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Une équipe expérimentée et expérimentale

Corinne Diacre a annoncé la liste des joueuses qui participeront à la Coupe du monde à domicile et elle ne recèle pas beaucoup de surprise.

L’effectif des Bleues est plus renouvelé que d’habitude mais il n’est pas rajeuni. Et si la sélection élargit son horizon à d’autres joueuses et d’autres clubs, cela ne s’est pas encore vu sur le terrain.

Corinne Diacre a eu les honneurs du 20h de TF1 pour annoncer la liste des 23 joueuses conviées à disputer la Coupe du monde en France au mois de juin. Le grand public sait donc que Marie Katoto et Kheira Hamraoui n’en feront pas partie alors qu’il y a 8 ans, seul l’amateur de football averti savait qu’Amandine Henry et Sarah Bouhaddi n’iraient pas en Allemagne et qu’en 2003 il fallait vraiment être un spécialiste pour savoir que Ludivine Diguelman et Candie Herbert ne joueraient pas la première Coupe du monde de la France.

En dehors du cas de l’attaquante parisienne, la liste ne recèle pas vraiment de surprise. C’est le même groupe de joueuses qui avait affronté le Japon et le Danemark il y a un mois. Seule Maéva Clémaron retrouve sa place aux dépens de Kheira Hamraoui et le discours de la sélectionneuse au sujet de la Barcelonaise à l’issue du rassemblement ne laissait à l’époque pas tellement de doute sur son absence de la liste.

Une sélection renouvelée mais pas rajeunie

Après une longue période de stabilité où deux sélectionneurs venant de chez les garçons avaient succédé à Bruno Bini qui avait conservé à peu près le même groupe pendant les six ans de son mandat, Corinne Diacre arrivait avec la mission de renouveler l’effectif après la déroute de l’Euro néerlandais.

Dans sa liste de 23, dix joueuses seulement étaient déjà internationales il y a quatre ans (dont neuf étaient à la Coupe du monde canadienne). L’objectif de renouvellement semble donc atteint puisque cela fait entre trois et cinq nouvelles internationales de plus que ce que l’on constatait lors des compétitions précédentes1.

Toutefois avec cinq joueuses qu’elle a fait débuter elle-même, la sélectionneuse est un peu en dessus de la moyenne mais elle n’atteint pas les sommets de 2015 où Philippe Bergerôo en avait convoqué six joueuses et moins encore celui de la première Coupe du monde des Bleues en 20032 où Élisabeth Loisel en avait emmené sept (sur vingt) aux États-Unis. Quatre d’entre elles n’avaient même connu leur première sélection qu’un mois avant le début de la Coupe du monde3.

Ce renouvellement se traduit aussi par la diminution de l’expérience internationale des 23 : les Bleues comptent 50 sélections en moyenne, soit près de vingt de moins qu’à l’Euro et c’est le total le plus faible depuis dix ans.

Pour autant, il ne s’agit pas d’un rajeunissement : l’effectif aura 26,2 ans de moyenne au début de la Coupe du monde ce qui est légèrement plus que lors des dernières compétitions.

Cela s’explique par le profil des joueuses nouvellement appelées par Corinne Diacre. La joueuse de l’équipe de France a un parcours moyen assez balisé : des débuts en D1 très tôt (entre 15 et 18 ans en général) et une première sélection entre 19 et 21 ans. Ce parcours se retrouve aussi bien pour les plus anciennes de la liste comme Gaëtane Thiney (débuts en D1 à 15 ans, première sélection à 21) que pour la plus jeune Émelyne Laurent (premier match en D1 à 17 ans, première sélection à 19).

Mais il y a dans cette liste cinq exceptions, des joueuses qui ont démarré comme les autres en D1 (Marion Torrent n’avait pas 16 ans lors de ses débuts contre Évreux, Maéva Clémaron a débuté à 15 ans avec Saint-Étienne contre Soyaux) mais qui ont attendu beaucoup plus avant de connaître l’équipe de France : 24 ans pour Charlotte Bilbault, 25 pour Marion Torrent et Maéva Clémaron (donc près de neuf ans après leurs débuts en D1), 27 ans pour Pauline Peyraud-Magnin et même 30 ans pour Julie Debever qui écumait les pelouses de D1 depuis plus de 13 ans.

Si la milieux du PFC a connu sa première sélection en 2015 sous les ordres de Philippe Bergerôo, les quatre autres ont débuté avec Corinne Diacre. La seule autre nouvelle est la benjamine du groupe Émelyne Laurent4.

Âge de débuts des 23 sélectionnées pour la Coupe du monde
Nom DDN D1 Sélection CM
1 Solène Durand 20 novembre 1994 14 22 24
2 Ève Perisset 24 décembre 1994 16 21 24
3 Wendie Renard 20 juillet 1990 16 20 28
4 Marion Torrent 17 avril 1992 15 23 27
5 Julie Debever 18 avril 1988 17 29 31
6 Amandine Henry 28 septembre 1989 14 19 29
7 Amel Majri 25 janvier 1993 17 21 26
8 Delphine Cascarino 5 février 1997 18 18 22
9 Eugénie Le Sommer 18 mai 1989 18 19 30
10 Maéva Clemaron 10 novembre 1992 15 25 26
11 Émelyne Laurent 4 novembre 1998 17 19 20
12 Aïssatou Tounkara 16 mars 1995 16 21 24
13 Valérie Gauvin 1 juin 1996 16 19 23
14 Charlotte Bilbault 5 juin 1990 16 24 29
15 Élise Bussaglia 24 septembre 1985 18 18 33
16 Sarah Bouhaddi 17 octobre 1986 16 17 32
17 Gaëtane Thiney 28 octobre 1985 17 21 33
18 Viviane Asseyi 20 novembre 1993 16 19 25
19 Griedge Mbock Bathy Nka 26 février 1995 15 18 24
20 Kadidiatou Diani 1 avril 1995 15 19 24
21 Pauline Peyraud-Magnin 17 mars 1992 17 25 27
22 Sakina Karchaoui 26 janvier 1996 16 20 23
23 Grace Geyoro 2 juillet 1997 17 19 22

Un groupe à deux vitesses

En début de mandat, Corinne Diacre a lancé une vaste revue d’effectif pour trouver les pépites ignorées par ses prédécesseurs. Puis après la claque infligée par l’Angleterre à la SheBelievesCup, elle a resserré son groupe autour d’un noyau de joueuses assez proche de celui qui avait disputé les compétitions précédentes.

Étrangement, parmi la vingtaine de joueuse qu’elle a fait débuter, Corinne Diacre a finalement sélectionné pour la Coupe du monde celles qu’elle a le moins fait jouer. À l’exception de Marion Torrent qui est la joueuse la plus utilisée depuis deux ans, aucune des cinq autres nouvelles n’a joué plus de 75 minutes. Les dix débutantes qu’elle a le plus utilisé, à commencer par Aminata Diallo et Ouleymata Sarr regarderont la Coupe du monde à la télévision. Et seules Clara Matéo, Élisa Launay et Daphne Corboz qui ne sont jamais entrées ont eu moins de temps de jeu que Maéva Clémaron et Pauline Peyraud-Magnin depuis deux ans en sélection.

Temps de jeu des internationales depuis la prise de fonction de Corinne Diacre
Nom Temps (min.) Sélections Titularisations
Marion Torrent 1 547 20 17
Griedge Mbock Bathy Nka 1 440 16 16
Eugénie Le Sommer 1 440 18 16
Amandine Henry 1 408 18 18
Sarah Bouhaddi 1 328 15 14
Wendie Renard 1 260 14 14
Amel Majri 1 230 14 14
Valérie Gauvin 1 077 16 12
Kadidiatou Diani 1 047 16 12
Gaëtane Thiney 897 13 11
Grace Geyoro 838 12 9
Élise Bussaglia 827 12 8
Viviane Asseyi 647 17 6
Aïssatou Tounkara 583 7 7
Delphine Cascarino 533 10 7
Sakina Karchaoui 493 8 5
Aminata Diallo 473 7 5
Laura Georges 448 7 5
Ouleymata Sarr 419 10 4
Charlotte Bilbault 355 8 3
Méline Gérard 270 3 3
Karima Benameur 270 3 3
Camille Catala 225 3 3
Marie Antoinette Katoto 164 4 1
Ève Perisset 156 4 1
Faustine Robert 142 2 2
Léa Le Garrec 140 4 2
Marie-Laure Delie 134 2 2
Inès Jaurena 126 2 2
Hawa Cissoko 95 2 1
Théa Greboval 90 1 1
Annaig Butel 90 1 1
Estelle Cascarino 90 1 1
Sandie Toletti 84 1 1
Julie Debever 75 2 1
Kenza Dali 71 3 0
Charlotte Lorgeré 66 1 1
Émelyne Laurent 55 3 0
Marie-Charlotte Léger 46 3 0
Nadjma Ali Nadjim 45 1 1
Maéva Clemaron 36 3 0
Pauline Peyraud-Magnin 22 1 1
Kheira Hamraoui 8 1 0
Solène Durand 0 0 0
Laëtitia Philippe 0 0 0
Clara Matéo 0 0 0
Élisa Launay 0 0 0
Daphne Corboz 0 0 0
En gras les 23
En rouge les joueuses que Corinne Diacre a fait débuter

La liste des 23 comprend donc d’une part 16 joueuses qui ont largement été utilisées depuis deux ans et qui possédaient déjà une solide expérience de la sélection en dehors de Marion Torrent et dans une moindre mesure Valérie Gauvin et Delphine Cascarino, et d’autre part 5 joueuses qui ont débuté sous Corinne Diacre mais qui n’ont jamais eu plus d’une poignée de minute pour s’exprimer. Entre les deux on trouve Charlotte Bilbault et Ève Périsset, un peu plus expérimentées et un peu plus utilisées.

Si l’on met de côté le cas des gardiennes toujours un peu particulier surtout dans la mesure où Pauline Peyraud-Magnin ne compte qu’une sélection mais qui est la gardienne titulaire des championnes d’Angleterre, la France se présente donc avec 3 joueuses de champ sur 20 qui n’ont non seulement pas d’expérience internationale mais qui n’ont pas non plus eu l’occasion d’en acquérir depuis deux ans. Julie Debever a été appelée pour les onze derniers matchs des Bleues mais elle n’a été sur le terrain qu’une heure et quart contre l’Autralie dans une défense à trois et quelques secondes en fin de match contre le Brésil. Autant dire que si elle doit être alignée lors de la Coupe du monde, elle fera quasiment ses débuts internationaux.

Cette scission entre des joueuses expérimentées très utilisées et des nouvelles joueuses qui restent sur le banc se retrouve directement dans l’équipe type. Le onze de départ supposé correspond naturellement aux joueuses les plus utilisées par Corinne Diacre, même si Grace Geyoro a légèrement plus joué que sa concurrente Élise Bussaglia qui ne l’a dépassée dans la hiérarchie que cette année.

Mais il est aussi très fortement corrélé à l’expérience antérieure à 2017. Neuf des dix joueuses en activité qui comptaient le plus de sélection à l’entrée en fonction de la sélectionneuse sont dans la liste des 23 et seront vraisemblablement titulaires5. Seules Marion Torrent et Valérie Gauvin ont pu se faire une place. Le renouvellement des titulaires de l’Euro 2017 s’est plus fait par départ à la retraite (Camille Abily, Laura Georges, Élodie Thomis voire Jessica Houara) que par des choix de la sélectionneuse qui ne concernent que Marie-Laure Delie et Claire Lavogez.

Outre qu’elle indique que la France va sans doute disputer la Coupe du monde à 18, cette séparation remet en perspective la réalité du renouvellement opéré : il n’y a finalement pas tellement de nouvelles joueuses appelées à jouer un vrai rôle sur le terrain. Et les entrantes sont deux joueuses de Montpellier, auxquelles on peut sans doute ajouter la Lyonnaise Delphine Cascarino

Plus de clubs pour fournir des remplaçantes

Dans le story-telling de son début de mandat, Corinne Diacre annonçait que les internationales pourraient venir de l’ensemble des clubs de D1. Et effectivement elle a appelé des joueuses venant de 11 clubs de D16 et 8 seront représentés à la Coupe du monde chez les Bleues (plus l’Atletico Madrid et Arsenal).

Avec 10 clubs représentés, la provenance des internationales n’avait pas été aussi variée depuis 10 ans. La structure de la liste est d’ailleurs très proche de celle de l’Euro 2009 avec déjà sept joueuses de l’OL et deux de clubs étrangers, à l’époque Camille Abily et Sonia Bompastor qui jouaient aux États-Unis. Mais la répartition du temps de jeu avait été beaucoup plus égalitaire que celle annoncée si la Coupe du monde ressemble à sa campagne préparatoire.

Et là aussi la donnée brute est à nuancer. D’abord parce que les nouveaux clubs comme Dijon et Bordeaux sont représentés par Élise Bussaglia et Viviane Asseyi qui ne sont pas exactement de nouvelles internationales. La politique affichée de la sélectionneuse a plus eu pour conséquence de permettre à ces clubs d’attirer des internationales qu’à des joueuses de ces clubs de devenir internationales.

Ensuite parce que la séparation en deux de la sélection suivant un critère d’expérience se retrouve à peu près exactement dans les clubs d’où proviennent les joueuses. L’équipe type devrait compter six joueuses de Lyon, deux de Montpellier, une de chacun des deux clubs parisiens et Élise Bussaglia. Et les joueuses les moins utilisées jusque là sont les trois Guingampaises et la Floriacumoise.

Les 23 pour la Coupe du monde
Nom Âge Taille Poids Club Sélections Buts
1 Solène Durand 24 1,70 66 Guingamp 0 0
2 Ève Perisset 24 1,59 55 PSG 13 0
3 Wendie Renard 28 1,87 70 Lyon 108 20
4 Marion Torrent 27 1,64 56 Montpellier 20 0
5 Julie Debever 31 1,74 65 Guingamp 2 0
6 Amandine Henry 29 1,71 57 Lyon 83 11
7 Amel Majri 26 1,64 54 Lyon 46 4
8 Delphine Cascarino 22 1,65 58 Lyon 11 3
9 Eugénie Le Sommer 30 1,61 58 Lyon 159 74
10 Maéva Clemaron 26 1,65 60 Fleury 3 1
11 Émelyne Laurent 20 1,61 50 Guingamp 3 0
12 Aïssatou Tounkara 24 1,74 60 Atletico 11 0
13 Valérie Gauvin 23 1,73 70 Montpellier 17 9
14 Charlotte Bilbault 29 1,69 65 Paris FC 14 1
15 Élise Bussaglia 33 1,64 55 Dijon 188 30
16 Sarah Bouhaddi 32 1,75 69 Lyon 141 0
17 Gaëtane Thiney 33 1,69 62 Paris FC 157 58
18 Viviane Asseyi 25 1,63 59 Bordeaux 30 5
19 Griedge Mbock Bathy Nka 24 1,72 68 Lyon 49 5
20 Kadidiatou Diani 24 1,68 64 PSG 45 7
21 Pauline Peyraud-Magnin 27 1,73 57 Arsenal 1 0
22 Sakina Karchaoui 23 1,59 53 Montpellier 23 0
23 Grace Geyoro 22 1,68 61 PSG 20 1


Un commentaire pour “Une équipe expérimentée et expérimentale”

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