Archive for mars, 2014

Le football, science occulte diablement inexacte, a érigé la prophétie fumeuse au rang d’art. De quoi rendre jaloux les économistes, politologues et autres bullshitologues, longtemps les maîtres en la matière. Mais surtout de quoi faire notre bonheur.

Les fanzinards-branquignols que nous sommes aimons jouer les Madame Irma dans notre chambre de bonne, sans grand succès ma foi. Cela dit, c’est bien plus marrant quand ce sont les vrais « experts » qui se vautrent magistralement. Dans aucun ordre particulier, voici donc ma sélection des plus belles prédictions en papier mâché du football anglais.

N’hésitez pas à tenter votre chance avec le jeu-concours # 6, cadeau sympa à gagner (promis, c’est pas une boule de cristal).
Même si vous n’avez aucune idée, allez, soyez sympas et miséricordieux, donnez un nom au hasard que j’ai pas l’air d’un con avec mon jeu-concours sans participants et me retrouve avec un cadeau péteux formidable sur les bras. Si aucun vainqueur, on prendra le plus près journalistiquement ou philosophiquement (ou alphabétiquement) de la réponse. Je suis généreux, je vous donne 72 heures pour trouver quel journaliste et visionnaire français a sorti l’énormité # 6.

# 1. « On ne peut rien gagner avec des gamins. »

Alan Hansen, consultant dans Match of The Day, le 19 août 1995 au sujet de la jeune équipe de Man United, vouée à un abject échec selon lui (le clip).

19.08.1995, première journée de championnat. Un Man United acnéique (composés des Fergie’s Fledglings, les grands ados Beckham, Butt, Scholes et Neville brothers – Giggs était absent) s’incline 3-1 face à Aston Villa. A l’intersaison, trois cadres sont partis, Mark Hughes, Paul Ince et Andrei Kanchelskis. Pour quelques experts, dont le soporifique Alan Hansen, c’est la grosse cata.

Pourtant, s’il s’était creusé la cervelle un chouia, l’ex Liverpool legend se serait souvenu que les Busby Babes remportèrent le titre national avec Man United en 1956 et 57 (21 et 22 ans de moyenne d’âge !). Huit d’entre eux disparaîtront tragiquement dans le crash de Munich du 6 février 1958, sinon les kids auraient probablement continué à cartonner.

Neuf mois plus tard, Man United (24 ans de moyenne d’âge) est champion d’Angleterre et remporte la FA Cup face à Liverpool…

Quant à notre devin écossais préféré, il est malheureusement resté cloué à son fauteuil BBC de Match Of The Day encore 19 ans (avec son triste compère Mark Lawrenson*), payé 40 000 £ par émission avec notre redevance alors que la BBC a licencié des milliers d’employés depuis dix ans. Alléluia, l’an dernier, la Beeb a enfin entendu la vox populi et décidé de le congédier (il arrêtera juste après la Coupe du monde 2014 ; putain, plus que trois mois à tenir).

Hansen, c’est aussi le mec qui, juste avant l’Euro 2012, avait prédit sur le site de la BBC (ici) que l’Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal et l’Espagne atteindraient les demi-finales. Euh, plutôt duraille vu que les trois premiers cités étaient dans la même poule à deux qualifiés…

Evidemment, la phrase est devenue cultissime (Fergie s’en servira souvent pour motiver ses jeunes troupes) et a été décliné sous toutes les formes possibles et imaginables (t-shirts, merchandising, titres d’émissions de foot et fanzine, etc.).

[*Lawrenson, dit Lawro, également une ex Liverpool legend qui fait comater le peuple (éjecté du sofa de MOTD l’an dernier lui – remplacé par Alan Shearer), est aussi un fin voyant. Au début de la saison 2009-10, alors que Norwich City avait raté son début de championnat de D3, dont une raclée 7-1 à domicile contre le petit Colchester (d’ailleurs managé par… Paul Lambert, lequel désertera pour Norwich juste après ce match !), l’assommant Lawro avait eu cette illumination céleste : « Je crains pour les Canaries, je les vois descendre en D4. » Loin de dégringoler je ne sais où, Norwich aligna deux montées d’affilée pour atteindre la Premier League en 2011…].

# 2. « Mais pourquoi tu veux recruter Zidane alors qu’on a Tim Sherwood ? »

Feu le propriétaire de Blackburn, Jack Walker, à Kenny Dalglish, manager du club (été 1995). Certes, pas une prédiction pur jus mais une telle réplique aux faux airs prophétiques se devait de figurer ici.

En 1990, le magnat de l’acier et exilé fiscal Jack Walker vend sa boîte Walkersteel à British Steel pour 360m £ et rachète Blackburn Rovers, D2, son club de coeur (qu’il dirigera de Jersey), où il injecte quelques grosses pépettes.

La progression est fulgurante : montée en 1992, 2è en 1994 et titre un an plus tard, grâce notamment à son duo offensif de feu Shearer And Sutton (surnommé SAS) et Tim Sherwood, capitaine (citons aussi Colin Hendry, David Batty et Graeme Le Saux). Au printemps 1995, le Bordelais Richard Witschge, en prêt express à Blackburn, parle de Zidane à Dalglish et l’Ecossais flashe sur le duo Zizou-Dugarry. Las, quand il en cause à son boss il se prend un rateau des familles, avec, en bonus, la phrase immortelle. Zidane coûte pourtant moins que ce que Rovers a déboursé pour Sherwood en 1992 (5m £).

Pour la petite histoire, Ray Harford, l’adjoint et successeur de Dalglish en 1995-96, réessaya la saison suivante (Bordeaux atteint la finale de la C3) et faillit arracher le morceau. Les Girondins acceptèrent 5m £ pour Zidane, avant de le vendre 4m £ à la Juventus une semaine plus tard ; quant à Dugarry, il se montra trop gourmand au final (il voulait 20 000 £/semaine net, énorme salaire pour l’époque où la moyenne PL n’était que de 2 500 £/sem. et les mieux payés – Shearer, Sutton, Cantona, etc. – touchaient 10 000-15 000 £/sem. brut). Ce ne ne fut toutefois que partie remise pour voir du cador frenchie chez les Rovers, Chimbonda et Givet fouleront majestueusement la pelouse d’Ewood Park une bonne décennie plus tard.

# 3. « On ne fera jamais rien avec une équipe de James Milner. »

Graeme Souness, 20 avril 2005, déclaration au Daily Mirror.

L’ex hardman de Liverpool manage alors Newcastle United et Milner, 19 ans et acheté 3m £ à Leeds neuf mois plus tôt, a été discret avec les Mags (mais avec seulement 6 titularisations, guère étonnant que ce joueur très prometteur ne puisse s’épanouir). L’Ecossais a succédé à Bobby Robson et veut inverser la politique jeune du club – les Jenas, Bramble, etc. surnommés les « Bobby Babes » – en achetant de l’expérimenté et du vieux grognard.

Depuis, pour un loser, on peut dire que Milner (28 ans) a fait du chemin : 46 capes Espoirs, 45 capes Seniors avec les Trois Lions, champion d’Angleterre 2012 avec Man City et j’en passe. Quant à Souness, il a fini par trouver refuge sur Sky après une piètre carrière de manager (soyons quand même fair-play, le mec a failli recruter Ali Dia, il a planté le drapeau de Galatasaray sur la pelouse du Fener et il a viré Déco à Benfica pour le remplacer par Marc Pembridge. Alors rien que pour ça : Respect).

La citation de Souness ci-dessus est un résumé de l’originale, un peu longue pour mettre en exergue mais que voici :

« Même si j’adorerais manager ce club pour longtemps, je ne me vois pas faire de vieux os si je commence à bâtir une équipe de James Milner. Sans vouloir être critique à son égard, on ne construit pas une équipe avec des jeunes de 18 ou 19 ans. Ce ne sont pas eux qui vont me faire garder mon boulot. »

# 4. « Kevin Phillips aura du mal à marquer six buts cette saison. »

Rodney Marsh, consultant Sky, août 1999.

Eté 1999, Sunderland monte en Premier League, avec Kevin Phillips comme avant-centre vedette. L’ex Hornet (Watford), 26 ans, vient de marquer 14 buts en 34 matchs de championnat. Un rendement plus qu’honnête pour ce « joueur de Football League » (D2 à D4) qui affiche de belles qualités techniques et a même été capé par les Trois Lions en avril 1999. Mais au diable l’analyse prudente et étayée, pour Rodney Marsh, ex bellâtre bambocheur du foot anglais des années 60 & 70 (principalement QPR et Man City), Phillips est à l’évidence très limité et peinera à suivre le rythme.

Ce qui est priceless mec, ce      30 pions et Soulier d’or européen. Pas dégueu pour un loser
sont surtout tes pronostics

Plus la saison s’écoule, plus le pro-fête Marsh va manger son bob Ricard, coutures incluses. Sunderland sort une putain de saison et finit 6è ex-aequo, grâce surtout au duo Kevin Phillips-Niall Quinn, 44 buts PL à eux deux (l’Irlandais Quinn dans le rôle du remiseur, Phillips dans celui du finisseur). Super Kev a explosé les compteurs : 30 buts PL ! Pas mal pour un novice de l’élite révélé sur le tard et qui jouait encore en D7 à 21 ans. Consécration suprême, on lui remet le Soulier d’or européen (seul Anglais à l’avoir jamais reçu) et il continue à être sélectionné en équipe nationale (8 capes au total).

Aujourd’hui, l’increvable Phillips (41 ans en juillet prochain) claque toujours, à Leicester City, promu en PL.

Quant à Marsh, il n’est plus consultant depuis belle lurette après son limogeage de Sky en 2005 pour cette blague (?) bizarre censée amuser : «  David Beckham a rejeté une offre de Newcastle après les problèmes causés par la Toon Army en Thaïlande. » (crétin jeu de mot hyper approximatif entre Tsunami et Toon Army, l’un des surnoms de NUFC). Quand il trouve un média encore prêt à le faire taffer (rare), il sévit dans des émissions du style Celebrity Come Dine with me (« Un dîner presque parfait » pour has-beens fauchés) où il balance ses vannes grasses et sexistes admirablement conservées dans le formol des Sixties (les femmes à la cuisine et tout le tremblement).

# 5. « Si Dwight Yorke est un footballeur de D1, alors moi je m’appelle Mao Tse-toung. »

Tommy Docherty, 1990.

L’Ecossais, personnage haut en couleur du football britannique – ex manager de l’Ecosse, Chelsea et Man United – est consultant télé quand il sort cette perle (TK évoquait quelques fameux déboires du Doc dans cet article).
Pour nos lecteurs/trices les plus jeunes ou les plus incultes, le Trinitéen Dwight Yorke disputa son premier match de D1 en mars 1990 avec Aston Villa, et son dernier avec Sunderland dix-neuf ans plus tard. Entre-temps, il accomplit une formidable carrière anglaise. En point d’orgue, ses quatre saisons à Man United (acheté 13m £) où il forma un duo légendaire avec Andy Cole (67 buts en 65 matchs PL ensemble).

Bilan du raté qui devait végéter aux étages inférieurs : 19 saisons en D1, 3 titres de Champion d’Angleterre, 1 Ligue des champions + une chiée de coupes et récompenses individuelles (Premier League Player of the Season 1998-99, Golden Boot Premier League 1999, Champions League Top Goalscorer 1999, etc.).

Le Doc ne s’est jamais fait rebaptiser Mao mais a paraît-il longuement médité ce mot de Confucius : « Nul n’est prophète en son empire, surtout le Nul. » Z’étaient super philosophes ces Orientaux quand même, Joey Barton en raffole.

# 6. « Je ne vois vraiment pas David Silva réussir en Angleterre. Il n’a pas du tout le jeu et le profil pour faire grand chose dans le foot anglais. »

Jeu concours avec cadeau sympa à la clé : quel grand mage français (journaliste connu) a fait cette comique prophétie ?

Répondez dans les commentaires svp. On se revoit dans trois jours.

Kevin Quigagne.

(Quand on a le temps, on est sur Facebook et sur Twitter).