Manchester City. Hier, club prolétaire de troisième division ; aujourd’hui, silo à Galactiques en herbe. En ces temps de fortes turbulences à City, nous avons souhaité revenir en détail sur la métamorphose du club depuis juillet 2007, ainsi que sur leur début de saison (la troisième partie est ici).

Quatrième et dernière partie : d’octobre 2010 à la mi-novembre 2010. Et un mois d’octobre très agité.

3 octobre. Manchester City–Newcastle (2-1). De Jong découpe Hatem Ben Arfa, à la 3ème minute du match. On est en Angleterre, donc l’arbitre laisse jouer. Ben Arfa est évacué, double fracture tibia-péroné.

De Jong est un habitué des coups tordus. L’amateur de kung-fu avait cassé la jambe de l’Américano-Ecossais Stuart Holden en mars dernier lors d’un match exhibition USA-Pays-Bas. Voir le clip.

Holden, miné par les problèmes sérieux ces dernières années, tentait de revenir dans le foot anglais après avoir été sauvagement agressé à la sortie d’une boîte de nuit de Newcastle en 2005, ce qui l’avait forcé à retourner aux USA jusqu’en 2009. Et bien sûr, il y a eu ce tacle thoraxien sur Xabi Alonso en finale de coupe du monde, où l’Espagnol y laissa la moitié d’une cote.

72ème minute du match. Le semi-placardisé Adam Johnson entre et illumine instantanément un match terne où la plupart des Citizens sont à la peine. A la 75ème, le surdoué anglais réalise un numéro de virtuose sur l’aile et débloque la situation d’un superbe tir croisé. Johnson en action.

Victoire 2-1 pour City. Une victoire quasi miraculeuse qui tient à deux décisions arbitrales controversées. Un pénalty imaginaire accordé à City, contre un pénalty indiscutable refusé à Newcastle. Ajouté à l’attentat non sanctionné sur Ben Arfa, ça fait beaucoup pour un match. Une énième polémique sur les « bouchers » et autres équarrisseurs du football anglais est déclenchée.

L’honorable confédération des bouchers ne le remercie pas

L’honorable confédération des bouchers ne le remercie pas

5 octobre. On apprend que la hache de guerre est définitivement déterrée entre Mancini et Tévez. Les insultes ont fusé dans les vestiaires de City dimanche, à la mi-temps du Man City-Newcastle (alors qu’il y avait 1-1). Tévez, le nouveau boss, rentre aux vestiaires. Très énervé, l’Argentin se lance dans une vigoureuse causerie de mi-temps (Mancini n’est pas encore arrivé). Il se plaint du manque d’organisation et du dispositif ultra-défensif de l’équipe. Mancini pénètre dans le vestiaire au moment où Tévez, vociférant et gesticulant, est en pleine critique tactique. La réaction de l’Italien est cinglante :

 « Shut up. I am the boss »

L’Argentin, surpris, s’assoit, et marmonne dans sa barbe. Ce qui déclenche une grosse altercation scarfacienne en globish. Mancini explose :

« Go fuck your mother ».

Le natif de Fuerte Apache bondit alors vers l’Italien. Le staff et les joueurs interviennent et les séparent. Mancini engueule ses joueurs, puis sort en claquant la porte, suivi de près par Tévez. Les deux hommes partent s’expliquer dans le bureau de Mancini. Tévez dispute la deuxième mi-temps avant d’être remplacé par Vieira à la 85ème.
 
L’idylle n’aura duré qu’un été

L’idylle n’aura duré qu’un été


5 octobre. Le club annonce, par la voix de Brian Marwood, l’influent administrateur du club, que les étés dépensiers, c’est fini.

Mancini nie avoir insulter Tévez. Et déclare que tout ce qu’on a lu dans la presse à ce sujet, c’est « a lot of bollocks ». Hmm, c’est vrai qu’il a fait des progrès en anglais Roberto.

7 octobre. Quatre jours après l’agression sur Hatem Ben Arfa, on apprend que De Jong renégocie son contrat. Ne comptant pas rester tricard toute sa vie (il ne touche qu’un dérisoire 80 000 £ par semaine), il demande 120 000 £. Il s’écrit aussi dans les journaux (de qualité) que Ben Arfa aura refusé de recevoir De jong à l’hôpital de Manchester.

Patrick Vieira annonce qu’il finira sa carrière à City. A 650 000 £ par mois, Pat devrait pouvoir ainsi compléter ses trimestres de retraite tranquillement.

10-17 octobre. Le furoncle du « journalisme » anglais, The News of the World (bourrin dominical de l’écurie News International des Murdoch), sort son traditionnel « scoop du dimanche ».

Joe Hart a été filmé, en compagnie de Gareth Barry, lors d’un week-end à Puerto Banus, faisant innocemment la fête au bar Lineker’s (propriété de Wayne Lineker, frère de), la veille de rejoindre le camp d’entraînement anglais en vue du Angleterre-Montenégro.

 

Au Lineker’s, on sait faire la fête

Au Lineker’s, on sait faire la fête

Rien de bien shocking, mais dans le climat actuel mancunien, cela suffit à déclencher une nouvelle polémique sur la fameuse « drinking culture » si chère aux Britanniques. Mancini livre ses impressions culturelles (dans l’Observer du 17 octobre) :

« Malheureusement, cela fait partie de la culture anglaise. Quand je jouais à Leicester [bref passage en 2001], on allait boire au pub après l’entraînement, mais sans se bourrer, enfin, pas moi. Je dois dire que je ne comprends pas les joueurs qui boivent jusqu’à l’ivresse. En Italie, nous n’avons pas cette culture de boire jusqu’à tomber par terre. Chez nous, on préfère sortir avec les filles ! Et c’est ce que je faisais quand je jouais, et c’est ce que je dis à mes joueurs maintenant : sortez avec des femmes, c’est beaucoup mieux que de se saouler ! »

L’Italien oublie qu’en Angleterre, les joueurs, polyvalents, font les deux. Le Don Juan ajoute :

« Le problème c’est qu’après un certain âge, le corps ne supporte plus ces excès. Dès 28 ou 29 ans, on commence à payer le prix. Si on ne boit pas, on peut jouer très longtemps. Regardez Pietro Vierchowod, il a joué jusqu’à 40 ans, et à 100 %. Et Zanetti est toujours au top à 37 ans »

14 Octobre. Malcolm Allison (surnommé Big Mal), figure mythique du club et du foot anglais, décède à 83 ans. Ce personnage haut en couleurs (ancien vendeur de voitures d’occasion, parieur professionnel et propriétaire de boîte de nuit) a été l’entraîneur-adjoint du grand Joe Mercer à City, de 1965 à 1972 (puis brièvement manager de City en solo, en 1973, et 1979). Mais Allison était bien plus qu’un simple adjoint, c’était un pionnier, qui avait des responsabilités clés à City. Avec Mercer, il est l’artisan de la plus glorieuse période du club, le bref intermède à coupes, de 1968 à 1972, quatre trophées en deux ans – Champion d’Angleterre, FA Cup (1969), Coupe de la Ligue (1970) et Coupe des Vainqueurs de coupe (1970), ainsi qu’une place de quatrième en 1972, à égalité de points avec le deuxième. Il conduisit les vedettes du club, les Mike Summerbee, Francis Lee et Colin Bell au succès national et européen. Un trio international qui faisait alors la nique à celui d’en face, la triplette magique des Red Devils, Best-Chartlon-Law (ce dernier signera même à City en 73), en nette perte de vitesse (descente en D2 en 1974).

L’excentrique et pionnier Malcolm Allison

L’excentrique et pionnier Malcolm Allison

L’excentricité de Malcolm Allison est légendaire. En 1968, cet original au look de mafioso italo-new-yorkais, et play-boy notoire, persuade le club de changer de tenue pour… le rouge et noir du AC Milan ! Et ça marche, l’équipe devient victorieuse avec la tunique rossonera (puis reprend ses couleurs traditionnelles).

La veille d’un derby à Old Trafford, l’année du titre pour City (1968), Big Mal va même jusqu’à payer un complice pour escalader un mur du stade, et mettre le drapeau de United en berne ! (qui restera comme cela pendant trois jours).

Changement de tenue correcte exigé

Changement de tenue correcte exigé

En 1972, déterminé à éclipser les voisins de Man United, il rejette une offre de la Juventus. Quelques années plus tard, il connaîtra le succès à l’étranger, avec le Sporting (doublé titre-coupe en 1982).

Allison était surtout un entraîneur innovateur aux méthodes révolutionnaires, en particulier en matière de tactique et fitness (secteurs du jeu qu’il avait observés en Autriche au moment de son service militaire, il en avait aussi profité pour étudier la tactique des Magyars Magiques). Il fut le premier à imposer deux séances d’entraînement par jour, et, en 1965, introduisit les salles de gymnastique. Il obligeait aussi ses joueurs à s’entraîner avec les rugbymen de Salford !

L’image de Big Mal, celle qui restera à jamais gravée dans les mémoires, c’est aussi celle de l’homme exubérant, portant élégamment borsalino et manteau de fourrure, fumant un énorme cigare d’une main, tout en buvant au goulot d’une bouteille de Champagne de l’autre.

 

Le George Best des managers de l’époque

Le George Best des managers de l’époque

Parmi les nombreuses citations de Big Mal, celle-ci, en forme de pied de nez autant au système qu’à son successeur à City, en 1980 :

« John Bond a sali mon nom avec toutes ses insinuations sur ma vie privée. Mes deux femmes ont été terriblement choquées ».

Et celle-ci, sur son président de l’époque (Peter Swales), lors de son grand retour à City, en 1979 (soldé par un échec) :

« Dès que j’ai rencontré Peter Swales, et que j’ai vu sa coupe code-barre et ses deux mèches cache-misère à la Bobby Charlton, son blazer England, ses chaussures en faux cuir de daim, j’ai pensé : « ça va pas marcher cette histoire«  ».

Bien vu, l’attelage improbable entre l’homme à la coiffure PPDA et Malcolm Allison atterrit vite dans le fossé.

Hommage à Malcom Allison

Hommage à Malcom Allison

17 octobre. Blackpool–Man City (2-3). Match engagé et un peu fou (41 tacles, 25 occasions des deux côtés, quatre buts marqués dans le dernier quart-d’heure), gagné largement grâce à l’emblématique Tévez, auteur de deux buts. En toute fin de match, Silva inscrit le plus beau but du match.

City a bénéficié d’un arbitrage très favorable. Deux des trois buts de City sont entachés d’irrégularité (hors-jeu et faute), tandis qu’un but refusé aux Seasiders était valable.

Peu convaincant sur ce match, et sur ce début de saison, City occupe tout de même la deuxième place au terme de cette huitième journée, à deux points du leader Chelsea.

23 octobre. Mancini reparle de « problème culturel » touchant les joueurs britanniques (la fameuse drinking culture). Brian Marwood acquiesce. Parmi les joueurs britanniques, seul James Milner semble trouver grâce aux yeux des responsables du club. Marwood sur l’ex Villan, dans le Daily Telegraph du 23 octobre :

« Milner, je lui fais totalement confiance. Je sais que s’il sort, il fera un bowling, ou ira au cinéma, mais sera au lit à 22 heures. Mais d’autres joueurs ne sont pas aussi responsables, et cela nuit à leurs performances. On fait sans cesse passer des tests de salive aux joueurs. Les joueurs étrangers, comme Kolo et Yaya éduquent nos jeunes joueurs. Ils sont musulmans et ne boivent pas. David Silva ne boit pas non plus, il ne fume pas et sort rarement. Il faut que nos jeunes joueurs anglais apprennent à s’amuser sans boire à l’excès ».

C’est sûr que quand il y en a qu’un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes (des buveurs anglais, bien sûr).

23 octobre. A la veille de la réception d’Arsenal, Micah Richards, international anglais (22 ans), livre une interview à l’Observer. Malgré son jeune âge, Richards fait figure de vétéran à City. Il est le seul réel titulaire survivant de l’ère « ordinaire » (pré-2007), et seul joueur à être présent au club, sans interruption, depuis l’âge de 15 ans.

Micah Richards, jeune vétéran du club

Micah Richards, jeune vétéran du club

Dans cette interview, il y est question de Steven Ireland, arrivé au club en même temps que lui (2003) et vendu à Aston Villa dans des conditions controversées. Le journaliste, David Conn, nous livre un extrait des propos d’Ireland au moment de son départ forcé :

« Ce club a perdu son âme. Il n’y a plus de culture de club ici. Mancini est froid et ne communique pas. Les jeunes joueurs n’ont aucun respect, se pavanent et portent des montres à 10 000 £ ».

Micah Richards tente de rester diplomatique avec son ancien copain aigri mais se lâche un peu :

« Le départ de Steven pour Aston Villa est devenu très médiatisé, on le pressait de questions et ses paroles ont dépassé sa pensée. Aucun jeune ici ne porte des montres si chères ici ! De toute manière, l’argent fait partie intégrante du foot, et c’est un peu fort de la part de Steven de dire cela ! »

L’ex gamin de Chapeltown, quartier chaud de Leeds, en remet une couche :

« De toute manière Steven n’est pas vraiment le mieux placé pour faire la morale sur ce point, il venait à l’entraînement en Bentley à 300 000 £ ! Et il avait fait peindre les jantes en rose pour sa femme ! Et pis il venait aussi en Audi R8 blanche avec un logo Superman… Steven adore le bling, alors bon, il a peut-être perdu une occasion de se taire ».

Ireland, amateur de bling bling, et moralisateur

Ireland, amateur de bling bling, et moralisateur

24 octobre. Man CityArsenal (0-3). Bentley rose ou pas, Man City se fait battre à domicile par les Gunners, 3-0, dans un match musclé qui tourne vite à l’avantage des Gunners, en cruise control après l’expulsion express de Boyata (préféré à Lescott), dès la 5ème minute. City s’est bien battu, mais certains cadres, dont James Milner et Yaya Touré, n’ont pas été à la hauteur. Rien que le banc de Man City dans ce match coûtait 96M de £ ! (Given, 6, Bridge, 12, Lescott, 22, Johnson, 7, Vieira, 0, Adebayor, 25 et Balotelli, 24).

Au terme de cette neuvième journée, Man City occupe la 4ème place, à égalité de points avec Arsenal et Man United, 17.

26 octobre. Etonnantes images du Daily Mail et du Sun sur une extraordinaire nouba la veille, entre joueurs… et étudiants de l’université de Saint Andrews en Ecosse lundi soir ! (où les joueurs faisaient un break golf). Un étudiant raconte à la radio (voir le clip de cette fête) :

« On était tranquillos dans un pub, le Lizard, et on a vu débarquer Gareth Barry, Joe Hart, Adam Johnson et Shay Given ! On a tous cru qu’on avait trop forcé sur la bouteille, mais c’était bien eux. Ils nous ont payés plein de coups. Joe Hart s’est tout de suite imposé en patron, il et a commencé à sortir les billets de 50 £ et à les distribuer comme des confetti, pour que tout le monde se paie un coup. Puis on est allé faire la fête dans un appart. A un moment, Hart est monté sur la table et a dansé, on avait tous peur que la table bascule et qu’il se blesse ! »

Un autre, dans le Sun :

« Les joueurs faisaient des Jägerbombs [cocktail à base de Jägermeister], et s’envoyaient les shots. A une heure du mat, les joueurs ont suivi tout le monde dans un petit appart’ d’étudiant, et Barry a gueulé « on est venu de loin, il fait du vent, il pleut, on est à Saint Andrew’s, maintenant on fait la fête ! ». Là-dessus, il s’est envoyé une rasade de Triple Sec. Finalement, les quatre joueurs sont partis vers 2h30. Ils étaient super sympas, disponibles et ont signés des dizaines d’autographes »

Vive la démocratisation des fêtes du Crous avec footeux milliardaires.

27 octobre. Tévez s’envole pour Buenos-Aires, en principe pour 4 jours, officiellement juste pour récupérer d’une blessure (à la cuisse) et voir sa famille. Le Guardian parle d’un mal du pays aigu. Il se dit aussi que l’Argentin a besoin de mettre un peu de distance entre lui et Mancini. Ce dernier déclare dans le Times :

« Je ne sais rien sur sa situation familiale, on n’en a pas discuté. Tout ce que je sais, c’est que sa famille lui manque beaucoup. Il n’y a aucun problème Tévez ».

30 octobre. Wolverhampton–Man City (2-1). Mancini répond par un gros coup de gueule aux accusations de « décadence généralisée » (fêtes, démobilisation, perte d’autorité, vestiaire en révolte). « The party is over », titre le Daily Telegraph du jour. Voici le message de l’Italien à ses joueurs, rapporté par le DT, avant le déplacement à Wolverhampton :

« Fini de faire la fête. Dorénavant, je ne tolérerai aucun débordement de ce genre. Vous avez le droit de sortir et jouer au golf pendant votre jour de congé mais les cuites comme celle de lundi soir à Saint-Andrews, basta. De lourdes sanctions tomberont si vous dépassez encore les bornes. Certains ici ne sont plus concentrés ni sur les objectifs ni sur leur jeu et vont le payer cash. On joue tous les trois jours en ce moment et récupérer est primordial ».

En attendant, City perd 2-1, sans combattre, contre l’avant-dernier Wolves. Karl Henry, de retour parmi les Loups après son attentat contre le Wiganais Jordi Gómez, met Yaya Touré sous l’éteignoir au milieu. L’un des problèmes de fond de City, son manque de cohésion et d’esprit d’équipe, saute aux yeux lors de ce match. Adebayor et Kompany s’accrochent sur le terrain. Au contraire des Wolves, une équipe soudée qui se connaît parfaitement : sept des onze Wolves alignés contre City faisaient partie de l’effectif lors de la montée en 2009.

La saison dernière, à ce moment précis de la saison (dix journées), le City de Mark Hughes avait deux points d’avance (et était encore en lice en Coupe de la Ligue). La crise s’intensifie. Les deux prochaines semaines pourraient être cruciales pour Mancini. Et le derby mancunien qui approche…

1er novembre. Au surlendemain de la piteuse défaite chez les avant-derniers, The Independent confirme que les problèmes s’accumulent à City. On apprend que Yaya Touré est rentré directement chez lui après avoir été remplacé à la mi-temps du match contre Arsenal (et après en être venu aux mains avec Milner dans le tunnel !). La réaction officielle du club est aussi singulière que comique :

« Yaya Touré a quitté le stade afin d’éviter les embouteillages. C’est ce qui se fait habituellement ».

Par ailleurs, le Sun publie des extraits de déclaration d’une « source » au club :

« Personne dans le vestiaire n’aime Mancini. Y’a des fois où il essaie de jouer les durs, mais personne n’y prête attention. Il n’y a aucun esprit d’équipe ici car le manager n’a aucun respect auprès des joueurs, et certains parient déjà sur sa date de limogeage. Ils ne savent pas qui ils préféreraient, tout ce qu’ils savent, c’est qu’ils ne veulent plus du manager. Ce club, c’est le bazar total ».

Une situation qui fait penser au destin des trois supporters les plus connus de City : les frères Gallagher, Ricky Hatton (boxeur cocaïnomane parti en vrille cette année, en rehab) et Nick Leeson (le Kerviel anglais, responsable à lui seul de la faillite de la banque d’investissement Barings – lors de son arrestation, Leeson portait un maillot de City, immortalisé dans le film Rogue Trader, avec Ewan McGregor).

 

Ricky Hatton, dans les cordes

Ricky Hatton, dans les cordes

Tevez croit encore au Père Noël

Tevez croit encore au Père Noël

3 novembre. Tévez est enfin de retour d’Argentine, mais ne pourra pas être aligné contre Poznan en Ligue Europe le lendemain. La presse parle d’une grosse dispute entre Mancini et les frères Touré. Aucun des deux n’est du voyage en Pologne.

Mancini réagit aux rumeurs incessantes selon lesquelles il aurait « perdu le vestiaire ». Il affirme qu’il n’y a aucun problème avec les Touré ou tout autre joueur et qu’il a l’adhésion et la confiance de tous au club.

4 novembre. Poznan Man City (3-1). Troisième défaite de City d’affilée, ce qui n’était pas arrivé depuis dix-neuf mois. Certes, le quatorzième du championnat polonais a été chanceux, mais, côté City, on note encore trop d’approximations pour espérer mieux (avec Vieira, Boyata, Richards, et Bridge dans la catégorie « peut mieux faire »). Tévez, souffrant toujours d’une douleur à la cuisse droite, n’a pas été aligné.

Mancini devient parano, et ses rapports avec la presse se compliquent. Il réaffirme sa détermination de rester en place et, visiblement touché par les critiques, il déclare :

« La presse se déchaîne contre moi simplement parce que je suis italien. Je suis désolé de dire cela, mais les Anglais sont très nationalistes quand il s’agit de football ».

Sauf, quand on s’appelle Roberto, et qu’on a beaucoup de succès. Comme Roberto… Matteo, manager du prochain club que City doit affronter, et la success story de ce premier quart de championnat (6ème au classement).

6 novembre. Vingt-quatrième anniversaire de la prise de pouvoir d’Alex Ferguson à Man United. Et bientôt le premier anniversaire de l’ère Mancini à City, si on lui laisse le temps de souffler sa bougie. Les bookmakers donnent l’Italien à 13/8 comme premier entraîneur de PL de la saison à se faire limoger.

Vingt-quatre ans déjà pour Ferguson. C’est en effet le six novembre 1986 qu’il débuta sa révolution, après le chaos laissé par Ron Atkinson. Le Daily Telegraph en profite pour faire le parallèle entre les situations des deux clubs, et rappelle les propos de l’Ecossais au moment de la nomination de l’Italien, le dix-neuf décembre 2009, quand on lui apprit que Mancini était le dix-septième manager depuis son début de règne :

« 17 ? C’est tout ? Ah bon, je pensais qu’il y en avait eu plus. Vivement le vingtième ! Ce nouveau manager [Mancini], c’est un coup de poker, hein ? Enfin, seul l’avenir nous le dira, ce n’est pas un championnat facile »

Le DT rappelle les propos crus de Garry Cook, chief exec de City, après le limogeage de Hughes :

« Mark Hughes a payé le prix pour la trajectoire de ses récents résultats »

Le message est clair, si la « trajectoire » de ceux de Mancini ne se redresse pas vite fait, à commencer par WBA demain, ça sera la porte pour l’Italien. Si City perd ce match, cette troisième défaite de rang en championnat constituerait leur pire série depuis novembre 2008.

7 novembre. West Bromwich AlbionMan City (0-2). Match de bonne facture des Citizens, bien supérieurs aux Baggies. City était aligné en 4-2-3-1, avec Barry et De Jong positionnés devant la défense, Balotelli, Silva et Yaya Touré dans un rôle offensif, et Tévez devant, semblant moins esseulé qu’a l’accoutumée. L’apport de Balotelli et Silva, préférés à Milner et Johnson, a porté ses fruits.

Balotelli marque deux fois, ses premières réalisations en championnat (avant de se faire expulser bêtement à l’heure de jeu). C’est la première victoire des Blues sans un but de Tévez… depuis janvier 2010 ! Match monstrueux de Yaya Touré (élu Homme du match), ainsi que Kompany, impressionnant de solidité. Belle prestation également de David Silva, l’une des rares satisfactions de ce premier tiers de saison.

8 novembre. Un peu de tendresse dans un monde de brutes. Micah Richards, celui qui avait acheté – avec Adam Johnson – le droit de passer une soirée avec Katie Price (voir troisième partie), déclare finalement qu’il renonce à ce privilège :

« Finalement, je vais laisser ça à Adam, moi, ça me dit rien, de toute manière, c’est pas moi qui avait fait monter les enchères, et vous avez vu la carrure du copain à Katie ? [Alex Reid, un cage-fighter]… Alors, bon, je fais gaffe, quoi ! ».

9 novembre. La tension monte sur Manchester avant le 166ème derby mancunien. Cette année, ce match que les journaux appellent « The battle of Manchester », revêt une signification particulière. D’une part, la suprématie United est menacée, pour la première fois depuis 1991 (la dernière fois que City a fini devant United au classement), les deux équipes étant au coude à coude au classement. D’autre part, le centre de gravité financier s’est déplacé vers Eastlands.

Question sécurité, la police a interdit la vente d’alcool du centre-ville au COMS, à l’est de la ville (d’où le surnom du stade). Deux mille policiers et stadiers ont été mobilisés, et ce, pour éviter la répétition des scènes de violence qui avaient marqué le dernier derby à Eastlands (avril 2010). Une vingtaine de hooligans avaient été arrêtés lors d’échauffourées (le frère de Mame Biram Diouf avait même été frappé).

Dans les médias, Mancini ne s’enflamme pas. Il déclare simplement que son équipe n’a peur de personne et qu’elle peut « battre United n’importe quand », tout en prenant bien soin de souligner son respect pour les clubs tels Man United, même si ajoute l’Italien, « ce qui compte ce n’est pas le nombre de trophées, mais le respect et l’histoire du club, et la nôtre est riche ».

Alex Ferguson, lui, est d’humeur provocatrice en conférence de presse et se moque de ce qu’il appelle « l’habitude qu’a City de crier sur tous les toits ».

Au-delà de cette soudaine profusion d’argent (aspect qui a le don d’énerver Ferguson) qui a fait de City un club à part, et qui tel un geyser pétrolier intarissable sème la zizanie à tous les niveaux, cette pique a pour cible principale le braillard Number One du club, Garry Cook (chief exec), qui a souvent déclaré aux supporters sa volonté de bâtir « ce qui sera incontestablement le plus grand et le meilleur club de football au monde ».

Fergie se demande si les supporters Citizens ne sont pas « embarrassés » par les méthodes d’auto-promotion du club. Il fait aussi référence au poster « Welcome to Manchester », affiché un peu partout dans la ville pour célébrer l’arrivée de Tévez à City [en référence au fait que City serait géographiquement le seul vrai club de la ville].

La stupidité s’affiche

La stupidité s’affiche

Il déclare :

« Je ne sais pas qui a eu l’idée de sortir cette affiche « Welcome to Manchester », probablement un publicitaire, mais, à mon avis, City ne doit pas en être bien fier, c’était une idée stupide. Beaucoup des supporters de ce club ont dû se sentir gênés. Certains se sont laissés déborder par l’occasion. J’en ai même vu un qui s’est fait tatouer « City, vainqueur de la Coupe d’Europe ». Enfin, voyons ! […] Je crois surtout que beaucoup de leurs supporters préféreraient voir la couleur d’un trophée avant de crier victoire sur tous les toits »

10 novembre. Man CityMan United (0-0). Le derby tant attendu accouche d’une souris boiteuse, et du premier nul dans un derby mancunien depuis 1993. Les rares attaques de City se sont cassées les dents sur ce bloc de granite serbe qu’est Nemanja Vidic. Sans un Tévez à 100 % (il en est visiblement loin), City semble incapable de faire la différence.

Rafael et Tévez

Rafael et Tévez

Derby Manculnien

Derby Manculnien

La traversée du Rio Grande

La traversée du Rio Grande

13 novembre. Man CityBirmingham City (0-0). Match terne contre le dix-septième du championnat, qui n’a pas gagné à l’extérieur depuis huit mois. Une purge de plus à Eastlands où les supporters n’ont rien eu à se mettre sous la dent cette saison, hormis les deux victoires sur Liverpool (en août) et sur Chelsea, fin septembre. Mancini n’a même pas daigné s’adresser à la presse après le match et a envoyé au charbon son « tactical coach » à sa place, David Platt.

A la 85ème minute, Eastlands n’en revient pas, Tévez est remplacé par un milieu défensif (Gareth Barry) alors que les Citizens doivent au contraire faire le forcing pour faire plier Birmingham et sa défense tenace, symbolisée par le gardien Ben Foster, excellent, et l’héroïque Stephen Carr (élu Homme du match). Incompréhensible.

Carlos Tévez, c’est « Monsieur 50 % » (des buts inscrits en PL cette saison). Avec 30 buts en 44 titularisations pour City, et ses efforts incessants sur le front de l’attaque, Tévez est celui sur qui on compte le plus pour débloquer les situations. En sortant du terrain, l’Argentin hoche la tête d’incompréhension, tandis que les supporters, médusés, chantent « What the fuck is going on? ». Certains entonnent un chant de soutien à Craig Bellamy.

Bordées de sifflets à la mi-temps et à la fin du match, la tête de Mancini est réclamée. Les Citizens n’ont plus marqué à domicile depuis six semaines et n’ont inscrit qu’un famélique quinze buts en championnat, soit moins que les trois promus, Newcastle (21), WBA (16) et surtout Blackpool (19), au budget équivalent à une jambe d’Adebayor.

Tévez n’en revient pas

Tévez n’en revient pas

15 novembre. Au terme de cette treizième journée, Man City occupe toujours la quatrième place du championnat (un peu par défaut) et sauve ainsi les apparences. City compte quatre nuls, dont trois 0-0. Mark Hughes en avait accumulé cinq sur les treize premières journées, avant de se faire éjecter un mois plus tard. L’expression de Garry Cook justifiant le limogeage du Gallois (« la trajectoire des récents résultats »), semble plus que jamais d’actualité.

City continue sa plongée dans la spirale de la morosité. L’équipe la plus frustrante de Premier League a cependant l’occasion de se rattraper dans les semaines à venir. D’ici le premier anniversaire de l’ère Mancini (19 décembre), City affrontera Fulham, Stoke, Bolton, West Ham et Everton. Toute la question est de savoir si Roberto Mancini sera encore là pour souffler sur la bougie.

La situation de Manchester City est unique. La métamorphose du club, la transition si brutale, les salaires, les ambitions, un effectif sans cesse renouvelé ; seule une poignée d’entraîneurs sur la planète pourrait mener à bien le « Project » du Sheikh Mansour. Le sentiment général reste que Mancini ne fait pas partie de ce groupe.

The Blues Brothers

The Blues Brothers

Kevin Quigagne.

 

11 commentaires

  1. Xeneise dit :

    Excellente série MV !
    Sacré boulot pour un sacré bordel !
    Merci bien.

  2. la touguesh dit :

    Merci Kevin pour ce dossier complet et très intéressant !

    La seule conclusion qui s’impose, c’ets que ça sent bien le pâté pour que les blues deviennent le plus grand club du monde …

  3. ceci n'est pas un nom dit :

    hâte de voir la suite de cette parodie du foot in buziness
    ah merde c’est vrai tout cela en fait

    qu’on ne me dises pas que le foot part pas en vrille hein

  4. L'angle Oma dit :

    Super boulot. J’espère qu’il y aura une suite ; en fait je n’en doute pas !!!

    Une ou deux coquilles sinon :

    « la mi-temps du Man City-Newcastle (1-1). » Alors que qu’au dessus c’est dit 2-1

    et le lien « danser sur les tables en sifflant des shots et braillant des paroles de chansons-karaoké. » ne renvoie à rien, en tout cas chez moi.

  5. Le Brésilien dit :

    Énorme boulot réalisé ! Cette série est remarquable, très bien écrite et très instructive ! CHAPEAU

  6. Kevin Quigagne dit :

    Merci à tous. Mes réponses maintenant :

    1) @ L’angle Oma. Non, ce n’est pas une coquille, c’est à la mi-temps du match qu’il y avait 1-1 (2-1 à la fin).

    Pour le lien, tu as raison, c’est un lien youtube, je ne comprends pas pourquoi il ne marche pas, il marchait parfaitement hier soir.

    Je vais tacher de remplacer ce lien toxique, ça devrait marcher (en espérant que la moitié du texte ‘doesn’t go tits-up’ lors de la modification – qu’il se barre pas en cacahuète donc).

    2) Bonoman (question posée ds la 2ème partie) : Le magazine WSC, ça ressemble un peu à So Foot chez nous ?

    Voulez-vous que je fasse un article sur la presse foot anglaise depuis, mettons, 1960, ça vous intéresserait ?

    Sans trop entrer dans les détails Bonoman, il y a des similarités bien sûr (irrévérencieux, critique, fouillé, humoristique), mais c’est quand même différent, surtout dans la façon dont WCS a été créé, très intéressant, c’est la « rage » qui a créé ce fanzine inspiré des fanzines de musique (qui n’est bien sur plus un fanzine aujourd’hui mais un magazine à part entière).

    Un seul type à bord au départ, le créateur, Mike Ticher, seul devant sa vieille machine à écrire, aucune connaissance en graphisme ou quoi que ce soit, mais un enthousiasme phénoménal.
    Ticher etait un type très en colère contre le foot anglais, qui partait sérieusement en vrille à l’époque (hooliganisme, racisme, etc. bref, grosse crise), et contre la médiocre presse foot, et qui (il le dit lui-même) ne voulut pas « rester les bras croisés à rien faire et regardant le foot anglais et sa presse aller dans le mur ».

    Faut se replacer dans le contexte de l’époque, aussi bien social, politique, footeux que presse foot. Cette dernière, contrairement a la presse musicale, était vraiment de piètre qualité et très lisse, une presse où toute irrévérence était absolument absente et bannie. J’ai des documents là-dessus – WCS est véritablement le premier mag qui a apporté de la critique et de l’esprit dans la presse foot anglaise, la nationale, je parle pas des fanzines).

    J’ai pas mal lu là-dessus et entendu des émissions et toussa, et si ça vous intéresse, je peux donc faire un article sur WCS et la presse foot anglaise depuis mettons, les années 60-70, jusqu’à aujourd’hui, les Sixties, l’ère des mags insipides et austères, surtout Football Monthly, y’a eu Match aussi, aussi les cultissimes Shoot! et Goal, tous deux créés dans la vague d’euphorie post-1966, où le foot commençait a générer de l’argent, et où les footeux (sans salary cap depuis peu, 1961), commençaient à bénéficier de tout ça et à devenir des pipoles, et à s’afficher dans les magazines, les Best, Stan Bowles, Rodney Marsh, etc.
    Bon, faut savoir que y’a eu 300 titres de foot dans la presse anglaise depuis le premier titre (qui fut « Goal », The Chronicle of football, en 1873).

    Le premier éditorial de When Saturday Comes (mars 1986, en fait, la couverture !), est absolument incroyable, un monument d’amateurisme (in a good way), c’est un gros coup de gueule rageur, mais aussi humoristique, contre le système, contre ce foot qui part en vrille, contre les Robert Maxwell, Ken Bates, Irving Scholar, Ron Noades, etc.

    Mais alors le « graphisme » de la couverture, c’est quelque chose ! L’éditorial, est en fait en couverture ! (écrit tout petit, doit y avoir 500 mots !)

    On dirait même que c’est tapé a la machine par un type au pub, y’a même 3 ou 4 trucs carrément écrits à la main ! (probablement tapé à la vieille machine, ce qui m’étonnerait pas vu le prix exorbitant des ordis à l’époque, les Amstrad d’Alan Sugar et autres Commodore si je me souviens bien, des bécanes qui coûtaient facilement 10 000 francs vers 1985).

    J’ai cet éditorial chez moi et je peux te l’envoyer si tu veux, contacte-moi par email : mangeurvasque@yahoo.com.

    Une question à la Touguesh au sujet de Malcolm Allison, j’imagine qu’il est toujours considéré comme un héros au Sporting (puisque ce club dut attendre 18 ans avant de reconquérir le titre si je ne m’abuse). Mais au Portugal, est-ce qu’Allison a aussi cette image Bestienne du fêtard play-boy ?

  7. SuperColleter dit :

    Hi MV,
    WSC, je plussune, le meilleur mag de foot et de loin, je pense d’ailleurs que le ton « sérieux sans se prendre au sérieux » a inspiré les auteurs des CdF et de SoFoot.
    Vivant à Coventry en 91, j’ai écumé les newsagents en vain, impossible de trouver un mag de foot décent (je lisais FF du premier au dernier caractère à l’époque ; abonné, ma mère me le « forwardais », je l’avais 15jours après les matches…). Bref, les seuls mags de « sport » étaient composés essentiellement de photos de jeunes femmes bustées en tenue de foot.
    Je suis surement passé à coté de WSC à l’époque mais je me suis rattrappé depuis. Je pense que WSC par son ouverture, aussi bien sur le monde que sur les divisions mineures ou les fans, ou encore ses couvs très potaches n’a pas d’équivalent aujourd’hui. Je vote donc pour une rétro / un best of.
    Et ce titre, When Saturday Comes, c’est génial.
    Labizémercipourtout
    Super

  8. Moumouz dit :

    Bravo!

  9. -Twist- dit :

    Dernière étape, très réussie elle aussi.
    Passionnant.
    So Foot a fait un papier/dossier récent sur MCity, de bonne facture. Mais ton article est encore plus passionnant et pleins d’infos.
    Merci encore!

  10. Kevin Quigagne dit :

    Merci Twist pour tous tes commentaires. Je réponds à ta question sur la nouvelle règle du Home Grown Player (expliquée dans l’épisode 3).

    City n’a pas eu trop de problèmes à choisir 25 noms car la règle permet d’omettre les U21 de la liste principale. City a donc pu caser Boyata, Balotelli et d’autres dans la liste annexe (qui compte 44 noms).

  11. Beheliev dit :

    Super série =)

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