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L’œil de Vishy

2/11/2008 – 13:17

L’Indien Viswanathan Anand, couramment surnommé « Vishy », vient de conserver son titre de champion du monde d’Echecs en battant le Russe Vladimir Kramnik par 6,5 à 4,5. Grand amateur de football, il a accepté d’être notre collaborateur d’un jour et de décrypter pour nous les forces et les faiblesses de Paul Le Guen.

Vishy, tout d’abord bravo pour votre victoire convaincante contre Kramnik…

Merci !

Le grand public ignore généralement que vous êtes un passionné de football… Ce n’est pourtant pas le sport préféré des Indiens…

C’est vrai, nous préférons le cricket ou le hockey sur gazon… Mais cela fait longtemps que je passe une grande partie de ma vie en Europe et j’ai appris à apprécier le foot.

On imagine mal les joueurs d’Echecs en fans de foot…

Cela fait partie des multiples préjugés à notre encontre… Nous ne sommes pourtant pas différents du reste de la population : il y a proportionnellement autant d’amateurs de foot parmi nous que parmi les chauffeurs de taxi ou les banquiers d’affaires… En plus, il y a dans le rôle de l’entraîneur des similitudes frappantes avec le jeu d’Echecs, ce qui accroît l’intérêt que nous lui portons… Il y a même eu un livre écrit sur le sujet.


Luis? Luis? Rends le livre au Monsieur!

Ah oui ? Quelles similitudes ?

Eh bien, prenons le cas d’un club que j’apprécie beaucoup pour avoir suivi dans les années 90 ses épopées européennes : le Paris Saint-Germain. Il est évident que son entraîneur est un fin stratège qui ferait probablement un excellent joueur d’Echecs s’il remédiait à certaines lacunes.

Paul Le Guen ? Vraiment ?

Oui… C’est quelqu’un qui a beaucoup progressé. Prenons sa façon d’utiliser son pion passé avancé – euh, je crois que vous appelez ça un avant-centre ? Bon, aux Echecs, s’il joue avec les Blancs, ce serait un pion en d6. L’an passé, il se contentait de soutenir son pion de loin, avec une Tour en d1 pour lui balancer de longs ballons en avant. Or n’importe quel joueur d’Echecs expérimenté sait qu’en bloquant le pion passé on le rend souvent inoffensif : il suffisait à ses adversaires de mettre un bon stoppeur, par exemple un Cavalier en d7, et le tour était joué.


 

Vue aérienne du Parc des Princes

Qu’est-ce qui a changé cette saison ?

Le Guen ne se contente plus de soutenir son pion passé de loin. Il a compris qu’il devait varier les mises sous pression du stoppeur en utilisant ses pièces légères. Lui qui poussait son Jérôme Rothen de cases blanches trop loin sur l’aile gauche, jusqu’en a6 quand il le pouvait, voilà cette saison qu’il le fait occuper une position plus centrale, en b5… Résultat : il tape directement sur le stoppeur en d7.

De la même façon, il n’hésite plus à envoyer ses Cavaliers Sessègnon et Chantôme en soutien direct de son pion d6, par des prises d’avant-poste en e5 ou c5 qui, là aussi, mettent une pression accrue sur les lignes défensives adverses. Cela accroît d’autant le pouvoir de nuisance du pion avancé, pouvant résulter plus fréquemment sur sa promotion – euh, pardon, sur l’inscription d’un but.


Malgré des résultats meilleurs que l’an passé, le public parisien reste quelque peu sceptique quant au spectacle proposé par le PSG.

Nette amélioration offensive, donc… Et défensivement ?

Il y a du mieux aussi… Déjà, pour ce qui est de la protection du roque, enfin, du but… L’an passé, le roque était affaibli par des avancées intempestives de pions : vous aviez Ceara qui avançait en h3, voire h4, sans que Souza ne couvre la diagonale h2-b8 ; vous aviez un Yepes qui montait en g3 sans s’assurer que les cases blanches dans son dos étaient protégées ; vous aviez la Tour Bourillon qui allait baguenauder sur les colonnes centrales en laissant f2 sans protection. Cette saison, les défenseurs du roque restent compacts et offrent moins d’affaiblissements aux assaillants adverses… Du coup, le Roi Landreau fait moins n’importe quoi.

Ensuite, il y a un progrès dans la défense collective… Vous savez, au foot comme aux Echecs, c’est l’ensemble des pièces qui doivent se coordonner pour empêcher l’autre de vous mettre sous pression. L’an passé, Le Guen utilisait des méthodes primaires, des pressings désorganisés où certains pions partaient à l’aventure sans que le soutien des partenaires ne soit adéquat, un peu comme dans la variante des quatre pions de l’Alekhine… Un adversaire expérimenté sait prendre à revers ces lignes imprudemment poussées, dont il ne reste bien vite que des lambeaux pitoyables. Cette saison, le pressing est plus réfléchi, la conquête de l’espace ne se fait pas au détriment de la coordination des joueurs.

Il y a quand même eu des contre-performances notables: Grenoble, Toulouse, plus récemment Nice…

Oui, et ça me fait arriver aux lacunes de Le Guen. Indéniablement, il a du mal à affronter les systèmes défensifs renforcés, surtout quand il joue avec les Blancs… enfin, à domicile. Contre la défense Petrov opposée par Grenoble ou la Caro-Kann choisie par Toulouse, il a été incapable de s’emparer de l’initiative et de percer les lignes adverses. C’est plus facile pour lui de jouer des parties plus ouvertes, comme il l’a fait avec les Noirs au Vélodrome, où son Dragon ultra-offensif s’est révélé payant. (Bon, c’est vrai que, en l’occurrence, contre les chèvres marseillaises, un simple coup du berger aurait suffi.)

Cela dit, il faut aussi voir le matériel dont Le Guen dispose ! C’est la grande différence entre le foot et les Echecs : chez nous, les pièces de départ des deux camps sont de valeurs égales… Pour Le Guen, pas du tout, c’est comme s’il avait :

un Roi Landreau qui peut se déplacer de deux cases latéralement mais seulement d’une demi-case vers le haut ;

des pions latéraux a2 et h2 qui ont quelques problèmes au démarrage et n’ont pas le droit d’avancer de deux cases pour leur premier coup ;

une Tour Camara qui balance des pions dans son propre roque ;

un Fou Luyindula qui est systématiquement sur les cases de même couleur que ses pions, ce qui le rend immanquablement mauvais ;

un Cavalier Pancrate qui, s’il galope beaucoup, n’en est pas moins avant tout un gros bourrin ;

une Reine Jérémy Clément, pièce la plus importante du milieu, qui n’a droit de se déplacer que vers l’arrière…

Et bien essayez de gagner une partie d’Echecs avec ça : moi je vous le dis, vous auriez du mérite !

Attention Paulo : Jean-Michel Aulas aussi s’est mis aux Echecs !

 

  1. 2 582 réponses to “L’œil de Vishy”

  2. PSG // échec , le parallèle était pourtant évident. Merci d’y avoir pensé et d’avoir réalisé cette interview brillante.
    Les illustrations sont tout simplement hilarantes, et les comparaisons entre les joueurs et des pièces sont énormes (et je passe sur l’excellent coup du Berger face aux chèvres!).
    Vous êtes géniaux.

    De Aurélien le 2/11/2008

  3. Première fois que je réagis sur ce blog que je lis depuis le début (ben oui, Vishy a raison, beaucoup de joueurs d’échecs sont des passionnés de football !). L’analogie entre le jeu d’échecs et… ben n’importe quoi d’autre en fait, est un exercice très périlleux mais vous vous en sortez avec brio. Très bonnes notions stratégiques et connaissances des ouvertures, notamment.

    Juste : Le Guen joue avec trois cavaliers ? ; ) (Sessegnon, Chantôme et Pancrate.)

    De Jean le 2/11/2008

  4. Cher Jean,

    Merci de votre commentaire.
    Pour ce qui est des 3 Cavaliers, vous noterez que Le Guen ne les aligne pas ensemble: pas d’entorse donc aux règles du jeu. Et si cela arrivait en cours de partie, on pourrait y voir une subtile promotion d’un pion en Cavalier.

    Bien à vous

    De Les auteurs le 2/11/2008

  5. Certes, au temps pour moi donc. Comme c’est le seul cas de pièce en trop, je m’étais dit qu’il s’agissait peut-être d’un oubli.

    De Jean le 2/11/2008

  6. Excellent ! L’auteur a du style, de vrais connaissances aux échecs et aime le PSG, ce qui fait beaucoup pour un seul homme.

    De Axgtd le 2/11/2008

  7. C’est vrai que pour se lancer dans une comparaison entre les échecs et un autre sport, il faut vraiment s’y connaître dans les deux domaines, et si on savait déjà les auteurs du Glas férus de football, on ignorait la passion d’au moins l’un d’entre eux pour les échecs.
    Félicitations Messieurs !
    (Et pour ma part, je suis également fan du Coup du Berger, en plus des comparaisons joueurs-pièces en fin d’article.)

    De MatteOL le 2/11/2008

  8. félicitations pour cet exercice de style!
    malgré mon support indéfectible pour le club ennemi je ne rate jamais un de vos articles. Même moi ça m’a fait rire le coup du berger :o)

    De OnpeutaimerlOMetenrire le 3/11/2008

Pas de commentaire à faire sur ce sujet, merci de contacter M. Martinon.