Ni buts ni soumises » Coupe du monde 2019 – Huitièmes de finale – Les états unis d’Europe

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Coupe du monde 2019 – Huitièmes de finale – Les états unis d’Europe

Les quarts de finales de la Coupe du monde opposeront sept équipes européennes et les États-Unis. Ce sont les Bleues qui auront la lourde tâche d’affronter les championnes du monde pour le match au sommet annoncé depuis le tirage au sort.

Au-delà de la poursuite de leur parcours en Coupe du monde, les joueuses de Corinne Diacre joueront aussi leur qualification pour les Jeux Olympiques de Tokyo puisqu’il est désormais établi qu’il faudra au moins être demi-finaliste pour faire partie des trois meilleures équipes européennes.

Tous les huitièmes de finale de la Coupe du monde 2019 opposaient une équipe européenne à une équipe d’un autre continent et en dehors de ceux concernant les deux équipes africaines, le Nigeria et le Cameroun, qui n’ont jamais semblé en mesure d’inquiéter l’Allemagne et l’Angleterre, aucun autre match ne s’est achevé avec plus d’un but d’écart.

Mais en dehors des États-Unis, grandissimes favoris et qui ont eu besoin de deux pénalties pour venir à bout de l’Espagne, c’est à chaque fois l’équipe européenne qui a passé le tour ce qui donnera aux quarts de finales un petit air d’Euro amélioré.

Il y a deux ans lors du vrai Euro, l’Italie et la Norvège n’avaient pas passé le premier tour mais les cinq autres équipes étaient également en quart de finale. Toutefois, l’Autriche et le Danemark, absents cette année, avaient passé le tour et s’étaient disputé une place en finale.

La présence d’une très grande majorité d’équipes européenne n’est pas inhabituelle dans les Coupes du monde masculines où elles étaient également sept en 1994 et où elles ont été quatre fois six depuis 1990. Mais cela correspond à un football masculin bipolaire où les demi-finalistes qui ne viennent ni d’Europe ni d’Amérique du Sud sont au nombre de deux en 21 éditions1, aucune n’ayant atteint la finale. Chez les femmes, trois continents ont déjà emporté l’épreuve et quatre sont arrivés au moins en demi-finale. Et ce constat reste le même si l’on ignore les États-Unis, sorte de point aberrant toujours présent en demi-finale mais qui n’est la pas la seule équipe Nord-Américaine à avoir atteint ce stade puisqu’elle était accompagnée du Canada en 2003.

L’image courante est donc celle d’une compétition féminine beaucoup plus ouverte à tous les continents que son homologue masculine. D’ailleurs il y a quatre ans, seules l’Angleterre, l’Allemagne et la France avaient atteint les quarts de finale et le record du genre date des deux premières éditions où cinq représentants du vieux continent étaient représentés.

Mais à y regarder de plus près, c’est sans doute plutôt le millésime 2015 qui était le moins représentatif avec à peine plus d’un tiers des équipes de la zone UEFA qualifiées à ce stade. Lors de toutes les autres éditions, ce taux est d’au moins deux tiers et atteint souvent les 80 % (voir 100 % en 1991 et 1995). Avant l’élargissement à 24 équipes en 2015, il n’y avait que cinq représentants européens (6 en 1999), difficile donc de faire quasi carton plein.

Ainsi si la répartition entre les différentes confédération n’a pas sensiblement évolué, l’augmentation du nombre d’équipe semble bénéficier à l’Europe, plus à même de présenter un grand nombre d’équipes compétitives.

Le mode de qualification de la zone UEFA pour les Jeux Olympiques est lié au même constat : avec un grand nombre d’équipes concernées pour un très petit nombre de places, il est difficile de fabriquer des éliminatoires spécifiquement olympiques. La phase finale de l’Euro se disputant trois ans avant les Jeux Olympiques, elle ne serait pas très pertinente comme tournoi qualificatif. C’est pourquoi c’est la Coupe du monde qui en tient lieu2. Mais avec sept équipes encore en lice pour trois places seulement, les quarts de finales de la Coupe du monde deviennent des matchs de barrages olympiques. En cas de victoire des États-Unis sur la France, les trois autres demi-finalistes iront à Tokyo. Dans le cas contraire, le match pour la troisième place, habituelle aimable partie de campagne entre équipes démotivées deviendra lui aussi un barrage à la mort subite.

Pour les Bleues, le match de vendredi aura des conséquences lourdes pour les deux prochaines années : en cas de victoire sur l’ogre américain, la compétition sera réussie et la qualification olympique restera possible. En cas de défaite, l’objectif minimal de rejoindre les demi-finales ne sera pas atteint, les interrogations sur la manière ressortiront et il faudra se concentrer pendant deux ans sur les éliminatoires de l’Euro 2010 face à l’Autriche, la Serbie, le Kazakhstan et la Macédoine du Nord.

Après avoir plusieurs fois échoué à ce stade contre des adversaires largement à sa portée, cela serait un beau pied de nez de cette équipe de France de passer à nouveau le cap face à la meilleure équipe du monde. Il y a quatre ans, ça n’était pas passé loin.

Tableau prévisionnel suivant le classement Fifa
NOR 1 NOR 31,6% ENG 36,8% FRA 60,1%
AUS 1
ENG 3 ENG 68,4%
CMR 0
FRA 2 FRA 56,0% FRA 63,2%
BRA 1
ESP 1 USA 44,0%
USA 2
ITA 2 ITA 36,1% NLD 35,3% DEU 39,9%
CHN 0
NLD 2 NLD 63,9%
JPN 1
DEU 3 DEU 65,3% DEU 64,7%
NGA 0
SWE 1 SWE 34,7%
CAN 0

Les quatre quarts

Norvège- Angleterre

C’est la revanche du huitième de finale de l’édition précédente où Steph Houghton et Lucy Bronze avaient permis à l’Angleterre de passer en quarts de finales. Depuis la hiérarchie ne s’est pas inversée, la Norvège a manqué son Euro 2017 dans les grandes largeurs pendant que l’Angleterre se hissait en demi-finale, ce qui reste finalement une déception.

L’Angleterre a remporté tous ses matchs sans trembler, faisant participer toutes ses joueuses sauf la gardienne Mary Earps alors que la Norvège dispute sa compétition à 16 et a eu besoin des tirs aux buts à 11 contre 10 venir à bout de l’Australie. Sur le papier, l’Angleterre est nettement favorite mais cette Norvège semble capable de faire déjouer tout le monde, les Bleues peuvent en témoigner.

France- États-Unis

C’est le match qui était annoncé le jour du tirage au sort. L’épine dans le pied dès deux équipes, le point sur lequel elles se sont focalisées depuis le début. Car si on a bien en tête que vu du côté Bleu, c’est un mauvais tirage que de devoir affronter la meilleure équipe mondiale dès le quart de finale, vu d’en face, on ne pouvait pas non plus imaginer bien pire que de rencontrer le pays organisateur, l’équipe qui a infligé aux Américaines leur seule défaite en 2019 (3-1 au Havre le 19 janvier), qui est aussi l’autrice de leur avant dernière défaite (3-0 le 7 mars 2017 lors de la SheBelieves Cup) et qu’elles n’ont pas battu entre temps (un nul 1-1 le 4 mars 2018, à nouveau pour la SheBelieves Cup).

À la fin, le tirage n’aura évidemment été mauvais que pour une seule des deux équipes et cela a toutes les chances d’être la France : si elle a réussi ses trois dernières rencontres face aux États-Unis, c’était à chaque fois en match amical. La confrontation précédente avait eu lieu aux Jeux Olympiques de Rio et les Américaines s’étaient imposées 1-0, tout comme lors des Jeux précédents (4-2) et lors de la Coupe du monde 2011 (3-1 en demi-finale). Après avoir mis 27 ans à remporter enfin un match face aux États-Unis, la France attend encore de le faire dans un match officiel.

Kadidiatou Diani face à Tamires sous les yeux de Marta et Delphine Cascarino

Kadidiatou Diani face à Tamires sous les yeux de Marta et Delphine Cascarino

Au bout de deux matchs, Jill Ellis avait fait jouer toutes ses joueuses de champ et la victoire contre le Chili avait permis à Ali Krieger d’affirmer que les États-Unis avaient les deux meilleures équipes de la compétition. Mais les remplaçantes américaines ont bien fait de profiter de ce match parce que pour la plupart, elles n’ont plus eu l’occasion de s’exprimer : six joueuses n’ont foulé la pelouse que lors de ce deuxième match. En huitième de finale, les trois remplaçantes se sont partagées 7 minutes de jeu3. Même Corinne Diacre qui rechigne en général à employer son banc ne va pas jusque là.

Outsider mais à domicile, l’équipe de France possède en théorie toutes les armes pour gêner une équipe américaine qui a peiné contre l’Espagne face à sa première vraie adversité dans cette compétition (une seule frappe cadrée en dehors des deux pénalties de Megan Rapinoe), la Thaïlande et le Chili n’étant pas vraiment au niveau et la Suède ayant – sans doute avec raison – choisi de ne pas se disperser dans une bataille qu’elle n’avait pas besoin de gagner en alignant une moitié de remplaçantes.

La qualité des prestations de l’équipe de France jusque là n’encourage pas à l’optimisme en dehors de la première mi-temps du match d’ouverture mais même dans la difficulté, elle a remporté tous ses matchs et si elle arrive à lâcher les chevaux, elle ne sera pas une victime expiatoire. Le fait de ne pas être favorite et d’affronter une équipe qui ne lui laissera pas toute la responsabilité du jeu pourrait l’aider à y parvenir.

Italie- Pays-Bas

L’Italie a été une nation forte durant les années 80 et 90, participant à peu près à toutes les éditions de l’Euro ce qui lui avait valu de participer à la première édition de la Coupe du monde en 1991 où elle avait poussée la Norvège à la prolongation. Mais malgré des participations encourageantes à l’Euro où elle n’avait dû s’incliner que face à l’Allemagne en 2009 et 2013, elle n’était plus revenue en Coupe du monde depuis 1999. Entre temps, la fédération italienne avait laissé partir le train et le reste de l’Europe l’avait distancée. Mais depuis deux ans, avec l’arrivée de Milena Bertolini à la tête de la Squadra Azzura à la place d’Antonio Cabrini et avec l’arrivée concomitante des clubs professionnels masculins, les choses ont changé.

Les Pays-Bas ne faisaient pas du tout partie des nations historiques. Les Néerlandaises avaient profité des élargissements des phases finales pour participer à l’Euro depuis 2009 (passage à 12 équipes) et à la Coupe du monde depuis 2015 (passage à 24 équipes) mais c’est l’arrivée de Sarina Wiegman à six mois de l’Euro à domicile qui a transformé l’équipe des Pays-Bas qui a surfé sur le succès populaire jusqu’à la victoire finale.

Mais au contraire des italiennes, la progression ne passe pas par l’amélioration du championnat mais par l’exode des joueuses dans les championnats les plus huppés. Dans les 23 Italiennes, seule Elena Linari joue à l’étrange à l’Atlético Madrid. A contrario, six Néerlandaises seulement jouent aux Pays-Bas, donc quatre à l’Ajax Amsterdam, mais pami elles, seule Kika van Es joue réellement cette Coupe du monde, Renate Jansen n’est entrée que trois minutes contre le Canada et les autres ne sont pas entrées en jeu.

Allemagne- Suède

Si Italie-Pays-Bas est un duel de nations montantes, Allemagne-Suède est un classique éprouvé : cela a déjà été l’affiche d’une finale de Coupe du monde, de deux finales d’Euro et de la dernière finale olympique. Avec à chaque fois la victoire de l’Allemagne. Car si les deux équipes font depuis longtemps partie des favorites des compétitions, le palmarès de la Suède se limite à la victoire dans le premier Euro de l’histoire en 1984 là où l’Allemagne a remporté une médaille d’or olympique, deux Coupes du monde et huit Euros.

Les deux équipes sont annoncées en reconstruction après le départ de leurs sélectionneuses emblématiques Silvia Neid et Pia Sundhage mais si l’Allemagne présente toujours une des équipes les plus jeunes du plateau – signe à la fois de la richesse du vivier et de la difficulté à faire durer et à stabiliser l’équipe – la Suède tente de se renouveler avec les mêmes joueuses sauf Lotta Schelin, ce qui est certes une perte d’importance. Les jeunes Stina Blackstenius et Fridolina Rolfö tentent de combler le vide laissé par l’ancienne joueuse de l’OL mais le costume semble encore un peu grand pour elles.



Un commentaire pour “Coupe du monde 2019 – Huitièmes de finale – Les états unis d’Europe”

  1. « Il faut encore travailler, tout simplement » a déclaré Corinne Diacre juste après le quart de finale perdu face aux Etats-Unis. Mais qu’est-ce que vous travaillez et qu’est-ce que vous avez travaillé, Madame Diacre, depuis bientôt deux ans que vous êtes à la tête de l’équipe de France, ai-je envie de vous demander. C’est la même question, vous me direz, que j’aurai pu adresser à Philippe Bergeroo et dans un moindre mesure à Olivier Echouafni qui n’est resté qu’un an en place.

    Je suis l’équipe de France depuis la Coupe du monde 2011 parce que j’ai été surpris et séduit par le jeu alors proposé. On ne gagnait pas de titres mais, au moins, on jouait bien au football et moi j’étais content. J’imaginais. Non. C’était sûr. Avec le potentiel affiché et les progrès à venir, on allait gagner des titres. Oui, c’était écrit… c’était mathématique.

    Depuis 2013, c’est pathétique et aujourd’hui, c’est dramatique. On se permet même, à force de travail, comme on est plus capable de faire trois passes d’affilée, de jouer sans le milieu de terrain, c’est pour dire.

    Et ça, c’est la réalité.

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