeffers is back
  • Dossier sur la refonte des centres de formation anglais
  • Gattuso et Joe Jordan, une histoire d’amour en version écossaise
  • FA Cup: changements dans l’air
  • Leyton Orient (D3), 130 ans, et menacé de disparition par West Ham
  • Le cultissime documentaire « Orient: Club for a Fiver », plus les « bleus dans les yeux » que l’inverse
  • John Sitton, « a fuckin’ legend », le manager hors norme plombé par cet extraordinaire docu
  • Hicks et Gillett: la High Court a rendu son verdict
  • Quand Robbie Savage pourrit Gattuso
  • L’UEFA dévoile sa politique de prix. Dossier complet et révélations exclusives TK : comment l’UEFA calcule le prix des billets
  • 8è de finale de FA Cup
  • Jonathan Téhoué, des Derviches Tourneurs à l’Orient
  • Beckham redevient working-class avant de quitter Tottenham

 … et bien plus encore

 

LUNDI 14 FÉVRIER

 Barry Austin, « massive fan » de Birmingham City, se fait refouler par Wembley pour la finale de laCoupe de la Ligue entre Arsenal et B’ham City (27 février). Barry n’est pas un interdit de stade comme les autres. Notre Brummie traîne un embonpoint qui fait que, bon, il lui faut trois sièges, en acier. Barry pèse 260 kilos. A St Andrew’s (antre de City), il payait un double abonnement pour les deux places qu’il occupait, en arrondissant en sa faveur. Certaines saisons, on lui fournissait même un banc pour lui tout seul. Mais là, il a un peu forci et il ne rentre plus nulle part ; et pis, ben, la législation Health & Safety a bien grossi elle aussi. C’est la deuxième fois qu’on lui fait le coup. Furax, il ne décolère pas dans le Sunday Mercury :

« J’avais pas pu me rendre non plus au Millenium Stadium de Cardiff en 2001 pour la finale de la Coupe de la Ligue. Je rêve de voir mes Blues fouler la pelouse de Wembley, mais dès que je téléphone et mentionne ma corpulence, on me balance la législation Health & Safety au nez. »

Il ajoute, dans le Sunday Times :

« Quand j’ai insisté pour savoir pourquoi on refusait de me vendre une place, ou même deux, on m’a répondu que les sièges strapontins n’étaient pas assez solides. »

 Francis Jeffers, ex Galactico Gunner, de retour de son escapade australienne (Newcastle Jets, 9 matchs, 1 but) signe à Motherwell (SPL). A peine les valises posées, il se prend une belle Samsonite contre les Glasgow Rangers (samedi) : 6-0. We didn’t miss you one bit Franny, but welcome back to Blighty.

 

MARDI 15 FÉVRIER

Francis Jeffers marque d’une belle tête contre Aberdeen. Extrait du compte rendu de la BBC :  

« Jeffers, impressionnant, porta plusieurs fois le danger dans le camp adverse au cours de la première période, avant d’être sorti à la 58e. »

Je retire ce que j’ai écrit hier sur Franny, il est (par)fait pour la SPL.

Gary Neville. Le Guardian sort un diaporama marrant intitulé « Ce qu’a fait Gary Neville une fois la retraite arrivée ». A voir.  

La Premier League annonce les détails de sa refonte du système de formation, son « Elite Player Performance Plan ». Ged Roddy, directeur de la formation à la PL, tire la sonnette d’alarme sur fond de « Reform or England will die » (titre du Sunday Times). Un brin alarmiste, il déclare dans le dominical :

« Si nous ne réformons pas le système de formation maintenant, le football anglais va mourir. Bientôt, nous ne produirons plus aucun joueur de qualité. »

Cette proposition de réforme conclut une période d’étude du système de formation anglais menée par la PL depuis janvier 2010. Si cette réforme est adoptée en juin prochain (assemblée générale entre la PL et la Football League), elle « continentaliserait » considérablement les quatre-vingt-huit centres de formation du pays. La PL souhaite augmenter le nombre de jeunes formés localement (homegrown player) pour moins consommer étranger. Ce système entrerait en vigueur à partir de la saison 2012-2013.

Les centres de formation anglais sont actuellement régis par la « Charter for Quality » introduite par Howard Wilkinson en 1997, alors directeur technique de la FA. Ce document sert de cahiers des charges aux quarante Academies et quarante-huit Centres of Excellence qui forment environ dix mille jeunes de 9 à 21 ans (on trouve les CoE plutôt dans les clubs de D3 à D5). L’étude approfondie sur la formation a conclu que le système actuel désavantage les clubs anglais par rapport à leurs principaux rivaux européens. Quatre aspects en particulier devraient être totalement modifiés ou introduits. Ils portent sur :

 

 

 

1) la limite des heures d’entraînement que les plus jeunes doivent observer actuellement (environ six heures par semaine max.). En conformité avec la Charte, un jeune Anglais ne peut bénéficier que de maximum 3 760 heures de formation entre 9 et 21 ans (« contact time »), bien moins qu’un Néerlandais (5 940) ou Français (5 740). Grâce à une formation en masse d’entraîneurs spécifiques (au National Football Centre de Burton upon Trent, ouverture prévue été 2012, voir article), et une maximalisation de la gestion du temps de scolarité (voir 2 et 3), le nombre d’heures-contact passerait de 8 500 à 10 000.

2) l’introduction d’une catégorisation des centres de formation (trois ou quatre). Ceux de PL et certains de D2 seraient Category 1 et bénéficieraient de prérogatives plus larges que les autres catégories. En contrepartie, ils devront investir davantage (surtout en entraîneurs), et dépenser au moins 2,5M de £ par an chacun. Les Cat. 1 s’apparenteraient aux centres continentaux et pourraient héberger des jeunes de 13 à 16 ans dans des « residential centres », chose impossible aujourd’hui (voir 3). Les centres de Cat. 3 (clubs de D3 et D4) ne pourraient plus accueillir de jeunes de moins de 12 ans. Cela permettrait aux Cat. 1 d’acquérir plus facilement les jeunes les plus prometteurs.

Howard Wilkinson et le NFC de Burton, qui ouvrira (enfin) en 2012

Howard Wilkinson et le NFC de Burton, qui ouvrira (enfin) en 2012 et formera des milliers d'entraîneurs

3) les restrictions géographiques. Actuellement, un centre de formation ne peut enrôler un jeune de moins de 16 ans que s’il réside à moins de 90 minutes du centre d’entraînement (60 minutes pour les 9-13 ans), et ce, afin de gêner au minimum sa scolarité, le gamin devant à la fois combiner école le jour (jusqu’à 15h30 en Angleterre) et plusieurs entraînements par semaine, le plus souvent vers 18 heures. Actuellement, aucun club (sauf Watford, à titre expérimental, partenariat créé avec la Harefield Academy school) n’est autorisé à héberger des jeunes de moins de 16 ans car ils doivent être scolarisés en milieu scolaire classique. Avec le nouveau système, les Cat. 1 pourraient soit leur dispenser les cours via des enseignants au centre, ou s’arranger avec des écoles partenaires pour aménager leur emploi du temps. A lire cet article complet sur le sujet.

4) les compétitions entre jeunes des centres de formation. Actuellement, les jeunes s’étalonnent dans un championnat de valeur inégale, la Premier Academy League, où quarante clubs s’affrontent dans quatre poules de dix (clubs de PL à D4, comme Crewe Alexandra, centre formateur réputé). Même si les jeunes affrontent parfois en amical des équipes professionnelles de Football League ou Conference pour s’aguerrir, le consensus parmi les managers de PL, Alex Ferguson en tête, est que ce système n’est pas assez compétitif pour les meilleurs d’entre eux. La PL avait d’abord pensé verser les meilleurs centres de formation en Football League, en League Two (D4), complétés par quelques joueurs des réserves. Cela fut bien sûr accueilli froidement par la FL, à cause de la radicalité du plan ; il aurait en effet fallu rétrograder quelques clubs professionnels en non-League. La PL penche maintenant pour un système incorporant les meilleurs centres étrangers, afin d’organiser une sorte de « Ligue des Champions » pour les meilleurs centres de formation, U18’s et équipes réserves. Manchester United et Chelsea pousseraient fort dans cette direction et Mike Foster, secrétaire général de la PL, a déjà consulté les meilleurs centres de formation allemands, espagnols et français sur cette Champions’ League pour jeunes prodiges.

Ce nouveau système de formation, beaucoup plus intensif que l’actuel, s’inspire directement d’établissements tels la Yehudi Menuhin Music School de Londres ou la Royal Ballet School où chaque élève bénéficie d’au moins 10 000 heures de cours durant sa formation.

Certaines de ces mesures ne plaisent évidemment pas aux 72 clubs de Football League. La semaine dernière, ces derniers, par la voix de leur président, Greg Clarke, ont exposé leurs inquiétudes à une commission parlementaire (dans le cadre de la « inquiry into football governance » lancée par le gouvernement de coagulation  – « coalition » fait un peu trop fluide pour le bordel ambiant).

La Football League est essentielle au développement de la Premier League, en particulier car elle lui fournit beaucoup de jeunes, les plus doués d’entre eux rejoignant souvent des centres de formation PL. Sur les vingt-trois Anglais du récent Danemark-Angleterre, treize avaient été partiellement ou intégralement formés par des clubs de FL. Avec le nouveau Elite Player Performance Plan, ces derniers pourraient partir à un plus jeune âge, et plus facilement. Cela priverait les petits clubs de revenus vitaux (ils reçoivent peu d’argent de la FL, seulement 3M / an pour les plus gros, une goutte d’eau par rapport aux 40M minimum reçus annuellement par chaque club de l’élite, droits TV versés par Sky via la PL). Clarke estime que trente ou quarante clubs de FL pourraient se voir forcés d’abandonner la formation (le coût minimum de fonctionnement annuel d’un centre de formation en FL est de 600 000 £).

Afin d’assurer la survie de ces clubs de D3 et D4, Clarke veut qu’un échelle de de primes compensatoires figure au programme de refonte. Le fossé entre la Premier League et la Football League ne cesse de croître, et Clarke veut limiter les dégâts. Il livre un chiffre éloquent : le seul transfert de Torres à Chelsea paierait allégrement le coût de fonctionnement annuel (40M) des soixante-huit centres de formation hors PL.

Ils se sont insultés en écossais

Ils se sont insultés en écossais

Milan AC 0 – Tottenham 1.  Gattuso s’accroche avec Crouch et ensuite Joe Jordan, célèbre hard man du foot britannique (ex membre du Dirty Leeds de Don Revie et ex Rossonero, 1981-1983). Jordan n’est probablement pas innocent dans l’affaire. Gattuso accuse l’Ecossais de l’avoir traité de « Italian bastard » (ce qu’a bien sûr nié Jordan, qui a juré adorer les Italiens…). L’ex Gers Gattuso s’est excusé d’avoir pris à la gorge et à demi coup-de-boulé « une personne plus âgée » (quatre matchs de suspension). Selon Gattuso, les deux hommes se sont insultés en « écossais ».

Jordan est une « Scotland Legend » (il figure au Scottish Hall of Fame). Il est particulièrement vénéré pour avoir, en 1973, marqué le but victorieux contre la Tchécoslovaquie qui envoya les Ecossais à la coupe du monde 74, leur première depuis 1958. Il est aussi l’auteur de la « original Hand of God » (Wales – Scotland), que Monsieur Wurtz loupa…

Première apparition depuis novembre 2009 du revenant Jonathan Woodgate (entré à la 55è, après un violent tacle deux pieds décollés de Flamini sur Corluka).

 

MERCREDI 16 FÉVRIER

Arsenal terrasse Barcelone 2-1, notes et photos de l’Independent.

Robbie Savage raconte Gattuso dans sa tribune du Mirror, article intitulé : « La fois où Gattuso a pété un cable contre moi, comme avec Joe Jordan ».

on a osé comparer Savage à Gattuso

on a osé comparer Savage à Gattuso

Lors d’un Pays de Galles-Italie en octobre 2002 (2-1), Trapattoni sort Gattuso après l’avoir fait entrer 23 minutes auparavant, car le Trap’ sentait qu’il allait exploser face aux provocations de Robbie Savage et Craig Bellamy. Par ailleurs, Robbie se dit chagriné des commentaires de certains auditeurs qui ont osé appelé Gattuso « le Robbie Savage italien ». Robbie s’offusque :

 « OK, Gattuso est bien meilleur je ne l’ai été, mais le fait que des auditeurs me mettent dans le même panier que lui niveau discipline m’a vraiment été consterné car son comportement a toujours été scandaleux. »

Bilan disciplinaire de la carrière pro de Robbie : 150 cartons jaunes (record d’Angleterre). Il fut aussi longtemps l’un des joueurs les plus détestés du football britannique pour ses coups tordus.

La FA annonce une possible refonte de la FA Cup à partir de la saison 2012/2013, et ce, pour deux raisons principales.

1) affluences en baisse constante. Lundi soir, par exemple, replay des 16è entre Bolton et Wigan, 7 515 personnes… La Cup n’a plus la cote qu’elle avait autrefois et la situation économique anglaise continue de se détériorer (le gouvernement dément et parle d’une « job-loss recovery »).

2) sa magie a du mal à opérer pour les clubs de PL, qui alignent souvent des équipes B, bien plus préoccupés qu’ils sont par le maintien en PL.

Quatre changements majeurs pourraient avoir lieu :

  • fin des replay (prolongations et tirs au but à la place)
  • déroulement de la compétition en milieu de semaine (génial pour remplir les stades !)
  • un système de tête de série pourrait intervenir dès les 32è
  • la victoire offrirait une place en Ligue des Champions… à condition que l’UEFA accepte d’octroyer un cinquième ticket à l’Angleterre (et vu les relations exécrables entres les instances anglaises, PL et FA, et les pontes de Suisse, c’est pas gagné).

Barry Hearn (propriétaire-président de Leyton Orient) alerte tous les médias et le gouvernement après la décision du OPLC d’accorder le stade olympique à West Ham (voir article). Hearn, qui craint que son club disparaisse, déclare :

« Nous ne sommes situés qu’à 700 mètres des abords du stade Olympique, WH est à six kilomètres et Tottenham neuf, mais on nous traite comme une tribu perdue de l’Est Londonien, personne ne nous écoute et cela suffit. Dorénavant, on va nous entendre ! On va pas laisser un gros club de PL menacer notre existence sans réagir. Nous sommes le deuxième plus vieux club pro du Grand Londres ! [130 ans] et la voix de toute une communauté ici. Nous sommes fiers de nos racines et notre réputation, et nous comptons bien nous battre pour continuer d’exister. »

Selon Hearn, West Ham devra obligatoirement conquérir de nouveaux supporters pour remplir le stade Olympique (60 000 places), et naturellement, venir « chasser » sur les terres naturelles des O’s (Leyton-Stratford). Pour Hearn, c’est l’existence même du club qui serait remise en question. Ce dernier veut que le gouvernement utilise son véto pour annuler la décision. Hearn se dit prêt à engager des poursuites car, selon lui, la règle 6.5 (Section I), du règlement de la PL aurait été enfreinte (voir page 126 du pdf). Cette règle est la suivante :

« La Premier League refusera le droit à un club de PL de changer de stade si la nouvelle enceinte proposée nuit à un club situé à proximité immédiate, y compris un club de Football League. »

Hearn déclare en substance :

« Avoir un géant comme West Ham si près de chez nous est dangereux. Comme l’a dit Karren Brady [vice-présidente des Hammers], WH fera un max de publicité sur Stratford car ils chercheront à élargir leur fanbase, ils ont déjà déclaré qu’ils casseront les prix sur des milliers de billets pour remplir le stade.  Tout cela pourrait nous être fatal. Si nous n’arrivons pas à nous faire entendre, nos avocats porteront l’affaire devant la justice. Nous avons écrit à la Premier League, au gouvernement et à Boris Johnson [ndlr : maire de Londres] pour qu’ils nous écoutent avant de se prononcer sur la décision du comité. »

 

Comme la créature mythique sur l'écusson du club, mi dragon, mi serpent, Hearn est en colère

Comme la vouivre sur l'écusson du club, mi dragon, mi serpent, Hearn crache le feu en envoyant le venin

Fait révélateur dans cette déclaration choc de Hearn : ce dernier ne mentionne pas la Football Association. Cela en dit long sur le standing de la FA et sa dégringolade dans le « pecking order » (hiérarchie non officielle) du football anglais. Ce serait pourtant à la FA d’intervenir et clarifier le débat. Cependant, la FA est totalement dépassée depuis des années et a été étrangement silencieuse dans cette affaire qui couve depuis octobre dernier. C’est pourtant cette même FA qui avait joué les médiateurs et arbitré la dispute FC Wimbledon-Milton Keynes en 2002 (au final, via une commission indépendante). Depuis, la PL s’est musclée, a occupé le terrain, « étoffé » son règlement et relégué la FA au rang de sous-fifre. Cette affaire était pourtant l’occasion idéale pour le tout nouveau président, David Bernstein, de monter au créneau et ne pas laisser la Premier League régler tous les problèmes du foot anglais !

Hearn n’empêchera pas WH d’emménager dans le stade olympique [ndlr : le 3 mars, le duo gouvernement-maire de Londres ratifiait la décision de l’OPLC]. En revanche, Barry compte bien obtenir compensation. Pour en savoir plus, cet article.

Barry Hearn est un personnage exubérant et fantasque qui a fait fortune dans la promotion d’événements sportifs et autres (boxe, snooker, fléchettes, poker, etc.). En avril 1995, il rachète Leyton Orient à Tony Wood, un producteur de café dont le business au Rwanda s’est écroulé pendant la guerre civile. Le club est alors à vendre pour… 5 £ ! (et 2M de dettes). En fait, Hearn paie Orient 2,34 £… A son arrivée, il rebaptise le stade de Brisbane Road du nom de sa société (Matchroom) et fait venir toute sorte de shows loufoques avant les matchs. Les supporters de Leyton ont un peu la même réputation exhibitionniste que leur célèbre propriétaire….

ils se marrent tout le temps

On reconnaît facilement les supps de Leyton (ici, Orient - Brighton, 2007) : ils se marrent tout le temps

En 2007, Hearn vend les virages du stade à des promoteurs immobiliers pour 7M de £. Ils y construisent quatre immeubles, avec balcons (certains avec vue imprenable sur le terrain, ici et ici). Au fil des ans, Hearn a réussi à bâtir un club qui tient la route en D3, où ils évoluent depuis 2006. Et ce n’est pas un mince exploit, coincés qu’ils sont au centre d’un losange dévoreur de supporters : Tottenham (au nord), West Ham (à l’est), Millwall (au sud) et Arsenal (à l’ouest), tous à quelques kilomètres seulement de Leyton.

La saison où Hearn rachète le club, 1994-1995 (l’une des pires de leur histoire), Jo Trehearne, étudiante et supportrice de Leyton Orient, à qui le club avait accordé le droit de tout filmer, produit un extraordinaire documentaire de 50 minutes sur la saison en cours, Orient : Club for a Fiver (voir fiche). Sans doute l’un des meilleurs documentaires de football jamais tournés. (diffusé sur Channel 4 en 95 et devenu culte, mis entièrement sur youtube depuis, voir la première partie).

Deux scènes en particulier sont restées cultissimes : celle-ci et celle-là. Deux coups de gueule parmi les plus mythiques de l’histoire du foot anglais.

Dans la première scène, on est à la mi-temps de Brentford-Orient, 26 décembre 1994, les O’s sont menés 3-0 (ce sera le score final). Après que Chris Turner (son adjoint) a chauffé le vestiaire, le manager John Sitton intervient, et pas pour leur souhaiter un joyeux Noël. Moment phare : à 1’52, quand il annonce aux joueurs que le propriétaire va virer la dizaine de « gros » salaires (3 000 £ / mois +), pour les remplacer par des morts de faim à 1 000 £ / mois.

Dans la deuxième, toujours Sitton (mi-temps Orient-Blackpool, 0-1, 7 février 1995). Il s’est calmé mais est encore plus menaçant. Après avoir viré son défenseur Terry Howard (véritable Orient Legend) en direct devant le reste du vestiaire pour « prestation exécrable » (il fut effectivement viré, voir article), il lance cette tirade, restée légendaire, à l’adresse de plusieurs joueurs :

« Toi [Terry Howard], demain, dans mon bureau, t’es viré. T’as deux semaines de préavis, après, du balai, parce que ta prestation d’aujourd’hui, c’est la goutte d’eau […] Toi, c’est pas parce que t’as aligné deux bonnes prestations d’affilée que tu dois t’ prendre pour Bertie-les-grosses-burnes […] Toi, espèce de p’tit connard, quand je te dis de faire quelque chose du bord du terrain, tu discutes pas, tu le fais ; et toi, espèce de putain de gros connard, pareil. Et si vous me répondez encore une fois, je vous règle votre compte à tous les deux, ici même. OK ? Parce que se prendre des insultes de la part de putain de cloportes dans les tribunes, c’est une chose ; mais pas question que mes propres joueurs discutent mes ordres. Et vous pouvez venir ensemble, pas de problèmes, et même appeler un putain d’autre en renfort si ça vous chante… et amenez votre putain de repas avec vous, parce que quand j’en aurais terminé avec vous, putain, croyez-moi, vous en aurez besoin. »

John Sitton, manager culte mais vite au chômage permanent

John Sitton, manager culte mais vite au chômage permanent

Début avril 1995, à trois journées de la fin, Sitton est viré (son premier et dernier poste). En mai, Leyton descend en D4 (26 points sur 46 matchs). L’ex joueur de D2 à D4, se retrouve alors au chômage (son manager fait un break de quatre ans). Il postule à plus de soixante postes dans des clubs pros, en vain. Le documentaire « fly-on-the-wall » (brut / pris sur le vif) de télé réalité avant l’heure lui a été fatal. Quelques années plus tard, une pétition en forme de gag est même lancée (« Bring John Sitton back into football ») et envoyée à la FA pour la convaincre de donner à Sitton le poste de sélectionneur national…. Elle recueille 342 signatures. Contacté par le Guardian en 2006, Sitton est plus amer que jamais :  

 

« Le foot est un monde dégueulasse, qui baigne dans sa propre crasse. Dans ce docu qui m’a causé tant de tort, j’utilise un langage aujourd’hui largement toléré, regardez comment parle Gordon Ramsay à la télé ! [célèbre chef au langage ordurier]. En plus, il est devenu milliardaire grâce à ses émissions ! Certains, comme Ron Aktinson, sortent des trucs racistes, mais lui, ça l’empêche pas d’être encore à la télé à distiller ses conseils ; d’autres admettent avoir touché des pots-de-vin mais leurs carrières continuent. Et moi, qu’est-ce que j’ai fait de si répréhensible ? J’ai juste gueulé sur un groupe de joueurs que je considérais trop payés par rapport à ce qu’ils montraient. J’étais au four et au moulin dans ce club, j’faisais tout, on était dans une situation financière exécrable et j’ai craqué… Je le regrette mais bon sang, ça s’ comprend, non ? La manière dont le monde du foot m’a rejeté, je m’en suis pas encore remis. J’ai toujours mal. Ma femme se demande sans cesse quand je vais redevenir heureux, elle fait tout pour, mais j’y arrive pas. C’est l’adrénaline du foot qui me manque, tout le temps. »

Plus tard, Sitton exercera comme moniteur de ju-jitsu (il est second dan) puis passera le célèbre et exigeant examen du Knowledge pour devenir chauffeur de taxi à Londres. Aujourd’hui, il conduit toujours son black cab et compile des stats pour Opta et Actim (mais pas en même temps). Il fait aussi des piges d’entraîneur dans le cadre de programmes jeunes de la FA.

 

JEUDI 17 FÉVRIER

Sparta Prague 0 – Liverpool 1 en Ligue Europe. Début sur le banc Red de Raheem Sterling (LFC), un phénomène de 16 ans et 71 jours formé à QPR, qui vient de marquer cinq buts en Youth Cup (équivalent de la Gambardella, voir article et clip). Il est présent car c’est les vacances scolaires dans l’académie de Liverpool.

Aris Thessalonique – Man City en Ligue Europe (1-1). Les médias révèlent l’incroyable bourde du staff grec qui, par erreur, avait sélectionné une photo trafiquée de l’effectif pour la mettre dans le programme du match (avec plus de 80 joueurs, dont Rooney, Ribéry, Kaka, Messi, Ronaldo, Robben, … et Wally au milieu ! Cette photo-pour-rire fut sortie à l’origine par le Guardian (voir ici). Le programme est déjà un collector’s item et circule sur ebay pour 40 £. Voir article et photo détaillée avec les 86 joueurs et staff.

 

Hicks & Gillett. La High Court de Londres rend son verdict : elle considérera comme nulle toute poursuite initiée aux USA. H & G ont immédiatement déclaré qu’ils entameraient des poursuites en Angleterre contre leur ribambelle d’adversaires (NESV, Broughton et les directors du club, RBS, etc.). Selon H & G, Broughton & co avaient vendu le club à prix cassé, faisant perdre au duo (je cite) « des centaines de millions de $ au minimum. » L’affaire sera entendue par la HC courant 2012. Voir cet article ou même celui-ci si vous y tenez tant que ça.

 

VENDREDI 18 FÉVRIER

Ryan Giggs (37 ans ½) rempile pour un an, sa 21è saison à MU. Le Gallois signa son premier contrat pro en mars 1990 et est titulaire depuis septembre 1991 (862 apparitions, plus de 600 matchs en PL, voir article).

L’UEFA dévoile le coût des 11 000 billets de la finale de CL bientôt mis en vente générale (voir détails). Le moins cher sera à 150 £, plus frais de réservation… 26 £ ! (36 £ hors Europe). 26 £, c’est plus cher qu’une place de match dans onze clubs de PL ! Trois catégories. Cat. 1 : 300 £ ; 2 : 225 £ ; 3 : 150 £. Et la catégorie handicapé (chaise roulante) : 80 £. Cinquante mille billets seront ensuite réservés aux supporters des deux clubs finalistes, dont « quelques » billets Category 4 à 80 £, ajoute vaguement l’UEFA.

Malcolm Clarke, président de la Football Supporters Federation, s’étrangle :

« Ces chiffres sont absolument scandaleux et propulsent le prix des billets à des niveaux stratosphériques. En ces temps économiquement difficiles, cela représente une exploitation honteuse des supporters. Quant aux frais d’administration, c’est la cerise sur un gâteau particulièrement dégoûtant. » 

Les principaux managers de PL sont choqués et demandent à l’UEFA de baisser les prix. Le plus révolté d’entre eux est Carlo Ancelotti, qui s’emporte dans le Daily Telegraph du 19 février :

« 300 £, c’est beaucoup trop. Pour 300 £, je peux me payer un fantastique dîner avec une bonne bouteille dans un restaurant londonien. »

Le plus communiste d’entre eux est Arsène Wenger qui propose, lui, que la finale soit… gratuite. Le camarade Wenger déclare :

« C’est pas moi qui décide du prix et c’est impossible de savoir comment ils arrivent à ces chiffres. Si je décidais, cette finale serait gratuite […] Les prix des places sont devenus bien trop chers, que ça soit la finale de la Coupe du monde, la finale de la Ligue des Champions ou la finale de la FA Cup. »

Pour fixer le prix des billets, l’UEFA utilise le même système que dans les restaurants de luxe : ils pensent à un chiffre, et le multiplient par cinq.

Arsène oublie curieusement de mentionner la PL et l’Emirates, où l’abonnement meilleur marché, à 893 £, est le plus cher d’Angleterre. Précisons toutefois que cet abonnement inclut sept matchs de Coupe (le plus cher season-ticket Gunner est à 1 825 £). Le deuxième meilleur marché est Liverpool, à 680 £, pour 19 matchs de PL (le plus cheapo des cheapos étant Blackburn, à 209 £). Arsène, TK a enquêté pour toi et en exclusivité mondiale, nous pouvons aujourd’hui révéler la méthode scientifique que l’UEFA utilise lors de ses brainstorming : c’est comme pour le pinard dans les restos de Carlo, ils pensent à un chiffre, et le multiplient par cinq. Pressée de s’expliquer, l’UEFA se défend, par la voix de son Director of competitions, Giorgio Marchetti :

« Ces prix sont dans la moyenne des grands événements sportifs comparables et sont basés sur le marché. Nous contestons la notion que ces billets soient trop chers. Notre intention n’est nullement de tirer le maximum des supporters. Nous essayons de trouver un équilibre entre l’intérêt des supporters et l’événement en lui-même. Pourquoi les prix devraient-ils être moins chers que ce que nous pensons être le juste prix ? »

C’est vrai ça pourquoi ? Faudrait demander à Philippe Risoli. Tandis qu’un porte-parole de l’UEFA déclare :

« Les prix ont augmenté mais c’est Londres, et Londres est une ville chère. »

Une cherté que l’UEFA n’est pas disposée à combattre. Dans la moyenne d’évènements comparables ? Hmm, voyons voir. Les billets Category 3 de la finale de Rome (2009) étaient à 80 £, et ceux de la finale 2010 (Munich) étaient 15 % moins chers qu’à Wembley. Quant à ceux de la finale de Coupe du monde, ils démarraient à 106 £. La finale Homme sur le court central de Wimbledon est à 104 £, et le billet meilleur marché de la soirée du 100 mètres aux J.O de 2012 sera à 50 £, pour trois heures de spectacle garanti, Usain Bolt et tout le funky jazz (assurément plus alléchant que le genre de pétard mouillé dont accouche souvent la finale de Ligue des Champions).

Ouh, ouh, ouh, c'te bonne blague, mes excuses aux familles

Ouh, ouh, ouh, ouh, c'te bonne blague... mes excuses aux familles

En outre, l’an dernier, la finale eut lieu un samedi car Michel Platini voulait « attirer plus d’enfants au stade et donner la chance aux familles, surtout aux enfants, de voir ce grand match. ». Là-dessus  Marchetti ajoute:

 « C’est pour cela que nous avons proposé des billets réduits de 50 % pour les enfants cette année. »

Comme tout cela est adorable. Mais terriblement vague. Marchetti ne précise pas combien de billets, quelles sont ces mystérieuses « réductions » et par rapport à quelle catégorie. Mais heureusement, le TK est là. En fait, il ne s’agit que de 500 « Youth packages »… et seulement disponibles en Category 2, à 338 £ pour un adulte et un enfant ! (au lieu du prix normal de 450). Donc, pour une famille (couple + 2 enfants), avec la « réduction », ça fait pas loin de 700 £. Heureusement que Marchetti bosse pas au service « Réduction famille nombreuse » de la SNCF, il se serait vite fait lyncher.

 

Malcolm Clarke de la FSF n’a guère goûté la « réduction famille pas nombreuse et blindée » :

« C’est invraisemblable, le combo adulte + enfant le moins cher est à 338 £ ! Mais c’est ce que dépensent certaines familles pour leurs vacances ! Combien de familles peuvent raisonnablement se permettre ces prix ? »

Ben ouais Malcolm, mais que veux-tu, Platini a fait un gros effort, 50 % de réduction famille, il peut pas non plus baisser les prix à ton niveau « raisonnable » et remplir Wembley d’indésirables, ou God forbid, de gueux plein de poux. Pour tes familles nécessiteuses, on conseille l’opéra, on est mieux accueilli, et c’est bien meilleur marché.

Le billet le plus cher (Cat. 1) de la finale de la Ligue Europe à Dublin est à 147 £ (25 £ de frais de réservation inclus) ; le moins cher (Cat. 4) coûte 42 £. Et les billets de la finale de Women’s Champions League à Craven Cottage (antre de Fulham) coûtent 5 £. Pressés par les journalistes anglais lors du lancement de la campagne de billetterie à Londres, de s’expliquer sur ces 26 £ et l’absence de ces frais pour les autres matchs européens (comme la finale de CL féminine), Marchetti  réplique :

« Votre question est « nasty ». Les frais de 26 £ sont justifiés à cause des coûts de gestion. J’espère que vous ne pensez pas que la finale homme et celle des femmes ont les mêmes publics cibles. Nous ne faisons pas de bénéfices, nous avons des cibles et objectifs différents pour la finale femme. »

 

SAMEDI 19 & DIMANCHE 20 FÉVRIER

♦ 8è de finale de FA Cup. Tous les résultats, résumés et stats de match ici.

Enorme perf de Crawley à Old Trafford devant 75 000 spectateurs, les Red Devils de D5 ne s’inclinant que 1-0 (tête décroisée de Wes Brown à la 28è minute). Ils sortent en héros, ayant dominé leurs glorieux homonymes en deuxième mi-temps. Tubbs, Hunt, et Brodie (tête sur la barre) auraient même pu égaliser dans les dernières minutes. Exécrable match de Bébé (2 à 4 / 10 dans la presse), et guère mieux de la part de Chicharito et Obertan, admirablement bien muselés par le back four de Crawley, Howell – Mills – McFadzean – Hunt (match héroïque les deux arrières centraux). Toute l’impuissance et la frustration de MU se résumèrent dans le vilain coup au mollet que fila Wayne Rooney à McFadzean à la 88è  (jaune mais qui aurait très pu être un rouge). Cette piètre prestation rendit Fergie furieux (Obertan et Bébé fortement visés) :

« Horrible prestation de notre part en deuxième période, j’ai été très déçu de la performance de certains et aussi des remplaçants à la mi-temps [ndlr : ça, c’est pour Rooney]. Il se peut que certains ne comprennent pas ce que représente la FA Cup, mais j’espère que ce match leur servira de leçon.

Leyton Orient (D3). L’autre petit poucet s’est inspiré de Crawley. Magnifique Orient devant Arsenal sur ses terres de l’est londonien, 1-1. Il y aura donc un replay à l’Emirates (le 2 mars). Voir le compte-rendu du match.

Jonathan Téhoué, des Derviches Tourneurs à Las Vegas

Jonathan Téhoué, des Derviches Tourneurs à Las Vegas

Superbe but tout en finesse et technique du globe-trotter français Jonathan Téhoué à la 89è. Tel l’Orient Express, Téhoué zigzague dans la défense, et fusille Almunia, voir clip. L’ex coéquipier d’Alex Song à Bastia fait une belle saison dans ce modeste club de D3, même s’il est souvent remplaçant. Il est d’ailleurs considéré comme un « supersub » par son entraineur, Russell Slade, qui déclare :

 

 

« Les fois ou j’ai titularisé Jonathan, ça n’a pas trop marché. Par contre, quand il est entré en cours de match, il a souvent eu un impact formidable. Il nous a marqués ses huit buts cette saison après la 85è ! [sur 10, ndlr] Un sacré supersub ! »

Lire l’odyssée de Téhoué, des Derviches Tourneurs de Konya à l’est londonien, en passant par la Belgique, la Chypre et la Corse. Téhoué précise :

« J’ai été blessé 4 mois avec des problèmes d’ischio-jambiers et j’ai quatre kilos à perdre. »

Barry Hearn, propriétaire de Leyton (voir 16 février), avait promis à ses joueurs un voyage à Las Vegas en cas de nul ou victoire (le club empochera 1,5M de £ en tout, soit presque autant que la masse salariale annuelle du club, 1,8M). En attendant Vegas, les joueurs ont accueilli leur boss dans les vestiaires au son de « Viva Las Vegas » d’Elvis (et écrit par Mort Shuman !).

Ailleurs, Man City étrille Notts County 5-0 (mais score très flatteur, County ayant dominé en première période). Deux buts de Vieira et 50è but de Tévez (en 73 matchs). Encore une p’tite crise de Balotelli (pour son retour, à la suite de problèmes au genou). L’Italien, inefficace, n’a pas apprécié d’être remplacé par Tévez à la 60è et a gesticulé vers Mancini, avant de jeter son snood à terre et disparaître dans le tunnel.

Everton sort un piètre Chelsea à Stamford Bridge, aux tirs au but (Chelsea ne deviendra pas la première équipe depuis 125 ans à remporter la FA Cup trois fois de suite). West Ham étrille Burnley 5-1, avec un but du petit nouveau Thomas Hitzlsperger, surnommé « Der Hammer » quand il évoluait à Aston Villa. Hammer depuis l’été dernier, l’Allemand s’était blessé à la cuisse juste avant le début de la saison.

 

DIMANCHE 20 FÉVRIER

On tire les boules des quarts de FA Cup, voir tirage (12 et 13 mars).

Match en retard de PL, le Black Country Derby West Bromwich Albion 1 – Wolves 1, l’un des plus vieux derbies au monde (le premier eut lieu le 20 janvier 1883, plus de 150 éditions depuis). C’était le premier parmi l’élite depuis 27 ans. En 2008, un sondage du Loto foot anglais (les « Pools ») le vota « Derby le plus chaud d’Angleterre ». Superbe but de Jamie O’Hara (Wolves). Le but du Mexicain Carlos Vela dans les arrêts de jeu donne un point aux Baggies. Incidents en tribunes, une habitude lors de ce derby, souvent marqué par la violence entre hooligans depuis les années 60.

Kenny Dalglish et Andy Carroll sortent ensemble… à un concert de Boyzone ! (sortis de la zone boy depuis belle lurette).

Invités au Liverpool Echo Arena par le groupe quasi andropausé, l’Ecossais tient vraiment à son Geordie, au point de l’accompagner à des gigs pour grands ados. Ça, ou il n’a absolument pas confiance en Andy. Le dernier concert en public d’Andy, c’était 50 Cent, en mars 2010, deux jours après avoir fracturé la mâchoire de Steven Taylor (voir reportage).

 

 

 

 

 

LUNDI 21 FÉVRIER

David Beckham. Dernier jour d’entraînement londonien pour Becks, après deux mois de fun avec Spurs. Cependant, comme TK vous l’annonçait le janvier, Redknapp déclare qu’il pourrait bien recruter Becks dans six mois.

Le Daily Telegraph et The Independent révèlent une nouvelle d’une importance stratosphérique : Beckham, pour son dernier entraînement, a fait livrer douze portions de « Pie and mash » (40 £). Beck a régalé les joueurs et le staff avec ce combo purée-tourte à la viande (la « pie » est aussi un snack traditionnel dans les stades de foot anglais, en-cas cependant menacé par l’invasion des fast-food). Redknapp a adoré :

« Les joueurs étrangers ne savaient pas trop ce que c’était. C’est un mets traditionnel de la classe ouvrière, surtout de l’est Londonien. Y’a que nous, les Cockney, qui savons ce que c’est. »

Tony Lane, propriétaire du restaurant-livreur :

« David est un client régulier depuis 2004. Il a déjà emmené sa famille dans mon restaurant, il adore tout ce qui est plat traditionnel de l’East End, comme la gelée d’anguille [aspic d’anguille]. Ses garçons en raffolent aussi. En revanche, sa femme Victoria, n’y touche pas, je pense pas qu’elle soit trop branchée sur ce genre de nourriture. »

Kevin Quigagne.

Demain, devant les caméras d’ITV, Crawley Town, D5 (les « Red Devils »), tentera de créer l’exploit pour atteindre les quarts de finale de la FA Cup : éliminer Manchester United. Un pari insensé. Mais si des non-Leaguers sont capables de réaliser ce tour de force, c’est bien les Red Devils du Sussex, un vrai club déjanté. Eux croient dur comme fer au miracle.

Au sommaire du dossier :

  • Man United en bave plus contre les D5 qu’en Ligue des Champions
  • Un Cendrillon de Cup « bastard child » de Man City et Millwall
  • Un club punk-viking au passé sulfureux
  • Bruce Winfield, le nouveau propriétaire, més que un Messie
  • L’extraordinaire aventure anglaise de l’Argentin Sergio Torres, le « Maradona du Buckinghamshire »
  • Un effectif armé pour la Football League. Et Shearer dans les buts.
  • Le manager le plus controversé d’Angleterre
  • Un speaker du stade bien allumeur… qui rend fou Robbie Savage !
  • Le génial clip des supps (chant de pour la Crawley FA Cup) : « A message to you Rooney »
  • Fiche du club
  • Dix raisons de supporter Crawley… et quelques unes de les siffler

En atteignant les quarts, Crawley deviendrait ainsi le premier club de non-League (D5 et en dessous) à réaliser cet exploit. Depuis la deuxième guerre mondiale, seuls cinq autres clubs de non-League ont atteint les huitièmes, sans toutefois  parvenir à se hisser en quart. Ils sont : Colchester United, 1948 ; Yeovil Town, 1949 ; Blyth Spartans, 1978 ; Telford United, 1985 ; et Kidderminster Harriers en 1994 (éliminé par West Ham, 1-0).

Crawley, le petit poucet de la coupe, ne craint personne et le passé récent leur donne raison. Par deux fois ces dernières années, Manchester a bien failli se faire sortir de la Cup par des équipes de D5. Et personne en Angleterre n’a oublié l’élimination de Newcastle United (D1) en février 1972 par Hereford United (D5), lors d’un replay de 32è de finale. A ce jour, considéré comme le plus grand exploit de la FA Cup.

 

Man United souffre plus contre les non-Leaguers qu’en Champions’ League

La non-League, ce sont les divisions hiérarchiquement inférieures à ce que l’on appelle traditionnellement « League Football », c’est-à-dire les 92 clubs 100 % professionnels qui composent la Premier League et la Fooball League (D2 à D4). Avant le démarrage de la PL en 1992, ce club des 92 évoluait dans la même structure, la Football League (quatre divisions à l’époque), et ce, depuis 1888. Voir ce wiki sur la structure des divisions en Angleterre.

Au sommet de la pyramide non-League (dix-neuf divisions en tout), se trouve la Conference National (D5), Blue Square Premier ou BSP pour les intimes (une poule nationale à 24 clubs, à 75 % professionnelle). La non-League est très cotée et suivie. Elle a le droit à son propre hebdomadaire et même à un superbe mensuel de 120 pages (ainsi qu’à plusieurs émissions de radio). Depuis cette saison, le club (nouvellement) argenté de Crawley fait sa loi en BSP, en compagnie des deux autres caïds de la division, l’AFC Wimbledon et Luton Town (les Red Devils sont 2è mais comptent quatre matchs de retard sur le leader, Wimbledon).

Deux clubs de D5 ont bien failli sortir Man United de la FA Cup ces dernières années. Exeter City, en 2005, qui tient en échec les Red Devils 0-0. Et Burton Albion en 2006, qui frôle l’exploit, 0-0, alors qu’ils avaient dominé les Red Devils.

Tombeur successivement de Swindon (D3) en 64è, puis Derby (D2) en 32è et Torquay (D4) au tour précédent (16è), Crawley, surnommé « Le Man City de la D5 » n’avait pas gagné un seul match de FA Cup depuis huit ans !

Aussi déséquilibré que puisse paraître cette confrontation, plusieurs exploits accomplis au détriment de Man United donnent espoir au « minnow » (cendrillon) de la coupe. Tout d’abord, en septembre 1995, York City, mal classé de D3, bat les Mancuniens 3-0 à Old Trafford en Coupe de la Ligue, une confrontation mémorable ! Puis en janvier 2010, en 32è de FA Cup, Leeds (D3) élimine MU sur ses terres, 1-0.

Plus près du niveau de Crawley, deux clubs de D5 ont sacrément donné du fil à retordre à MU ces dernières années. En janvier 2005, en 32è, Exeter City tient en échec les Red Devils 0-0, avant de perdre le replay 2-0 à Old Trafford. Les Grecians empochent un gros chèque de plus de 700 000 £ qui leur permet de rembourser une partie des dettes laissées par l’effroyable gestion du surréaliste trio Uri Geller-John Russel-Michael Jackson (Honorary Director), et David Blaine, « Special Board guest » (une ardoise de 4,5M de £, avec redressement judiciaire, relégation et tribunal à la clé, voir le Show Michael Jackson à Exeter City).

Puis, en janvier 2006, c’est au tour de Burton Albion, à domicile, de frôler l’exploit, 0-0, alors qu’ils avaient dominé les Mancuniens (ils s’inclineront 5-0 lors du replay 5-0). L’énorme chèque reçu (1M de £) finança largement la montée des Brewers en Football League trois ans plus tard.

 

La devise du Cendrillon de la coupe : No one likes us, we don’t care

Crawley, ville nouvelle de cent mille habitants située entre Londres et Brighton n’est pas une place forte du football, contrairement à ses principaux rivaux de D5, Luton et Wimbledon (tous deux ex pensionnaires de D1). Le club n’a jamais évolué en Football League et l’affluence moyenne cette saison n’est que de 1 936 spectateurs. Leur stade, Broadfield Stadium, est à trois kilomètres de Gatwick à vol d’Airbus à 150 décibels et le raffut incessant des réacteurs au-dessus des tribunes a tendance à casser l’ambiance. Aucune « Cup Fever » notable non plus dans cette ville mi-dortoir, mi-parking d’aéroport. Pour le côté « romance de la coupe », on repassera.

On a du mal à s'entendre au-dessus du stade

On a du mal à s'entendre au stade de Crawley

Ce match sera l’occasion d’un face-à-face entre deux Glasvégiens, Sir Alex, (pro-Rangers) et le manager de Crawley, le très décrié Steve Evans. Un pro-Celtic au sang chaud qui n’hésite pas à faire le coup de poing sur la ligne de touche pour un oui ou pour un non, et qui colle bien à l’image de mal-aimé du club.

Crawley est le grand paria de la non-League, un club souvent affublé de l’étiquette « que les autres aiment détester ». Le chant favori des adversaires de Crawley est : « You’re just a car park for Gatwick ». Les Diables Rouges bis sont aussi parfois dépeints comme un croisement entre Man City et Millwall, aussi bien pour leur train de vie de nabab que leur style agressif, sur et en dehors du terrain (ainsi que pour leur entraîneur, voir plus bas). Mais aussi car, à l’instar des Lions de Millwall, leur devise non-officielle est « No one likes us, we don’t care ».

Crawley, le « Bastard child » de Man City et Millwall

Et ce n’est pas la visite discourtoise chez les Gulls de Torquay au tour précédent qui aura amélioré leur image. Ce 16è de Cup tint plus de la descente de vikings que d’un match censé perpétuer la « magie de la Cup ». En l’espace de quelques heures, les incidents furent légion. Entre le refus de respecter les consignes du club hôte ne pas s’échauffer dans la surface, et les altercations entre membres du staff avant le match (deux jardiniers du club expulsés du terrain manu militari par des Crawleysiens, dont l’entraîneur-adjoint, Paul Raynor), en passant par les actes antisportifs et grossières simulations de plusieurs joueurs Reds, la fée de la coupe n’osa pas pointer le bout de son nez.

Bilan de cette rencontre aussi dingue que houleuse : 2 expulsions, 10 cartons jaunes, 2 bagarres générales, 2 pénaltys ratés (par Crawley) et deux épisodes chiqué dignes de Rivaldo pour couronner le tout ! Ce raid punk dans le paisible Devon déclencha l’ire de l’habituellement flegmatique Chris Coleman, l’ex Cottager aujourd’hui consultant télé, et alimenta une mini polémique dans la presse tabloïd. Le Gallois, sur ITV :

« Autant il faut saluer l’exploit sportif de Crawley, autant leur comportement à Torquay a été déplorable. Ils ont créé des tensions et provoqué des altercations avec le staff de Torquay, et ces simulations, c’est lamentable ! Crawley a vraiment manqué de professionnalisme et de respect vis-à-vis de leurs adversaires. »

Réponse de Ben Smith, milieu de terrain de Crawley :

« Coleman a prouvé à quel point il est ignorant. Le problème, c’est qu’on a monté le résumé de telle manière que Crawley se retrouve dépeint sous un mauvais jour, simplement pour raconter encore des histoires sur notre compte. C’est totalement injuste. »

Evans, en pleine crise de zénitude

Evans, en pleine crise de zénitude

 

Un club au passé récent sulfureux

Il faut dire que le passé récent du club ne plaide guère en sa faveur. En 2005, Crawley, alors en D6 avec un statut semi-pro, est racheté par les Frères Majeed, Chas (président) et Azwar (propriétaire), qui décident de professionnaliser entièrement l’effectif du jour au lendemain. Plusieurs joueurs clés, qui ont de bons boulots dans le civil se trouvent alors dans l’impossibilité de combiner activité professionnelle et entraînement quotidien. Entre un statut pro précaire et un emploi stable bien payé, le choix est vite fait pour cinq d’entre eux qui raccrochent les crampons. Rapidement, l’ambiance se détériore et les résultats deviennent catastrophiques, vite suivis de problèmes financiers insurmontables.

En cours de saison, les Majeed imposent une solution radicale… les contrats seront divisés par deux ! Trois mois plus tard, Les Bruise Brothers mettent toute l’équipe en vente… L’été 2006, Crawley est placé en redressement judiciaire et se voir retirer  dix points. La situation financière est tellement grave que le club échappe de peu à la liquidation pure et simple, synonyme de disparition du paysage footballistique. Il ne s’en faut littéralement que de 24 heures pour que ce club ne soit rayé de la carte, et disparaisse (ou recommence à zéro dans les bas-fonds de la non-League).

Les instances interdisent alors aux Majeed de diriger le club mais ces derniers se dégotent une responsabilité quelconque au sein du club et continuent à tirer les ficelles. Aussitôt, les supporters organisent des manifestations de pression pour les évincer, dont une « Red Card Campaign ». Entre temps, la police enquête sur les douteuses activités d’Azwar Majeed, aussi bien sur ses nombreux business que ses magouilles au club (entre autres, évasion fiscale et détournements de fonds). La brigade financière met à jour une impressionnante collection de délits et autres malversations impliquant directement le club. Majeed sera condamné en avril 2009 à trois ans et demi de prison.

Azwar Majeed, l'ex boss véreux de Crawley

Azwar Majeed, l'ex boss véreux de Crawley

Surnommé le « Booze Baron » (il a fait fortune dans la vente d’alcool), ce multi-récidiviste, qui compte dix condamnations à son casier, menait grand train de vie. Il possédait de multiples biens immobiliers et commerciaux et raffolait des bolides, il n’en avait pas moins de trente-cinq ! (dont une Ferrari Enzo, des Bentley, Lamborghini et Ducati). Le gros hic c’est que Majeed ne se contentait pas d’une ou deux niches fiscales plus ou moins légales, lui, c’est la totalité du chenil qu’il lui fallait. Ses nombreuses affaires généraient au bas mot 40M de £ annuels (surtout du liquide) mais Majeed ne payait que 3 155 £ d’impôts par an !

La police confisque une partie de ses biens, et déniche même 505 000 £ en cash planqués dans un coffre du magasin londonien Harrods, non déclarés bien sûr. Cet argent sert à rembourser partiellement les dizaines de créanciers (1,8M de dettes) mais le club perd toujours 400 000 £ par an. Les administrateurs mettent même le club en vente mais personne ne se manifeste… sauf un membre de la famille Majeed ! (éconduit par l’administrateur judiciaire). Le club démarre la saison suivante à moins dix au classement, et un effectif squelettique.

 

Le sauveur arrive au printemps 2008

En avril 2008, Bruce Winfield (Prospect Estates Holdings) et le couple Carter, des hommes d’affaires du coin et supporters de Crawley depuis toujours, reprennent le club et commencent l’entreprise de réhabilitation. Les choses sérieuses démarrent, vu que la majorité des clubs de cette division sont devenus professionnels. L’ex comptable à British Airways fait les choses dans l’ordre. D’abord, entre 2008 et mars 2010 (menaces de nouveau redressement judiciaire), aidés d’investisseurs (anglais) basés à Hong-Kong et dans le Golfe Persique, il rembourse toutes les dettes. Ensuite, l’été 2010, une fois le club stabilisé, Winfield recrute malin, et gros. Il sort le chéquier et explose le record de la non-League : un demi million de £ !

Bruce Winfield, le messie

Bruce Winfield, le messie

Winfield le passionné, qui aurait tenté de faire venir Robert Pirès à Crawley, déclare dans les colonnes du Daily Telegraph deux jours avant le 16è contre Torquay :

« Effectivement j’aurais pu investir mon argent dans des actions British Telecom ou Marks & Spencer, j’aurais sûrement gagné au change ! Mais j’ai pris une décision émotionnelle quand j’ai repris ce club en 2008. Je le supporte depuis 50 ans. Et sur mon certificat d’action, y’aurait pas marqué « victoire contre Derby County en 32è de FA Cup ». Vous savez, je vis modestement, toutes ces rumeurs me comparant à Sheikh Mansour sont amusantes mais infondées, je roule en Toyota Prius, pas en Ferrari. »

Néanmoins, même le « squeaky clean » Bruce Winfield n’échappe pas à la controverse, beaucoup d’autres clubs et supporters de Crawley le soupçonnant d’avoir associé Steve Evans à la reprise du club (alors qu’il était interdit de gestion de club), ce que Winfield a toujours démenti.

 

Le seul Torres en FA Cup

Sergio Torres, la vedette médiatique du club, ex joueur de D2 à Peterborough et darling des tabloïds comme des « broadsheets » (presse dite de qualité). D’ailleurs, le beau Sergio vient de signer un « exclusive deal » avec The Sun. Le logo de la feuille de chou murdochienne figure aussi sur le short des joueurs depuis les 32è. Torres, sur cette association, dans le Sun du 31 janvier :

 « Avoir le logo du Sun sur le short nous rend plus rapide »

Espérons que ça n’ait aucun effet sur le cerveau. Torres, c’est d’abord un vrai conte de fée, comme il sied tant à Dame Coupe.

Au début des années 2000, cet Italo-Argentin originaire de Mar del Plata évolue à Banfield (D4). Il poursuit des études d’EPS mais ne rêve que d’une chose : être professionnel. Après un essai infructueux à Boca Juniors, il se dit que cela lui sera impossible en Argentine. Un agent lui conseille de tenter sa chance en Angleterre, et envoie des clips de Torres à plusieurs clubs anglais. Bingo. Brighton (D2) lui offre un essai de deux semaines.

Sergio, le seul Torres en FA Cup

Sergio, le seul Torres en FA Cup

En avril 2004, Torres a 20 ans et débarque sur la Riviera anglaise avec trois sous en poche. L’entraîneur des Seagulls, Mark McGhee, un Ecossais amateur de jeu musclé, le met à l’essai pendant deux semaines mais n’est pas convaincu. Fidèle à sa réputation d’homme direct, McGhee n’y va pas par quatre chemins au moment du bilan final :

« Sergio, t’es un bon joueur, c’est indéniable, mais t’es pas assez costaud, ni assez rapide, et physiquement, c’est pas ça, tu m’as l’air hors de forme. Je ne vais pas te raconter d’histoires, à mon avis, tes chances de devenir pro en Angleterre sont infimes. »

Torres accuse le coup. Sur cette période noire de sa vie, l’Argentin raconte, dans son Sun :

« Moi, je pensais avoir donné satisfaction. J’étais extrêmement déçu de ne rien décrocher, pas même un petit contrat, il m’avait fallu deux ans en Argentine pour économiser l’argent du billet d’avion et des formalités, plus de 1 000 £. J’avais le bourdon mais je me suis accroché, j’ai payé pour prolonger mon billet d’avion car je me voyais pas rentrer chez moi sur un tel échec. J’ai été blessé par les mots de McGhee mais ça m’a aussi galvanisé, même si sur le coup, il avait raison, il fallait que je m’endurcisse et travaille ma condition physique. »

C’est alors le début d’une longue odyssée anglaise qui va lui faire découvrir six clubs dans cinq divisions différentes, à la dure.

 

Des années de galère pour le « fucking Argie »

Torres atterrit à Molesey, sud de Londres (D8, l’ex club de Cyrille Regis), et découvre la dure réalité des tréfonds de la non-League. Il partage une maison bondée – et même un lit – avec des immigrés plus ou moins clandestins, surtout des Camerounais qui, comme lui, vivotent de petits boulots.

Avec ses chaussures brillantes, son énorme serre-tête blanc, sa tignasse, ses retournés acrobatiques et ses gris-gris, Torres ne passe pas inaperçu en non-League. En juin 2005, il décroche un contrat semi-pro, à Basingstoke Town (D6), dans l’Essex. Semi-pro… quel joli « misnomer » ! Un terme glamour des plus trompeurs ; semi-amateur serait plus près de la réalité. Le plus souvent, ça signifie toucher 100 £ par semaine et évoluer devant 300 spectateurs. En plus de ses entraînements quasi journaliers, Torres bosse comme magasinier pendant un an et demi. Il en bave sérieusement :

 « L’argent que je touchais couvrait à peine mes dépenses. C’était très difficile pour moi, je n’avais même pas de logement, rien. Mais un supporter de Basingstoke, John Gray, m’a accueilli chez lui et m’a aidé à trouver un boulot de magasinier à Boots. Je me levais tous les jours à 5 h du mat’ et je me rendais au boulot en vélo, par tous les temps. Et ensuite, fallait jouer, le samedi, c’était dur, j’étais rincé. La première fois, j’étais tellement claqué que je me suis endormi pendant la causerie d’avant-match ! Tout me manquait terriblement, ma famille, mes amis, ma culture, le climat, la  plage… J’ai détesté cette période de ma vie. »

La guerre des Malouines a laissé des traces en Angleterre

La guerre des Malouines a laissé des traces en Angleterre

En plus de ces difficultés, il doit endurer la xénophobie. Les « fucking Argie » (= Argentin) sont monnaie courante. Torres se rend compte que son pays n’a pas toujours la cote en Angleterre. Il se remémore ces moments douloureux dans une interview Guardian de 2008 :

« Certains adversaires n’arrêtaient pas de m’injurier, par rapport à la guerre [des Malouines], et insultaient ma famille. C’était dur, fallait encaisser. J’ai failli me faire expulser plusieurs fois. »

A Basingstoke, il dispute une quantité phénoménale de matchs (69 en une saison et demie !), marque une dizaine de buts mais ne voit toujours pas se profiler à l’horizon ce fameux contrat pro pour lequel il a tout sacrifié. Et il ne peut pas rester éternellement en Angleterre à faire du couch surfing et se faire pourrir en D6. Mais, à l’intersaison 2005-2006, la chance lui sourit. A l’occasion d’un match amical contre une équipe de Football League, Wycombe Wanderers (D4), Basingstoke gagne 7-2 et Torres impressionne John Gorman le nouvel entraîneur des Wanderers, qui a succédé à Tony Adams (yes, l’ex Gunner).

 

Le « Maradona du Buckinghamshire »

Wycombe (Buckinghamshire) le recrute sur le champ et lui offre son premier vrai contrat de deux ans. Pas le Pérou, même pour un Sud-Américain, il ne touche que 1 300 £ par mois, mais il se dit qu’il a peut-être mis le pied à l’étrier. Après un début tonitruant du club cette saison (21 matchs invaincus), Torres accumule les pépins physiques au mauvais moment.

Saison 2006-2007, Wycombe réalise l’exploit de se hisser en demi-finale de Coupe de la Ligue, après avoir éliminé deux équipes de PL, Charlton et Fulham (ils seront sortis par Chelsea après un 1-1 à domicile). Malheureusement, Torres est blessé…

Décembre 2007, le moral est au plus bas. Il est immobilisé depuis cinq mois (tendon) et veut retourner en Argentine. Ses parents lui rendent visite et le poussent à rester. Il revient, s’arrache et cette saison-là, le magazine Four Four Two élit Torres « 76ème meilleur joueur en dehors de la Premier League ». En Football League, sa belle technique impressionne, on l’appelle « Le Maradona du Buckinghamshire ». Voir clip. Le Guardian sort les dithyrambes. Dont ce clin d’oeil :

« Il ne fait aucun doute que Sergio Torres est unique à ce niveau, et sur un plan général. Il est le seul Argentin qui se soit retrouvé magasinier à Boots après avoir eu un essai avec Boca Juniors. »

En juillet 2008, il signe pour Peterborough (surnommé Posh, club de D3) pour 100 000 £, alors dirigé par Darren Ferguson. Posh finit 2ème et monte en D2. mais il ne parvient pas à se faire une place de titulaire. Nottingham Forest se manifeste mais ne donne pas suite. L’ambitieux Crawley Town le recrute l’été dernier pour 50 000 £, probablement l’une des affaires de la saison dans le foot anglais.

Le 10 janvier, d’un beau tir du gauche, il marque le but victorieux contre Derby County (D2) dans les arrêts de jeu et envoie les Diables Rouges en 16è dans le délire le plus total.

Victoire de Crawley sur Torquay, plus chaud que le derby River Plate - Boca Juniors

La victoire de Crawley sur Torquay, plus chaud que le derby River Plate - Boca Juniors

Au tour suivant, contre Torquay, après la féroce bataille, Torres, déclare :

« Ça m’a rappelé le derby River Plate – Boca Juniors, un match dingue. Moi, j’ai joué les Javier Mascherano ! Mon but est digne du grand Torres ! J’espère qu’un jour je jouerai avec lui, même dans un parc, ça me suffirait. A peine le match fini, j’ai appelé mes parents, ils avaient regardé le match sur internet, c’était intense, on pleurait tous au téléphone. »

 

Des joueurs armés pour la Football League

Outre Torres, il y a… Shearer ! Scott Shearer, le gardien remplaçant. Mais la vedette de l’équipe est incontestablement Matt Tubbs. Surnommé le « Berbatov de la D5 », 25 buts en 26 matchs de championnat cette saison, l’ex maître-nageur est chaud comme la braise en ce moment, auteur d’un hat-trick le week-end dernier.

Cet ex stagiaire de Bolton est la révélation non-League de l’année et compte une cape en équipe d’Angleterre C (sélection des meilleurs non-Leaguers). Le mois dernier plusieurs clubs de D2 se seraient montrés intéressés mais Crawley a refusé de discuter, l’objectif obsessionnel étant la montée. Tubbs a inscrit presque 200 buts en 308 matchs de non-League.

Richard Brodie (attaquant) est une autre pièce maîtresse de l’effectif. Cet ex ébéniste attaquant de 23 ans est la recrue la plus chère du club et le nouveau record entre deux clubs de non-League : 200 000 £ payés à York (D5).

Parmi les autres cadres, citons le bouillonnant latéral gauche Dean Howell, un « journeyman » de 30 ans et déjà quinze clubs (presque tous de non-League).

Sans oublier l’excellent milieu central et capitaine Pablo Mills, 26 ans, qui évolue parfois arrière central et qui a joué pendant trois ans en D2, à Derby County. Signalons aussi Ben Smith, milieu offensif, formé à Arsenal ; ainsi que Craig McAllister, un athlétique attaquant écossais de 30 ans qui posséde une solide expérience de la Football League, notamment à Exeter City.

Tubbs, Brodie, Torres et quelques autres : des joueurs achetés à la concurrence l’été dernier pour environ 500 000 £, somme énorme pour la non-League. De quoi se faire des jaloux, et quelques ennemis, surtout quand votre manager est le personnage le plus décrié du football anglais.

Dean Howell, Matt Tubbs, Craig McAllister, Pablo Mills, Sergio Torres, Kuipers

Dean Howell, Matt Tubbs, Craig McAllister, Pablo Mills, Sergio Torres, Michel Kuipers

Steve Evans, le manager le plus controversé d’Angleterre

Steve Evans est un Ecossais de Glasgow qui traîne plus de casseroles que le rayon Arts Ménagers du BHV n’en stocke. Même la photo de son Wiki le montre escorté par un Bobby. Une « hot head », souvent flanquée de son fidèle adjoint Paul Raynor. Un duo habitué des confrontations musclées avec le staff adverse et le corps arbitral (innombrables suspensions et amendes). Les arbitres de non-League détestent arbitrer Crawley, il n’est pas rare qu’Evans tambourine à la porte de leur vestiaire bouclé à double tour…

Evans est le vilain de la pièce, et à ce titre, il est souvent la cible des supporters adverses. Il endosse avec plaisir le costume du méchant :

« Comme le dit mon compatriote Sir Alex, si les supps adverses s’en prennent à un entraîneur comme moi, c’est que je les dérange, et c’est tant mieux, ça veut dire que je fais bien mon boulot. »

Mais ce n’est pas vraiment pour ses nombreux écarts sur la ligne de touche ou ses déclarations provocantes qu’Evans irrite tant que cela. Beaucoup ont le sentiment qu’Evans s’en est tiré à trop bon compte dans le retentissant scandale Boston United du début de la décennie 2000, y compris les propres supporters du club du Lincolnshire, parfois appelé le « sleeping giant of the non-League ».

Les arbitres de non-League prient pour ne pas arbitrer Crawley. Il n’est en effet pas rare que leur manager, Steve Evans, tambourine à la porte de leur vestiaire bouclé à double tour… Un jour, la police est même obligée d’escorter Evans hors du stade car il menaçait le quatrième arbitre.

Quand Evans arrive à Boston United en 1998, les Pilgrims végètent en D7. En l’espace de quatre saisons seulement, l’Ecossais les catapulte en D4 ! Problème, cette progression en flèche s’est faite dans l’irrégularité la plus totale : falsifications de contrats et documents, malversations financières, évasion d’impôts, bidouillages de comptes, etc. Nombre de clubs de non-League ont le sentiment que Boston a faussé le championnat pendant toutes ces années et, au final, a privé certains d’entre d’eux d’une légitime place en Football League, synonyme de prestige et statut professionnel garanti.

En janvier 2003, la FA suspend Evans pour vingt mois. Puis, le club lui casse son contrat… avant de le prier de revenir deux ans plus tard ! Un retour qui s’accompagne de deux nouvelles affaires de fraude en 2005 et 2006 (évasion de fonds, 250 000 £, prison avec sursis), auxquelles d’ajoutent des amendes et suspensions pour insultes et menaces envers le corps arbitral.

Le 11 février 2006, la police est même obligée de l’escorter hors du stade de Grimsby à la mi-temps à la suite d’une conduite violente envers le quatrième arbitre… Evans reste cependant en place, protégé par le président du club, qui accuse ses détracteurs de « conspiration ».

Finalement, en mai 2007, Boston est relégué de deux divisions (de D4 à D6), en banqueroute totale et placé en redressement judiciaire. Evans, quant à lui, en a profité pour s’éclipser à Crawley deux jours après avoir démissionné de Boston, laissant derrière lui colère et chaos [ndlr : en 2010, Boston remontait tout juste de D7]. Il emmène dans ses bagages son fidèle lieutenant Paul Raynor. Le duo a été recruté par Azwar Majeed, celui aux trente-cinq bolides et comptes frelatés. Entre escrocs, commentent les observateurs de la non-League, ces deux-là avaient toutes les chances de s’entendre. Malgré ses déboires, Evans est loin de s’être assagi. Au cours de la saison 2007-2008, il est expulsé du banc six fois ! La saison suivante, il écope d’une suspension de banc de dix matchs.

Steve Evans, souvent marqué à la culotte par la marée chaussée

Steve Evans, souvent marqué à la culotte par la marée chaussée

Récemment interrogé par le Daily Telegraph sur les talents de gestion très particuliers d’Evans, Winfield, le propriétaire de Crawley, rassure :

« C’est vrai que nommer Steve comme entraîneur a pu être perçu comme un risque. Mais ici, c’est moi qui gère les contrats, le recrutement et les finances. Steve ne s’occupe que du terrain et de la détection. »

Et c’est vrai qu’Evans est calé pour dénicher des perles rares, telles Matt Tubbs, qui ne coûta que 70 000 £ mais risque d’en rapporter cent fois plus si le club monte en Football League. Il est forcément beaucoup question d’argent dès qu’on évoque Crawley, et ça ne plaît pas à tout le monde…

 

Un speaker original qui allume Robbie Savage

C’est cette opulence qui fit dire à Robbie Savage (consultant BBC et à 36 ans, toujours milieu de Derby County, adversaire de Crawley en 32è) que « plusieurs joueurs de Crawley étaient mieux payés que certains à Derby. » (grosse cylindrée de D2). Ce que démentit aussi Winfield, en précisant que le plus gros salaire du club (Sergio Torres) n’est que de 3 000 £ / mois.

Un Robbie Savage comiquement annoncé par Steve Leake, le speaker du stade de Crawley :

 « […] Et portant le numéro 8, l’homme que nous attendions tous avec impatience, Robbie « I can’t get near the ball anymore » Savage. »

Le fantasque Gallois, autant vexé par l’élimination nette et sans bavure de Derby que par la pique du speaker, attendit le lendemain pour piquer sa crise à la radio (et dans son billet du Mirror). Il menaça de « lui coller le micro à ce speaker là où le soleil ne brille pas. ». Déclarations immédiatement suivies d’une mini polémique, puis d’excuses de Robbie.

Robbie "I can't get anywhere near the ball anymore" Savage

Robbie "I can't get near the ball anymore" Savage

En tirant au sort Man United, Crawley s’assure un chèque de plus d’1,5M de £ (partage des recettes d’Old Trafford et droits télévisuels –  plus 90 000 £ de la FA pour leur victoire en seizième, manne qui s’ajoutera aux 140 000 déjà versés par la fédération). Et bien plus encore si Crawley l’emporte… Un espoir fou qu’entretiendront les 9 200 Crawleysiens présents à Old Trafford. Des supporters qui entonneront sûrement leur chant fétiche :

 We are the pride of all Sussex

The cock of the South

We hate the Dover

Coz they are all mouth

(on est la fierté de tout le Sussex, le coq du sud, nous détestons Douvres, ils n’ont que d’la gueule).

La fierté de tout le Sussex ? Pas si sûr. Pour la première fois depuis la création de la FA Cup en 1871, deux clubs du Sussex seront en huitièmes, Crawley et Brighton-le-métamorphosé qui affrontera Stoke City.

Crawley jouait mardi soir en BSP contre le Wrexham de Dean Saunders (0-0), un match encore houleux (entraîneur assistant de Crawley expulsé) disputé devant 4 630 spectateurs, dont un invité de marque : Sir Alex Ferguson. L’Ecossais s’était déplacé jusqu’au Pays de Galles pour observer les énergumènes. Lui aussi les prend au sérieux, très au sérieux. Sir Alex se méfie des miracles.

 

LA FICHE DU CLUB

Division : Conference National (D5)

Classement actuel : 2è (mais 4 matchs en retard sur le 1er – seuls deux clubs montent en D4)

Fondation : 1896

Surnom : The Red Devils (ou The Reds)

Statut professionnel: obtenu en 1962 (mais souvent semi-pro) 

Couleurs : bas, short et maillot rouge

Domicile : Broadfield Stadium (depuis 1997), 4 996 places

Affluence saison en cours : 1 938 (la moyenne de la D5 est de 2 000, de Luton Town, 6 376 à Hayes & Yeading, 370).

Propriétaires : Bruce Winfield et Susan Carter (actionnaires majoritaires)

Entraîneur : Steve Evans

Prix d’une place (adulte) : 14-17 £

Prix abonnement (adulte) : 240-300 £

Employés à temps plein : 4

Palmarès : diverses coupes locales, dont la Sussex Professional Cup en 1970, et la Sussex Floodlight Cup ; 32è de FA Cup en 1992 ; 8è en 2011

Highlights : 2003-2005 et depuis 2009 (7è de D5 la saison passée)

Lowlights : redressement judiciaire en 1999 et difficultés entre 2005 et 2008 qui faillirent faire disparaître le club

 

Dix raisons de supporter Crawley

1) Sergio Torres. Le nom le plus cool de la non-League 

2) La ville a vu naître le groupe The Cure, qui ont traîné leurs guêtres et amplis au collège-lycée St Wilfrid’s et dans les pubs de la ville avant de conquérir la planète

3) Leur jardinier en chef (Head groundsman), Clinton Moore, est un ancien champion d’Angleterre de kickboxing en lourds légers. Il jouait autrefois en semi-pro dans feu la Doc Martens League (D7)

4) Leur speaker-chambreur

5) leur goal-machine Matt Tubbs

6) C’est l’heure la plus glorieuse de la ville depuis 1980, quand son fiston préféré, l’ex champion du monde des mi-lourds Alan Minter, tenta de défendre son titre. Malheureusement pour lui, il tomba sur Marvin Hagler qui régla l’affaire en trois rounds

7) Quand on sert de parking d’aéroport, on a droit de temps en temps à un peu de « TLC » (tender loving care)

8) Leur boss, Bruce Winfield, un « propriétaire-supporter » passionné

9) Ils pourraient bien empêcher Luton Town de remonter en terre promise (Football League)

10) La géniale FA Cup song de Mike Dobie et d’une centaine de supps du club (sur l’air de la célèbre reprise des Specials). La version originale de ce clip fut interdite il y a deux semaines, après diffusion, car un Mancunien s’était plaint que, sur le clip, on voyait un supp de Crawley faire le mouvement d’un avion qui tombe, en référence au crash de Munich en 1958 qui coûta la vie à 23 personnes, dont 8 joueurs de Man United. Le type en question, 19 ans, a été interdit de stade à vie et vient d’être arrêté par la police (relâché sous caution. Son geste tombe sous le coup de la loi sur l’ordre public  – Public Order Act –  « suspicion of causing harassment, alarm or distress »). Voir articles de la BBC et de The Independent.

 

… et quelques raisons de les siffler

1) Ils sont soutenus par le Sun. Qui a « recruté » Sergio Torres en exclusivité

2) Kevin Muscat est originaire de Crawley

3) Leur entraîneur, Steve Evans. Ne mentionnez jamais son nom à un Pilgrim ! (Boston)

4) Ils pourraient bien empêcher l’AFC Wimbledon de rejoindre la terre promise (Football League) qu’ils n’auraient jamais dû quitter (cf affaire Milton Keynes)

5) cette épopée lucrative va encore plus les engraisser et risque de retarder la montée de l’AFC Wimbledon en Football League

 Kevin Quigagne.