Robin Friday (1952-1990), terrassé par un arrêt cardiaque dû à une overdose d’héroïne, aurait pu être un grand du football anglais. Au lieu de ça, il a été son enfant terrible le plus givré.

L’intro est ici.

[SWE = South Wales Echo. Les mentions en bleu non gras figurent dans le livre, en italique].

The greatest footballer you never saw: THE ROBIN FRIDAY STORY.

Petit récap pour cette dernière partie : Robin Friday vient de signer chez les Bluebirds de Cardiff City (D2) et s’apprête à disputer son premier match contre le Fulham de Bobby Moore et George Best (ce dernier ne sera finalement pas aligné). Match à domicile – feu Ninian Park – devant la plus grosse affluence de la saison (20 368).

South Wales Echo, 3 janvier 1977

Cardiff City 3 – Fulham 0

… Deux buts de Robin Friday ont permis à Cardiff de disposer de Fulham 3-0. Friday s’est battu comme un lion – pas toujours à la régulière, il faut avouer – et l’on a assisté à quelques accrochages entre Friday et des Cottagers, dont Bobby Moore. Friday aurait même pu inscrire un hat-trick s’il n’avait pas été taclé sauvagement en fin de match.

MAURICE EVANS, entraîneur à Reading : Et dire que la veille de ce match, mon fils l’avait vu danser sur les tables du Boar’s Head de Reading jusqu’à très tard. Et lendemain, il te met la misère à Bobby Moore !

ROD LEWINGTON, ami : Oui, je m’en souviens, j’étais avec lui ce soir-là, donc la veille de son premier match avec Cardiff City. Il était bien au Boar’s Head. Vers 21 heures, Dick Smith, Le patron du pub, lui a même conseillé de partir pour se reposer en vue du match hyper important du lendemain à Cardiff [à 180 kms de Reading], faut dire que Robin picolait depuis 18 heures. Il a fini par se tirer mais non sans avoir taxé un pack de 12 bières à Dick pour finir la soirée ! Et le lendemain, il te plantait deux buts pour ses grands débuts avec Cardiff.

1er janvier 1977, Friday dispute son premier match avec Cardiff contre Fulham après une biture la veille : il plante deux buts, ridiculise Bobby Moore et fait pouet pouet avec les roubignoles du Champion du monde 1966.


Friday, pendant sa courte mais mémorable carrière Bluebird

PAUL WENT, ex coéquipier et compagnon de chambrée de Robin Friday : Phénoménal début contre Fulham en effet, il a tourné ses marqueurs en bourrique tout le match. Il a joué comme un attaquant de classe mondiale ce jour-là. Bobby Moore le marquait et il a vraiment mangé, Robin n’a pas arrêté de l’enfumer. Je me souviens que Robin a même fait pouet pouet avec les gonades de Bobby Moore ! C’était lui tout craché ça, il déconnait sans arrêt. Il lui arrivait aussi d’embrasser son marqueur sur un corner. Tout le monde était figé dans la surface en train d’attendre que le corner soit tiré et lui en profitait pour se retourner et planter un bécot sur la joue ou les lèvres de son garde du corps, totalement désarçonné. Un coup de coude ou un tirage de maillot, ça se gère mais quand un grand mec crasseux et chevelu se retourne et t’embrasse, ça a de quoi totalement te déstabiliser.

Début 1977 à Fulham, entre deux piges en North American Soccer League, on retrouve Bobby Moore, George Best et Rodney Marsh. Les Cottagers finiront 17è - sur 22 -, à 1 point de la relégation en D3.

Début 1977. Entre deux piges en North American Soccer League, on retrouve Bobby Moore, George Best et Rodney Marsh à Fulham. Les Cottagers finiront 17è, à 1 point de la relégation en D3.

HARRY PARSONS, dirigeant de Cardiff City : Bobby Moore était furieux pendant le match. Il a complétement perdu son sang-froid et a essayé de choper Robin après s’être fait tâter les parties. Bobby ne perdait quasiment jamais son sang-froid mais bon, faut dire qu’il avait encore jamais eu à faire à un numéro comme Robin.

CHARLIE HURLEY, manager de Reading : Jimmy Andrews, le manager de Cardiff, m’a téléphoné après ce match : « Charlie, Robin a été magnifique, il a ridiculisé la défense de Fulham, il a même chopé Bobby Moore par les couilles et Moore après n’a pas cessé de lui courir après pour se venger. C’est une vraie pépite ce Robin. » Jimmy a continué comme ça à me chanter les louanges de Robin un bon moment, je l’ai laissé parler avant de lui dire : « Ecoute, il n’est chez vous que depuis 4 jours, on en reparlera dans quelques mois. »

PHIL DWYER, joueur de Cardiff et détenteur du record d’apparitions du club : Parfois, je le conduisais un peu partout car il n’avait pas de voiture. J’étais d’ailleurs le seul à le laisser monter dans ma caisse ! Quand on se déplaçait, on le récupérait au bord de l’autoroute et idem en revenant, on le déposait toujours sur un coin d’autoroute, même pas dans une station service, un motel ou ce genre d’endroit, non ; lui voulait se faire déposer au milieu de nulle part. On a jamais su où il allait ensuite, je ne suis pas persuadé qu’il l’ait su lui-même d’ailleurs.

SWE, 24 janvier 1977

Cardiff City 1 – Charlton 1

Friday indique son indisponibilité (2 semaines) pour fracture de la pommette

Friday indique son indisponibilité (2 semaines) pour fracture de la pommette.

… Le manager de Cardiff, Jimmy Andrews, a exigé une plus grande protection sur Robin Friday de la part des arbitres, qui sera indisponible quelque temps pour cause de fracture de la pommette occasionnée pendant ce match. Andrews a déclaré : « Robin semble être la cible des adversaires et du corps arbitral. Il est régulièrement malmené mais il ne se plaint jamais. Malgré ce traitement de défaveur, il se fait souvent avertir et les arbitres ne cherchent pas à le protéger de ces brutalités répétées. La fracture de la pommette a été causée par un coup de coude au visage d’un joueur de Charlton. » Le manager de Charlton a estimé pour sa part que Friday avait au préalable savaté Curtis (le joueur en question) et que ce geste aurait mérité une expulsion.

Par ailleurs, aucune sanction (hormis une amende) ne sera prise contre Robin Friday pour être arrivé en retard au stade, vingt minutes seulement avant le début de la rencontre. Un accroc qui posa un problème avec la feuille de match censée être remise à l’arbitre trente minutes avant le coup d’envoi. L’attaquant a expliqué qu’il avait raté le train Reading-Cardiff et avait dû demander à un ami de le conduire à Cardiff en urgence.

CHARLIE HURLEY : Un jour, quelques mois à peine après son départ à Cardiff, qui vois-je débouler dans mon bureau ? Robin. D’emblée, je le félicite car ça semblait bien marcher pour lui là-bas. Il me contredit : « Non, ça va pas, j’en peux plus d’être managé par ce petit con de Jimmy Andrews. Vous êtes le seul pour qui je peux jouer, vous êtes le seul à pouvoir me gérer… Je voudrais revenir à Reading. » Là, je lui réponds : « Je te remercie pour les compliments mais impossible pour nous de mettre 30 plaques pour te récupérer. Arrange-toi pour obtenir un transfert gratuit et on te reprendra. » Sur ce, il est parti et je l’ai plus jamais revu.

SWE, 9 mars 1977

Sheffield United 3 – Cardiff City 0

… Robin Friday a dû quitter la pelouse avant la mi-temps, il souffrirait de problèmes respiratoires.

DOCTEUR LESLIE HAMILTON, médecin de Cardiff : Robin était un garcon très en forme physiquement, et, jusqu’à ce match contre Sheffield United, nous n’avions pas la moindre idée qu’il souffrait d’asthme, car personne ne l’avait mentionné lors de sa visite médicale, ni lui, ni Reading FC. J’ai appris ça plus tard. Il avait un inhalateur et devait parfois prendre des bouffées d’inhalateur mais ça ne semblait pas le gêner.

PAUL WENT : Pour moi, c’était un joueur techniquement phénoménal doté d’un pied gauche sublime. Je l’ai souvent vu mettre des mines de 35 mètres en pleine lucarne à l’entraînement. C’était un footballeur très complet avec une superbe conduite et couverture de balle, et il mettait la tête là où peu de joueurs auraient même mis le pied. En plus, malgré son physique imposant, il avait une technique lui permettant de terroriser les défenses quand il percutait. Si quelqu’un l’avait vraiment pris sous son aile à 16 ou 17 ans et lui avait appris à se contrôler, il aurait sûrement été international et peut-être l’un des joueurs les plus talentueux de l’histoire du football anglais.

Il adorait chambrer ses adversaires. Par exemple, s’il réussissait un petit pont, il se retournait parfois et leur riait au nez ou alors il baissait son short et leur montrait son cul, ou leur faisait un doigt d’honneur.

SWE, 7 avril 1977

Hereford United 2 – Cardiff City 2

… Robin Friday pourrait être suspendu trois matchs après son expulsion contre Hereford. Friday, dont la carrière s’est forgée dans la controverse permanente, a désormais accumulé 28 points disciplinaires cette saison.

SWE, 12 avril 1977

Southampton 3 – Cardiff City 2

… Robin Friday « Homme du match » avant sa probable suspension.

RITCHIE MORGAN, joueur de Cardiff : Il était prodigieusement doué et faisait des trucs incroyables. Il adorait chambrer ses adversaires aussi. Par exemple, s’il réussissait un petit pont, il se retournait parfois et leur riait au nez ou alors il baissait son short et leur montrait son cul, ou leur faisait un doigt d’honneur. Tout ce qui pouvait les agacer, il le faisait. Remarque, rien que sa dégaine pouvait les agacer, ses longs cheveux crasseux, le maillot sorti du short et son attitude très nonchalante, pour ne pas dire fainéante. Mais, et il faut lui reconnaître ce mérite, il acceptait de morfler sans broncher. Les défenseurs n’arrêtaient pas de le savater et lui, il se marrait. Puis il les frappait à son tour. Une fois, alors qu’il jouait à Reading et s’était fait savater tout le match, il s’est vengé sur un joueur et s’est fait expulser. Il était si énervé devant ce qu’il percevait comme une grosse injustice qu’il a coulé un bronze dans les vestiaires de l’équipe adverse !

SWE, 18 avril 1977

Cardiff City 4 – Luton 2

… Robin Friday, qui sera suspendu les deux prochains matchs, a adressé un doigt d’honneur au gardien de Luton, Milija Aleksic, après avoir marqué son second but.

Une minute avant, l’arbitre avait rappelé Friday à l’ordre après un clash entre les deux joueurs. Friday a déclaré : « Je suis un joueur très technique et mes adversaires détestent quand je les chambre. Pourtant, ils sont pas les derniers pour essayer de me déstabiliser, je me fais constamment savater.  Alors au bout d’un moment, je me défends. Mais sur ce coup-ci, je cherchais pas l’embrouille avec Aleksic et ce qui m’inquiète c’est cette mauvaise réputation que j’ai auprès des arbitres. Certains m’ont vraiment dans le collimateur. Je suis pas un joueur vicieux mais c’est vrai que je me laisse pas faire car j’ai la gagne. Si vous l’avez pas, inutile de faire ce métier. »

Friday a été forcé de sortir à la 70è minute sur une blessure au genou causée, selon lui, par un mauvais geste d’Aleksic. Interrogé sur le doigt d’honneur à l’encontre d’Aleksic, Friday a répondu ne pas se souvenir de cet incident.

PAUL WENT : Dans le vestiaire, il était super aussi. Il aimait déconner, c’est sûr. Quand on jouait en déplacement assez loin, on partait en bus le vendredi soir et tout me monde mettait un costard chemise-cravate, sauf lui. Il se pointait en jean avec un trou au niveau de l’entrejambe, pas de slip, t-shirt crade, des bottines rock ‘n’ roll à bout pointu et un sac en plastique contenant une bouteille de Martini. Tout le monde s’en fichait car il faisait le boulot sur le terrain. Sauf un jour où un dirigeant n’a pas apprécié sa tenue et là, dans le bus, Robin a menacé de le frapper avec sa bouteille de Martini ! Il était super énervé et on s’est mis à plusieurs pour le calmer, il l’aurait probablement cogné sinon. Mais sous cette carapace de dur au tempérament déjanté, Robin était un mec génial avec un coeur en or, il aurait fait n’importe quoi pour un ami.

JIMMY ANDREWS, manager de Cardiff : Les jeunes supporters l’adoraient. Aux journées portes ouvertes du club, c’était le chouchou de tous. Les gamins adorent les mecs rebelles et différents. C’était un beau gosse aussi alors, pour eux, c’était comme de rencontrer une vedette de télé. Il était super avec les gamins, il signait les autographes à la chaîne. Avec les jeunes du club aussi il était extra, c’était un peu leur père protecteur, il les défendait toujours.

PAUL WENT : C’était quelqu’un de très imprévisible. Des fois, après l’entraînement, il allait jouer avec les cadets, il s’amusait comme un fou avec eux. Tout ce qu’il voulait était de jouer au foot, que ça soit avec Arsenal, Manchester United, Reading ou Cardiff. C’était aussi un homme à femmes. Peu importe ce qu’il portait, il avait un succès fou. Il avait une vraie aura, et son look de mauvais garçon plaisait beaucoup. Mais il s’en fichait, il draguait bien sûr mais de façon très détachée. Ce qui attirait évidemment encore plus les femmes.

JIMMY ANDREWS : Un match dont je me souviens particulièrement est le dernier de la saison 1976-77, contre Carlisle, il nous fallait un point pour se maintenir. Dernière minute du match, toujours 1-1, y’avait le feu dans notre surface, panique totale. Et là, au pire moment, je vois Robin venir faire le ménage dans notre surface et je me dis : « Oh non, pas lui… » Car croyez-moi, si y’avait un mec que tu voulais pas dans ta surface dans ce genre de situation où une saison se jouait sur un rien, c’était Robin Friday vu que le risque de pénalty était multiplié par X avec lui dans les parages. Donc, dernières secondes du match, notre gardien avait été poussé à terre, centre-tir de Carlisle qui se dirige direct dans le but… Notre arrière central, sur la ligne de but, dégage comme il peut, mais le ballon reste toujours dans la surface… Le ballon s’élève et là je vois Robin et un adversaire à la lutte pour ce ballon aérien et Robin qui essaye de le dégager violemment du poing ! Son geste a été si virulent qu’il a fait trois pirouettes en l’air mais fort heureusement, il a touché ni le ballon ni leur joueur car sinon, y’avait pas photo, c’était péno. Putain, le voir charger comme un animal blessé dans la surface et faire ça à la dernière minute du dernier match de la saison avec le maintien en jeu… J’ai eu la peur de ma vie ce jour-là.

Après avoir contribué au maintien de Cardiff en D2, Robin Friday (7 buts) disparut quelque temps, ce dont il était coutumier. Il ne réapparut pas à la reprise de l’entraînement début juillet. Il se trouvait apparemment dans un hospital de Londres, souffrant d’un virus non identifié. Il fit savoir qu’il avait perdu treize kilos, qu’il ne mangeait plus et que les médecins ne comprenaient pas pourquoi il n’arrivait pas à se remettre d’une dysenterie. Plus tard, il réapparut à l’entraînement et dit avoir souffert d’une hépatite mais les tests médicaux s’avérèrent négatifs. Sur le sujet épineux de son domicile, Friday a accepté à contrecoeur de déménager de Bristol à Cardiff.

JIMMY ANDREWS : Je n’arrivais jamais à le joindre ou le trouver car il était censé habiter à Bristol [à 70 kms de Cardiff] mais quand je passais le voir, tout ce que je trouvais c’était 25 bouteilles de lait devant la porte. Tous les week-ends, dès le match terminé, il filait sur Londres. Quand il voulait quelque chose, il rôdait souvent autour de mon bureau, comme un ours en quête de bouffe, mais lui c’était pour me taxer quelques livres pour rentrer à Londres.

SWE, 28 octobre 1977

… L’équipe est en déplacement à Brighton, avec Robin Friday qui n’a pas encore joué de la saison, victime d’un mystérieux virus.

Le comportement de Robin Friday devint alors très étrange. Un soir à l’hôtel, après une défaite à l’extérieur, les joueurs de Cardiff furent réveillés en sursaut au beau milieu de la nuit par des bruits fracassants provenant du rez-de-chaussée. Quand plusieurs d’entre eux allèrent voir ce qu’il se passait, ils virent Robin debout sur la table de billard, en slip, qui balançait des boules de billard un peu partout dans la pièce, dans le plus pur style rock ‘n’ roll.

PHIL DWYER : Je me souviens de cet incident, c’était après une défaite en coupe du Pays de Galles, Robin est devenu comme fou, il balançait des boules de billard et d’autres trucs partout. Je crois que c’était sa façon d’exprimer sa frustration. On a pensé : « Bon Dieu, faut vraiment qu’on le remette dans son lit. »

SWE, 31 octobre 1977

Brighton 4 – Cardiff City 0

… Premier match de la saison de Robin Friday (devant 23 000 spectateurs) et première expulsion, à la 54è minute. Le manager, Jimmy Andrews, a sévèrement critiqué l’arbitrage envers Robin Friday en général, et cet arbitre en particulier qui a sanctionné Friday pour un violent geste commis sur un adversaire. Friday, victime d’une faute commise par Mark Lawrenson, s’est vengé en mettant un coup de pied au visage du défenseur. Jimmy Andrews est d’avis que les arbitres et adversaires se sont ligués contre Robin Friday. Ce dernier, selon Mr Andrews, subit maints coups et provocations de joueurs qui ne cherchent qu’à le faire expulser. Alan Mullery, le manager de Brighton, n’était pas du même avis : « La faute commise par Robin Friday était l’une des pires que j’ai jamais vue. Il a savaté mon joueur au visage alors que ce dernier était à terre ! Ce genre de comportement est indéfendable.»

TONY FRIDAY, frère : Le truc sur ce match c’est que Robin a fait manger Lawrenson du début à la fin. Au bout d’un moment, Lawrenson* en a eu marre de se faire enfumer et il lui a mis un coup ou dit quelque chose, je sais pas trop. Et là, Robin s’est retourné et l’a frappé. C’était son dernier match pour Cardiff City. Il s’est pointé à quelques entraînements après ce match mais il a rapidement disparu pour de bon, personne savait trop où il se trouvait.

[*Nda : une tenace légende urbaine dit que Robin Friday déféqua dans la trousse de toilette ou le sac de Mark Lawrenson. Ce dernier a toujours démenti la rumeur, idem pour les coéquipiers de Friday. L’international irlandais deviendra un joueur clé de Liverpool de 1981 à 1988 puis « expert foot » à la BBC à 1,5 million £/an – après 22 ans de longs et boyaux services, il a enfin été semi-placardisé]

Quand les joueurs de Cardiff regagnèrent les vestiaires après ce match, Robin avait quitté le stade.

SWE, 2 novembre 1977

… Le manager de Cardiff City, Jimmy Andrews, a déclaré que le club entamerait une procédure contre Robin Friday pour « non-respect du contrat » en ajoutant que l’amende pourrait être élevée. Le joueur est aussi dans le collimateur de la fédération galloise pour avoir accumulé 20 points à son casier disciplinaire. Il sera suspendu pour les trois prochains matchs.

Le 20 décembre 1977, Robin Friday annonça à Jimmy Andrews, manager de Cardiff City, qu’il arrêtait définitivement le football. Parallèlement, Liza Friday entama une procédure de divorce. Friday retourna vivre à Londres où il trouva un travail d’asphalteur et décorateur.

JIMMY ANDREWS : Il disparaissait souvent comme ça pendant plusieurs semaines mais il revenait toujours et se confondait en excuses. On était toujours ravi de le revoir vu ce qu’il faisait sur le terrain et les supporters l’adoraient.

TONY FRIDAY : A son retour de Cardiff sur Londres, il a habité avec notre mère et a continué à jouer, en amateur. Un tas de clubs voulaient le faire signer mais il ne pouvait aller nulle part car Cardiff détenait toujours sa licence et ils refusaient de la lui refiler. Les mecs avaient payé 30 plaques pour lui six mois plus tôt alors ils l’avaient mauvaise. Vers juillet 1978, Brentford [D4] l’a contacté et il s’est entraîné avec eux pendant l’intersaison. Il s’est bien remis en selle physiquement et tout, mais comme d’hab il a disparu de nouveau quelque temps sans rien dire. Il n’est plus jamais retourné à Brentford.

En 1980, il s’est remarié. J’étais encore en taule au moment de son mariage et j’ai jamais connu sa nouvelle femme. Ils ont déménagé à Fulham, mais ça n’a duré que deux ou trois ans. Il a ensuite connu une autre nana, Linda. Malheureusement, il a alors retouché à la drogue et cette nana ne supportait pas ces saloperies alors il est venu crécher chez moi, j’habitais à Fulham aussi à ma sortie de taule. Le problème c’est que ma nana a pas apprécié et ça a créé un tas de problèmes alors il est reparti vivre chez notre mère.


Fulham était bien différent d’aujourd’hui dans les années 60-70 (ci-dessus, la cité Clement Attlee – elle existe toujours mais le coin s’est légèrement gentifrié : le moindre F2, souvent ex HLM, se loue 1 500 £/mois et coûte 400 patates à l’achat)

Côté boulot, il bossait souvent sur les toits avec moi. Je lui trouvais pas mal de taf mais le souci avec lui c’est qu’au fil du temps, il bossait de moins en moins et cherchait surtout à tirer au flanc. Ma mère et moi, on a réussi à lui obtenir une HLM à Acton. Au début, ça allait, il s’est maqué avec une femme, Hazel. Pendant six mois, pas trop de problèmes. Pis un jour au boulot, pour une parole de travers il s’est embrouillé avec un pote à moi, un couvreur. Robin l’a frappé avec un morceau de bois et lui a cassé le bras, j’ai dû l’emmener à l’hosto. J’étais furax contre Robin, mais on s’est réconcilié deux jours après, il a vraiment regretté son geste. Le week-end suivant, lui et sa nana étaient dans un club, embrouilles à la sortie avec Robin et d’autres personnes, sa nana panique, traverse la rue et se fait renverser par une voiture, hospitalisation. Elle lui en a voulu, ça s’est mal passé…

Pis, juste avant Noël 1990, il a disparu quelques jours, on l’a cherché mais en vain. Ce qui nous a inquiété c’est que la pharmacie où il allait chercher sa méthadone [produit de substitution à l’héroïne] ne l’avait plus vu depuis deux jours, et ça c’était pas normal. Moi je pensais qu’il était en garde à vue ou un truc comme ça. On a alors appelé la police qui a enfoncé la porte de son appart…

READING EVENING POST, 31 décembre 1990

… Robin Friday, l’ex joueur culte de Reading FC qui faisait vibrer les stades avec son look de mauvais garcon et son image d’enfant terrible, est décédé à l’âge de 38 ans. La cause du décés est pour l’instant inconnue. Friday a inscrit 57 buts en 135 matchs pour Reading entre février 1974 et décembre 1976.

THE END.

N’attendez pas la sortie du film pour jouer les hipsters, commandez le t-shirt dès maintenant.

Dans la même série TK des grands tarés du foot british :

Lars Elstrup

Chic Charnley

16 commentaires

  1. Blingice dit :

    Merci. On vous félicite souvent pour votre travail mais la je voulais vous remercier. Même si vous vous êtes contenté de recopier le livre, merci de m’avoir fait découvrir ce joueur, dont la vie ressemble ceci-dit plus à un film

  2. Pablo dit :

    Merci!

    Rien que pour la photo (et le t-shirt), ça les valait largement les deux matchs de suspension. Quelles histoires!

  3. Kevin Quigagne dit :

    De rien.

    Merci à vous et à ceux & celles qui ont lu ce pavé, j’ai conscience que ça exige un certain effort. Mais pas plus que de lire un bouquin sur Kindle et moi j’vous ai ajouté des images 🙂 J’aurais aimé en mettre plus sur Friday lui-même mais difficile de trouver des photos de l’énergumène sur le Net, signalons quand même cette galerie du Mirror :

    http://www.mirrorfootball.co.uk/pictures/Robin-Friday-article7473.html.

    Deux remarques qui me semblent nécessaires sur le com’ de Blingice :

    1) Comme je l’expliquais en commentaire sous le premier volet, je ne me suis pas « contenté de recopier le livre » (il n’existe pas en français, il a donc fallu traduire) mais j’ai sélectionné avec soin les passages et phrases à traduire en m’efforçant de restituer fidèlement le texte ou sa tonalité quand il a fallu en tirer la quintessence.
    Car j’ai parfois dû écourter/synthétiser les propos ou même laisser de côté des bouts de texte, par souci de lisibilité (je m’explique là-dessus sous le volet # 1 ; en gros, tout mettre aurait été bien trop long sur un format Internet et n’aurait pas apporté grand-chose).

    2) Je vois ce que tu veux dire en utilisant l’expression entre guillements ci-dessus mais je précise juste que ce genre de travail, même s’il m’a procuré beaucoup de contentement, dépasse largement le champ sémantique du verbe « se contenter » dans son acception courante : ma trad fait 19 000 mots/110 000 signes. J’explique dans mon com du volet # 1 ce qui m’a poussé à traduire ce livre, à tout le moins l’essentiel.

    C’est vrai, j’aurais pu faire un Top 10 des frasques Friday-esques basé sur les éléments du livre mais ça n’aurait pas eu la même saveur à mon avis (cela dit, j’ai rien contre les Top ou Worst 10, j’en ai fait quelques-uns).

  4. Standard ole ole dit :

    Magnifique Kevin et fuck les Grincheux….

    Superbe Travail Comme d’habitude….

    We Want More

  5. Louis dit :

    J’ai découvert votre blog il y a plus d’un an, depuis une recherche sur Lee Sharpe qui m’avait mené à la saga que vous lui aviez consacrée.
    Depuis je le consulte plusieurs fois par semaine dans l’espoir d’un nouvel article.
    Je voulais donc remercier toute l’équipe de Teenage Kicks pour la qualité incroyable de ce site, je suis à chaque fois bluffé par vos vastes connaissances de ce football, qui me font découvrir des joueurs comme Robin Friday, sorte de Neal Cassady du football britannique.
    Encore merci!

  6. Kevin Quigagne dit :

    Merci à vous.

    @ Standard.

    Non, c’était pas de la grinche de la part de Bling (fidèle lecteur non grincheux), je tenais juste à rappeler que c’est une trad’ faite maison, vu qu’aucun éditeur francophone n’a malheureusement songé à traduire le bouquin. Heureusement, votre mousquetaire TK a réparé cette terrible injustice.

    Le pauvre Robin étant mort, faudra attendre le film pour en avoir more, courant 2015 en principe.

    @ Louis.

    Au nom des 4 rédacteurs du Team TK, merci.

    Nouvel article la semaine prochaine en principe, signé d’un lecteur qui a nous concocté un fort joli texte sur un personnage légendaire du football anglais. Ensuite, dans une grosse quinzaine, début de la sortie (en 7 ou 8 parties, 1 tous les 2/3 jours) de notre traditionnel bilan club par club de la saison de Premier League. On nous a déjà demandé de faire pareil pour la D2 mais malheureusement impossible, par manque de temps (on bosse tous, avec vie de famille pour certains, les plus malchanceux).

    Puisque je mentionne le texte de ce lecteur, rappelons que ce blog est participatif alors si vous savez à peu près écrire, n’hésitez pas à nous envoyer vos textes, on est susceptible d’être preneur (même textes courts et même sur MK Dons ou Newcastle United – minimum 3 000-4 000 signes mettons, une grosse page A4 quoi. Pour les faux Dons et Newcastle, 50 signes suffiront).

  7. Kevin Quigagne dit :

    Et un mot sur Kevin Phillips, ce grand Monsieur du football anglais qui vient d’annoncer sa retraite sportive.
    Je n’aurai pas le temps de lui consacrer un article mais j’avais rédigé une courte vignette il y a trois ans sur lui (jamais publiée car on avait changé nos plans de publication). Alors la voici, pour l’essentiel :

    Kevin Phillips

    […] Grand Monsieur du football, révélé sur le tard, commença sa carrière en non-League, à Baldock (alors D6).
    A ce jour, Phillips est le seul Anglais à avoir décroché le Soulier d’or européen, saison 1999–2000, sa toute première en Premier League (30 buts en PL, 36 en tout, battant ainsi le record du club du nombre de buts marqués en une saison, détenu par Brian Clough, 34 réalisations en 1961-62). Rodney Marsh, à l’époque consultant TV éclairé, avait déclaré en début de saison : « Je ne vois pas Phillips marquer plus de six buts. »

    Eté 1997, Phillips, un quasi inconnu, est transféré de Watford (D3) à Sunderland (D2) pour 325 000 £. C’est chez les Black Cats que cet attaquant de poche va exploser. Il forme un duo détonant avec Niall Quinn (1m93) avec lequel il développe une entente quasi télépathique, grâce également aux services de Nicky Summerbee et Allan Johnstone sur les ailes. Il claque 134 buts en six saisons (record du club depuis Gurney et Carter dans les années trente). Huit capes seulement avec les Three Lions, même total que le grand Matt Le Tissier. Soit à peine plus que James Beattie et moins que Geoff Thomas ou Andy Sinton… Tragique.

    http://en.wikipedia.org/wiki/Kevin_Phillips_(footballer)

    http://www.dailymail.co.uk/sport/football/article-2614999/Kevin-Phillips-path-Europes-deadliest-goal-scorer-England-international.html

    http://www.theguardian.com/football/blog/2014/apr/28/kevin-phillips-size-retires-leicester-sunderland

  8. Antonio dit :

    Merci pour cette épopée footballistique !

    Mais, en fait, en vrai, ce gars, il a jamais existé, c’est pas possib’…?!

  9. ALGDCM dit :

    Merci Kevin !

  10. The Fab One dit :

    Flamboyant sur et hors des terrains, finalement il n’y avait pas que les rock stars à mettre de l’ambiance à cette époque. Quoique la tradition se perpétue quand même un peu si on en croit Crimewatch #2…
    C’est pour ce genre de portrait que j’aime régulièrement venir jeter un oeil sur Teenage Kicks.

  11. jean-noël polet dit :

    Merci infiniment pour cette histoire qui respire la passion. J’ai lu quelques articles sur les frasques de Georgie Best ou de Gascoigne, j’ai entendu de source sûre les errements des joueurs belges pendant la coupe du monde en Espagne mais, avant de lire cette histoire, je n’avais jamais entendu parler de Robin Friday. Toutes les disparitions mystérieuses et les réapparitions triomphales donnent au personnage une épaisseur digne de plus grandes tragédies et j’attends le film avec impatience. Votre récit nous a vraiment touchés

  12. GWorst dit :

    Bon, un peu à bout de superlatifs, donc simplement merci pour ces portraits des déjantés fameux d’outre-manche dont la réputation n’a hélas jamais franchi le channel.

  13. PAGIS dit :

    Bonjour, et merci infiniment pour cette somme impressionnante. cette histoire est totalement ignorée de la plupart d’entre nous.
    J’avais une question de vocabulaire, vous employez souvent le terme ‘savater’. Quel est le mot anglais correspondant? Ca n’apportera rien au schmilblick, c’est juste histoire de bien visualiser les types de tacle pratiqués à l’époque (les deux pieds décollés, à la carotide, par derrière, etc…)
    Thank you again.
    PAGIS

  14. Kevin Quigagne dit :

    @ Pagis.

    SAVATER/TATANER : to kick (out), to clatter, to hack (at), to boot, to clobber, (vieilli) to clog.

    Exemple :

    Il m’a savaté les chevilles tout le match : he hacked at my ankles all game long.

    SE SAVATER : se savater
    ferme/joyeusement : to kick/knock/rip/take lumps out of each other.

    Exemple (Google) : « Twenty-two skilful players kicked lumps out of each other. In the modern game, only the keepers would have managed to avoid red cards. »

    Par exemple, Lee Cattermole (Sunderland) est surnommé « Clattermole » car il savate beaucoup (il n’a que 26 ans – 9 saisons PL – mais s’est déjà chopé 7 rouges et + de 70 jaunes, 75 je crois).

  15. Christ en Gourcuff dit :

    Je me souviens vous avoir posé la question sur votre page facebook à propos de Robin Friday. Merci pour l’article!

  16. Lionel_Joserien dit :

    Série d’articles fantastique, merci une fois de plus les TK boys.
    Si cette série est une idée de Christ, oubliez ma première phrase.

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