Archive for février 2nd, 2015

Demain se disputera à Old Trafford un replay de 32è de FA Cup inattendu : Man United vs Cambridge United, l’actuel 14è de D4. L’occasion de revenir sur un succulent épisode anglo-français de l’histoire récente de Cambridge.

Il y a dix jours, les U’s tenaient superbement en échec les Red Devils dans leur vieil antre archicomble d’Abbey Stadium (8 000 places), devant les caméras de la BBC et 6 millions de téléspectateurs. Cet exploit vaudra à Cambridge United d’empocher un chèque d’environ 1,7m £ (provenant principalement de la moitié de la recette d’Old Trafford demain), soit un quart de plus que leur masse salariale et les deux tiers de leur budget 2014-15 (hors gains FA Cup).

Outre cette manne fort bienvenue, la mini épopée remontera le moral des supps de la Amber Army souvent en berne depuis 2004. Dix longues années de purgatoire en D5, dans l’anonymat de la non-League, après avoir été placé en redressement judiciaire et évité de peu la liquidation pure et simple.

Pourtant, les temps furent bien plus glam’ dans un passé récent. En 1992 par exemple, quand Cambridge faillit accéder à la Premier League sous la houlette musclée de John Beck, un chantre du kick and rush aux méthodes controversées. Ou début 2004, quand un célèbre duo français débarqua à l’Abbey Stadium. Un binôme attendu comme le Messie…

[L’article ci-dessous est un extrait de ma Preview de D4 2014-15, en deux parties, publiée dans Teenage Kicks fin août dernier. J’y parle notamment de l’ex Red Devil Luke Chadwick, 34 ans, revenu au bercail à Cambridge – section « Vieux de la vieille », dans la deuxième partie]

Cambridge United Till I die

En mars 2004, à la stupéfaction générale, le petit Cambridge (22è de D4 et fauché) nomme le tandem Claude Le Roy-Hervé Renard respectivement manager et adjoint. Dès le départ, c’est le flou artistique le plus total sur la nature du contrat et les attributions de chacun. Le « Sorcier Blanc » déclare à un journal local que sa nomination n’en est pas vraiment une et que sa démarche est totalement désintéressée (« C’est avant tout un contrat moral », lâche-t-il au quotidien de la ville).

Interviewé par Canal Plus, le globe-trotter explique (propos rapportés dans le magazine When Saturday Comes de mai 2011) : « Je me suis engagé avec Canal Plus et me dois de leur être loyal. Quand je me suis retrouvé libre [après une pige en Chine], j’ai dit que je serais prêt à donner un petit coup de main à Cambridge, c’est le deal entre nous. On n’a jamais parlé argent ou quoi que ce soit. J’y vais simplement pour faire un audit. »

OK, très charitable au demeurant d’aider les pauvres mais ce n’est manifestement pas ce qu’a compris le président-proprio de Cambridge, l’homme d’affaires Gary Harwood, amateur d’envolées lyriques un brin grandiloquentes : « En faisant venir Claude, nous avons recruté l’un des managers les plus respectés d’Europe, sinon du monde. C’est peut-être la nomination la plus sensationnelle de l’histoire du club. Quand nous aurons, je l’espère, assuré notre place en Football League, Claude pourra bâtir une équipe conquérante et attrayante qui visera bien plus haut. »

Dans un élan émotionnel très « Feux de l’amour », Harwood ajoute (toujours dans cet article de WSC # 291) :

« Claude m’a dit « Gary, mon coeur est à Cambridge et y sera jusqu’à ma mort« . Je crois sincèrement qu’il s’est vraiment pris d’amitié pour Cambridge United. »

Tambouille contractuelle

L’étrange attelage se poursuit encore deux mois. Renard manage l’équipe en tandem avec l’adjoint de l’entraîneur limogé, Le Roy se pointe à l’occasion mais uniquement pour les matchs, le proprio magouilleur tente de sauver le club du redressement judiciaire.
Selon les médias anglais, cet « arrangement contractuel » est censé tenir jusqu’à la fin de saison, suivi en principe d’un vrai contrat de deux ans. Détail cocasse : le salaire de Le Roy (le « contrat moral » n’était donc pas complétement philantropique) est partiellement financé par Dr. Johnny Hon, un Docteur en psychiatrie et businessman de Hong-Kong qui siège au directoire du club (il a étudié localement et s’est fait bienfaiteur des causes locales). La barque un peu bancale est finalement menée à bon port puisque le maintien est confortablement assuré, Cambridge finissant 13è.

Renard, à l'Abbey Stadium contre York City, en avril 2004

Renard, à l'Abbey Stadium contre York City, en avril 2004

Nul besoin d’être Grand Maître en art divinatoire pour deviner la suite. La saison à peine terminée et sentant probablement une implosion proche, Le Roy reprend sa bourlingue, direction le Congo. « Je n’étais là que pour aider mon ami Hervé Renard », confie-t-il à un canard local. Bizarrement, il se repointera en novembre 2004 pour diriger un entraînement avant un match de FA Cup ; Renard est nommé entraîneur en mai 2004 mais, après un bon début, est licencié mi décembre 2004 (Cambridge est 23è) ; le club vend son stade 1.9m £ en lease-back pour payer ses dettes (et en devient donc locataire, à 200 000 £/an) ; le club est placé en redressement judiciaire en avril 2005 ; le psychiatre de Hong-Kong démissionne du directoire ; Cambridge finit 24è et descend en D5 où il végétait jusqu’à la saison passée. Welcome back en Football League à Cambridge United donc.

Toujours en proie à des problèmes de trésorerie, les U’s ont dû décrocher leur sésame aux play-offs. On aura donc Oxford et Cambridge en D4 cette saison (une première depuis dix ans). Si ça ne devrait pas trop faire bander footballistiquement parlant, ça relèvera le niveau intellectuel de la division, au moins sur le papier.

Kevin Quigagne.