Archive for mai 18th, 2011

Le sujet de la semaine, c’est le 19ème titre de champion d’Angleterre gagné par Manchester United. Pour en savoir davantage, nous avons demandé à Mike Phelan, premier assistant d’Alex Ferguson, de nous donner le pouls côté coulisses. Révélations.

J'ai beaucoup de respect pour Didier et son passage à Chelsea.

J'ai beaucoup de respect pour Didier et son passage à Chelsea.

« Salut le TK,

J’ai regardé un peu  votre blog avant de vous écrire. Gros boulot, mais vous n’avez pas encore parlé de ce magnifique club de Burnley. Je vous enverrai quelques pdf, à l’occasion.

En ce moment, vous imaginez bien que l’ambiance est à la fête. Mais notre saison n’est pas finie, et tout le monde reste concentré pour la finale du 28 mai. On va même décider du sort de Blackpool, ce week-end. Il n’y aurait que moi, je dirais aux joueurs de lever le pied. Ian [Holloway, le manager de Blackpool, NDLR] m’a appelé, l’autre jour.

– Hey, Mike. Tu sais, ce serait bien qu’on gagne, dimanche. Si je te proposais une petite valise…

– Non, Ian, c’est ridicule.

– Une petite contrepartie, c’est le moins que je puisse faire.

– Vous êtes complètement à sec. Vous avez même recruté Grandin.

– Il collait bien avec notre étiquette de loser.

– Bon, par curiosité, combien tu comptes mettre dans ta valise ?

– Euh… Mike, on s’est mal compris : la valise est vide ! En revanche, elle a des roulettes.

Ah, ce Ian. Je pourrais lui offrir la victoire s’il me filait l’une de ses sublimes cravates orange. Mais Alex [Ferguson, NDLR] est un compétiteur, il refuse la défaite.

Moi, je suis arrivé en 1989 à United, presque trois ans après Alex. Ca grinçait déjà des dents, puisque le club n’avait pas gagné le championnat depuis plus de vingt ans. Alex lui-même n’avait encore rien gagné. C’est pour ça qu’il m’a recruté, vous pensez bien. De fait, quatre ans plus tard, on avait accumulé cinq titres, dont une coupe d’Europe. Mes cinq premiers et mes cinq derniers, c’est dire s’ils me sont chers.

Je suis parti lorsque la génération dorée commençait à éclore, un peu vexé qu’un petit con de vingt ans nommé Ryan ne me dribble puis m’humilie à la course.

Je suis devenu coach ici ou là, avant de revenir à Manchester en 1999. Alex m’a placé au Centre of Excellence, en me promettant qu’il ferait appel à moi dès qu’il y aurait un désistement. Je coulais des jours heureux, au Centre. Je participais à quelques réunions, j’allais voir des matchs. Je n’ai jamais su la teneur précise de ma mission. Au moment où je commençais à m’y intéresser un peu plus sérieusement, Alex m’a demandé de le rejoindre sur le banc.

Carlos [Queiroz, NDLR] et Alex formaient un couple très efficace. La presse résumait, un peu hâtivement, la situation en réduisant Carlos au cerveau et Alex à la gestion humaine. Bullshits, si vous me permettez l’expression. Alex possède un génie tactique hors du commun. Son problème, c’est qu’il vieillit et préfère donc minimiser les risques pour sa santé. Je tente bien de lui faire comprendre que la victoire sourit aux audacieux, mais je n’ai, hélas, pas beaucoup d’influence à ce point de vue. Excepté ces derniers mois, comme lors du match à Chelsea en Ligue des Champions qui m’a fait marquer des points. J’évite cependant de me glorifier sur ce fait, il est facilement irritable.

J’ai remplacé Carlos en 2008. Croyez-le ou non, je n’ai pas eu besoin d’une blowjob pour avoir son poste. Carlos avait d’ailleurs oublié son cerveau à Manchester, à l’époque. Je l’ai immédiatement prévenu, mais il n’est venu le chercher qu’il y a quelques semaines. Entre temps, il y a eu le Real Madrid, le Portugal et le transfert de Bébé. Sans cerveau, c’est toujours plus compliqué. Mais pour Bébé, on ne lui en veut pas. Acheter un ancien sans-abri, ça nous donne bon conscience.

Voilà, les gars, je vous ai à peu près tout dit. J’ai été un peu bavard, non ? J’aurais bien aimé parler un peu de votre championnat de France, mais je vois trop peu de matchs. Si, j’ai vu Brest-Lyon, hier soir. Je susurre souvent le nom d’Hugo Lloris à l’oreille d’Alex, mais il fait la moue. Il laisse les français à Arsène, c’est un accord plus ou moins tacite.  En échange, il nous laisse le championnat. C’est un good guy, Arsène.

(Sinon, j’ai pas l’habitude de critiquer trop vertement, mais pour ce que je comprends du français, le duo de commentateurs à l’œuvre hier soir était insupportable.)

Allez, je vous laisse, je dois déplacer ma voiture : Gibson va bientôt commencer son entrainement de frappes.

A bientôt,

Mike »

(Traduction : Bernard-Henri Lévy)