Ni buts ni soumises » En attendant de briller

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En attendant de briller

L’équipe de France a commencé sa préparation pour sa Coupe du monde à domicile par deux victoires contre des adversaires à sa main avec une équipe renouvelée. La revue d’effectif n’en est sans doute qu’à ses débuts et pour l’instant les enseignements sont maigres.

Mais les Bleues semblent avoir tourné une page pour repartir sur de nouvelles bases. Il reste à savoir s’il est vraiment possible de trouver une voie vraiment différente de celle empruntée par les précédents sélectionneurs.

L’équipe de France de Corinne Diacre a donc commencé par deux victoires, 1-0 contre le Chili et 3-1 face à l’Espagne. Ces résultats en eux-mêmes n’ont pas beaucoup d’importance. La courte victoire contre les sud-américaines peut difficilement être qualifiée de bonne performance mais la victoire assez nette contre les joueuses de Jorge Vilda a beaucoup plus de valeur.

Les Bleues ont été appliquées, parfois trop et ont déroulé un jeu assez fluide dans un même 4-3-3 dans les deux matchs. La naïveté de l’Espagne a bien servi les desseins des Françaises. Le but marqué par Mariona Caldentey est d’ailleurs assez symptomatique du refus des attaquantes espagnoles de tenter leur chance.

Mais il est toujours plus facile de construire sur des victoires et l’intérêt de cette double confrontation était plutôt dans la reconstruction d’une équipe qui a pour mission d’aller remporter la prochaine Coupe du monde. Cet objectif est connu mais il mérite d’être rappelé puisqu’il va conditionner la suite. Il ne s’agit pas de construire une équipe capable de figurer honorablement à partir de rien. Cela a été vécu comme des échecs parce qu’on les imaginait capable de mieux, mais les Bleues ont été au moins quart de finalistes de toutes les compétitions depuis 2009. Changer profondément est certainement nécessaire en raison de l’arrêts de certaines joueuses et du besoin de donner un nouvel élan mais il n’est déjà pas acquis de faire aussi bien. Et il faut faire beaucoup mieux puisque la prochaine échéance est à domicile.

Corinne Diacre

Corinne Diacre

Corinne Diacre a annoncé une large revue d’effectif et on verra sans doute apparaître d’autres joueuses en octobre contre l’Angleterre et le Ghana puis en novembre contre l’Allemagne et la Suède. D’autres seront sans doute rappelées. D’ici là, les enseignements sont assez maigres et en particulier aucune joueuse nouvelle n’a vraiment crevé l’écran.

Derrière, la place de gardienne continue de se jouer entre Sarah Bouhaddi et Méline Gérard, l’avenir dira si la Lyonnaise a la confiance de la nouvelle sélectionneuse comme elle l’a eu de ses prédécesseurs et de ses entraîneurs lyonnais. L’axe défensif reste partagé entre Wendie Renard, Griedge Mbock et Laura Georges. C’est sur les côtés que le renouvellement devrait se faire. Il s’agit depuis longtemps du secteur le moins établi de la sélection. À droite, Jessica Houara s’était imposé mais elle est désormais blessée et ses deux dernières saisons étaient de toute façon moins convaincantes. Et traditionnellement, c’est un poste difficile pour les Bleues, depuis les blessures de Sandrine Dusang il y a près de dix ans. Marion Torrent en a profité en étant l’une des trois seules à disputer l’intégralité des deux matchs. Elle sera en concurrence avec Ève Périsset qui a été finalement rappelée suite au forfait de Charlotte Lorgeré mais qui n’a pas joué et sans doute avec Jessica Houara ou d’autres mais elle est sans doute la nouvelle qui a le plus de chance de s’imposer durablement comme titulaire.

À gauche, les gauchères rechignent à jouer derrière. Amel Majri et Sakina Karchaoui se voient plus haut ce qui pourrait laisser la place à Théa Gréboval dont la première a été propre mais sans éclat. En attendant un éventuel retour de Laure Boulleau.

Le cas Catala

L’enchaînement des deux matchs a confirmé qu’Amandine Henry était la meilleure joueuse française et que Grace Geyoro ne tarderait pas à être indispensable. A contrario, Élise Bussaglia apporte surtout son expérience et Sandie Toletti tarde à confirmer les promesses qu’elle avait fait naître dans les catégories de jeunes.

Camille Catala a joué l’intégralité des deux matchs à un poste de meneuse qui n’est pas celui qu’elle occupe en club et elle n’a jamais semblée dans le ton. Outre le fait qu’elle a avec Gaëtane Thiney et Clara Matéo deux coéquipières au Paris FC qui sembleraient plus à l’aise à ce poste, l’une apportant son expérience, l’autre sa jeunesse, son cas illustre une interrogation sur le choix des joueuses qui doivent prendre le pouvoir en équipe de France.

L’ancienne stéphanoise est à un mois près en équipe de France depuis six ans. Elle vient de connaître ses deux premières titularisations et ses deux premières sélections de plus d’une mi-temps. Sa présence régulière sous les ordres successifs de Bruno Bini, Philippe Bergerôo et Olivier Echouafni indique bien que son talent était reconnu mais va-t-elle à 26 ans se transformer en une joueuse leader d’une équipe qui ne vise pas à sortir d’une phase de poule mais à gagner la Coupe du monde ? la même interrogation s’applique aussi à des joueuses qui comme Viviane Asseyi ou Sandie Toletti connaissent l’équipe de France depuis plusieurs années sans avoir pu s’y imposer pendant que d’autres comme Grace Geyoro, Griedge Mbock ou Sakina Karchaoui ont su forcer la porte.

Sakina Karchaoui et Grace Geyoro

Sakina Karchaoui et Grace Geyoro

En attaque, Eugénie Le Sommer a été naturellement eu un rôle de leader, qu’elle a plutôt assumé avec un but et deux passes décisives. Viviane Asseyi et Kadidiatou Diani ont aussi fait leur travail mais c’est bien sûr la prestation des deux nouvelles pointes qui était scrutée. Dans la lignée de son début de saison, Ouleymata Sarr a réussi ses débuts alors que Valérie Gauvin a semblé plus empruntée. Toutefois la Montpelliéraine n’a que 21 ans et prend de plus en plus d’importance à Montpellier où elle vient de marquer douze buts lors de sept journées consécutives à cheval sur les deux saisons. Sa présence est donc une évidence.

Le mythe de la joueuse inconnue

Dans une interview en marge de la présentation de la Coupe du monde 2019, Corinne Diacre a expliqué « qu’il faut ouvrir un petit peu plus et moins sélectionner les joueuses venant de Lyon et du PSG sachant qu’ils ont de plus en plus d’internationales étrangères ». On imagine qu’on peut ajouter Montpellier aux clubs en question, le club héraultais ayant 6 ou 7 étrangères dans son équipe type1, soit à peu près autant que Lyon2 ou le PSG3.

Sur ce plan la première liste est légèrement en trompe l’œil puisque si 9 clubs étaient représentés, ces trois comptaient 13 joueuses sur 224. Mais Juvisy devenu PFC a toujours été largement représenté sur les listes des pércédents sélectionneurs, et avec Amandine Henry de Portand et Élise Bussaglia de Barcelone, il ne reste finalement que cinq joueuses de trois autres clubs : Solène Durand et Léa Le Garrec de Guingamp, Hawa Cissoko et Viviane Asseyi de Marseille et Ouleymata Sarr de Lille.

Seule Léa Le Garrec représente un football hors des gros clubs5 puisqu’Hawa Cissoko et Ouleymata Sarr n’ont quitté le PSG que cet été alors que Solène Durand et Viviane Asseyi ont passé de nombreuses saison à Montpellier jusqu’à cette saison pour la première et jusqu’à l’an dernier pour la seconde.

Marion Torrent

Marion Torrent

De plus, seules les deux attaquantes ont eu un temps de jeu significatif. Solène Durand n’est pas entrée tandis que Léa Le Garrec et Hawa Cissoko ont seulement pu fouler la pelouse quelques minutes pour honorer leur première sélection.

Quand Solène Barbance, Juliane Gathrat, Laura Bourgouin ou Héloïse Mansuy seront titulaire cette volonté affichée sera réalisée mais pour l’instant les six minutes de Léa Le Garrec ressemblent aux dix minutes accordées à Julie Morel contre l’Irlande en 2012.

Pour pousser son raisonnement, Corinne Diacre ajoute : « J’ai eu la chance de faire une carrière, internationale dans un petit club, j’ai 121 sélections sous les couleurs de l’ASJ Soyaux. J’ai réussi à le faire et ce club-là m’a aidé à être une joueuse internationale, à être un entraîneur aujourd’hui de haut niveau. C’est possible. Il n’y a pas besoin d’aller jouer à Lyon ou au Paris-Saint-Germain, sans faire offense à ces deux clubs-là. On peut évoluer aussi à l’Olympique de Marseille, aux Girondins de Bordeaux, à Rodez, à Albi, à Soyaux, à Guingamp… »

Il s’agit bien sûr d’un discours de circonstance, communication destinée à satisfaire une fraction du monde du foot féminin qui ne se retrouve pas dans une forme poussée de professionnalisation. Mais les temps ont changé depuis la période où la sélectionneuse était joueuse. Désormais l’arrivée des clubs professionnels et des contrats fédéraux font que les joueuses changent beaucoup plus facilement de club et qu’une joueuse vraiment talentueuse a plus de chance de se voir proposer un contrat (et plus de chance de l’accepter) par un club professionnel. Assez vite une joueuses internationale se retrouvera chez l’un des clubs les plus riches.

Autre élément apparu depuis, la Coupe d’Europe apporte une expérience internationale aux joueuses qui la disputent là où il y a quinze ans seule la sélection permettait de voir autre chose que la D1.

Par ailleurs, la concentration des internationales dans quelques clubs existait déjà il y a quinze ans. À l’Euro 2005, quatre clubs représentaient 16 des 20 sélectionnées et seuls les six premiers de D1 étaient représentés (plus Laura Georges de Boston). Quatre ans plus tôt, c’était 15 sur 20. La différence est que désormais une Marinette Pichon n’attendrait pas 27 ans pour quitter Saint-Memmie. Mais aucune joueuse d’un petit club ne le porte à ce point sur ses épaules. Quand Eugénie Le Sommer puis Griedge Mbock ont impressionné toute la D1 à Saint-Brieuc puis Guingamp, elle n’y sont pas resté très longtemps. Et il est probable que si une joueuse d’Albi ou de Rodez s’impose en équipe de France cette saison, elle jouera l’an prochain à Lyon, Montpellier ou Paris.

Ce n’est pas une raison pour ne pas chercher la perle rare dans tous les clubs mais il probable qu’elle n’existe pas. Le problème de l’équipe de France lors des dernières compétitions ne relevait sans doute pas du choix des joueuses mais du jeu lui-même.

Clubs représentés à l’Euro 2005
Club Joueuses
Juvisy 6
Montpellier 4
CNFE 3
Soyaux 3
Toulouse 2
Boston 1
Lyon 1
Clubs représentés à l’Euro 2001
Club Joueuses
Toulouse 5
La Roche-sur-Yon 5
Juvisy 3
Soyaux 2
Lyon 2
Saint-Memmie 1
Saint-Brieuc 1
Quimper 1


3 commentaires pour “En attendant de briller”

  1. « la stéphanoise » et « la Montpelliéraine », ça va finir par se voir que t’es lyonnais 🙂

    Sinon, rien sur la danse du corner des Bleues?

  2. Bonne analyse. J’apprécie l’arrivée de Diacre et le test de nouvelles têtes en EdF, mais j’avoue que je suis perplexe quant au discours un peu démago sur les petits clubs pourvoyeurs de joueuses de haut niveau. On a eu ça pendant un temps aussi chez les hommes, qui se souvient du prodige Steve Savidan par exemple, et de sa carrière en Bleu ?
    Effectivement les pépites des plus petits clubs (comme à leur époque les Le Sommer, M’Bock, Lavogez) n’ont pas vocation à y rester longtemps tant que lesdits clubs ne mettront pas les moyens nécessaires. J’espère que Diacre ne va pas nous imposer des boulets juste pour tenir ce cap symbolique et un peu bête. Le cas Catala (beau titre ^^) doit la remettre sérieusement en question à ce sujet, comme le 9-2 récemment encaissé par son équipe l’ex-Juvisy, censée jouer le haut de tableau.

  3. Bon bah finalement elle sélectionne à nouveau Catala, mais pas Karchaoui :/

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