Archive for mars, 2012

Comb-overs risqués, permanentes caniches, mullets dantesques, afros ébouriffants, mohicans improbables, catogans classés X… On a vu tous les styles défiler dans le football anglais ces cinquante dernières années. Si la vitrine du foot british est riche en FA Cups légendaires et European Cups d’anthologie, d’autres coupes sont tout aussi remarquables.

Avant les années 60, la coiffure était invisible, personne n’y prêtait attention. Tous les joueurs étaient logés à la même enseigne : cheveux courts et oreilles dégagées. Ce style sommaire a un nom bien connu des Britanniques : le short back and sides. Seul le haut se risquait parfois à l’originalité, le plus souvent sous la forme d’une coupe en brosse ou d’un quiff brut de décoiffage, tel le grand Billy Wright (105 capes anglaises dans les Fifties, 20 ans aux Wolves).

Malgré cette uniformité générale, certains réussirent à sortir de l’ordinaire, comme on signe une sortie de route, accidentellement (citons Bill Seddon, Arsenal, 1924-32). Malheureusement, en raison de l’absence de photos de qualité sur Internet sur ces quelques Glorieux Anciens poilus, c’est à partir des années 60 que débute notre voyage chevelu down memory lane.

Introduction

A la fin des Fifties, la société anglaise dit définitivement adieu aux mornes années d’après-guerre (rationnement jusqu’en 1954) et l’univers du football en profite pour s’encanailler. Au cours des Sixties, la consommation et la médiatisation débarquent en force et les produits de beauté pour homme s’incrustent dans le paysage. En tête de gondole, la marque Brylcreem et ses « Brylcreem Boys », dont Johnny Haynes et Denis Compton, légendaire cricketer l’été… et ailier d’Arsenal l’hiver ! (tout comme son frère Leslie). La coiffure s’expose davantage et les styles évoluent, timidement.

En consultant les galeries de portraits des joueurs au début des Seventies (voir absolument celles d’Arsenal, Leeds, Liverpool, Newcastle et Manchester United !), on constate en effet un léger frémissement positif. On est quand même loin du compte et pour un George Best, il y a cinquante sinistrés du tif. L’indigence capillaire est notamment palpable chez les Gunners et les Red Devils (les Magpies, eux, sont en perdition totale). A l’évidence, les stylistes ont encore du pain sur la planche, l’approximation étant la règle !

son coiffeur buvait beaucoup

Noel Brotherston : son coiffeur buvait beaucoup

A l’examen de ces trombinoscopes apocalyptifs, le poids des disparités régionales et la prégnance des déserts ruraux sautent aux yeux. L’Angleterre profonde (Burnley, Ipswich) souffre clairement d’une pénurie de salons de coiffure et Southampton d’un excès d’agriculteurs (ça ou le club expérimente en croisant son effectif avec des animaux de ferme). Quant à Sheffield United, il est clair qu’aujourd’hui les instances ne les laisseraient jamais jouer avec ces touches-là, sauf dans un championnat d’épouvantails.

Si la pire coupe du football anglais est sans doute celle de feu Noel « Bozo » Brotherston (Blackburn Rovers, 1977-87), les années 60 et 70 amorcèrent le mouvement. Aujourd’hui, premier volet de notre étude capillaire : 1960-1975, du comb-over à l’ancètre du mullet.

Les années 60

Bobby Charlton

Incontestablement, l’anti-vedette capillaire des Sixties et le maître planétaire du « style » comb-over, opération qui consiste à rabattre ses quelques cheveux sur la calotte. En match, sans son peigne, ça partait en vrille.

On ne peut s’empêcher de penser que quand Bobby déboulait mèche au vent, les défenseurs se marraient trop pour le rattraper. Et voilà comment on claque 326 buts dans une carrière. Bobby fit de nombreuses émules, dont Henry Hall, Ralph Coates (en bas à droite), Giscard, Fabius et PPDA.

Les années 70

La touche de glamour capillaire apportée classieusement par George Best se rebiffa dans les Seventies. L’Arsenal Legend Charlie George (élu 9ème Greatest Gunner en 2008, ici), surnommé « The Cockney Rebel », fut l’un des premiers à porter le cheveu long et raide. Malheureusement, vers 1975 avec Arsenal puis Derby, Charlie commit un gros impair avec une série de bubble perms immondes, ce qui lui vaut sa présence ici.

Charlie, que son éblouissante performance lors de la finale de FA Cup 1971 contre Liverpool rendit célèbre (avec célébration iconic de son but victorieux en prolongation), aurait pu faire une belle carrière mais il ne rentra jamais dans le moule disciplinaire de l’époque.

Pour sa première (et dernière) sélection en équipe d’Angleterre, en 1976 (fin de la piètre ère Don Revie), il est remplacé à l’heure de jeu, à son grand mécontentement. A Revie qui lui demande s’il veut s’asseoir sur le banc ou filer à la douche, Charlie répond : « Go fuck yourself ». Quelques saisons plus tard, à 31 ans, il partit buller à Bulova (Hong-Kong). Finalement, Anelka n’a rien inventé, les Glorieux Anciens d’Arsenal ont dû lui souffler l’anecdote Charlie George. Sauf que lui n’attendit pas la séniorité pour envoyer promener le sélectionneur, il le fit dès sa toute première sélection – respect.

c'est bien lui

Charlie George aujourd'hui : le doute n'est plus permis

Revenons à l’esthétique. Ayant décelé une ressemblance troublante avec un célèbre journaliste TV français, notre conscience professionnelle nous poussa à filer sur Londres pour y faire des recherches généalogiques. Et là, au Register Office d’Islington, double whammy bingo-consternation.

Nous découvrîmes que Charlie a une mère francophile (Mrs Grimold) et qu’il fut séparé à la naissance de son frère, Dominic, alors âgé de 2 ans. Ce dernier suivit sa maman à Paris où elle prit le statut de réfugiée gastronomique et francisa les noms pour faciliter l’intégration de la petite famille. C’est donc avec une grande fierté que TK vous livre le scoop de la saison : Charlie George est le frangin de Dominique Grimault.

TK compte les réunir prochainement, au moins pour ce dernier puisse enfin améliorer son abominable anglais et faire profiter Thierry Roland de ses progrès dans la langue de Paul Gascoigne (qu’on en finisse avec les scatologiques O’Chie pour John O’Shea – ça s’ prononce O Ché). Avant l’Euro 2012, et avec le duo Angleterre-Irlande présent, le TK est fier de pouvoir modestement œuvrer pour que cesse ce massacre phonético-linguistique.

Neil Warnock

Oh dear, oh dear. Et ces rouflaquettes qui descendent jusqu’au menton, épique (l’ex manager de QPR portait les fripes de Rotherham United sur la photo, 1969-1971).

Sacré Neil. Dommage que Joey Barton-la-grande-gueule n’ait jamais tweeté cette photo d’anthologie lors de la mémorable Twitterfight Barton v Warnock mi-janvier, il n’aurait pas eu besoin d’en faire des tonnes pour casser les reins de son adversaire. Une photo tweetée et Neil-l’encore-plus-grande-gueule était coiffé pour la saison.

Kevin Keegan

Dans les années 70, celui que les Allemands surnommèrent « The Mighty Mouse » (la souris dévastatrice) muta en canidé en adoptant la permanente.

Le mythe en prend un sacré coup quand même

Le mythe en prend un sacré coup quand même

Une idée exécrable et aux conséquences désastreuses. Du jour au lendemain, ce style bubble perm se répandit dans le pays comme une trainée de poudre et l’on constata un profond changement de comportement chez l’Homo britannicus. Soudain, on vit un tas d’hommes-caniches sortir des pubs et pisser pavloviennement contre les lampadaires.

« Paulo, vous avez quoi comme croquettes en Allemagne ? »

(show canin international) « Paulo, vous avez quoi comme croquettes en Allemagne ? »

Keegan aussi passa par Southampton et leurs expérimentations animalières (voir intro). On comprend maintenant pourquoi comment un petit club comme Southampton réussit à recruter Keegan en 1980, juste au sortir de son triomphe à Hambourg (double Ballon d’or en 1978 & 79) alors que Liverpool devait le récupérer. Visiblement le lobby fermier anglais avait le bras long et comptait bien se faire de la publicité à peu de frais.

Pat Jennings

Partisan du moindre effort hors des terrains, le mythique Nord-Irlandais (presque 1 000 matchs pour Tottenham et Arsenal de 1964 à 1986) ne se fit jamais couper les cheveux, il les laissa pousser en les pliant au fur et à mesure pour que tout tienne sur le crâne. Au Mondial 1986, âgé de 41 ans, il avait toujours la même coupe accordéon.

John Dempsey

Si Bobby fit du comb-over une mode pour allopéciens en herbe, c’est l’international irlandais John Dempsey (Fulham et Chelsea) qui lui fit prendre une dimension supplémentaire, avec débordement sur les ailes, à la Mireille Matthieu. Ça ne l’empêcha pas d’être élu Meilleur défenseur du championnat US de la NASL en 1979, devant Franz Beckenbauer. Pas Mireille hein, mais John.

Il aurait tant aimé que mille cIl aurait tant aimé que mille colombes lui c***nt dessus pour qu’on ne voit plus sa coupe Il aurait tant aimé que mille colombes lui ch***t dessus pour cacher sa coupe

Il aurait tant aimé que mille colombes lui c***nt dessus pour cacher sa coupe

Chris Garland

Un peu le même style comb-over que Bobby pour l’ex attaquant de Bristol City, Chelsea et Leicester City, mais avec la belle tignasse en plus. Croisement intéressant, entre aristo à la cour royale de Versailles et Patrick Duffy.

Non, ce n’est pas une perruque Louis XIV

Non, ce n’est pas une perruque Louis XIV

Brian Little

L’Aston Villa Legend (1970-1980) dut prendre sa retraite à 26 ans, officiellement à cause d’un genou cagneux. Il y a prescription et TK peut révéler la vraie raison : il ne trouvait pas de coiffeur compétent sur Birmingham et en avait marre de passer pour un con lors des photos de groupe.

Quelques saisons plus tard, Didier Six débarqua à Villa et s’éclipsa mystérieusement peu après. Et ben vous comprenez pourquoi aujourd’hui.

Tony Currie

La Sheffield United Legend et ex international anglais adopta le même style aléatoire que Little, en encore moins droit.

Gerry Francis

Vers 1975, copiant la mode musicos de l’époque (Tom Jones, David Bowie, Paul McCartney), le Vairelles anglais et joueur culte des Queens Park Rangers fut le premier parmi les footballers à populariser l’ancêtre du mullet (les rouflaquettes en plus).

Gerry demeura aussi fidèle à QPR (18 saisons, joueur et manager) qu’au mullet. Presque 40 ans plus tard, sa loyauté envers la mythique coupe n’a pas faibli, bien au contraire.

Kevin Quigagne.

Le costume, marque d’élégance et de pouvoir, a-t-il une quelconque influence sur les joueurs d’une équipe dirigée par un entraineur qui en porte un ?

Il y a plus de trois ans, quelques lignes de la défunte gazette du TK (1) évoquaient, sur un ton potache, le rapport qu’entretenait le manager anglais avec le costume. Si l’on creuse un peu la réflexion, qu’en est-il de ce choix vestimentaire ? Que veut-il dire et quel effet produit-il ?

Avant toute chose, retraçons l’origine du costume-cravate tel qu’il est porté aujourd’hui, grâce au livre sinon exhaustif, du moins très complet de François Boucher, Histoire du costume en Occident. « Sans avoir subi de très grandes transformations, le costume masculin s’est pourtant rapproché, sous le Second Empire, de ce qu’il restera désormais. (…) C’est à la fin du règne qu’apparaît le complet – veston, pantalon et gilet de même tissu – mais cet ensemble restera lui aussi, jusqu’aux dernières années du siècle, considéré comme négligé, c’est-à-dire mettable seulement pour les sorties du matin, la campagne ou le voyage.

« L’éclat du régime relance le souci du costume, aussi bien à la cour qu’à la ville, par des détails changeants qui distinguent l’homme du monde : col de velours, basques allongées ou raccourcies, revers de soie, cravate étroite ou nœud assez large, faux-col soit évasé, soit droit et ride, soit encore rabattu.

« Les changements qui surviendront par la suite dans le costume masculin ne porteront que sur des détails de forme et de couleur : l’emploi de certaines parties de cet habillement se modifiera lui aussi, mais l’essentiel n’en sera pas sensiblement affecté.

« (…) L’un des changements les plus notables après 1850 a été le remplacement de l’habit de couleur par l’habit noir, porté avec des pantalons à carreaux moulant étroitement la jambe. (…) Quant à la cravate, sous les noms de régate ou plastron, elle se maintient dans les tons effacés et ne conserve qu’une place discrète, pâle souvenir de son rang d’autrefois. » (2)

« L’essentiel du costume masculin étant fixé depuis le début du XIXème siècle, seul le détail des formes évolue, sans qu’il soit possible d’étudier ses fluctuations autrement que par l’image. (…)

« Le veston devient d’un usage plus fréquent après 1870 et le complet – veston, gilet et pantalon de même tissu – entre en faveur après 1875, sans être toutefois considéré comme vêtement paré ; la jaquette et surtout la redingote sont seules admises pour les visites ou cérémonies de la journée.

« (…) C’est à Monte-Carlo que serait apparu, vers 1880, le dinner-jacket, dit smoking, adopté par les joueurs qui trouvaient fatiguant de rester toute la soirée en habit. Jusqu’à la mort du roi Edouard VII en 1910, il n’était pas admis en public : on le portait surtout à la campagne et dans les réunions d’hommes ; l’habit restait la tenue obligatoire en soirée ou au théâtre. » (3)

« Si nous survolons l’évolution du costume entre 1960 et 1980, la première impression est celle d’un appauvrissement. Les tenues d’apparat sont de moins en moins revêtues ; l’habit noir porté avec la chemise blanche et le col empesé n’apparait plus guère que dans les grandes cérémonies. (…) La cravate, bien que n’étant plus de rigueur avec les chemises polo, tend à devenir le symbole de la tenue de bureau contraignante, et est de plus en plus abandonnée aux heures de loisir. » (4)

Ainsi, si la symbolique du costume-cravate (distinction et domination) demeure aujourd’hui, celui-ci n’est toutefois réservé qu’aux fêtes cérémonieuses et aux grandes responsabilités. Une large majorité des managers de Premier League, quand bien même leur pouvoir s’est accru au fil des décennies, pourraient donc très bien s’en passer les jours de matchs et opter pour des vêtements plus souples et plus larges, dans lesquels ils pourraient davantage respirer.

Il se trouve cependant qu’une étude valide leur choix. Des scientifiques du sport de l’Université de Portsmouth ont étudié l’effet que peut avoir l’apparence de l’entraineur sur ses joueurs. Ils ont remarqué que les managers qui portent des costumes les jours de matchs et des survêtements les jours d’entrainement  sont les plus enclins à tirer le meilleur de leur équipe. Dr Richard Thelwell, responsable de l’étude (5) « Nous nous sommes aperçus que le vêtement porté par l’entraineur peut avoir un effet direct sur la perception de ses compétences par les joueurs. Un entraineur en costume laisse supposer une grande habileté, ce qui est, de toute évidence, idéal pour un match. Dans notre étude, les entraineurs portant un costume étaient perçus comme étant plus compétents sur le plan stratégique que ceux portant une tenue sportive, mais moins compétents sur le plan technique que ces derniers. » Ce qui viendrait justifier la tenue sportive des entraineurs adjoints, juste milieu entre le costume du manager et le maillot du joueur. On aurait donc, sur un même banc, le cerveau stratégique et les petites mains techniques.

Car, au fond, le costume-cravate n’est-il pas l’avatar moderne du sceptre royal ? Il représente la fonction si ce n’est suprême, du moins supérieur. Et le pouvoir doit impressionner, se faire admirer. Il use donc de stratagèmes, vestimentaires inclus, pour toucher les consciences. La hiérarchie d’un club de football ne contredit pas ce système.

Même s’il semble que, concernant certains managers, le costume ne fasse pas illusion de leur incompétence très longtemps. Peut-être un problème de coupe.

Tandis que, dans d’autres cas, nul besoin de porter la cravate pour se révéler être un brillant tacticien.

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(1) Leurs auteurs sont toujours les bienvenus parmi nous.

(2) p.367

(3) p.393

(4) p. 416

(5) Parue dans la revue International Journal of Sport Psychology, et qui a ciblé 97 hommes et femmes à qui on a demandé d’observer et de donner leur avis sur des images de quatre entraineurs différents.

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BONUS

Huit costumes différents, huit managers de Premier League. Retrouvez Martin Jol (Fulham), Alan Pardew (Newcastle), Mark Hugues (QPR), Alex Ferguson (MU), Steve Kean (Blackburn), Alex McLeish (Aston Villa), Andre Villas-Boas (Chelsea) et Roberto Martinez (Wigan) et inscrivez vos résultats en commentaires.

(Première ligne : 1-2-3 ; Deuxième ligne : 4-5-6 ; Troisième ligne : 7-8) (cliquez sur l’image pour agrandir)