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Episode XLII: Où l’on sent la curée

3/08/2008 – 9:57

(Si vous n’avez pas lu les épisodes précédents, c’est mal, allez les lire… Oui oui, maintenant.)

La mise en oeuvre du plan de Saint-Justo retint dès lors toute l’attention de Borespierre et, dans une moindre mesure, de Bezrissot. Pour ce qui était de zigouiller Louis XVI et sa câtin autrichienne, ça ne prit que quelques mois: on trouva l’armoire en fer qui abritait sa caisse noire, et les preuves qu’elle contenait étaient irréfutables… Un courrier en particulier choqua le peuple de France: adressé au Duc de Schumacher, il le félicitait de son intervention contre Baptiste Hon, le plus aimé des cinq potes H… Il fut aisé pour Borespierre de plaider la haute trahison et d’obtenir la tête du monarque.

Pour ce qui était de la mise au pas des Vendéens, il convient de distinguer deux choses. L’une, minime, consista en une guéguerre contre cette province rebelle – pour ceux voulant vraiment plus de détails sur cette parenthèse bien secondaire, se reporter à V. Hugo featuring J. Starr: « Quatre-vingt-treize ». L’autre, plus fondamentale, fut l’offensive menée contre les Fiers des Couleurs de Notre Aristocratie.

Bezrissot porta le premier coup: il rencontra le cousin de Madame Tusseau et, en lui servant un coup à boire, lui dit: « Ecoute garçon, toi tu es du Tiers Etat… Qu’as-tu à défendre des nobliaux qui te méprisent? Rejoins donc les rangs du peuple! » Et pour quelques assignats de plus, l’affaire fut entendue: Tusseau s’engagea avec le Club des Girondins.

Avec Joseph de Touré-Joué, Bezrissot changea d’approche: « Ah Joseph, Joseph, toi vraiment tu as tout pour être le meilleur, sauf qu’on a envie de te mettre des coups de pied dans le derrière… Avec le talent que tu as, tu pourrais faire dix fois plus, mais Charette de Suaudeau ne te met pas en valeur, tu es perdu dans le collectif, personne ne te remarque… Avec Jacques Haie, tu serais une étoile – viens Joseph, rejoins le Club des Girondins! » Et ainsi fut-il.

Dans cette offensive, Borespierre n’était pas en reste. Il s’en fut voir le canonnier bosniaque des Vendéens et lui dit: « Fier Vahid, tu es un coeur noble dont on a abusé. On te fait croire que tu défends une juste cause: c’est faux… Tu défends l’oppression du peuple de France, tu défends une caste inique issue de l’ordre ancien… Il est des aristocrates dont la valeur égale le sang, mais ceux-ci sont du côté de notre Révolution, contre le tyran et son Autrichienne – cette Autriche qui n’a de cesse de combattre ton Empire ottoman. Abandonne les Vendéens, fier Vahid, et rejoins les Partisans de la Sûreté Générale! » Et fier Vahid se rangea à ces raisons.

Borespierre entreprit également le Vicomte de Beau Sisse, mais celui-là, oh celui-là! Il était libre, Max’! Ca ne servait à rien de lui dire ce qu’il devait faire… Cela étant, l’idée de voler jusqu’à Paris le bottait bien, mais jouer pour les Partisans de la Sûreté Générale, bof, trop sérieux pour lui: il choisit un petit Club de faubourg pour y faire valoir ses grandes enjambées sous une tunique blanche et bleue – il tomba rapidement dans l’anonymat.

L’affaiblissement des troupes de Charette de Suaudeau aurait été total si Mézouénikar Adonkor, le robuste guerrier achanti, avait également quitté le navire… Sauf que telle n’était absolument pas son intention: il se montra inflexible, rejetant les avances conjuguées de Bezrissot et de Borespierre… « Moi vivant, dit-il, je lutterai pour les aristocrates et ferai mordre la poussière aux imprudents roturiers voulant contester leur prééminence – tenez-le vous pour dit! »

Ils se le tinrent pour dit et notèrent que le « moi vivant » imprudemment prononcé leur donnait la solution à leur problème… Et quelques jours plus tard, le carrosse de Mézouénikar Adonkor cheminait à vive allure sur une route de bord de mer quand, hasard troublant, il échappa au contrôle de son cocher, versa sur le côté, bascula par-dessus le rebord de la falaise… Le noble Achanti fut tué sur le coup, laissant des FCNA privés de leur dernière ressource, laissant surtout un demi-frère en larmes sur son cercueil – mais cela est une autre histoire, qui ne saurait être contée en ces pages qui comportent déjà trop de saillies tragiques.

  1. 30 réponses to “Episode XLII: Où l’on sent la curée”

  2. Mais où vont-ils chercher tout ça ? J’adore, tout simplement !

    De MatteOL le 3/08/2008

  3. « TON empire ottoman » pour Vahid? Et ben dites donc, moi qui croyais que c’étaient les ottomans qui avaient colonisé la Bosnie et pas l’inverse…

    De desproges le maître le 5/08/2008

  4. Bonjour,

    Les populations du territoire qu’on appelle aujourd’hui la Bosnie et qui ont embrassé la religion musulmane durant l’occupation ottomane ont été soutenues par la Sublime Porte (à l’inverse des populations catholiques, sur lesquelles s’est appuyé l’Empire austro-hongrois dans sa lutte contre les Ottomans). Il n’est aucune raison de penser que le prince Vahid, dont le prénom indique qu’il est musulman, ne se sente pas pleinement partie prenante de l’Empire ottoman.

    Cordialement

    De Les auteurs le 5/08/2008

  5. Chers Les Auteurs,

    Je m’exuse tout d’abord de ma réponse très tardive. Elle s’explique autant par les congés d’été que par une fainéantise incurable.

    S’il est vrai que les « populations de Bosnie » (pourquoi le pluriel?) ont embrassé l’Islam, elles ne l’ont fait qu’en partie. Ce sont les ottomans qui autorisèrent les premiers aux frères franciscains (!) de se maintenir sur le territoire bosniaque (en 1463, soit leur date d’arrivée à peu près), ce qui témoignait déjà d’un esprit d’ouverture chez les ottomans en ce qui concerne le religion. Le résultat fut que l’islam n’était pas du tout la seule religion présente sur la région.

    Un autre argument essentiel réside dans une période de l’histoire que l’on a tendance à mininmiser à cause de l’extraordinaire influence qu’eut la Sublime Porte: la domination de l’empire austro-hongrois. Encore aujourd’hui à Sarajevo, vous pouvez voir à quantité égale les constructions ottomanes et austro-hongroises (je passe sur les synagogues et sur l’extraordinaire communauté juive de Sarajevo, par exemple). La Sublime Porte est donc loin d’avoir eu le monopole de la domination religieuse.

    L’une des caractéristiques les plus marquantes de la Bosnie est précisément sa mixité religieuse, excluant d’emblée une prédominance historique de l’islam chez des gens qui sont, après tout, des slaves. Il en résulte des choses inhabituelles -c’est-à-dire en contradiction avec le lavage de cerveau que nous subissons de la part de TF1-, telles que des prénoms qui semblent musulmans à l’oreille occidentale (Vahid) mais qui ne signifient rien en soi dans le contexte bosniaque. Vous avez au Liban des Vahid ou des Fouad parfaitement catholiques.

    Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il n’y a aucune raison pour qu’un Vahid de Bosnie soit musulman. D’autant plus que, Sublime Porte ou pas, il y a tout de même eu 50 ans de communisme (athéisme) depuis 1945… Maintenant, si ça se trouve, Vahid est vraiment vraiment musulman, j’en sais rien et peu importe…

    Loin de moi l’intention de pinailler ou de vous reprocher quoi que ce soit, je lis avec un plaisir quasi-orgasmique tout ce que vous écrivez. Je ne voulais juste pas laisser passer ce qui m’apparaissait comme un cliché trop facile, car j’attends de vous le maximum (c’est votre faute, vous m’avez habitué).

    Revenons-en au foot et à l’objet de votre site: vous me faites marrer et continuez commeça! J’ai une idée de sujet à vous suggérer, vous qui êtes supporters du PSG et donc fans de mon ami Susic (prononcez Souchitch svp!). Jetez un coup d’oeil sur la situation assez désespérée de la Fédé bosniaque de foot: elle est dirigée par un groupe de mafieux terrible, ne cesse de se faire piquer les joueurs sélectionnables (Ibrahimovic, 9 joueurs de la séléection croate qui perd contre la turquie sont bosniaques). C’est un exemple terrible de mauvaise gestion dans un contexte où l’ensemble des joueurs ex-yougoslaves formeraient une sacré sélection…

    Bien à vous,

    Desproges le maître.

    De desproges le maître le 30/08/2008

  6. Cher Desproges le maître,

    Tout d’abord merci pour la qualité de votre lecture et de vos commentaires – c’est grâce à des lecteurs comme vous que ce blog a un sens.

    Sur le fond, merci de ce rappel rompant l’automaticité de l’appartenance à l’Islam pour le prénommé Vahid. Néanmoins, vous nous autoriserez à faire jouer le privilège de l’auteur, qui est de décider, dans les limites du vraisemblable, des caractéristiques de ses personnages: ce fier Vahid que nous avons créé, nous l’avons créé musulman, et se sentant partie prenante de l’Empire ottoman… Il eût pu en être autrement, mais il faut bien à un moment choisir un chemin parmi toutes les voies possibles.

    Amicalement

    De Les auteurs le 30/08/2008

Pas de commentaire à faire sur ce sujet, merci de contacter M. Martinon.