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Au milieu du gué

À un an de la Coupe du monde et après un an de mandat de Corinne Diacre, on peut avoir une idée assez précise de son projet. Les discours sur l’ouverture à tous les clubs et toutes les joueuses ont fait long feu et son équipe est globalement composée des mêmes joueuses que celles que son prédécesseur aurait appelées mais l’animation est assez différente.

Et à partir de septembre, l’embargo sur les participantes à la Coupe du monde des moins de 20 ans sera levé et devrait permettre de voir enfin arriver des joueuses très attendues au premier rang desquelles Marie Katoto.

Le parcours de l’équipe de France de Corinne Diacre suit assez bien la progression de son classement Fifa : tombée du podium à la fin de l’ère Olivier Echouafni, elle est descendue à la 6e place à la fin de l’année avant de remonter pour finir par retrouver le podium en fin de saison1. Ce classement traduit mieux l’impression d’ensemble que les résultats bruts où les victoires éclatantes contre des adversaires très faibles (8-0 contre le Ghana fin octobre, 7-1 contre le Nigéria en avril) en ont agrémentés d’autres plus serrées contre des équipes de meilleur niveau et que deux larges défaites sont venues ternir (4-0 contre l’Allemagne en novembre et 4-1 contre l’Angleterre en mars). Mais la revanche prise contre l’Allemagne à la SheBelieves Cup (3-1 le 7 mars, qui pouvait aussi servir de revanche à la défaite contre l’Angleterre une semaine plus tôt) semble un point d’inflexion important dans la trajectoire des Bleues vers leur Coupe du monde.

Amandine Henry, désormais capitaine de l'équipe de France

Amandine Henry, désormais capitaine de l'équipe de France

À son arrivée, Corinne Diacre a récupéré une sélection traumatisée par son échec à l’Euro. Échec d’autant plus cuisant que si la France avait jusque là réussi plutôt de bonnes phases finales depuis une petite dizaine d’années avec seulement un plafond de verre dans les matchs à élimination directe, ses prestations avaient cette fois été uniformément consternantes face à des adversaires qui étaient sans doute les plus faibles qui lui aient été opposés en phase finale. Dans la perspective d’une Coupe du monde à domicile deux ans plus tard, il ne s’agissait donc plus de faire franchir un palier à une sélection habituée des phases finales mais d’en refaire une équipe cohérente.

Dès son arrivée, la sélectionneuse appliquait un remède de cheval dont on ne sait pas bien s’il a été efficace ou si elle a changé son fusil d’épaule. Le discours initial était de rebattre complètement les cartes, de chercher des internationales partout en D1 avec un discours assez agressif sur l’OL et le PSG jusque là principaux fournisseurs de Bleues.

Il est difficile d’être certain que ce discours n’avait pas un but détourné comme celui de piquer l’orgueil des joueuses en place tant il est à peu près sûr qu’à quelques rares exceptions près, le problème de l’équipe de France ne concerne pas le choix des joueuses appelées.

Asseyi, Sarr et c’est tout

Dans les faits, l’appel de nouvelles joueuses a surtout ressemblé à un leurre. La diversité des clubs se résume finalement à la présence régulière de la Marseillaise2 Viviane Asseyi et de la Lilloise Ouleymata Sarr. Pour les autres, Albi, Rodez et Soyaux n’ont eu aucune sélectionnée cette année, malgré la bonne saison des Charentaises, les Floriacumoises Daphne Corboz et Maéva Clémaron ont cumulé deux minutes de jeu et la Bordelaise3 Nadjma Ali Nadjim une mi-temps. Cinq Guingampaises ont été appelées mais si Faustine Robert a joué deux matchs avant de se blesser et sera sans doute revue, Léa Le Garrec a été longuement testée au poste de meneuse avant que l’évidence Gaëtane Thiney finisse pas s’imposer, Charlotte Lorgeré n’a joué qu’une mi-temps, au poste de latérale et Solène Durand semble pour l’instant la troisième gardienne mais n’a pas encore joué. L’appel de Julie Debever complète le mystère puisqu’il est intervenu pour les matchs du mois d’avril, au moment où la phase d’exploration semblait terminée et qu’il s’agit d’une joueuse certes expérimentée et habituée de la D1 mais qui en près de quinze ans de D1 n’a jamais particulièrement semblé destinée à bousculer la hiérarchie de l’équipe de France.

Mbock, Sarr, Georges, Henry, Asseyi, Bussaglia ; Catala, Le Garrec, Gérard, Lorgeré, E. Cascarino

L'équipe de France contre le Ghana : Mbock, Sarr, Georges, Henry, Asseyi, Bussaglia ; Catala, Le Garrec, Gérard, Lorgeré, E. Cascarino

Un autre élément accrédite la thèse de la revue d’effectif à des fins de communication interne et externe plus que pour chercher vraiment des joueuses oubliées : 41 joueuses ont été appelées en un an, et quatre seulement n’avaient pas été vues en équipe de France A ou B pendant les deux saisons précédentes. Autant dire que toutes étaient déjà connues des sélectionneurs précédents. Ces quatre nouvelles sont Solène Durand, longtemps gardienne remplaçante à Montpellier et désormais titulaire à Guingamp mais championne d’Europe M19 avec la génération des Sandie Toletti et Aminata Diallo, Nadjma Ali Nadjim qui découvrait la D1 avec Bordeaux cette saison, Daphne Corboz qui arrivait des États-Unis avec la double nationalité, et Julie Debever4.

Cela serait d’ailleurs faire peu de cas du travail des cadres techniques de la fédération et des clubs que de croire possible de redéfinir complètement la hiérarchie des meilleures joueuses françaises.

La portée de la phase prospective est elle-aussi difficile à mesurer. Côté pile, les sélectionnées déjà présentes ont pu sentir que Corinne Diacre était prête à chercher ailleurs. Côté face, elles ont aussi vu que c’est finalement toujours vers elles qu’on se retourne et que comme le suggérait Philippe Bergerôo, le réservoir de joueuses internationales pour viser un dernier carré n’est pas très profond.

Retour à la normale

Le passage d’une sélection ouverte à toutes à un groupe plus resserré était peut-être prévu dès le début pour le début de l’année 2018 mais les deux lourdes défaites contre l’Allemagne et l’Angleterre ont sans doute précipité le retour à des listes très proches de celles des précédents sélectionneurs.

L’équipe type qui a été alignée dans les trois matchs importants qui ont suivi la victoire des joueuses de Phil Neville (le match contre le Nigéria s’étant joué avec une équipe remaniée) ressemble beaucoup à celle qu’Olivier Echouafni aurait vraisemblablement aligné s’il était resté, c’est-à-dire celle de l’Euro moins les joueuses retraitées : Sarah Bouhaddi dans les buts, Griedge Mbock et Wendie Renard en défense centrale, Aïssatou Tounkara remplaçant la seconde en cas de blessure, Amel Majri arrière gauche, Amandine Henry et Grace Geyoro à la récupération, avec Élise Bussaglia en remplaçante, Gaëtane Thiney meneuse et Eugénie Le Sommer devant. La révolution se limite donc au choix de Marion Torrent à la place d’Ève Périssent comme arrière droite5, au retour de Viviane Asseyi qui a légèrement pris le dessus sur Kaditiatou Diani et à l’entrée de Valérie Gauvin en pointe à la place de Marie-Laure Delie. Soit l’arrivée de trois joueuses qui étaient déjà dans le groupe ou très proche à la place de joueuses qui ne constituaient pas l’épine dorsale de l’équipe et dont deux sont encore dans le groupe.

À moins d’un an du début du match d’ouverture au Parc des Princes, le groupe semble déjà assez circonscrit. Et il est probable que les joueuses qui entreront pour jouer un vrai rôle proviendront de l’équipe de France M20 qui va disputer la Coupe du monde de sa catégorie en Bretagne dans quelques semaines. Au premier rang de celles-là, on trouve bien sûr Marie Katoto qui est actuellement la meilleure avant-centre française si l’on considère qu’Eugénie Le Sommer est ailière, poste qu’elle occupe actuellement tant en club qu’en sélection. La joueuse du PSG n’a pour l’instant pas intégré les Bleues en vertu d’une étrange priorité donnée à l’équipe des moins de 20 ans, un peu comme si Kylian Mbapppé avait été réservé pour l’Euro M19 plutôt que d’aller en Russie. Sauf blessure, ce serait une énorme surprise qu’elle ne soit pas l’avant-centre titulaire des Bleues l’an prochain.

Mais c’est aussi dans cette équipe qu’on peut s’attendre à trouver les joueuses capables d’atteindre le niveau international et qui ne sont pas déjà chez les Bleues.

L’état de la liste

Gardiennes

Sarah Bouhaddi sera à la Coupe du monde et devrait être titulaire. Karima Benameur semble avoir gagné sa place puisqu’elle a été de toutes les listes depuis novembre et qu’elle a joué quasiment la moitié des matchs.

La troisième place semble moins assurée. Pour l’instant, c’est la Guingampaise Solène Durand qui l’occupe mais d’autres gardiennes ont été appelées récemment : Élisa Launay, Méline Gérard qui est passée brusquement de titulaire à Montpellier et aspirante titulaire en équipe de France à remplaçante à Montpellier et hors du groupe en équipe de France, et Pauline Peyraud-Magnin qui devra jouer plus à Arsenal qu’elle ne le faisait à Lyon pour pouvoir espérer. Mais là aussi, la nouveauté devrait venir des Bleuettes. Mylène Chavas sera enfin sélectionnable après la Coupe du monde bretonne et elle va retrouver la D1 la saison prochaine avec Dijon où elle sera en concurrence avec Émelyne Mainguy. Mais elle devrait vite prendre la place, arriver chez les Bleues et peut-être postuler à la place de titulaire.

Défenseuses centrales

Wendie Renard et Griedge Mbock semblent actuellement indéboulonnables. Mais il leur faut au moins une ou deux doublures. Aïssatou Tounkara est une postulante naturelle mais tout dépendra de son retour de blessure. Pour le reste beaucoup de joueuses ont été appelées, bien peu ont été élues. Laura Georges qui était une joueuse de confiance de Corinne Diacre a aussi peu joué au Bayern qu’au PSG et elle a mis fin à sa carrière. Hawa Cissoko a été testée et retestée mais elle a perdu sa place dans un Marseille à la dérive. Estelle Cascarino et Charlotte Lorgeré ont été appelées mais n’ont joué que comme latérales.

L’axe de la défense est donc une position où on pourrait voir de la nouveauté, soit en provenance de l’équipe de France M20 où la Bordelaise Julie Thibaud et la néo-Montpelliéraine Maëlle Lakrar par exemple pourraient postuler, soit avec des joueuses déjà passées par les A comme Annaïg Butel ou Kelly Gadéa, désormais à Fleury.

Arrières gauches

Le poste de latérale gauche semble solidement pourvu et il devrait être couplé avec celui d’ailière gauche, la plupart des postulantes pouvant occuper les deux postes. Amel Majri est solidement installée, et Sakina Karchaoui presque autant. Théa Gréboval a joué le premier match mais n’est plus revenue, Estelle Cascarino a disputé un match contre le Ghana à ce poste mais s’il y a du changement, cela viendrait plutôt d’une joueuse qui bouscule la hiérarchie que d’un choix par défaut. C’est la Lyonnaise Selma Bacha qui semble le mieux placée pour venir troubler la hiérarchie établie.

Arrières droites

Marion Torrent est l’une des joueuses les plus utilisées par Corinne Diacre et devrait être titulaire. Après des tâtonnements avec des défenseuses centrales délocalisées, Charlotte Lorgeré contre le Ghana et Griedge Mbock contre l’Allemagne, Ève Périsset est revenue dans la course pour prendre la deuxième place. La Parisienne et la Montpelliéraine peuvent par ailleurs aussi dépanner à gauche.

À ce poste, le seul autre nom qui émerge est celui de Jessica Houara mais elle vient à nouveau de se blesser gravement et l’hypothèse de son rétablissement à temps pour la Coupe du monde est assez peu probable.

Milieux défensives ou relayeuses

Amandine Henry et Grace Geyoro forment une paire de récupératrice qui semble indiscutable. Aminata Diallo a été régulièrement appelée et devrait être la première remplaçante. Beaucoup de joueuses ont été appelées à ces postes mais quand il a fallu remplacer Grace Geyoro blessée pour le dernier match contre le Canada, c’est Élise Bussaglia qui a été titularisée. Inès Jaurena, Maéva Clémaron ou Daphne Corboz peuvent envisager de s’immiscer dans le groupe, tout comme Kheira Hamraoui si elle joue à Barcelone, d’autant qu’aucune Bleuette n’est titulaire à ce poste en D1.

Milieux offensives et attaquantes

Eugénie Le Sommer est la joueuse la plus utilisée par Corinne Diacre, la seule qui a participé à toutes les rencontres, la plupart du temps sur une aile. Il a fallu presque six mois pour que Gaëtane Thiney revienne chez les Bleues mais l’absence totale d’autre solution crédible au poste de meneuse primordial dans le système de jeu promu par la sélectionneuse la rend indispensable.

Paradoxalement, la troisième joueuse dont la présence en juin prochain semble certaine n’a encore jamais été appelée chez les Bleues. Marie Katoto est l’avant-centre du PSG, la deuxième meilleure buteuse de D1 derrière Ada Hegerberg et elle a porté toute l’année l’attaque parisienne pour ramener son équipe en Coupe d’Europe. Il est certain que sans la décision ubuesque de privilégier la Coupe du monde M20 la saison dernière, elle aurait déjà été appelée. Mais cette position de recours a peut-être finalement joué en sa faveur puisqu’aucune de ses concurrentes ne s’est vraiment imposée. Ouleymata Sarr avait commencé très fort sa saison mais elle s’est vite essoufflée et a été devancée par Valérie Gauvin qui est la deuxième buteuse de l’équipe de France cette saison derrière Eugénie Le Sommer mais surtout grâce à des buts en fin de matchs contre le Nigéria et le Ghana et elle ne semble pas en mesure de résister à l’arrivée de sa concurrente parisienne.

La dernière place du quatuor offensif, celui de l’aile droite, revient pour l’instant à Viviane Asseyi qui a devancé Kadidiatou Diani en apportant toujours quelque chose d’intéressant sans toutefois atteindre un niveau qui la rendrait définitivement indispensable. Delphine Cascarino, qui a mis la championne d’Europe Shanice van de Sanden sur le banc à Lyon, est arrivée en fin de saison et ce n’est pas un pari très risqué que de dire qu’elle a une place à prendre à droite.

Les talents les plus brillants étant en général dans le domaine offensif, c’est à ces postes qu’on pourrait voir du mouvement cette année, avec Marie-Charlotte Léger régulièrement appelée mais sans beaucoup jouer et qui aura un rôle plus important cette saison à Fleury qu’elle n’avait à Montpellier, avec Faustine Robert qui avait fait deux bonnes entrées avant de se blesser, avec Claire Lavogez qui s’est relancée à Fleury et qui jouera à Bordeaux, avec Nadjma Ali Nadjim passée fugitivement chez les Bleues et victime de la défaite contre l’Allemagne et qui fait le chemin inverse de Bordeaux à Fleury ou avec les autres, qu’elles soient dans l’équipe de France M20 comme Sandy Baltimore ou Émelyne Laurent ou de l’équipe de France B comme Clara Matéo ou les Sojaldiciennes Laura Bourgouin ou Danielle Tolmais.



3 commentaires pour “Au milieu du gué”

  1. Merci CHR$. Et le projet de jeu ?

  2. Cascarino sera titulaire indiscutable pour la coupe du monde 2019 a la place d asseyi je pense

  3. Oui, sans l’ombre d’un doute. Delphine a cette rare capacité à allier parfaitement « Vitesse » et « Technique » pour facilement déborder son adversaire puis centrer avec la claire intention de trouver une partenaire.

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