Episode XLIV: Où ci-gît rondin

(Si vous n’avez pas lu les épisodes précédents, c’est mal, allez les lire… Oui oui, maintenant.)

Pendant que Bezrissot dansait Place des Quinconces pour célébrer la victoire de ses hommes, Borespierre et Saint-Justo, l’air sombre, vidaient des godets dans un bouge parisien.

– Putain de jeu de plante, disait le premier… On se pète les méninges pour inventer une discipline pouvant être le symbôle de notre Révolution, et voilà que le premier titre est gagné par des Vendéens royalistes, et le second par des Girondins tout centristes mous qui passent leur temps à finasser et à nous détourner du droit chemin de la Terreur… Car je ne sais pas si je te l’ai déjà dit, mon Saint-Justo, mais sans Terreur la Vertu n’est…

– Oui oui, je sais, tu me l’as dit cent vingt-cinq fois, l’interrompit Saint-Justo… Et je te rejoins tant sur cette noble maxime que sur le constat que tu fais: ça fait vraiment chier que les petits invertis de Bezrissot aient gagné ce championnat! C’est un exemple déplorable, c’est le triomphe de la bourgeoisie dans tout ce qu’elle peut avoir de mesquin, d’étriqué, de conservateur, c’est Bordeaux élevé au rang de parangon, c’est l’annonce de ce que sera la France, celle de Louis-Philippe, celle de Guizot, celle de Pinay, celle de Giscard, celle d’Hervé Morin… C’est la médiocrité qui entre au Conservatoire, c’est les radicaux de gauche qui siègent à l’Assemblée, c’est Jacques Haie entraîneur, c’est juste nul, nul à chier, sans talent et sans classe, tiens, ça me fait gerber, voilà…

Ebranlé par la tirade de son ami, Borespierre voulut le consoler:

– Allons allons, mon bon Saint-Justo, ne nous laissons pas abattre! Certes, nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre! Il est dans le jeu de plante des forces immenses qui n’ont pas encore donné, et quand elles vont donner, ça va faire mal à certains anus horribilis, moi je te le dis!

Revigoré par ces propos optimistes, Saint-Justo interrogea:

– Et que proposes-tu de faire, Borespierre?

– Ben, à ton avis? On n’a qu’à buter ces putains de Girondins!