Ni buts ni soumises » La révolution attendra

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La révolution attendra

Après trois matchs sous les ordres du nouveau sélectionneur Olivier Echouafni, la continuité avec le travail de Philippe Bergerôo est patente, tant dans le jeu que dans le choix des joueuses. Sa nomination tardive, l’absence de match à enjeu d’ici l’Euro et la Coupe du monde des moins de 20 ans retardent sans doute l’avènement d’une équipe de France portant vraiment sa marque.

Entre les équipes de France A, B et M20, il a déjà près de 70 joueuses dans son viseur qui formeront à coup sûr la base des Bleues de 2019. Reste à savoir où en sera la transition pour l’étape de l’Euro 2017.

Le troisième match d’Olivier Echouafni à la tête des Bleues a accouché d’un match nul 0-0 assez insipide. Joué à l’extérieur face à une Angleterre cinquième mondiale et arrivée à cette place en sachant faire déjouer les meilleures équipes, ce n’est pas en soi un mauvais résultat. La physionomie du match a même montré essentiellement une équipe anglaise terrée dans sa moitié de terrain et laissant le ballon au Françaises pour tenter de faire la différence en contre attaque.

Mais les Bleues n’ont jamais vraiment été en mesure de faire la différence et après un premier match contre le Brésil qui était de cette teneur et une victoire facile contre la très faible Albanie, Olivier Echouafni marche dans les pas de Philippe Bergerôo.

Wendie Renard faisait son retour contre l'Angleterre.

Wendie Renard faisait son retour contre l'Angleterre.

Ceux qui attendaient une révolution avec le changement de sélectionneur en sont pour leurs frais. Malgré les débuts de trois joueuses1 et le retour de Gaëtane Thiney, les noms sont les mêmes et la manière de jouer est très similaire aussi. Il faut dire que malgré la déception des Jeux Olympiques, il s’agit d’une équipe qui a fait ses preuves en atteignant la troisième place mondiale et en s’approchant assez près du niveau des meilleures que sont l’Allemagne et les États-Unis. Mais l’incapacité à remporter des matchs à élimination directe semble désormais ressortir de la psychose et nécessiter un changement plus radical. Évidemment, cela ne pourra avoir d’intérêt que si l’équipe arrive au moins à se qualifier pour de tels matchs, ce qui suppose de rester à un niveau élevé.

Quelle relève pour la « génération 2005 »

Contre le Brésil et l’Albanie, on pouvait arguer du manque de temps pour expliquer la très grande continuité avec l’équipes de Jeux Olympiques, les nouveautés étant surtout liées à des absences pour cause d’arrêt ou de blessure. Un mois plus tard, on peut supposer que la proximité de la Coupe du monde M20 a pu limiter les options offertes au sélectionneur. Toutefois, la présence de Delphine Cascarino et Sakina Karchaoui sur la feuille de match à Doncaster montre que ce n’est pas rédhibitoire.

La relève de la « génération 20052 » se dessine mais de façon très parcimonieuse. Chaque sélectionneur successif, de Bruno Bini à Olivier Echouafni en passant par Philippe Bergerôo a apporté quelques touches personnelles mais dans les grandes lignes, chacun a toujours conservé l’ossature de l’équipe de son prédécesseur.

Il est certainement erroné d’axer la lecture de cette ossature sur les clubs. Bien entendu, les Bleues actuelles viennent quasi exclusivement de Lyon, du PSG, de Montpellier et de Juvisy, mais ce sont plutôt ces clubs qui piochent en équipe de France que le contraire3. Dans la fameuse équipe de l’Euro 2005, seule Sandrine Dusang jouait à Lyon4 et le club le plus représenté était Juvisy. Mais la moitié des vingt sélectionnées passera ensuite entre Rhône et Saône quand l’OL aura pris à Juvisy le rôle de meilleur club de France.

Concentration des forces

Parmi les 28 joueuses appelées en équipe de France par Olivier Echouafni, 10 seulement ont commencé en équipe première avec le club où elles jouent actuellement5. Il s’agit essentiellement des plus jeunes joueuses. Les autres ont le plus souvent débuté en équipe de France avant de rejoindre une des équipes de tête de D1.

Cela éclaire sans doute sous un autre angle l’impression de stabilité de l’effectif des Bleues : les joueuses ne laissent pas la place en équipe de France parce qu’elles ne la laissent pas en club. Quand un club comme Lyon remporte tout sur son passage, il le doit bien sûr en partie au talent de ses internationales étrangères, de plus en plus nombreuses. Mais les Françaises de son effectif ne sont pas non plus là pour faire le nombre. Le PSG, Montpellier et Juvisy perdent rarement plus d’un match dans la saison contre une autre équipe. Il est assez logique que les sélectionneurs successifs piochent principalement dans les effectifs de ces quatre clubs.

Sur les 77 joueuses convoquées au moins une fois en équipe de France A, B ou M20 depuis le début de saison, on retrouve à peu près tout l’effectif sélectionnable de ces équipes6. Globalement, seules des blessées (Griege Mbock et Laure Boulleau), d’anciennes internationales (Corine Petit, Laetitia Tonazzi, Céline Deville, Sandrine Dusang, Sabrina Delannoy) et de très jeunes joueuses (Julie Piga, Sandy Baltimore, Lina Boussaha) ont joué en D1 sans apparaître dans ces sélections. Et seule Kelly Gadea est apparue en équipe A sans appartenir à un club du quatuor de tête.

Sandie Toletti représente la jeunesse qui doit encore s'imposer chez les Bleues.

Sandie Toletti représente la jeunesse qui doit encore s'imposer chez les Bleues.

Le pouvoir d’attraction de ces clubs est très important : quand des joueuses comme Griedge Mbock, Clarisse Le Bihan ou Clara Mateo émergent, elles se retrouvent assez vite dans l’une de ces quatre équipes.

Ainsi Juvisy et Montpellier seront les deux clubs les plus représentées à la Coupe du monde des moins de 20 ans avec trois joueuses chacun. Mais sur ces six joueuses, seule Sakina Karchaoui a commencé sa carrière en D1 dans son club actuel.

A contrario, quatre joueuses formées à Lyon sont dans cette liste mais seule Delphine Cascarino y joue encore à 19 ans. Cela illustre la difficulté à se faire une place au milieu d’un effectif surdimensionné. Ce n’est pas impossible, Wendie Renard, Amel Majri et donc Delphine Cascarino y sont parvenu, ce qui leur a ouvert les portes des Bleues. Mais peut-être qu’avec un peu plus de possibilité de s’exprimer dans un club de haut niveau, d’autres joueuses pourraient aussi être utiles à l’équipe de France. Ce qui est en train de se passer au PSG est à ce titre très intéressant avec les titularisations régulières de Marie-Antoinette Katoto et Grace Geyoro. La première semble même une postulante très probable pour le prochain Euro.

Quelles joueuses pour l’Euro ?

D’habitude, à quelque jour du tirage au sort de la phase finale d’une compétition internationale, on avait une idée assez précise de la sélection qui la disputerait. Cette fois avec la nomination d’un nouveau sélectionneur, les nombreuses blessures, la Coupe du monde M20 et les chambardement à Lyon et au PSG, l’incertitude est importante. Rien dans les premières listes d’Olivier Echouafni n’indique vraiment de rupture, l’avenir dira si c’était une manière d’arriver en douceur ou la simple marque de la continuité. Peut-être que comme le suggérait il y a quelques mois Philippe Bergerôo, les possibilités ne sont pas si nombreuses et les choix limités.



4 commentaires pour “La révolution attendra”

  1. C’est intéressant cette mise en perspective entre les 4 clubs de D1 et l’EDF.

    Comment pensez-vous dans les années à venir que la D1 puisse être moins inégalitaire ? Est-ce une question de professionnalisation ? Juvisy, l’OL, le PSG et Montpellier sont-elles quatre équipes professionnelles et, si oui, sont-ce les quatre seules à l’être en D1 ?

  2. Il me semble que Juvisy n’est pas professionnel mais qu’un rapprochement est envisagé (avec le Paris FC ?), les autres sont effectivement professionnels, tout comme les autres clubs adossés à une section masculine évoluant en Ligue 1 (Guingamp, Marseille et Sainté, de mémoire), même si toutes leurs joueuses ne sont pas professionnelles.

  3. Quelle déception de voir Camille Abili, Élise Bussaglia, Gaetane Thiney et Sarah Bouhaddi toujours convoquées. Il fallait profiter de l’éviction de Bergeroo pour clairement tourner la page et arrêter de tourner en rond.

  4. Tiens je n’avais pas vu la question.
    Alors déjà, il n’y a pas de « club professionnel » dans le football féminin. Ce statut n’existe pas. Il y a des équipes appartenant à des clubs professionnels masculins (Lyon, PSG, Montpellier mais aussi Saint-Étienne, Guingamp, Metz, Bordeaux et Marseille) et des joueuses professionnelles en plus ou moins grand nombre selon les clubs : toutes à Lyon, PSG, Montpellier, quelques unes ailleurs. À Juvisy, la quasi totalité de l’effectif doit avoir un contrat professionnel (dit « contrat fédéral ») mais à mi-temps.
    Je ne connais pas le statut exact des joueuses de Bordeaux mais je pense qu’il y a nettement moins de contrats fédéraux qu’à Juvisy.

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