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Robin Friday (1952-1990), terrassé par un arrêt cardiaque dû à une overdose d’héroïne, aurait pu être un grand du football anglais. Au lieu de ça, il a été son enfant terrible le plus givré.

L’intro est ici.

[SWE = South Wales Echo. Les mentions en bleu non gras figurent dans le livre, en italique].

The greatest footballer you never saw: THE ROBIN FRIDAY STORY.

Petit récap pour cette dernière partie : Robin Friday vient de signer chez les Bluebirds de Cardiff City (D2) et s’apprête à disputer son premier match contre le Fulham de Bobby Moore et George Best (ce dernier ne sera finalement pas aligné). Match à domicile – feu Ninian Park – devant la plus grosse affluence de la saison (20 368).

South Wales Echo, 3 janvier 1977

Cardiff City 3 – Fulham 0

… Deux buts de Robin Friday ont permis à Cardiff de disposer de Fulham 3-0. Friday s’est battu comme un lion – pas toujours à la régulière, il faut avouer – et l’on a assisté à quelques accrochages entre Friday et des Cottagers, dont Bobby Moore. Friday aurait même pu inscrire un hat-trick s’il n’avait pas été taclé sauvagement en fin de match.

MAURICE EVANS, entraîneur à Reading : Et dire que la veille de ce match, mon fils l’avait vu danser sur les tables du Boar’s Head de Reading jusqu’à très tard. Et lendemain, il te met la misère à Bobby Moore !

ROD LEWINGTON, ami : Oui, je m’en souviens, j’étais avec lui ce soir-là, donc la veille de son premier match avec Cardiff City. Il était bien au Boar’s Head. Vers 21 heures, Dick Smith, Le patron du pub, lui a même conseillé de partir pour se reposer en vue du match hyper important du lendemain à Cardiff [à 180 kms de Reading], faut dire que Robin picolait depuis 18 heures. Il a fini par se tirer mais non sans avoir taxé un pack de 12 bières à Dick pour finir la soirée ! Et le lendemain, il te plantait deux buts pour ses grands débuts avec Cardiff.

1er janvier 1977, Friday dispute son premier match avec Cardiff contre Fulham après une biture la veille : il plante deux buts, ridiculise Bobby Moore et fait pouet pouet avec les roubignoles du Champion du monde 1966.


Friday, pendant sa courte mais mémorable carrière Bluebird

PAUL WENT, ex coéquipier et compagnon de chambrée de Robin Friday : Phénoménal début contre Fulham en effet, il a tourné ses marqueurs en bourrique tout le match. Il a joué comme un attaquant de classe mondiale ce jour-là. Bobby Moore le marquait et il a vraiment mangé, Robin n’a pas arrêté de l’enfumer. Je me souviens que Robin a même fait pouet pouet avec les gonades de Bobby Moore ! C’était lui tout craché ça, il déconnait sans arrêt. Il lui arrivait aussi d’embrasser son marqueur sur un corner. Tout le monde était figé dans la surface en train d’attendre que le corner soit tiré et lui en profitait pour se retourner et planter un bécot sur la joue ou les lèvres de son garde du corps, totalement désarçonné. Un coup de coude ou un tirage de maillot, ça se gère mais quand un grand mec crasseux et chevelu se retourne et t’embrasse, ça a de quoi totalement te déstabiliser.

Début 1977 à Fulham, entre deux piges en North American Soccer League, on retrouve Bobby Moore, George Best et Rodney Marsh. Les Cottagers finiront 17è - sur 22 -, à 1 point de la relégation en D3.

Début 1977. Entre deux piges en North American Soccer League, on retrouve Bobby Moore, George Best et Rodney Marsh à Fulham. Les Cottagers finiront 17è, à 1 point de la relégation en D3.

HARRY PARSONS, dirigeant de Cardiff City : Bobby Moore était furieux pendant le match. Il a complétement perdu son sang-froid et a essayé de choper Robin après s’être fait tâter les parties. Bobby ne perdait quasiment jamais son sang-froid mais bon, faut dire qu’il avait encore jamais eu à faire à un numéro comme Robin.

CHARLIE HURLEY, manager de Reading : Jimmy Andrews, le manager de Cardiff, m’a téléphoné après ce match : « Charlie, Robin a été magnifique, il a ridiculisé la défense de Fulham, il a même chopé Bobby Moore par les couilles et Moore après n’a pas cessé de lui courir après pour se venger. C’est une vraie pépite ce Robin. » Jimmy a continué comme ça à me chanter les louanges de Robin un bon moment, je l’ai laissé parler avant de lui dire : « Ecoute, il n’est chez vous que depuis 4 jours, on en reparlera dans quelques mois. »

PHIL DWYER, joueur de Cardiff et détenteur du record d’apparitions du club : Parfois, je le conduisais un peu partout car il n’avait pas de voiture. J’étais d’ailleurs le seul à le laisser monter dans ma caisse ! Quand on se déplaçait, on le récupérait au bord de l’autoroute et idem en revenant, on le déposait toujours sur un coin d’autoroute, même pas dans une station service, un motel ou ce genre d’endroit, non ; lui voulait se faire déposer au milieu de nulle part. On a jamais su où il allait ensuite, je ne suis pas persuadé qu’il l’ait su lui-même d’ailleurs.

SWE, 24 janvier 1977

Cardiff City 1 – Charlton 1

Friday indique son indisponibilité (2 semaines) pour fracture de la pommette

Friday indique son indisponibilité (2 semaines) pour fracture de la pommette.

… Le manager de Cardiff, Jimmy Andrews, a exigé une plus grande protection sur Robin Friday de la part des arbitres, qui sera indisponible quelque temps pour cause de fracture de la pommette occasionnée pendant ce match. Andrews a déclaré : « Robin semble être la cible des adversaires et du corps arbitral. Il est régulièrement malmené mais il ne se plaint jamais. Malgré ce traitement de défaveur, il se fait souvent avertir et les arbitres ne cherchent pas à le protéger de ces brutalités répétées. La fracture de la pommette a été causée par un coup de coude au visage d’un joueur de Charlton. » Le manager de Charlton a estimé pour sa part que Friday avait au préalable savaté Curtis (le joueur en question) et que ce geste aurait mérité une expulsion.

Par ailleurs, aucune sanction (hormis une amende) ne sera prise contre Robin Friday pour être arrivé en retard au stade, vingt minutes seulement avant le début de la rencontre. Un accroc qui posa un problème avec la feuille de match censée être remise à l’arbitre trente minutes avant le coup d’envoi. L’attaquant a expliqué qu’il avait raté le train Reading-Cardiff et avait dû demander à un ami de le conduire à Cardiff en urgence.

CHARLIE HURLEY : Un jour, quelques mois à peine après son départ à Cardiff, qui vois-je débouler dans mon bureau ? Robin. D’emblée, je le félicite car ça semblait bien marcher pour lui là-bas. Il me contredit : « Non, ça va pas, j’en peux plus d’être managé par ce petit con de Jimmy Andrews. Vous êtes le seul pour qui je peux jouer, vous êtes le seul à pouvoir me gérer… Je voudrais revenir à Reading. » Là, je lui réponds : « Je te remercie pour les compliments mais impossible pour nous de mettre 30 plaques pour te récupérer. Arrange-toi pour obtenir un transfert gratuit et on te reprendra. » Sur ce, il est parti et je l’ai plus jamais revu.

SWE, 9 mars 1977

Sheffield United 3 – Cardiff City 0

… Robin Friday a dû quitter la pelouse avant la mi-temps, il souffrirait de problèmes respiratoires.

DOCTEUR LESLIE HAMILTON, médecin de Cardiff : Robin était un garcon très en forme physiquement, et, jusqu’à ce match contre Sheffield United, nous n’avions pas la moindre idée qu’il souffrait d’asthme, car personne ne l’avait mentionné lors de sa visite médicale, ni lui, ni Reading FC. J’ai appris ça plus tard. Il avait un inhalateur et devait parfois prendre des bouffées d’inhalateur mais ça ne semblait pas le gêner.

PAUL WENT : Pour moi, c’était un joueur techniquement phénoménal doté d’un pied gauche sublime. Je l’ai souvent vu mettre des mines de 35 mètres en pleine lucarne à l’entraînement. C’était un footballeur très complet avec une superbe conduite et couverture de balle, et il mettait la tête là où peu de joueurs auraient même mis le pied. En plus, malgré son physique imposant, il avait une technique lui permettant de terroriser les défenses quand il percutait. Si quelqu’un l’avait vraiment pris sous son aile à 16 ou 17 ans et lui avait appris à se contrôler, il aurait sûrement été international et peut-être l’un des joueurs les plus talentueux de l’histoire du football anglais.

Il adorait chambrer ses adversaires. Par exemple, s’il réussissait un petit pont, il se retournait parfois et leur riait au nez ou alors il baissait son short et leur montrait son cul, ou leur faisait un doigt d’honneur.

SWE, 7 avril 1977

Hereford United 2 – Cardiff City 2

… Robin Friday pourrait être suspendu trois matchs après son expulsion contre Hereford. Friday, dont la carrière s’est forgée dans la controverse permanente, a désormais accumulé 28 points disciplinaires cette saison.

SWE, 12 avril 1977

Southampton 3 – Cardiff City 2

… Robin Friday « Homme du match » avant sa probable suspension.

RITCHIE MORGAN, joueur de Cardiff : Il était prodigieusement doué et faisait des trucs incroyables. Il adorait chambrer ses adversaires aussi. Par exemple, s’il réussissait un petit pont, il se retournait parfois et leur riait au nez ou alors il baissait son short et leur montrait son cul, ou leur faisait un doigt d’honneur. Tout ce qui pouvait les agacer, il le faisait. Remarque, rien que sa dégaine pouvait les agacer, ses longs cheveux crasseux, le maillot sorti du short et son attitude très nonchalante, pour ne pas dire fainéante. Mais, et il faut lui reconnaître ce mérite, il acceptait de morfler sans broncher. Les défenseurs n’arrêtaient pas de le savater et lui, il se marrait. Puis il les frappait à son tour. Une fois, alors qu’il jouait à Reading et s’était fait savater tout le match, il s’est vengé sur un joueur et s’est fait expulser. Il était si énervé devant ce qu’il percevait comme une grosse injustice qu’il a coulé un bronze dans les vestiaires de l’équipe adverse !

SWE, 18 avril 1977

Cardiff City 4 – Luton 2

… Robin Friday, qui sera suspendu les deux prochains matchs, a adressé un doigt d’honneur au gardien de Luton, Milija Aleksic, après avoir marqué son second but.

Une minute avant, l’arbitre avait rappelé Friday à l’ordre après un clash entre les deux joueurs. Friday a déclaré : « Je suis un joueur très technique et mes adversaires détestent quand je les chambre. Pourtant, ils sont pas les derniers pour essayer de me déstabiliser, je me fais constamment savater.  Alors au bout d’un moment, je me défends. Mais sur ce coup-ci, je cherchais pas l’embrouille avec Aleksic et ce qui m’inquiète c’est cette mauvaise réputation que j’ai auprès des arbitres. Certains m’ont vraiment dans le collimateur. Je suis pas un joueur vicieux mais c’est vrai que je me laisse pas faire car j’ai la gagne. Si vous l’avez pas, inutile de faire ce métier. »

Friday a été forcé de sortir à la 70è minute sur une blessure au genou causée, selon lui, par un mauvais geste d’Aleksic. Interrogé sur le doigt d’honneur à l’encontre d’Aleksic, Friday a répondu ne pas se souvenir de cet incident.

PAUL WENT : Dans le vestiaire, il était super aussi. Il aimait déconner, c’est sûr. Quand on jouait en déplacement assez loin, on partait en bus le vendredi soir et tout me monde mettait un costard chemise-cravate, sauf lui. Il se pointait en jean avec un trou au niveau de l’entrejambe, pas de slip, t-shirt crade, des bottines rock ‘n’ roll à bout pointu et un sac en plastique contenant une bouteille de Martini. Tout le monde s’en fichait car il faisait le boulot sur le terrain. Sauf un jour où un dirigeant n’a pas apprécié sa tenue et là, dans le bus, Robin a menacé de le frapper avec sa bouteille de Martini ! Il était super énervé et on s’est mis à plusieurs pour le calmer, il l’aurait probablement cogné sinon. Mais sous cette carapace de dur au tempérament déjanté, Robin était un mec génial avec un coeur en or, il aurait fait n’importe quoi pour un ami.

JIMMY ANDREWS, manager de Cardiff : Les jeunes supporters l’adoraient. Aux journées portes ouvertes du club, c’était le chouchou de tous. Les gamins adorent les mecs rebelles et différents. C’était un beau gosse aussi alors, pour eux, c’était comme de rencontrer une vedette de télé. Il était super avec les gamins, il signait les autographes à la chaîne. Avec les jeunes du club aussi il était extra, c’était un peu leur père protecteur, il les défendait toujours.

PAUL WENT : C’était quelqu’un de très imprévisible. Des fois, après l’entraînement, il allait jouer avec les cadets, il s’amusait comme un fou avec eux. Tout ce qu’il voulait était de jouer au foot, que ça soit avec Arsenal, Manchester United, Reading ou Cardiff. C’était aussi un homme à femmes. Peu importe ce qu’il portait, il avait un succès fou. Il avait une vraie aura, et son look de mauvais garçon plaisait beaucoup. Mais il s’en fichait, il draguait bien sûr mais de façon très détachée. Ce qui attirait évidemment encore plus les femmes.

JIMMY ANDREWS : Un match dont je me souviens particulièrement est le dernier de la saison 1976-77, contre Carlisle, il nous fallait un point pour se maintenir. Dernière minute du match, toujours 1-1, y’avait le feu dans notre surface, panique totale. Et là, au pire moment, je vois Robin venir faire le ménage dans notre surface et je me dis : « Oh non, pas lui… » Car croyez-moi, si y’avait un mec que tu voulais pas dans ta surface dans ce genre de situation où une saison se jouait sur un rien, c’était Robin Friday vu que le risque de pénalty était multiplié par X avec lui dans les parages. Donc, dernières secondes du match, notre gardien avait été poussé à terre, centre-tir de Carlisle qui se dirige direct dans le but… Notre arrière central, sur la ligne de but, dégage comme il peut, mais le ballon reste toujours dans la surface… Le ballon s’élève et là je vois Robin et un adversaire à la lutte pour ce ballon aérien et Robin qui essaye de le dégager violemment du poing ! Son geste a été si virulent qu’il a fait trois pirouettes en l’air mais fort heureusement, il a touché ni le ballon ni leur joueur car sinon, y’avait pas photo, c’était péno. Putain, le voir charger comme un animal blessé dans la surface et faire ça à la dernière minute du dernier match de la saison avec le maintien en jeu… J’ai eu la peur de ma vie ce jour-là.

Après avoir contribué au maintien de Cardiff en D2, Robin Friday (7 buts) disparut quelque temps, ce dont il était coutumier. Il ne réapparut pas à la reprise de l’entraînement début juillet. Il se trouvait apparemment dans un hospital de Londres, souffrant d’un virus non identifié. Il fit savoir qu’il avait perdu treize kilos, qu’il ne mangeait plus et que les médecins ne comprenaient pas pourquoi il n’arrivait pas à se remettre d’une dysenterie. Plus tard, il réapparut à l’entraînement et dit avoir souffert d’une hépatite mais les tests médicaux s’avérèrent négatifs. Sur le sujet épineux de son domicile, Friday a accepté à contrecoeur de déménager de Bristol à Cardiff.

JIMMY ANDREWS : Je n’arrivais jamais à le joindre ou le trouver car il était censé habiter à Bristol [à 70 kms de Cardiff] mais quand je passais le voir, tout ce que je trouvais c’était 25 bouteilles de lait devant la porte. Tous les week-ends, dès le match terminé, il filait sur Londres. Quand il voulait quelque chose, il rôdait souvent autour de mon bureau, comme un ours en quête de bouffe, mais lui c’était pour me taxer quelques livres pour rentrer à Londres.

SWE, 28 octobre 1977

… L’équipe est en déplacement à Brighton, avec Robin Friday qui n’a pas encore joué de la saison, victime d’un mystérieux virus.

Le comportement de Robin Friday devint alors très étrange. Un soir à l’hôtel, après une défaite à l’extérieur, les joueurs de Cardiff furent réveillés en sursaut au beau milieu de la nuit par des bruits fracassants provenant du rez-de-chaussée. Quand plusieurs d’entre eux allèrent voir ce qu’il se passait, ils virent Robin debout sur la table de billard, en slip, qui balançait des boules de billard un peu partout dans la pièce, dans le plus pur style rock ‘n’ roll.

PHIL DWYER : Je me souviens de cet incident, c’était après une défaite en coupe du Pays de Galles, Robin est devenu comme fou, il balançait des boules de billard et d’autres trucs partout. Je crois que c’était sa façon d’exprimer sa frustration. On a pensé : « Bon Dieu, faut vraiment qu’on le remette dans son lit. »

SWE, 31 octobre 1977

Brighton 4 – Cardiff City 0

… Premier match de la saison de Robin Friday (devant 23 000 spectateurs) et première expulsion, à la 54è minute. Le manager, Jimmy Andrews, a sévèrement critiqué l’arbitrage envers Robin Friday en général, et cet arbitre en particulier qui a sanctionné Friday pour un violent geste commis sur un adversaire. Friday, victime d’une faute commise par Mark Lawrenson, s’est vengé en mettant un coup de pied au visage du défenseur. Jimmy Andrews est d’avis que les arbitres et adversaires se sont ligués contre Robin Friday. Ce dernier, selon Mr Andrews, subit maints coups et provocations de joueurs qui ne cherchent qu’à le faire expulser. Alan Mullery, le manager de Brighton, n’était pas du même avis : « La faute commise par Robin Friday était l’une des pires que j’ai jamais vue. Il a savaté mon joueur au visage alors que ce dernier était à terre ! Ce genre de comportement est indéfendable.»

TONY FRIDAY, frère : Le truc sur ce match c’est que Robin a fait manger Lawrenson du début à la fin. Au bout d’un moment, Lawrenson* en a eu marre de se faire enfumer et il lui a mis un coup ou dit quelque chose, je sais pas trop. Et là, Robin s’est retourné et l’a frappé. C’était son dernier match pour Cardiff City. Il s’est pointé à quelques entraînements après ce match mais il a rapidement disparu pour de bon, personne savait trop où il se trouvait.

[*Nda : une tenace légende urbaine dit que Robin Friday déféqua dans la trousse de toilette ou le sac de Mark Lawrenson. Ce dernier a toujours démenti la rumeur, idem pour les coéquipiers de Friday. L’international irlandais deviendra un joueur clé de Liverpool de 1981 à 1988 puis « expert foot » à la BBC à 1,5 million £/an – après 22 ans de longs et boyaux services, il a enfin été semi-placardisé]

Quand les joueurs de Cardiff regagnèrent les vestiaires après ce match, Robin avait quitté le stade.

SWE, 2 novembre 1977

… Le manager de Cardiff City, Jimmy Andrews, a déclaré que le club entamerait une procédure contre Robin Friday pour « non-respect du contrat » en ajoutant que l’amende pourrait être élevée. Le joueur est aussi dans le collimateur de la fédération galloise pour avoir accumulé 20 points à son casier disciplinaire. Il sera suspendu pour les trois prochains matchs.

Le 20 décembre 1977, Robin Friday annonça à Jimmy Andrews, manager de Cardiff City, qu’il arrêtait définitivement le football. Parallèlement, Liza Friday entama une procédure de divorce. Friday retourna vivre à Londres où il trouva un travail d’asphalteur et décorateur.

JIMMY ANDREWS : Il disparaissait souvent comme ça pendant plusieurs semaines mais il revenait toujours et se confondait en excuses. On était toujours ravi de le revoir vu ce qu’il faisait sur le terrain et les supporters l’adoraient.

TONY FRIDAY : A son retour de Cardiff sur Londres, il a habité avec notre mère et a continué à jouer, en amateur. Un tas de clubs voulaient le faire signer mais il ne pouvait aller nulle part car Cardiff détenait toujours sa licence et ils refusaient de la lui refiler. Les mecs avaient payé 30 plaques pour lui six mois plus tôt alors ils l’avaient mauvaise. Vers juillet 1978, Brentford [D4] l’a contacté et il s’est entraîné avec eux pendant l’intersaison. Il s’est bien remis en selle physiquement et tout, mais comme d’hab il a disparu de nouveau quelque temps sans rien dire. Il n’est plus jamais retourné à Brentford.

En 1980, il s’est remarié. J’étais encore en taule au moment de son mariage et j’ai jamais connu sa nouvelle femme. Ils ont déménagé à Fulham, mais ça n’a duré que deux ou trois ans. Il a ensuite connu une autre nana, Linda. Malheureusement, il a alors retouché à la drogue et cette nana ne supportait pas ces saloperies alors il est venu crécher chez moi, j’habitais à Fulham aussi à ma sortie de taule. Le problème c’est que ma nana a pas apprécié et ça a créé un tas de problèmes alors il est reparti vivre chez notre mère.


Fulham était bien différent d’aujourd’hui dans les années 60-70 (ci-dessus, la cité Clement Attlee – elle existe toujours mais le coin s’est légèrement gentifrié : le moindre F2, souvent ex HLM, se loue 1 500 £/mois et coûte 400 patates à l’achat)

Côté boulot, il bossait souvent sur les toits avec moi. Je lui trouvais pas mal de taf mais le souci avec lui c’est qu’au fil du temps, il bossait de moins en moins et cherchait surtout à tirer au flanc. Ma mère et moi, on a réussi à lui obtenir une HLM à Acton. Au début, ça allait, il s’est maqué avec une femme, Hazel. Pendant six mois, pas trop de problèmes. Pis un jour au boulot, pour une parole de travers il s’est embrouillé avec un pote à moi, un couvreur. Robin l’a frappé avec un morceau de bois et lui a cassé le bras, j’ai dû l’emmener à l’hosto. J’étais furax contre Robin, mais on s’est réconcilié deux jours après, il a vraiment regretté son geste. Le week-end suivant, lui et sa nana étaient dans un club, embrouilles à la sortie avec Robin et d’autres personnes, sa nana panique, traverse la rue et se fait renverser par une voiture, hospitalisation. Elle lui en a voulu, ça s’est mal passé…

Pis, juste avant Noël 1990, il a disparu quelques jours, on l’a cherché mais en vain. Ce qui nous a inquiété c’est que la pharmacie où il allait chercher sa méthadone [produit de substitution à l’héroïne] ne l’avait plus vu depuis deux jours, et ça c’était pas normal. Moi je pensais qu’il était en garde à vue ou un truc comme ça. On a alors appelé la police qui a enfoncé la porte de son appart…

READING EVENING POST, 31 décembre 1990

… Robin Friday, l’ex joueur culte de Reading FC qui faisait vibrer les stades avec son look de mauvais garcon et son image d’enfant terrible, est décédé à l’âge de 38 ans. La cause du décés est pour l’instant inconnue. Friday a inscrit 57 buts en 135 matchs pour Reading entre février 1974 et décembre 1976.

THE END.

N’attendez pas la sortie du film pour jouer les hipsters, commandez le t-shirt dès maintenant.

Dans la même série TK des grands tarés du foot british :

Lars Elstrup

Chic Charnley

Robin Friday (1952-1990), terrassé par un arrêt cardiaque dû à une overdose d’héroïne, aurait pu être un grand du football anglais. Au lieu de ça, il a été son enfant terrible le plus givré.

L’intro est ici.

[REP = Reading Evening Post. Les mentions en bleu non gras figurent dans le livre, en italique]

The greatest footballer you never saw: THE ROBIN FRIDAY STORY

REP, 20 avril 1976

Reading 1 – Brentford 0

… La magie de Robin Friday a encore opéré. Un superbe numéro de Friday a amené le but de Reading : le Royal a éliminé trois défenseurs avant de frapper, sur le poteau – Ray Hiron, en embuscade, n’a plus eu qu’à pousser le ballon au fond des filets. Il ne manque plus qu’un point à Reading pour accéder à la D3. Enfin ! Cela fait exactement 50 ans que les Biscuitmen n’ont plus connu les joies de la montée.

REP, 22 avril 1976

Cambridge 2 – Reading 2

… Reading est en D3 ! 21è but de la saison de Robin Friday. Le Champagne a coulé à flot dans les vestiaires. La fête sera complète lors du prochain et dernier match à domicile contre Crewe Alexandra dans trois jours, devant 20 000 spectateurs.

DAVID DOWNS, historien de Reading : Après ce match à Cambridge, en rentrant sur Reading on s’est arrêté dans un pub-hôtel pour un repas. Gordon Cumming, l’un de nos joueurs, a fait remarquer que les verres à vin étaient vraiment chouettes. Robin s’est alors éclipsé et est revenu quelques minutes plus tard avec un carton rempli de verres identiques qu’il venait de piquer dans une salle de l’hôtel, pour les offrir à Gordon. Finalement, Robin aussi les a trouvés chouettes et a décidé de se les garder !

REP, 26 avril 1976

Reading 3 – Crewe Alexandra 1

… 22è but en championnat de Robin Friday, soirée mémorable ! Un bémol toutefois : Friday a appris que son carton jaune reçu il y a quelques jours contre Cambridge portait son bilan disciplinaire à plus de 40 points, ce qui lui vaudra une suspension en début de saison prochaine. Friday, élu Joueur de l’année du club, a demandé la clémence de la fédération.

SYD SIMMONDS, ami : Avec la prime de montée, Robin a emmené Liza à Gibraltar.

EAMON DUNPHY, joueur de Reading : On s’est quand même fait entuber par le club car on nous a donné moins d’argent que promis, le directoire a été mesquin aussi. Par exemple, l’un de nos plus fidèles supporters était boucher et il a fait cadeau au club d’une grosse quantité de viande. Ben, les mecs du directoire ont gardé les meilleurs morceaux pour eux et nous ont refilés la viande hâchée ! Je peux te dire que les joueurs n’ont pas apprécié. Ils se sont alors rendus compte que ceux qui nous dirigeaient étaient de beaux fumiers. Robin n’a pas du tout aimé leur coup foireux, on a tous été déçus.

 De la viande hâchée comme cadeau de remerciement... Pas toujours super rock n' roll les Seventies.

De la viande hâchée comme cadeau de remerciement... Pas toujours super rock n' roll les Seventies

REP, 4 juin 1976

… Le calendrier de D3 est sorti et Reading affrontera Gillingham pour son premier match, le 21 août. Robin Friday, 23 ans, a demandé à être transféré et a remis une lettre au président du club, Frank Waller. Extrait : « Je souhaite jouer dans un club ambitieux (un club londonien, de préférence) qui me versera un salaire plus en rapport avec ma valeur. J’ai mouillé le maillot comme jamais pour aider Reading à monter en D3 et la dernière offre du club est insuffisante. Ce club manque d’ambition, à croire qu’il se satisferait éternellement de la deuxième partie de tableau de D3. » Rappelons qu’il y a quelques mois, Reading a décliné une offre de 60 000 £ faite par Cardiff City [promu en D2]. Ce point figurera à l’ordre du jour de la prochaine réunion du directoire du club, qui devrait vraisemblablement rejeter sa demande de transfert. En attendant, Robin Friday se mariera (pour la deuxième fois) la semaine prochaine avec Liza Deimel, 24 ans, à l’église St James’s de Reading. Le couple s’envolera à Amsterdam en lune de miel dès le lendemain.

Ah, Amsterdam… Ses cafés si pittoresques, ses romantiques péniches, ses parcs à la végétation luxuriante, sa gastronomie typique (ci-dessus : salade batave au Gouda). Parfait pour la lune de miel des Friday.

ROB LEWINGTON, ami : Ah ouais, ce mariage, c’était quelque chose ! Robin avait invité 200 personnes. Il portait un costume marron en velours, une espèce de chemise tigrée et des bottes en peau de serpent. Southern TV était là et filmait tout. Avant l’église le matin, Robin s’assoit sur les marches et se roule un joint, tranquille, devant les caméras de la télé régionale. Tout le monde avait fumé du chichon avant l’église. Bon, on rentre tous dans l’église et les fous rires commencent, les gens étaient vraiment cassés. Même le curé se marrait, il a dû penser « Quelle joyeuse assemblée ! » Le déjeuner s’est tenu dans un manoir très classe. Robin roulait des joints à la chaîne et les distribuait à ses potes, à sa famille, ses oncles, ses vieilles tantes, à tout le monde. Vers 1h30 de l’aprèm, les gens étaient soit bourrés, soit cassés. Je revois encore les femmes très âgées, avec leurs jupes fourrées dans la culotte, qui sautillaient sur la pelouse. Je n’ose pas imaginer ce que le curé a pensé. Jamais vu un mariage pareil.

LIZA FRIDAY, ex femme : C’est vrai que notre mariage a été hilarant. Les invités venaient tous de Londres, y’a eu des bagarres et un tas de cadeaux ont disparu. Une fois la cérémonie finie, on s’est rendus compte en nettoyant qu’on nous avait tout piqué.  Ça fumait comme pas pensable, ma mère n’arrêtait pas de s’exclamer : « J’y crois pas, j’y crois pas. » Notre lune de miel à Amsterdam fut mémorable. Comme cadeaux de mariage, on a reçu un tas de barrettes de shit et autres. En arrivant à l’aéroport d’Amsterdam, Robin était sous acide et bien parano. Il craignait de se faire fouiller alors il avait mis ses barrettes dans la bouche, tout en mâchant du chewing-gum. Je vous raconte pas, on a passé notre première nuit de noce à séparer le chewing-gum du shit… Le lendemain, on a fait une excursion sur les canaux mais tout ce qui intéressait Robin, c’était de trouver de la dope.

REP, 5 août 1976

… Robin Friday a signé un nouveau contrat avec Reading FC et entamera d’ici peu sa troisième saison avec le club.

CHARLIE HURLEY, manager de Reading : Après notre montée, il a beaucoup changé. Il est devenu très médiatique localement – les journaux titraient « Le Roi Friday » – et tout ça lui est monté à la tête. J’imagine qu’il a bien fêté l’accession en D3 car quand il est revenu à l’entraînement, début juillet, il était totalement hors de forme et plus lent. Il refaisait de l’asthme aussi.

REP, 30 août 1976

Shrewsbury 2 – Reading 0

… Malgré une belle prestation de Friday, Reading s’est logiquement incliné. Reading envisagerait de vendre Friday après avoir reçu une offre ferme pour l’attaquant. Le club souhaiterait acquérir deux ou trois joueurs avec l’argent du transfert.

REP, 6 septembre 1976

Reading 2 – Walsall 1

… Un sublime geste de Friday a amené le deuxième but. L’attaquant Royal a mystifié le gardien de Walsall d’un lob de 30 mètres forçant un défenseur à arrêter le ballon avec la main. Pénalty transformé. Hormis cette fulgurance, Friday a déçu.

REP, 13 septembre 1976

Northampton 1  – Reading 2

… Troisième victoire d’affilée de Reading qui prend la tête du classement après six journées. Friday, grippé, devrait être indisponible pour les deux prochains matchs.

CHARLIE HURLEY : Entre la fin du championnat de D4 au printemps et le début de la saison suivante en D3, il avait clairement perdu de la vitesse. Sa touche de balle n’était plus aussi bonne.

MAURICE EVANS, entraîneur à Reading : Moi, je n’arrêtais pas de dire à Charlie : « Ecoute, va falloir le vendre. » Le public adorait toujours Robin mais pas ses coéquipiers. Les mecs se demandaient pourquoi il bénéficiait de passe-droits, comme de zapper l’entraînement pendant trois jours et de ne s’entraîner souvent que deux fois par semaine. Charlie faisait du mieux qu’il pouvait pour le gérer mais c’était très dur. Rapidement, Charlie est tombé d’accord avec moi pour le vendre, Robin se croyait alors vraiment tout permis.

DAVID DOWNS : Pas mal de gros clubs s’intéressaient à lui, dont QPR et West Ham [tous deux D1] mais sa personnalité les effrayait. Ils le considéraient ingérable.

Friday, blessé, est sorti en cours de jeu. Il est rentré aux vestiaires et en a profité pour chier dans la baignoire des adversaires.

REP, 28 octobre 1976

… Reading FC a annoncé le départ probable de la vedette locale, Robin Friday, meilleur buteur du club ces deux dernières saisons et élu deux fois Meilleur Joueur de Reading FC. Friday a évoqué son ambition d’évoluer à l’étage supérieur et Cardiff City, D2, serait intéressé.

REP, 9 novembre 1976

Mansfield 4 – Reading 0

… Piètre performance d’ensemble à l’occasion de ce match comptant pour la 16è journée de D3. Friday, totalement transparent, a été remplacé en cours de jeu. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence mais lorsqu’il est sorti, une demi-douzaine de managers et d’émissaires ont quitté le stade.

DAVID DOWNS : L’entraîneur a dit ensuite avoir remplacé Friday en cours de jeu contre Mansfield car il était blessé. En tout cas, Robin a chié dans la baignoire des joueurs de Mansfield ce jour-là !

REP, 30 novembre 1976

… Charlie Hurley a déclaré : « On ne fait que parler du départ de Robin Friday dans les journaux car un tas de clubs seraient intéressés, mais depuis que je l’ai placé sur la liste des transferts, personne ne s’est manifesté. »

REP, 20 décembre 1976

Grimsby 2 – Reading 1

… Quatrième défaite d’affilée pour Reading, désormais 18è.

LIZA FRIDAY : Je me suis vite aperçue que ce n’était pas du tout l’homme à épouser car il était adulé par les supportrices. Quand l’équipe revenait d’un match à l’extérieur, j’allais attendre l’autocar au point d’arrivée mais Robin était toujours descendu avant. Il disait à ses coéquipiers : « Racontez ce que vous voulez à ma femme, je m’en fous. » Moi, je restais là comme une conne à me dire : « Putain, ce salaud s’est encore éclipsé. » Je crois qu’il allait traîner en boîte et je ne sais où.

CHARLIE HURLEY : C’est sûr que les responsabilités et lui, ça faisait deux. Quand on regarde sa carrière, on constate que c’est quand il était célibataire qu’il a brillé.

MAURICE EVANS : Juste avant Noël 1976, on jouait à l’extérieur et Jimmy Andrews, le manager de Cardiff City, est venu nous voir pour finaliser le transfert, pour 30 000 £. Robin a super bien joué ce jour-là. Après le match, Robin file direct au bar du club et Charlie Hurley, de peur que le transfert nous échappe, vient me voir et me dit : « Va surveiller Robin, fais surtout gaffe qu’il ne picole pas trop parce que tu le connais, tu lui laisses 10 minutes et ça lui suffit pour descendre six pintes et commencer ses conneries. » Je vais au bar, Robin venait d’arriver mais s’était déjà enfilé trois pintes et commençait à s’animer ! Sur ce, arrive Jimmy Andrews avec son chèque de 30 patates. Putain, là je lui ai mis une main ferme sur l’épaule pour l’éloigner le plus possible de l’énergumène.

CHARLIE HURLEY : Quand Cardiff a mis 30 000 £ sur la table [au lieu des 60 000 £ offerts la saison précédente, offre alors rejetée], j’ai dû convaincre les dirigeants que finalement, c’était une belle somme car Robin avait nettement régressé et changé, à tous les niveaux, qu’il était devenu ingérable, etc. Ils l’ont accepté et même si je me suis fait bien allumer par les supporters pour l’avoir transféré, je n’ai jamais révélé la vraie raison de son départ car je ne voulais pas le critiquer publiquement. A l’époque, je préférais encaisser les critiques et les laisser penser que j’étais un imbécile qui l’avait bradé pour 30 plaques.

LIZA FRIDAY : Robin n’a jamais voulu partir à Cardiff en fait. Trop loin de tout et la D2 ne l’intéressait pas, il voulait une D1. Mais Reading tenait absolument à s’en débarrasser. Cardiff se doutait que y’avait anguille sous roche car Reading l’a laissé filer pour moitié prix et sans difficulté mais les dirigeants de Cardiff, malgré leurs réserves, l’ont pris. C’était un peu un coup de poker de leur part.

C’est sûr qu’il était spécial. En déplacement dans l’autocar, il collait ses fesses ou ses bijoux de famille à la vitre de derrière, il balançait des bouteilles sur l’autoroute alors que le bus roulait et j’en passe.

REP, 30 décembre 1976

… Robin Friday devrait officiellement devenir joueur de Cardiff City aujourd’hui. Il est attendu à Cardiff dans la journée pour finaliser le contrat et pourrait débuter après-demain à domicile contre Fulham, qui devrait aligner George Best et Bobby Moore. Friday, qui a déclaré être ravi de rejoindre Cardiff City, a une bonne chance d’évoluer en Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe la saison prochaine car Cardiff City est favori pour remporter la Welsh Cup.

CHARLIE HURLEY : Avant son départ, il est venu me voir et m’a dit : « Je sais pourquoi vous m’avez vendu boss : je ne suis plus le même joueur qu’avant, c‘est ça, hein ? » Je lui ai répondu : « Tu sais Robin, dans la vie ce qui m’importe plus que tout, c’est ma famille, les amis, le football et l’honnêteté. Alors, pour en revenir à ta question, oui, c’est pour ça. Tu es l’ombre du joueur que tu étais la saison dernière mais je ne suis pas l’un de ces types heureux de voir que les évènements lui donnent raison. J’ai vraiment envie que tu réussisses à Cardiff. Tu possédes en toi des qualités uniques mais t’as aussi beaucoup de problèmes personnels. Tu n’es plus le joueur que tu étais l’an dernier et entre-temps, tu t’es marié. Et ça, c’est pas l’idéal, hein ? »

Robin signe à Cardiff City (D2), Noël 1976

Robin signe à Cardiff City (D2), Noël 1976

JIMMY ANDREWS, manager de Cardiff City : A chaque fois que je l’ai observé à Reading, il a excellé. C’était un joueur hors pair. Je n’arrivais pas à croire qu’on l’avait eu pour seulement 30 000 £. Je savais bien que sa personnalité était spéciale mais je m’en fichais, j’avais vu de quoi il était capable sur un terrain.

JOHN MURRAY, joueur de Reading : C’est sûr qu’il était spécial. En déplacement dans l’autocar, il collait ses fesses ou ses bijoux de famille à la vitre de derrière, il balançait des bouteilles sur l’autoroute alors que le bus roulait et j’en passe. Des fois, il était marrant mais d’autres, il était super dangereux.

RITCHIE MORGAN, coéquipier et capitaine à Cardiff : Je me rappelle bien ma première rencontre avec lui. Il était alors encore à Reading, nous [Cardiff City] revenions d’un match sur Londres et, à un feu rouge, notre bus s’arrête juste à côté du bus de Reading. Bon, ça se chambre pas mal mais ambiance bon enfant. Pis là, Robin saute du bus, monte à l’arrière d’un black cab (taxi londonien), descend la vitre, baisse son pantalon et tourne son cul dans notre direction. Là, le feu passe au vert, le taxi démarre, remonte le Mall [prestigieuse avenue londonienne qui donne sur Buckingham Palace] et on ne voyait plus que les fesses de Robin qui sortaient du taxi et faisaient des bonds à cause des vibrations. Je vous raconte pas comme ça se marrait dans les deux bus, on était tous pliés.

Jimmy Andrews n’eut pas à attendre longtemps pour découvrir les nombreuses facettes excentriques de la personnalité de Robin Friday. Le jour où il se pointa pour la première fois à Cardiff City, Friday débarqua du train à la gare de Cardiff avec seulement un ticket de quai, et fut verbalisé par la police des transports.

HARRY PARSONS, dirigeant de Cardiff : On nous avait dit qu’il jouait parfois l’arlésienne alors quand on ne l’a pas vu arriver à l’heure convenue, on s’est dit qu’il avait dû decider de ne pas se pointer ce jour-là. Pis là, on reçoit un coup de fil de la police nous informant qu’ils avaient dans leurs locaux un type disant être le nouveau buteur vedette de Cardiff City et nous demandant de venir le chercher.

PHIL DWYER,  joueur de Cardiff et détenteur du record d’apparitions du club : Je crois que pas mal de gars ont été choqués en le voyant débarquer pour son premier entraînement avec juste un t-shirt, un bas de survêt et un sac en plastique. Robin était un type qui faisait peur, meme à ses coéquipiers. A l’entraînement, on devait fréquemment lui dire de se calmer car il courait partout comme un dératé et faisait pas mal de rentre-dedans. C’était sa manière de montrer son extrême motivation, il avait la gagne. Avant les matchs surtout, il était toujours incroyablement motivé. Il avait un talent fou ce joueur et si quelqu’un avait pu canaliser son exubérante énergie dans la bonne direction, il aurait pu aller très, très loin.

RITCHIE MORGAN : Sur une dizaine de mètres, il allait vite. Il n’était pas super rapide mais une fois qu’il partait, dur de l’arrêter. Pour un attaquant, ce sont les 5 ou 6 premiers mètres qui comptent car ça peut suffire à éliminer un adversaire et sur ce point-là, Robin était similaire à George Best, super vif pour se créer une occasion. Il réfléchissait très vite sur le terrain et sa vision du jeu était exceptionnelle.

PAUL WENT, coéquipier et compagnon de chambrée de Robin Friday : On s’est tout de suite entendus, je l’adorais. On s’était déja rencontrés sur les terrains et il se souvenait bien d’un gros tampon que je lui avais mis un jour. D’ailleurs il m’a montré la cicatrice, souvenir de mon tacle en retard, ça nous a fait rigoler. C’était un gars très extraverti, une fois qu’il était parti, terminé, impossible de le raisonner. Sur le terrain, il pétait souvent un cable mais c’est dingue le nombre de coups qu’il se prenait, j’ai jamais vu un joueur se faire autant savater. Il en mettait aussi pas mal ! Même à l’entraînement, il cognait. Je me souviens d’une fois où Robin a pris un ballon perdu sur la tête, un coéquipier a vu ça et s’est marré. Robin a cru que ce joueur avait envoyé le ballon et l’a violemment frappé sur la tête, si bien que le gars a dû porter une minerve pendant deux semaines. Il pouvait péter un plomb hyper facilement.

Pendant son séjour à Cardiff, Friday logeait à l’hôtel et revenait à Londres régulièrement. Pour voyager gratuit, il frappait à la porte des WC du train en se faisant passer pour le contrôleur et récupérait ainsi le titre de transport. Ses débuts avec Cardiff City contre Fulham le 1er janvier 1977 furent tout aussi mémorables. Fulham et ses vedettes (dont Bobby Moore et George Best – ce dernier ne fut finalement pas aligné). Le match se joua à domicile et on enregistra la plus grosse affluence de la saison (20 368 spectateurs).

A suivre.

Dans la même série TK des grands tarés du foot british :
Lars Elstrup
Chic Charnley

Des propriétaires blindés du Golfe et d’Asie, des pokéristes patron de club, un ratio salaires/chiffre d’affaires de 90 % (avec pointes à 183 %), des montagnes de dettes, des wagons de stars, une majorité de joueurs étrangers, de la caillera et des Wags en pagaille : bienvenue en Npower Championship (D2), le sous-sol copié-collé de la Premier League. On a cuisiné pour vous les principaux caïds. Interrogatoire bling bling de bas étage.

Voir introduction pour lire le reste moins bête.

On conclut ce coup de filet historique avec les deux plus gros bonnets : Cardiff, 2è et Leicester, le top dog, actuel leader au classement après 12 journées (sur 46, because 24 clubs).

[un clic sur les photos peut s’avérer plus judicieux qu’un placement Madoff]

Cardiff City, 2è, 25 points (+ 7)

[Suite de la partie précédente]

Tu t’ la pètes après 12 journées ? Grave : 8 victoires, 1 nul, 3 défaites. Excellent bilan, surtout après les incertitudes et le nettoyage d’intersaison du sol au plafond, l’effectif ayant beaucoup bougé.

Mais que la victoire mardi soir contre Watfordinese fut dure ! (les Hornettos de Gianfranco Zola réduits à 9 dans les 20 dernières minutes, but victorieux de Gunnarsson à la 91è, c’est passé ric rac).

Justement, ça rime à quoi ta soudaine métamorphose identitaire ? Ben, c’est à cause de nos nouveaux propriétaires, de Malaisie (depuis 2010 et le départ de Peter Ridsdale). D’abord, nos Bleus sont devenus des Rouges cet été. Si le rouge symbolise plutôt une bonne biture dans la culture anglo-gazzaïenne, dans celle des pays d’Asie du Sud-Est et en Chine (marchés cibles du club), il est associé à la chance et au succès, tout comme le dragon (également évocateur de puissance).

Ensuite, notre écusson a totalement changé, le petit piaf bleu ayant (presque) été dégagé par un gros dragon bien scary (symbole du Pays de Galles). La devise « Fire & Passion » a remplacé la mention Bluebirds, trop timorée.

Et ce violent rebranding n’est peut-être pas fini : il se dit qu’on pourrait être rebaptisé « The Red Dragons ». Les propriétaires malaisiens démentent, pour eux, pas de malaise (que des Malais). Mais après tout, tant qu’on y est… Prochaines innovations : les annonces en malaisien au stade et les brochettes Satay pour remplacer la traditionnelle meat pie de mi-temps ?

La tradition et l’heritage du club se prennent une sacrée claque dans leur faciès identitaire mais nos proprios ont fait passer la pilule en promettant le remboursement de l’énorme dette du club (autour de 45M) et 100M d’investissements, dans l’achat de joueurs, la construction d’un nouveau centre d’entraînement et l’agrandissement du stade à 35 000 places d’ici deux ans.

Attendez cependant avant de verser une lacrymale pour les créanciers : le gros de la dette est dû à Sam Hammam… (voir partie précédente).

Seule la Premier League compte désormais pour nous et ce changement de cap est destiné, je cite, « à rendre le club plus attractif sur le marché international et mettre en avant la fusion symbolique entre les cultures galloise et asiatique ».

C’est vrai qu’en parcourant le Pays de Galles, on se sent de suite à Kuala Lumpur ou Bangkok. Sauf à Portmeirion (North Wales, ci-dessus), le village du Prisoner, où l’on est en Toscane. Mais le reste du pays, on se croirait en Asie, c’est clair. Craig Bellamy-Confucius, désormais Grand Sage, rechercherait activement un tatoueur de Bouddhas gallois (le même que son homologue Tibétain mais avec un parapluie en titane).

T’as du caïd ? Je veux oui :

–  Craig Bellamy (seul Gallois de l’effectif), 33 ans, on ne présente plus « The nutter [cinglé] with a putter ». Blessé à la cheville contre Watfordinese mardi soir (12è journée), il sera indisponible quelque temps

–  Peter Wittingham, 28 ans, ex Aston Villa, milieu offensif élu Meilleur Joueur de Football League 2011-12 par les lecteurs de Four Four Two (49 buts/142 matchs ces quatre dernières saisons avec Cardiff). Une vraie pile Duracell : il n’a pas raté une minute de jeu en D2 l’an dernier, 4 320 pour être précis (48 matchs, avec les play-offs. 55 matchs en tout). Et cette année non plus.  Et la saison d’avant, il n’avait manqué qu’un match. Une santé d’acier le Peter.

–  l’attaquant international islandais Heiðar Helguson, 35 ans, ex Fulham, Watford et QPR

– Tommy Smith, 32 ans, milieu offensif/ailier/attaquant, ex Sunderland, Derby et QPR

le prometteur Turco-Suisse Kerim Frei, 18 ans, prêté aujourd’hui même par Fulham jusqu’au début décembre (8 matchs de D2 – pour pallier les indisponibilités de Craig Bellamy et Tommy Smith).

–  Nicky Maynard (ci-dessous), attaquant de 25 ans et auteur de ce chef d’oeuvre en décembre 2009, alors avec Bristol City (élu But de la saison en Football League)

Ton meilleur caïd étranger ever ? L’arrière-central néerlandais Glenn Loovens (2005-08), 113 matchs pour les Bluebirds. Formait une solide charnière avec Roger Johnson.

Et ta plus grosse pipe étrangère ? L’attaquant américain Eddie Johnson, (2008-09). C’est accompagné d’une réputation flatteuse qu’il débarqua à Fulham des USA (puis 0 but en 19 apparitions). Expédié ensuite chez nous en prêt. Avec 2 buts en 33 matchs (+ un but csc), il ne tarda pas à entrer dans notre Hall of Shame.

T’as un blase comique à nous r’ filer qu’on pouffe ? Ouais, du vrai bon peace and love : Philip Kiss, milieu slovaque.

Et la cote érectionnelle de ton effectif sur le God Shave the Queen ? 2/1, pas hyper bandant (50 % d’Anglais).

Un Frenchie dans l’ tas ? Oui, l’ex Messin Rudy Gestede depuis l’été 2011, attaquant très athlétique de 24 ans. Le plus souvent remplaçant, seulement 3 brèves apparitions cette saison (68 minutes de jeu).

T’es blindé ? Grave. Depuis 2010, notre big boss est le Malaisien Vincent Tan (fortune : 1 milliard €), flanqué de son associé Chan Tien Ghee, TG pour les intimes.

Tu payes bien ? On se plaint pas. Masse salariale de 14M en 2010-11. Ça a sûrement augmenté depuis, Bellamy n’a pas dû revenir au bercail pour des clopeanuts.

Leicester City, 1è, 25 points (+ 9)

C’est quoi ton surnom ? Les Foxes (clique sur l’avorton de gauche).

Crache le morceau : qui sont tes principaux gangs rivaux des cités voisines ? Nottingham Forest, Derby County et Coventry (et pour nos hools : Birmingham City et les autres firms des West Midlands).

Y’a des hools chez toi ? Ouais, ils seraient toujours une centaine, surtout des vétérans de la firm Baby Squad (BS), même s’ils font beaucoup moins parler d’eux qu’avant. La Baby Squad est née en 1980 après un baptême du feu à Leeds contre la notoire Service Crew. Elle compta jusqu’à 500 « membres actifs » au plus fort des Eighties. Comme dans beaucoup d’autres clubs, ça avait commencé bien avant, fin des Sixties avec les notoires Long Stop Boys, puis les Market Traders et la seule survivante, la BS.

Une sous-branche, la Young Baby Squad vit le jour dans les Nineties. Ça se frite avec tout le monde bien sûr mais ça tape principalement sur les autres clubs des East Midlands (Derby, Nottingham) et West Midlands (région de Birmingham, donc principalement B’ham City, Villa, Wolves et WBA).

Danny Dyer (cf The Football Factory), a présenté un docu sur ces firms des Midlands. Si on risque parfois l’overdose (rien ne ressemble plus à une baston inter-hooligans qu’une autre), certaines parties sont intéressantes, surtout celles traitant de la multiracialité de la région (Leicester et Birmingham [1]) et ses firms « multi-ethniques », telles les notoires Zulu Warriors de Birmingham City. La mixité ne les rend pas moins détestables pour autant.

C’est qui ton leader ? Nigel Pearson, depuis novembre 2011.

Ça se bouscule pour t’ chouffer ? Correct, sans plus, 21 678. Vu les résultats actuellement, ça devrait bien monter : 26 000 contre Brighton mardi soir.

T’as qui comme people chouffeurs ?

–  le groupe Kasabian, des inconditionnels des Foxes

–  Lembit Opik, célèbre ex politicien anglais d’origine estonienne et personnalité média (avoue humblement ne jamais se rendre au stade)

– le chanteur Engelbert Humperdinck, 76 ans, célèbre crooner des Sixties… et représentant britannique au dernier Eurovision ! Ne pouffons pas trop : ce sosie de Mike Brandt (jeune), avec dix fois moins de talent, a vendu 150 millions de disques

–  l’ex champion de snooker Willie Thorne

–  l’ex rugbyman Martin Johnson et Gary Lineker bien sûr

Tu crèches où ? Au King Power Stadium, 32 300 places, depuis 2002.

Ça change de blase au gré des sponsors, avant c’étaient les chips Walkers, souvent vendues par Gary Lineker, Leicester’s most famous son (avec David Attenborough). Séquence Nostalgie : son clip avec Gazza.

Ton billet le moins / plus cher ? 15 / 40 £

Et tes abonnements ? De 350 à 650 £

Tu t’ la pètes après 12 journées ? Drôlement ouais. On faisait pas les fiers sur les 5 premiers matchs (3 défaites) mais nos Foxes se sont depuis installés in the box : 6 victoires sur les 7 dernières rencontres ! Un peu à l’arrache mardi soir contre Brighton – mérité cependant – mais c’est passé, 1-0 (Kasper Schmeichel nous arrête un péno des Mouettes).

T’as du caïd ? Quelques uns  :

–  le gardien Kasper Schmeichel, 25 ans, fils de. La rumeur l’envoie un peu partout en ce moment (pour le mercato d’hiver). Commet plus de howlers (cagades) que son pater mais excellent cette année

–  le milieu international gallois Andy King, 24 ans, 3 buts cette saison (46 en 208 matchs Foxes). Excellent contre Brighton mardi soir, « King reigns supreme » titrait le Guardian du lendemain

–  les ailiers Lloyd Dyer et Ben Marshall (ce dernier parfois attaquant)

–  David Nugent, ex Portsmouth (et international anglais siouplé ! 1 cape, 2007). 5 buts en 12 matchs, gnaqueux. Sort de gros matchs actuellement

–  l’attaquant Jamie Vardy, transfuge de D5, 3 buts en 12 matchs. Ce puissant ex non-leaguer qui claquait un pion par match avec Fleetwood Town impressionne. Pas étonnant que Leicester ait payé plus d’1M £ + extras pour s’attacher ses services à l’intersaison (record de non-league)

–  le latéral gauche Paul Konchesky, ex Charlton, West Ham, Fulham et brièvement Liverpool. Auteur d’une grosse saison, pour l’instant.

Les Reds où il floppa d’ailleurs. Mais on se rappelle surtout de la mère et de la tribu Konchesky sur Merseyside, la moman traitant les supps Reds « d’ordures de Scousers » et Roy Hodgson de « belle merde ». Le reste des Bidochesky se joignit alors à ce classieux débat Facebook où les commentaires chavtastic fusèrent. Worst of : « Les Scousers sont crasseux »… « C’est que des pauvres cons ignorants qui parlent bizarrement »… « Tous des paysans ces Scousers ». Avant que la polémique n’incite Facebook à supprimer la page.

Ton meilleur caïd étranger ever ? Le latéral droit suédois Pontus Kåmark (1995-99, 77 apparitions). C’était l’ère glorieuse des Foxes, avec Martin O’Neill à la baguette (1995-2000). Pontus, armé d’un solide bagage international (il finit à 57 capes suédoises), fit un malheur. On peut dire sans exagérer qu’il en malmöna plus d’un.

Et ta plus grosse pipe étrangère ? L’ailier guinéen Momo Sylla (2005-07, 38 apparitions, 0 but). Cet ancien des championnats français alla ensuite s’enterrer à Kilmarnock où il raccrocha rapidement les crampons, au bout d’une dizaine de matchs.

T’as un blase comique à nous r’ filer qu’on pouffe ? Pas vraiment, mais (Anthony) Knockaert prononcé à l’anglaise donne knock out (KO). Ça fait marrer les supporters et s’esbaudir les faiseurs de rimes à la noix (to knock goals in : affoler les compteurs ; a knock-on : prolongement). Ces derniers ont déjà consacré plusieurs chants douteux à leur Guingampais préféré.

Et la cote érectionnelle de ton effectif sur le God Save the Queen ? Vigoureuse, deux tiers d’Anglais.

Un Frenchie dans l’tas ? Ouais, et déjà une vedette : le milieu offensif-ailier Anthony Knockaert (ci-contre, avec Nigel Pearson), surnommé Knocky.

L’ex pensionnaire du Roudourou et Espoir français arrivé à l’intersaison a planté 2 buts en 12 matchs (759 minutes de jeu), et quels pions ! Un brace (doublé) d’anthologie contre Huddersfield le 2 octobre, clip.

Déjà fort apprécié pour sa percussion, son tempérament combatif, son rendement et son talent pur. Enfin bon, en Football League bien souvent, tu fais un rateau ou une roulette et on te prend pour Messi hein.

A récolté une moyenne supporters de 7 / 10 sur le match de mardi. Le consensus étant que ce joueur est fort techniquement, bon passeur mais croque un peu trop et perfectible dans la conservation du ballon (le terme wasteful – et assimilés – revient souvent dans la colonne débit).

T’es blindé ? Bof. A l’échelle du foot anglais, même de D2, je serais plutôt lower middle class, segment C1 dirait un sociologue anglais. Le Thaïlandais Vichai Raksriaksorn, notre big boss depuis l’été 2010, ne pèse que 130M £, vraiment pas de quoi faire des folies.

Tu payes bien ? Ouais, 17M de masse salariale en 2010-2011.

Ainsi s’achève notre périple dans cette passionnante D2 anglaise, agrémenté de quelques détours. Quittons-nous avec le classement D2 au terme de la 12è journée disputée il y a 48 heures.

Kevin Quigagne.

TK sur Facebook et sur Twitter.

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[1] Leicester et Birmingham comptent (proportionnellement) les plus fortes communautés ethniques du pays, avec Bradford et Greater London – surtout Asians, particulièrement Indiens à Leicester (voir détails) et Pakistanais à Birmingham, détails.

Des propriétaires blindés du Golfe et d’Asie, des pokéristes patron de club, un ratio salaires/chiffre d’affaires de 90 % (avec pointes à 183 %), des montagnes de dettes, des wagons de stars, une majorité de joueurs étrangers, de la caillera et des Wags en pagaille : bienvenue en Npower Championship (D2), le sous-sol copié-collé de la Premier League. On a cuisiné pour vous les principaux caïds. Interrogatoire bling bling de bas étage.

Voir introduction pour lire le reste moins bête.

On conclut ce coup de filet historique avec les plus gros bonnets : Cardiff et Leicester.

Vu que la dose Cardiff-Leicester était trop toxique pour vous l’injecter d’une traite (z’ont du hool ces caïds), première piquouze aujourd’hui et on repassera demain pour un gros shoot final. Tenez-vous prêts les accros.

Cardiff City, 2è, 25 points (+ 7)

C’est quoi ton surnom ? Les Bluebirds. Enfin, pour l’instant.

M’embrouille pas stp : pourquoi Bluebirds alors que t’es un gros dragon rougeaud ? No comment. Je parlerai de tous ces changements bizarres dans la deuxième partie.

Crache le morceau : qui sont tes principaux gangs rivaux des cités voisines ? Swansea City, Bristol City, Leeds United et Millwall.

Y’a des hools chez toi ? Encore beaucoup trop ouais. Fin 2011 (derniers chiffres disponibles), on se classait premier au classement hool des Interdictions Administratives de Stade (143).

Notre firm The Soul Crew est l’un des pires ramassis de hooligans de Grande-Bretagne depuis le début des Eighties mais nos hools avaient commencé à semer la terreur bien avant, dès la fin des Sixties.

Légendaires batailles à cette époque contre leurs homologues d’Aston Villa et Millwall, tous trois alors en D2. Enfin, Millwall, peu importe leur division, D3, D2, D1 (brièvement parmi l’élite en 1988-90, avec Tony Cascarino et Teddy Sheringham), eux ne discriminaient pas entre championnat, vraie coupe, coupe en carton, coupe pissotière (Football League Trophy, aka la coupe Piss pot), match amical, etc. ils chargeaient. Une plus petite firm émergea aussi, les Valley Commandos (certains d’entre eux aimaient porter une tenue Orange Mécanique).

La Soul Crew ne s’attaquait pas qu’aux gros. En novembre 1986, un bon millier de ces hoolifans qui aimaient brailler « We are animals » pour signaler leur arrivée en terre hostile ou assoupie, saccagèrent le centre-ville historique de Shrewsbury lors d’un match de FA Cup de triste mémoire : un supp local poignardé, sept policiers blessés, commerces endommagés, voitures vandalisées et renversées, etc. Le Président de la Chambre de Commerce locale compara leur raid sauvage au blitz de 1940-41.

La violence atteignit un tel point que les Doc Martens et autres pompes avec bouts en acier furent interdites ou confisquées aux tourniquets de stade (mesure qui toucha beaucoup d’autres clubs).

Cardiff, Millwall, Leeds, Birmingham City, Wolves… Cette D2 version 2012-13 est un vrai petit paradis hool.

Puis ça se poursuivit contre Chelsea fin Seventies/début Eighties, des vrais pouilleux ces Blues, ils étaient en D2 comme nous. La « Bataille de Cardiff » en mars 1984 est encore dans toutes les mémoires : une boucherie qui eut pour théâtre le centre-ville, stade et extérieurs, la gare, etc. (7 000 supps Blues avaient fait le déplacement ce jour-là, dont au moins 1 000 hooligans).

Avec les hools de Leeds, ça s’ frite depuis une dizaine d’années. En fait, avec Cardiff, Millwall, Leeds, Birmingham et Wolves, cette D2 version 2012-13 est un vrai petit paradis hool.

En 2005, les vétérans de la Soul Crew, soucieux de préserver la tradition et transmettre leur savoir-faire, ont formé la relève : la C-Squad. Le C vient à la fois de Category C (terme policier pour les hools les plus dangereux) et de l’ancienne « branche » djeun’s de la SC, la Creche Squad. La BBC a réalisé ce docu sur  la Soul Crew.

Toutes les occasions de se mettre dessus étant bonnes, ça se frite vraiment n’importe où et quand (voir ici). Si ces clubs évoluent à des niveaux différents, Dame Coupe se charge de jouer les entremetteuses, comme dans ce clip tourné par la police sur New King’s Road en février 2010 (16è FA Cup entre Chelsea et Cardiff).

La montée de la fascisante English Defence League alimente également cette violence (une ascension qui rappelle celle du National Front de Martin Webster dans les Seventies, 5’20 à 8’00 dans ce film culte sur Millwall, Webster est à 6’50). Notamment à Cardiff, Millwall et Luton (« berceau » de L’EDL), clubs qui comptent en leur sein une frange hool très nationaliste. Les liens entre l’EDL et certaines factions dures de clubs « à problèmes » semblent désormais clairement établis (cf Casuals United, cet article et celui-ci).

Cardiff City a longtemps souffert de la passivité, voire complicité, de ses anciens propriétaires. De « l’excentrique » Sam Hammam (de fin 2000 à octobre 2006) qui portait fièrement les badges des deux firms principales (!) et employait l’un des leaders de la Soul Crew comme garde du corps (Neil MacNamara), au très controversé Peter Ridsdale [1] qui préféra ignorer le problème hool du club.

La palme britannique de l’irresponsabilité revient d’ailleurs à cet illuminé de Hammam. Voici ce que le Libanais le plus déjanté du foot déclarait en substance environ un an après son arrivée [2] :

« […] Nombre de hooligans sont des gens charmants, sincères qui ont un bon fond et adorent leur club. Beaucoup de gens en G-B grandissent avec la haine de la police, de la justice et des institutions. […] En réalité, il suffit de leur tendre la main, leur parler et là, vous découvrez combien ils savent être positifs et disciplinés. »

McNamara, l'un des leaders Soul Crew, avec Sam Hammam

Sam Hammam (à droite), avec son garde du corps, Neil MacNamara, l'un des leaders de la Soul Crew

C’est qui ton leader ? L’Ecossais Malky Mackay, depuis juin 2011.

Ça se bouscule pour t’ chouffer ? On fait d’honnêtes chambrées oui, 21 425 cette saison (la moyenne de D2 est actuellement de 17 050 – 2011-12 : 17 739).

T’as qui comme people chouffeurs ? Voir liste (hautement improbable !). Parmi les plus connus :

–  David Sullivan, ex roi du porno anglais et actuel co-propriétaire de West Ham

–  Ken Follett, l’auteur gallois aux 100 millions de pavés vendus, ex groupie de Tony Blair et généreux donateur du Labour. Sa femme, Barbara, est peut-être désormais encore plus célèbre que Ken, niveau G-B s’entend. Ministre sous Tony et députée New Labour, elle acquit sa notoriété au cours du retentissant scandale des notes de frais des parlementaires qui éclata en 2009 : malgré la considérable fortune des Follett, elle fut l’une des plus gourmandes au grattage [3].

Tu crèches où ? Au Cardiff City Stadium, depuis 2009 (26 828 places).

Tu créchais pas sur une poubelle avant ? Effectivement. Le mythique Ninian Park (de 1910 à 2009), surnommé « la fosse aux ours », était un centenaire tout déglingué construit sur une décharge géante. Ça ne nous avait pas empêché d’y battre le Real Madrid 1-0 en mars 1971, voir clip vintage (1/4 de finale de Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, après avoir étrillé Nantes 7-2 en 1/8).

Le 10 septembre 1985, c’est aussi à Ninian Park que tomba un autre géant, au coup de sifflet final d’un crucial Wales-Scotland : Jock Stein.

L’ensemble a été rasé pour faire place à un lotissement au nom original : Ninian Park.

Ton billet (Adulte) le moins / plus cher ? L’an dernier, ça allait de 16 à 30 £ mais c’est fini ça, nos tarifs sont désormais flexibles et changent sans cesse.

Notre politique originale de dynamic pricing basée sur la demande est expliquée ici. Les facteurs pris en compte (hormis les paramètres classiques de cátégorie de match et emplacement) : jour, heure du match et position au classement. Derby County a adopté le même système. Un truc américain (Digonex), l’avenir apparemment. Enfin, l’avenir, c’est vite dit, on voit difficilement les mal classés en être fan.

Ton abonnement le moins / plus cher ? Idem, ça fluctue, pour que les abonnés ne se retrouvent pas à payer plus que les infidèles. Le système sera évalué en fin de saison et reconduit ou éconduit pour 2013-14.

A suivre.

Kevin Quigagne.

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[1] Peter ‘We lived the dream » Ridsdale est l’ex fossoyeur de Leeds United. A Cardiff City, il était probablement plus préoccupé par la cuisine de comptes (ici par exemple) que le problème hool du club. Il vient d’ailleurs de tomber, le flacon d’épices tippex à la main. A la bonne heure.

[2] Extrait tiré de l’indispensable A-Z of Britain’s Football Hooligan Gangs, précédemment cité dans cette série. Enfin, indispensable si vous êtes un hool. Pour les autres, il servira surtout de bouquin de référence.

[3] Barbara Follett fut l’une des 100 députés Labour forcés de raccrocher et donc ne pas se représenter aux General Elections de 2010. Une bonne soixantaine d’autres – Tories et Lib Dems – firent de même. Sans compter ceux qui finirent au zonzon.

Si B. Follett gratta fort, la palme du ridicule fut décernée au pilote-avocat-banquier-député Conservateur Sir Peter Viggers pour une note de frais* de 1 645 £ en remboursement… d’un abri canards hyper chicos ! (ici – où il apparaît aussi qu’il avait gratté 30 000 £ en trois ans pour « Frais de jardinage »). Il y en eut des centaines d’autres – le Daily Telegraph, déclencheur indirect de l’affaire, publia un énorme supplément – mais la canardière fit vraiment pouffer ; suivi de près par l’abonnement à une chaîne porno contracté par le mari de la ministre de l’intérieur Labour de Gordon Brown, Jacqui Smith – qui gratta illégalement plus de 120 000 £ (pas qu’en films X).

[* Les notes de frais en question, alors limités annuellement à 24 000 £/an, ne devaient théoriquement servir qu’au remboursement des frais de loyer/hôtel/crédit immobilier sur Londres, uniquement pour un logement utilisé pour une fonction parlementaire et seulement pour ceux/celles vivant hors Greater London. Les abus se comptèrent par milliers, les députés profitant de l’absence total de contrôle et audit.
Plus de 300 députés furent impliqués – voir liste non exhaustive, certains furent alpagués plus tard – dans ce qui se révéla être une pratique courante depuis fort longtemps (les investigations ne remontèrent qu’environ huit ans en arrière). Certaines estimations parlent de 50 à 100 millions de £ détournés par les députés rien que pour la décennie 2000.

Le système a depuis été refondu et rendu transparent. Malgré tout, la gruge continue, à une bien moindre échelle évidemment. Suivez les toutes dernières combines des députés britanniques pour entuber le contribuable sur les fils MPs’ expenses du Guardian et du Daily Telegraph. Tout comme les charbonneurs des cités, nos représentants ont de la ressource. Coming to a Parliament near you soon).