Robin Friday (1952-1990), terrassé par un arrêt cardiaque dû à une overdose d’héroïne, aurait pu être un grand du football anglais. Au lieu de ça, il a été son enfant terrible le plus givré.

Lire intro ici.

[REP = Reading Evening Post]

The greatest footballer you never saw: THE ROBIN FRIDAY STORY

MAURICE EVANS, entraîneur à Reading : Je suis arrivé en juillet 74. Charlie [Hurley], le manager, m’avait beaucoup parlé de Robin, donc pour notre première séance d’entraînement début juillet, j’avais hâte de le rencontrer. Mais pas de Robin. Apparemment, il avait subi une opération chirurgicale pour se faire enlever des tatouages à la main et il portait un plâtre, mais personne savait où il était. Charlie est alors arrivé en s’écriant : « On l’a retrouvé ! Il a passé l’été dans une commune hippie en Cornouaille. Il est en route pour Reading. » Quelques jours après, on l’a aligné en amical contre Watford. Il n’avait pas touché un ballon depuis six semaines, et vous imaginez dans quel état il était dans les Cornouailles. Et ben, il a totalement éclaboussé ce match de sa classe. J’avais du mal à y croire… C’était un type incroyable.

REP, 12 juillet 1974

… Le monde du football s’est réveillé ce matin avec une nouvelle qui fait l’effet d’une bombe : Bill Shankly vient de démissionner et a décidé de prendre sa retraite.

[…] Reading Football Club a annoncé une perte de 16 000 £ sur l’année dernière. La dette du club s’élève désormais à 79 000 £.

REP, 24 juillet 1974

… Le manager Charlie Hurley dit placer beaucoup d’espoir en Robin Friday, cet attaquant arrivé en janvier et qui a eu un fort impact.

Ailleurs, surprise dans le petit club de Dunstable qui vient de recruter… George Best ! Ce dernier a déclaré : «  Tout ce que je veux, c’est de jouer au football, et c’est ce que Dunstable me permet de faire. » Barry Fry, le jeune manager du club, est ravi : « Incroyable, Dunstable a fait signer George Best ! C’est encore mieux que d’avoir Frank Sinatra qui chante à la mi-temps ! »


Barry Fry, un manager déjanté bien dans la lignée des Seventies

MAURICE EVANS : Charlie me dit : « Il faut absolument qu’on fasse déménager Robin à Reading, pour pouvoir le surveiller et avoir une idée de ce qu’il fait. » Je lui réponds : « Je sais pas si c’est une bonne idée, avec tous ces imbéciles qui traînent en ville, il suffit qu’il les fréquente et c’est terminé. »

ROD LEWINGTON, ami : C’est vrai qu’à l’époque y’avait une tripotée de sacrés numéros à Reading et ils idolâtraient tous Robin.

CHARLIE HURLEY, manager de Reading : On lui avait trouvé un appart tout près du club et on avait élaboré un plan pour qu’il se tienne à carreau et n’ait pas trop d’argent à claquer en ville. On retenait directement le loyer, les charges et les factures sur sa paye, si bien qu’il lui restait plus grand chose pour sortir. Mais ça changea rien car il était si populaire que plein de gens lui prêtaient de l’argent sans trop chercher à le récupérer.

ROD LEWINGTON : Il y avait aussi un tas de types qui profitaient de lui, pas dans le sens financier, mais de sa notoriété. Ils l’embarquaient souvent dans des tournées des grands ducs interminables et lui, il manquait de volonté pour refuser.

Il va sur la piste de danse, enlève son pantalon, et là, surprise : il était à poil. Il ne portait qu’une paire de bottes. Incroyable. Des fois, il prenait une nana dans la boîte, se trouvait une petite salle mitoyenne et ils baisaient.

REP, 6 août 1974

Reading 1 – Portsmouth 0

… Match amical durant lequel Friday a raté quelques belles occasions, mais on peut dire que sans lui le spectacle serait bien triste.

JOHN MURRAY, joueur : Moi, j’ai été viré de mon ancien club, Burnley, j’avais cassé la figure du manager là-bas et Charlie Hurley m’a récupéré – il devait avoir un faible pour les gars comme nous.

MAURICE EVANS : Robin était toujours fauché. Je n’arrêtais pas de lui prêter de l’argent, mais il me remboursait toujours.

ROD LEWINGTON : Le problème de Robin, c’est qu’il était trop généreux. Il donnait de l’argent à tout le monde et ne cherchait jamais à le récupérer.

MAURICE EVANS : Ses potes étaient bien barjots aussi, y’avait de sacrés timbrés, des chauffeurs de taxi aussi, qui l’emmenaient partout, le sortaient en boîte. Ils lui faisaient rencontrer des filles, ou carrément le mettaient direct dans un placard avec une nana et ils les laissaient faire leur truc.

ROD LEWINGTON : A l’époque, y’avait Churchill’s, la boîte la plus ringarde que Reading ait jamais eue, un truc super glauque. En fait, c’était une salle au-dessus d’une banque avec juste un comptoir et le minimum absolu pour fonctionner, une piste de danse et des cassettes pour la musique. C’était vraiment un endroit d’une nullité inégalée mais on pouvait y picoler toute la nuit. Tous les mecs qui se retrouvaient au Churchill’s étaient interdits d’entrée partout ailleurs. Un jour on y va avec Robin, après une séance au pub. Robin portait un long manteau et des hobnail boots [sorte de godillots militaires/Doc Martens avec crampons/clous à bouts arrondis – pour faire durer la semelle, ci-dessous].


La tenue de soirée de Robin Friday

Il se met sur la piste de danse, enlève son pantalon, et là, surprise : il était à poil. Il ne portait que ces pompes. Incroyable. Des fois, il prenait une nana dans la boîte, se trouvait une petite salle mitoyenne et ils baisaient. Nous, on se mettait devant la porte pour qu’ils soient pas dérangés. C’était le seul club de la ville qui fermait les yeux sur ce genre de chose.

JOHN MURRAY : Je me souviens que la première chose qu’il a faite en emménageant près du stade fut de repeindre tout en noir. Il disait que y’avait rien de pire que d’être défoncé et de devoir mater des motifs papiers peint plus étranges les uns que les autres.

REP, 17 août 1974

Reading 2 – Cambridge 0

… Superbe match de Robin Friday, qui, comme à habitude, a régalé l’assistance avec sa technique exceptionnelle.

REP, 24 août 1974

Rotherham 2 – Reading 1

… Belle tête de Robin Friday mais son but n’a pas suffi. Bien trop esseulé en pointe.

SYD SYMMONDS, ami : Robin était branché Heavy Metal, surtout le Alex Harvey Band et Led Zeppelin. Dès que t’allais chez lui, même à trois heures du matin, il te mettait ça super fort. Le voisin était un vieux type de presque 80 ans, Bill Smith, un ancien jardinier du Reading FC. Le pauvre, il a morflé, on lui a tout fait. La zique à fond, les gens qui tambourinaient à la porte à toute heure, les nanas qui balançaient des pierres sur les fenêtres… Pauvre vieux quand même.

REP, 2 septembre 1974

Reading 3 – Northampton 2

… But de Dick Habbin, superbement amené par Robin Friday.

REP, 7 septembre 1974

Scunthorpe 0  – Reading 1

… Tête victorieuse de Robin Friday, qui sort un énorme match. C’est son troisième but d’affilée.

REP, 9 septembre 1974

… Charlie Hurley a démenti que Sheffield United [haut de tableau de D1] a fait une offre pour s’attacher les services de Robin, supervisé pour la sixième fois par United cette saison. Toutefois, Friday n’est pas à vendre et s’il l’était, Reading en demanderait une forte somme, minimum 100 000 £.

MAURICE EVANS : Quand on jouait dans le nord de l’Angleterre, on se retrouvait parfois à la gare de Euston à Londres. Une fois, il s’est pointé en jean, avec bottes montantes en crocodile, t-shirt Deep Purple et rien d’autre, absolument rien. Quand on descendait à l’hôtel, les gens le regardaient et disaient « Mais c’est qui ce type ? »

CHARLIE HURLEY : Il essayait de suivre mes conseils, mais il y arrivait pas, son tempérament sauvage et indomptable le dominait. Il adorait boire, il était beau donc j’imagine qu’il avait pas trop de problèmes avec les filles. Ses fréquentations étaient folklos aussi !

MAURICE EVANS : Robin adorait les gens. C’était génial d’être avec lui, et comme c’était une vedette sur Reading, tout le monde voulait l’approcher. On a essayé de le protéger, de lui dire : « Ecoute Robin, prends conscience de tes qualités hors normes et de ta technique monstrueuse, ne sors pas autant, soigne ta forme et tu pourras signer n’importe où. » Mais lui, il nous regardait en se marrant et nous disait : « Putain, mais vous plaisantez ou quoi. M’entraîner tous les jours, faire des tours de terrain sans arrêt, ça m’intéresse pas. Si tu me donnes un ballon, je te fais ce que tu veux, mais bosser comme un dératé, pas question. »

REP, 12 septembre 1974

Reading 4 – Rotherham 2

… Bertie Mee, manager d’Arsenal, était à Elm Park hier soir et, selon un dirigeant des Gunners, il était là pour observer Robin Friday ou Dick Habbin. Superbe prestation de Robin Friday, notamment sa percée de la 11è minute, suivie d’une talonnade-passe qu’Henderson transforma en but.

REP, 14 septembre 1974

Reading 3 – Newport 0

… Superbe performance collective de Reading et but de Friday, son sixième cette saison. Habbin et Friday sont en tête du classement des buteurs. Un supporter a téléphoné au Evening Post jurant qu’il incendierait le stade si jamais le club vendait Friday !

REP, 14 septembre 1974

Reading 1 – Crewe 1

… Robin Friday s’est blessé à la cheville, on craint une fracture.

SYD SIMMONDS : Robin ne portait jamais de protège-tibias. Il sortait du vestiaire mal fagoté, chaussettes en berne après cinq minutes de match, tout débraillé, cheveux longs avec des tatouages Mild et Bitter [types de bière] sur sa poitrine.

REP, 20 septembre 1974

… Plus de peur que de mal, la blessure de Friday à la cheville est superficielle.

REP, 26 septembre 1974

… Chester 2 – Reading 0

Match plein de Friday mais insuffisant (il rate notamment une belle occasion), sous les yeux du manager de Liverpool, Bob Paisley, qui avait fait le déplacement pour observer Friday après avoir envoyé un émissaire à Elm Park en début de saison.

Friday à Liverpool avec Bob, ça aurait eu de la gueule !

Friday à Liverpool avec Bob, ça aurait eu de la gueule !

REP, 30 septembre 1974

Reading 4 – Southport 1

… Robin Friday, le roi des buteurs de Reading, est accusé de se comporter égoïstement envers le club et les supporters et de désavantager son équipe par ses fautes stupides qui entraînent des cartons. Il a déjà accumulé douze points disciplinaires et sera suspendu les deux prochains matchs, ce qui est malvenu pour le club qui vise la montée en D3, devenue impérative. Friday compte déjà neuf buts en championnat cette saison et RFC a plus que jamais besoin de lui pour atteindre ses objectifs. Il est à noter cependant que la réaction théâtrale des joueurs de Southport ne les honorent pas. Sur le coup de coude de Friday, le gardien s’est écroulé comme s’il venait d’être fusillé et quand Friday a mis un petit uppercut inoffensif sur le menton de Johnson (pour plaisanter), ce dernier a tout fait pour faire expulser le Royal.

CHARLIE HURLEY : En fait, Reading n’avait besoin que d’un avant-centre à cette époque : Robin Friday. A lui seul, il pouvait éliminer cinq joueurs. Jouer contre lui était un cauchemar et ces gars-là supportaient pas la façon insolente qu’il avait de mystifier ses adversaires. Et le pire truc en foot, c’est de jouer en ayant l’air de se foutre de l’adversaire.

REP, 1 octobre 1974

Rochdale 0 – Reading 2

… Une foule d’observateurs et de managers connus ont assisté au superbe match de Reading hier soir. Parmi les intéressés, il y avait les managers d’Aston Villa, de West Bromwich Albion, Manchester City, Coventry et le responsable de la cellule de recrutement de Leeds. Dick Habbin et Robin Friday, les deux joueurs observés, ont brillé dans ce qui était avant tout une belle performance collective. Reading est leader du classement.

Liverpool, Leeds, Arsenal, Aston Villa, Man City, Wolves, Sheffield United, Coventry… Un tas de clubs de D1 s’intéressèrent à Robin Friday mais sa réputation effrayait.

MAURICE EVANS : Je me souviens qu’un jour, on jouait contre Crystal Palace et Robin réalisait des trucs pas possibles sur le terrain. Terry Venables [alors manager de Palace] n’arrêtait pas de dire sur le banc d’à côté : « Mais putain, c’est qui ce mec ? » Venables voulait absolument le recruter, mais Palace était fauché et ils voulaient faire un échange de joueurs.

REP, 14 octobre 1974

Reading 1 – Shrewsbury 2

… Deuxième défaite d’affilée pour Reading. Il a été confirmé que chaque joueur recevra 60 £ de prime (car Reading reste dans le top four), et ce malgré la médiocre prestation des joueurs contre Shrewsbury.

DAVID DOWNS, historien du club : Un de mes amis jouait avec Robin à l’époque et c’est vrai que certains de ses coéquipiers ne l’aimaient pas trop, surtout des gars qui ne sortaient ou ne buvaient jamais, ils ne comprenaient pas son lifestyle.

CHARLIE HURLEY : Le truc avec Robin, c’est qu’il était incroyablement naturel, avec tout le monde. Je me souviens que quand le président du club ou les membres du directoire venaient dans les vestiaires, c’était tordant. T’avais Robin qui s’adressait à Sir Ernest Harrison [une huile] comme si c’était un vieux pote à lui, du style « Salut Ernie, ça roule ? » Lui et l’étiquette, ça faisait deux.

REP, 26 octobre 1974

Reading 0 – Barnsley 3

… Cinquième match de Reading sans victoire, la montée s’éloigne. Robin Friday ne jouait pas (grippe).

JOHN MURRAY : Le vendredi matin, je ramenais Robin chez lui en voiture. Y’avait toujours un tas de gens qui allaient et venaient, j’y comprenais rien. Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il était fauché en permanence.

SYD SIMMONDS : S’il n’y avait aucun match en semaine, la plupart du temps, on picolait tous les jours et ensuite on sortait en boîte. Mais à partir du jeudi matin, il arrêtait la boisson. Un soir, en rentrant du pub, il me dit : « J’ai une surprise pour toi, une bonne pastille d’acide. On va se faire une super soirée. » Mais je lui ai répondu que je touchais pas à ça. Il a insisté en rigolant, pour lui c’était la routine, un moyen comme un autre de s’éclater.

REP, 18 novembre 1974

… Robin Friday écope de deux matchs de suspension devant le comité de discipline de la FA.

REP, 6 décembre 1974

… Le salaire moyen national est de 50 £ par semaine. Le prix d’une maison sur Reading est de 15 000 £.

REP, 6 janvier 1975

Crewe 1 – Reading 0

… Quatrième défaite d’affilée de Reading qui dégringole à la 12è place.

REP, 3 février 1974

Reading 3 – Workington 0

… Le plus beau succès depuis trois mois, dont un but tout en opportunisme et détermination de Robin Friday pour son cinquantième match avec les Royals. Mais une nouvelle fois, il a été salement malmené par ses adversaires.

REP, 8 février 1975

… Margaret Thatcher devient leader des Conservateurs et la première femme à diriger un parti politique britannique.

CHARLIE HURLEY : L’une des raisons pour lesquelles Robin et moi on s’entendait si bien c’est que j’étais toujours franc avec lui. Il me demandait souvent mon avis sur sa prestation, car il adorait parler. Il m’arrivait de lui dire qu’il avait été nul à chier. Il me répondait : « Mais j’ai été meilleur qu’untel quand même. » Je lui rétorquais qu’il ne devait jamais se comparer à Pierre, Paul ou Jacques. Souvent, il était difficile à gérer, et je pense qu’il fallait être irlandais comme moi pour gérer Robin !

DAVID DOWNS : Honnêtement, avant l’arrivée de Robin, Reading était un club très quelconque. A lui seul, il a transformé l’image du club. Une quantité formidable de gens l’idolâtrait, beaucoup de gens se rendaient spécialement à Reading juste pour le voir, il a fait venir beaucoup de monde.

REP, 28 février 1975

Northampton 0 – Reading 3

… Plus belle victoire à l’extérieur depuis quatre ans. Friday, blessé, fut remplacé à la 78è, pour la première fois depuis son arrivée au club.

REP, 19 mars 1975

Cambridge 1 – Reading 1

DAVID DOWNS : Je me souviens de ce match contre Cambridge, Robin s’était battu avec Brendan Batson [l’un des rares joueurs noirs de l’époque, qui deviendra célèbre à West Bromwich Albion, Nda]. Ron Atkinson manageait Cambridge et il aurait demandé à Batson de casser les jambes de Robin. Bon, à la fin du match, Robin et Batson se sont serrés la main et Robin lui a dit : « Sans rancune hein, j’ai rien contre les Noirs. Je suis mariée à une Noire. » Je crois que ça a déconcerté Batson d’entendre ça.

Batson, l'un des rares Noirs de D1 des Seventies, où le racisme gangrénait le football anglais

Batson, l'un des rares joueurs noirs de D1 à la fin des Seventies, une époque où le racisme gangrénait le football anglais

MAURICE EVANS : Le public adorait Robin et lui, ça lui donnait encore plus d’audace pour tenter des trucs improbables. Mais il ignorait totalement les consignes, il allait où bon lui semblait sur le terrain. Le seul truc que j’ai vraiment essayé avec lui c’est d’améliorer sa condition physique. Il n’aimait pas ça ! Il détestait courir, il pensait que ça ne servait strictement à rien.

REP, 3 avril 1975

Reading 3 – Exeter 1

… Superbe victoire de Reading. Friday malmené dès le coup d’envoi mais magnifique performance de sa part. Il marque son 17è but en championnat. Par ailleurs, Reading FC a annoncé que le club refuserait l’entrée du stade aux hooligans. Cette décision s’inscrit dans le cadre de la lutte contre le vandalisme.

SYD SIMMONDS : Robin dépensait beaucoup en chaussures, surtout dans ces bottes en croco, il en était dingue, il lui arrivait de claquer 100 £. Il allait les acheter sur King’s Road. Ça et les jeans, il ne portait que ça, tous les autres joueurs portaient l’uniforme du club, veston classe et pantalon gris, sauf Robin.

JOHN MURRAY : Je me souviens d’une fois où on revenait en train d’un match de coupe disputé dans le Nord-Est et l’équipe de West Ham était aussi dans le train ; y’avait Frank Lampard [senior], Clyde Best, Pat Holland et quelques autres. Je discutais avec Steve Death et les joueurs de West Ham au buffet du train quand soudain, Robin entre dans le wagon. Il avait une de ces touches ! Cheveux longs ébouriffés, blouson en cuir, t-shirt noir et jean. Et là il me dit : « John, paye-moi un putain de coup s’il te plaît. » Un des joueurs de West Ham me sort alors : « Putain de supporters, ils s’incrustent partout ! » Steve Death se tourne vers lui et lui fait : « Euh, en fait, c’est notre avant-centre. »

A suivre.

Dans la même série TK des grands tarés du foot british :
Lars Elstrup
Chic Charnley

8 commentaires

  1. Pablo dit :

    J’aurais adoré être dans le train ce jour là!

    merci pour ce 3e opus.

  2. Banco dit :

    Ah, ah, excellent ! Vivement la suite.

  3. L.titou dit :

    Promotion du metissage, de l’antiracisme, de la debauche spirituelle physique et sexuelle, de la paresse et de l’individualisme…
    Robin Friday le meilleur ami de l’Empire !
    Mais merci quand meme !

  4. Kevin Quigagne dit :

    Merci à vous.

    A sa façon oui, Friday a contribué à faire passer un message antiraciste et Dieu sait que le football et la société anglaise avaient bien besoin de ces signes d’ouverture, le racisme était fortement ancré dans les mentalités et s’exprimait de façon « débonnaire ». Si un Dupont Lajoie anglais avait été réalisé, on l’aurait probablement tourné dans un stade…

    Et c’est aussi sous cet angle que ce livre est intéressant, il raconte les Seventies et retrace anecdotiquement l’avancée cahin-caha du multiculturalisme. Par exemple, l’incident entre Friday et Brendon Batson dans l’article. Batson, le coéquipier de Laurie Cunningham et Cyrille Regis à WBA, les fameux Three Degrees, personnages ô combien emblématiques de l’époque (hautement ironique que ce soit Ron Atkinson qui leur permit d’éclater au plus haut niveau mais passons). Clyde Best (West Ham) est également cité dans l’épisode du train, il fut aussi un trailblazer.

    Ces gars-là ne firent pas que pousser un ballon ; ils essuyèrent les plâtres, ils taillèrent la route, ils servirent de role models, d’inspiration, aux Viv Anderson, Garth Crooks, John & Justin Fashanu, Ian Wright, Paul Ince, Les Ferdinand, etc. Il y en a beaucoup d’autres bien sûr, c’est une trame extrêmement riche.

    On ne peut évidemment aborder ce sujet, même brièvement, sans mentionner Albert Johanneson, destin tragique qui s’inscrit tristement bien dans la société anglaise des 60’s aux 80’s, mais on en reparlera l’automne prochain, voir plus bas.
    Si le sujet vous intéresse, lisez absolument The Black Flash, sorti en 2012, sur la vie et carrière de Johanneson, l’Angleterre et le Leeds ville & club de l’époque, etc. fascinant. Il est déplorable que son histoire, dans toute son horreur, n’ait réellement été révélée au grand jour que très récemment (alors que le livre fut écrit dans les années 80 & 90 – frilosité des
    éditeurs ? Sentiment que le bouquin n’aurait intéressé personne y’a 10 ou 15 ans ? Possible, surtout si l’on considère le terrible retard enregistré pour visiter ou revisiter ce passé qui ne resurgit véritablement des limbes de l’oubli que depuis quelques années – récents livres et autobios -, principalement grâce à des groupes d’historiens du football britannique et des ex footeux qui ont enfin trouvé un éditeur souhaitant publier leur histoire, cf le cas Andrew Watson, on en reparlera. Prise de conscience tardive mais elle s’est faite, c’est bien là l’essentiel).

    Pendant longtemps, L’Angleterre a préféré ignorer ces pans peu glorieux de son histoire. A la décharge du football anglais, la période des 90’s fut essentiellement une phase de reconstruction (naissance PL), tournée vigoureusement vers l’avenir. On voulut effacer le passé, racisme inclus. La décennie suivante, surtout vers la fin fut bien plus introspective,boostée par le succès du nostalgia business et d’une certaine appétence pour l’histoire, le passé.

    Un retard symbolisé par exemple par Ivan Ponting, écrivain anglais auteur de + de 50 livres sur le football, journaliste à The Independent et célèbre nécrologue. Voici ce qu’il écrivait ceci dans sa nécro du 2 octobre 1995 sur A. Johanneson, http://www.independent.co.uk/news/people/obituary-albert-johanneson-1575592.html (texte ensuite publié, sans retouche, dans des livres de nécros jusqu’à aujourd’hui – dont The Book of Football Obituaries d’Ivan Ponting sorti en août 2012) :

    « Ensuite [vers 1961-64], Johanneson s’acclimata bien, sur le terrain comme dans la vie. […] Les incidents à caractère raciste étaient extrêmement rares. […] C’etait comme si sa confiance, aspect toujours fragile chez lui, avait été sévèrement ébranlée.»

    Ces quelques phrases dénotent une méconnaissance de la carrière et vie d’Albert Johanneson confinant au mépris. Il dénote aussi la profonde ignorance du vécu des footballeurs noirs et métisses dans l’Angleterre ère pré-Premier League. Il sonne aussi comme un refus de regarder la vérité en face.

    Non, Johanneson ne s’acclimata jamais à sa vie anglaise. Non, les incidents à caractère raciste n’étaient pas « extrêmement rares », ils étaient incessants, sur le terrain comme dans la vie (cf The Black Flash). Et non la confiance d’Albert Johanneson n’était pas fragile, elle avait une limite, comme tout un chacun.
    Johanneson fut le premier Noir à subir de plein fouet un racisme quasi permanent, dans les stades, dans la rue ou dans les commerces. Peu de monde l’écouta, on préféra ignorer ses souffrances et évoquer un « mental fragile » pour expliquer ses mauvaises performances et son déclin, comme le fit son manager Don Revie avec sa dureté légendaire.

    Cette profonde mutation de la société britannique dans les 60’s et 70’s va exposer son sinistre underbelly, cette face sombre que des partis politiques et mouvements divers commencèrent à exploiter dans les années 60 (parti Conservateur) et milieu années 70 (National Front, dans le football ; il y a des raisons bien spécifiques à cela, si ça vous intéresse, je vous en dirais plus).

    Si le foot british est aujourd’hui considéré comme le plus grand melting-pot footballistique de la planète (une centaine de nationalités sont représentées dans le football professionnel britannique cette saison), une certaine Grande-Bretagne du football a longtemps été hostile aux Non-Whites, tout au long du XXè siècle. On pense souvent (erronément) que le racisme en G-B ne surgit qu’avec l’émergence de joueurs noirs ou métisses au sortir des Sixties.
    Pourtant, ce poison avait réellement commencé à se manifester presque 100 ans auparavant, puis il procéda par petites touches hideuses jusqu’aux années 60, avant de se généraliser à partir des années 70, largement porté par la montée du hooliganisme et l’infiltration du National Front dans le football.

    Des dizaines de joueurs noirs ont terriblement souffert du racisme à cette époque, des vies et des carrières ont été bousillées à cause de cela, et un grand nombre de carrières n’ont jamais pu voir le jour à cause de cela. L’idée même de jouer au foot pour un jeune Noir était effrayante. Idem pour les supporters, rares étaient les Non-Blancs qui s’aventuraient dans les stades.

    Il ne s’agissait pas que de racisme pur et dur, tout un tas de clichés et stéréotypes toxiques circulaient sur le joueur noir/métisse/non-blanc (déjà depuis Arthur Wharton, circa 1890*) : personnage flambeur, inconstant, peu fiable, nonchalant, couard, stupide, au mental suspect, piètre défenseur (d’où l’abondance d’attaquants noirs à l’époque), un type qui rechigne au combat, qui ne s’adapte pas aux terrains boueux ou aux ambiances hostiles, qui ne supporte pas le froid, etc.

    De toute manière, gros dossier sur ce sujet dans TK à l’automne prochain (déjà bien avancé, il devait sortir en février et s’étaler sur plusieurs mois – entrecoupés d’articles sur autres sujets – mais j’ai été totalement indisponible en février & mars et n’ai pu m’en occuper. Il sortira donc à partir d’octobre/novembre, Inch Allah).

    [*Ce qui renvoie évidemment aux théories fumeuses du « racisme scientifique », utilisées à l’envi par les puissances coloniales au XIXè siècle]

  5. Pablo dit :

    Merci pour ta prose ci dessus. Du coup une question, un peu naïve peut-être:
    un jour, en se baladant dans les rues de Manchester, avec un pote pakistanais (supporter d’Arsenal lui aussi, personne n’est parfait), on a remarqué de jeunes pakistanais jouant au foot, chose rare à mon sens; ils étaient trois, avec une petite balle (type ballon de hand). Je lui ai demandé pourquoi il n’y avait pas plus de joueurs pakistanais jouant au foot en Angleterre, malgré la forte immigration au sein de l' »Empire ». Il me répondit qu’il n’en savait rien mais que le plus probable était sûrement que le sport roi au Pakistan était le cricket et que de ce fait, même immigrés, les pakistanais- même à la Xe génération- ne s’intéressaient pas au foot. La question ne m’avait que moyennement convaincu mais je n’y ai plus repensé depuis.

    As-tu une réponse à cela? As-tu déjà traité le sujet? Le racisme est-il à mettre en cause, entre autre? Peut-être que je me fourvoie cela dit…

  6. Pablo dit :

    (pour éviter tout malentendu sur mes propos ci-dessus: par joueurs pakistanais, j’entends britanniques d’origine pakistanaise. CQFD)

  7. Kevin Quigagne dit :

    Ah, cette fameuse question des « Asians » dans le foot britannique…

    (British Asian dans ce contexte = d’origine du Sous-continent, c’est à dire principalement Inde, Pakistan et Bangladesh, soit 3 millions d’Anglais – sur 53m d’habitants, + de 4 millions si on compte les Asians non britanniques. Ils vivent à 90 % dans une douzaine de villes anglaises. On va parler d’Angleterre ici car populations très minoritaires en Ecosse, PdG et IdN, à peine 100 000 British Asians dans ces trois pays, principalement à Glasgow et Cardiff).

    Non, je n’ai jamais traité ce sujet ici dans TK (par manque de temps, des p’tites conneries comme la saga Robin Friday par exemple sont très chronophages) mais on en avait longuement débattu dans le forum en janvier 2010 en faisant référence notamment au site indianfootball.com qui proposait de bons articles sur ce sujet, malheureusement site disparu et articles avec. On en reparlera peut-être à l’automne, vous verrez.

    Question plus complexe qu’elle n’y paraît. Je vais tâcher de retrouver mes écrits sur ce sujet (le forum ne remonte pas aussi loin). Au cours de cette discussion de forum, j’avais dégoté une excellente série radio de la BBC là-dessus et je l’avais synthétisée pour les besoins de la discussion. Je dois toujours l’avoir dans mes archives, j’essaierai de retrouver ça sous dix jours.

    En attendant, quelques articles Net sur le sujet qui contiennent beaucoup d’éléments de réponse sur ta question :

    http://bit.ly/1rrP9Ka

    http://ind.pn/1jNfDlg

    http://bbc.in/1lQegVn

    http://dailym.ai/1lQe5JE***

    [*** Zesh Rehman, international pakistanais, est le premier Asian à avoir été titularisé en Premier League. Au même moment, un autre Asian émergeait : Michael Chopra – de mère anglaise. Il y a une douzaine d’années, Chopra fut un réel espoir du football britannique et vu sa notoriété, bien supérieure à celle de Rehman, on espérait qu’il réussisse et serve de « role model » pour la communauté Asian mais non… Sunderland le recruta pour 5 millions £ en 2007. Malheureusement, des blessures et problèmes extra-sportifs très couverts par les médias – addiction aux jeux/paris, dettes, divorce médiatisé après 5 semaines d’un mariage vendu aux mags people, etc. – ont totalement flingué sa carrière. Végète sur le banc de Blackpool tout en s’embrouillant avec les Oyston, propriétaires, http://bit.ly/1ijJkhi. Récemment mêlé à une sordide affaire de dettes de jeu et cocaïne sur Sunderland, http://bit.ly/1lQgLae).

    Rehman a monté une fondation pour faire changer les mentalités (préjugés) et aider les jeunes Asians à jouer au football et, si possible, percer dans ce sport http://www.zeshrehmanfoundation.org/).

    Par ailleurs, puisque tu t’intéresses à cette question, je te conseille cette émission BBC (diffusée y’a un an environ) :

    http://www.youtube.com/watch?v=aZb3wfcFfuU

    Présentée par Clarke Carlisle, ex défenseur de Football League & Burnley en PL et ex président de la PFA (syndicat des joueurs). Carlisle est assez connu aussi pour avoir été un candidat très fort des Chiffres et des Lettres anglais, il avait dû gagner 5 ou 6 parties je crois. Depuis, on le surnomme « La plus grosse tête du foot anglais », un truc de ce style. Type très cérébral. A deux passages du docu, il évoque la question du foot Asian en Angleterre :

    – de 14’20 à 17’45, avec les Punjabi Wolves (l’un des rares groupes Asians de supps)

    – de 24’15 à 28’45, à Luton (grosse population Asian)

  8. Pablo dit :

    Miam!

    Quand tu répond tu ne fais pas semblant.

    Un grand merci!!! [Le « p’tites conneries comme Robin Friday » était ironique non? On ose imaginer le nombre d’heure passées à faire tout ça (si, en fait on s’en doute…)]

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