Ni buts ni soumises » Le rêve américain avant l’Euro

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Le rêve américain avant l’Euro

Les Bleues ont remporté la deuxième édition de la SheBelievesCup à l’issue d’une victoire de prestige sur les États-Unis et grâce à un réalisme qu’on ne leur connaissait pas vraiment jusque là. Tous les autres participants au prochain Euro disputaient l’un des tournois organisés à cette période ce qui a permis de faire le point sur les états de formes. La hiérarchie semble de moins en moins figée.

La performance des Bleues est encourageante pour l’Euro et la lecture des compositions permet de penser que non seulement l’équipe actuelle est prête pour le mois de juillet mais qu’une bonne partie devrait être encore en poste en France en 2019.

L’an dernier, l’équipe de France de Philippe Bergerôo avait été assez convaincante lors des deux premiers matchs de la SheBelieves Cup contre les États-Unis et l’Allemagne mais sans réussir à marquer et avait concédé à chaque fois la défaite sur un unique but en fin de match. Le troisième match s’était terminé sur un 0-0 sans relief face à l’Angleterre propulsant la France à la dernière place du tournoi.

Depuis, les Bleues ont échoué aux Jeux Olympiques et Philippe Bergerôo a été remplacé par Olivier Echouafni qui marche dans ses traces. Pourtant les deux premiers matchs de son équipe lors de l’édition 2017 de la compétition amicale sont l’exact opposé de ceux de la précédente.

Contre l’Angleterre, la France a d’abord été dominée pendant une mi-temps comme elle l’a rarement été, incapable de sortir du pressing des joueuses de Mark Sampson et c’est logiquement qu’elle était menée 1-0 à la mi-temps. Contre l’Allemagne ensuite, elle a rarement eu le contrôle du jeu, Sarah Bouhaddi étant même obligée d’arrêter un pénalty pour éviter à son équipe d’être menée.

Mais à l’issue des deux premières journées, la France comptait quatre points de plus que l’année précédente au même stade. En premier lieu grâce à une deuxième mi-temps de bien meilleure facture contre l’Angleterre une fois le pressing un peu moins intense puis encore plus quand quelques cadres sont entrées. Avec un peu de réussite, cette reprise en main permettait à Marie-Laure Delie et à Wendie Renard de marquer de la tête.

Ensuite les Bleues n’ont jamais paniqué contre l’Allemagne sachant faire le dos rond pour ne pas perdre le match à défaut de le gagner. Deux lectures étaient possibles de ces prestations. On pouvait y voir une équipe en difficulté avec son jeu et qui ne s’en tirait que par miracles. Mais pour une équipe tellement habituée à obtenir des résultats bien en deçà de ce que son jeu laisserait espérer, c’était aussi une forme de révolution.

Le troisième match donne donc la tonalité de l’ensemble. Et si l’an dernier la faible prestation face à l’Angleterre avait plutôt terni les jolis matchs précédents, l’éclatante victoire de cette année contre les États-Unis rehausse nettement le tableau. Le titre dans ce tournoi est évidemment une satisfaction mais cela reste des matchs amicaux et c’est l’Euro qui dira réellement ce qu’il faut penser de cette tournée américaine.

Tout le monde sur le pont

La totalité du plateau du prochain Euro participait à l’un des trois principaux tournois organisés à cette période de l’année en Algarve, à Chypre et donc aux États-Unis1. À l’exception des équipes sud-américaines (Brésil et Colombie), ce sont même les 25 équipes les mieux classées par la Fifa qui disputaient ces compétitions, complétées à Chypre par quelques équipes européennes moins bien classées (Irlande, Pays de Galles, République tchèque et Hongrie)2.

Le traditionnel tournoi de l’Algarve est désormais déserté par les États-Unis, vainqueur dix fois en 24 éditions, ainsi que par l’Allemagne et la France3 mais contrairement à la saison dernière, il n’y avait pas de qualification olympique pour décimer le plateau. En dehors des quatre équipes parties aux Amérique, du Brésil qui faisait relâche et de la Corée du Nord qui était à Chypre, les neuf meilleures équipes possibles étaient au Portugal, complétées par l’Islande, la Russie et le Portugal. C’était l’occasion de retrouver l’Australie qui n’était plus venu depuis 1999 ou les Pays-Bas depuis 1998. Et c’était la première participation de l’Espagne venue en voisine. Ses débuts ont été couronnés de succès puisque les joueuses de Jorge Vilda ont remporté le tournoi en battant le Japon, en écrasant la Norvège et en finissant par une victoire sur le grandissime favori canadien4. Le Danemark finit à une belle troisième place, peut-être légèrement trompeuse puisqu’elle a été obtenue en battant le Portugal et la Russie et seulement en poussant l’Australie à la séance des tirs aux buts lors de la petite finale. La septième place de la Suède, battue par les Pays-Bas et incapable battre la Chine, et surtout la onzième de la Norvège victorieuse seulement du Portugal sont sans doute des indices plus frappants du resserrement des valeurs.

La hiérarchie a été nettement mieux respectée à Chypre où la Suisse a remporté le tournoi en battant la Corée du Sud en finale et surtout la Corée du Nord en poule. L’Italie n’a toutefois pas tenu son rang, battue sèchement par la Corée du Nord, la Suisse et la Belgique (treize buts encaissés en trois matchs), ne se vengeant que lors du match de classement destiné à éviter la dernière place en rossant la République tchèque.

Bien entendu, chaque pays a son propre agenda et tout le monde ne participait pas à ces différents tournois avec les mêmes objectifs. Certains ont plus fait tourner, d’autres ont tenté de cacher leur jeu. La hiérarchie de l’Euro sera sans doute bien différente (et sans doute plus proche du classement Fifa) mais France, Espagne et Suisse ont pris date en remportant leur tournoi respectif.

Les 25 premières nations au classement Fifa dans les tournois d’hiver
Fifa Conf. Pays Tournoi Place Euro
1 CONCACAF États-Unis SheBelieves 4
2 UEFA Allemagne SheBelieves 2 B
3 UEFA France SheBelieves 1 C
4 CONCACAF Canada Algarve 2
5 UEFA Angleterre SheBelieves 3 D
6 AFC Australie Algarve 4
7 AFC Japon Algarve 6
8 UEFA Suède Algarve 7 B
9 CONMEBOL Brésil
10 AFC Corée du Nord Cyprus 3
11 UEFA Norvège Algarve 11 A
12 UEFA Pays-Bas Algarve 5 A
13 AFC Chine Algarve 10
14 UEFA Espagne Algarve 1 D
15 UEFA Danemark Algarve 3 A
16 UEFA Italie Cyprus 11 B
17 UEFA Suisse Cyprus 1 C
18 AFC Corée du Sud Cyprus 2
19 OFC Nouvelle-Zélande Cyprus 9
20 UEFA Islande Algarve 9 C
21 UEFA Écosse Cyprus 5 D
22 CONMEBOL Colombie
23 UEFA Russie Algarve 8 B
24 UEFA Autriche Cyprus 8 C
25 UEFA Belgique Cyprus 7 A
Le Portugal, 38e au classement Fifa est la 16e équipe qualifiée pour l’Euro dans le groupe D.

Bleues d’aujourd’hui et de demain

L’an dernier, les Bleues avaient traversé l’Atlantique sans Wendie Renard ni Amandine Henry blessées et préparaient à 23 une compétition qui se disputerait à 18. Ainsi, Viviane Asseyi, Charlotte Bilbault, Kelly Gadea, Aurélie Kaci, Marie-Charlotte Léger et Marion Torrent avaient disparu tout de suite ou peu de temps après la SheBelieves Cup et n’étaient pas à Rio 5. Aucune n’est revenue régulièrement depuis mais toutes les autres forment encore l’ossature de l’équipe de France à l’exception des deux retraitées Louisa Necib et Sabrina Delannoy et de Kheira Hamraoui qui paie son transfert à Lyon.

Cette constatation décrit assez bien le travail d’Olivier Echouafni et la manière dont il fait évoluer la liste des joueuses sélectionnées. Quatorze des 23 joueuses victorieuses de l’édition 2017 étaient donc déjà présentes en 2016, auxquelles on peut ajouter Wendie Renard et Amandine qui ne l’avaient manqué que sur blessure voire Sakina Karchaoui qui a intégré l’équipe juste après et ne l’a quasiment pas quittée depuis. Gaëtane Thiney, Camille Catal et Sandie Toletti ont été rappelées ; Aïssatou Tounkara, Ève Périsset et Grace Geyoro ont intégré l’équipe.

Amandine Henry

Amandine Henry

Un quart de l’effectif a donc été renouvelé en un an et les deux nouvelles appelées parisiennes ont eu largement l’occasion de montrer leur valeur, un peu aidées par les circonstances. Jessica Houara rentrée en France pour raisons personnelles, Ève Périsset a été la seule joueuse avec Amandine Henry titulaire à chaque match. Griedge Mbock blessée lors du match contre l’Angleterre et Laura Georges malade de dernière minute contre l’Allemagne, Grace Geyoro a eu l’occasion de jouer le deuxième match en défense centrale après le premier disputé au milieu.

Presque toutes les joueuses de l’équipe de France ont eu l’occasion de s’exprimer durant le tournoi. Seule la troisième gardienne Laetitia Philippe n’est pas entrée en jeu alors qu’Aïssatou Tounkara et Camille Catala n’ont eu droit qu’à une poignée de minute, essentiellement une fois la victoire acquise contre les États-Unis. Kadidiatou Diani, Griedge Mbock et Jessica Houara n’ont pu participer qu’au premier match contre l’Angleterre alors que Claire Lavogez et Sandie Toletti n’ont connu qu’une seule titularisation pour un temps de jeu total de moins de 90 minutes. Enfin bien qu’ayant participé à tous les matchs, Gaëtane Thiney n’a jamais été titularisée.

Cette gestion de l’effectif d’Olivier Echouafni s’approche de celle de Steffi Jones qui a même poussé jusqu’à faire jouer une mi-temps à sa troisième gardienne Lisa Weiß. Toutes les joueuses de champ allemandes ont d’ailleurs joué au moins une mi-temps et le temps de jeu a été beaucoup plus réparti même si Babett Peter et Dzsenifer Marozsan n’ont manqué aucune minute.

Mark Sampson et Jill Ellis se sont passé respectivement de deux et trois joueuses de champs en plus de leur troisième gardienne. Ainsi on n’a vu ni la jeune Brianna Pinto (17 ans) qui commence déjà à remplacer Mallory Pugh comme future merveille américaine ni la défenseuse de Portland Emily Sonnett qui aurait peut-être pu faire du bien dans la désastreuse défense à trois américaine, par exemple à la place d’Allie Long.

La Coupe du monde derrière l’Euro

Olivier Echouafni a deux horizons : il prépare bien sûr l’Euro qui arrive dans moins de six mois mais il doit aussi avoir en tête la prochaine Coupe du monde qui est d’autant plus importante qu’elle se déroulera en France. Le renouvellement par petite touche qui est en cours est assez efficace du point de vue du rajeunissement de l’équipe. La sélection française était à 26,7 ans de moyenne6 la deuxième plus jeune du tournoi après celle de l’Allemagne. Avec Ève Périsset, Aïssatou Tounkara, Sandie Toletti, Claire Lavogez, Kadidiatou Diani, Griedge Mbock, Grace Geyoro et Sakina Karchaoui, un tiers des Bleues avait moins de 24 ans. Nikita Parris était la seule anglaise dans ce cas et si la sélection américaine compte dans ses rangs Mallory Pugh, Lindsey Horan, Rose Lavelle, Emily Sonnett, Jane Campbell et Brianna Pinto, les trois dernières n’ont pas foulé une pelouse durant le tournoi (les trois autres participant essentiellement au match contre l’Angleterre).

Les Bleues à la SheBelieves Cup
Maillot Poste Nom Prénom Âge Temps Matchs
1 G Philippe Laëtitia 26 0 0
2 D Perisset Eve 22 222 3
3 D Renard Wendie 27 205 3
4 D Georges Laura 33 180 2
5 D Tounkara Aïssatou 22 23 1
6 M Henry Amandine 27 259 3
7 M Toletti Sandie 22 63 2
8 D Houara d’Hommeaux Jessica 29 90 1
9 A Le Sommer Eugénie 28 167 3
10 M Abily Camille 32 184 3
11 M Lavogez Claire 23 81 2
12 A Thomis Élodie 31 115 3
13 A Diani Kadidiatou 22 71 1
14 A Catala Camille 26 16 2
15 M Bussaglia Élise 31 128 2
16 G Bouhaddi Sarah 30 180 2
17 M Thiney Gaëtane 31 102 3
18 A Delie Marie-Laure 29 174 3
19 D Mbock Bathy Nka Griedge 22 82 1
20 M Geyoro Onema Grace 20 180 2
21 G Gérard Méline 27 90 1
22 M Majri Amel 24 178 3
23 D Karchaoui Sakina 21 180 2

Bref si l’Allemagne reste comme d’habitude un modèle dans le renouvellement de son effectif (six joueuses de moins de 24 ans et seules Anja Mittag et Anna Blässe ont dépassé les 30 ans), la France procède à une transition en douceur qui semble mieux partie que celle de l’équipe américaine. Cinq Bleues ont dépassé les trente ans – qui n’est pas rédhibitoire pour être encore compétitives dans deux ans – parmi lesquelles Gaëtane Thiney et Élise Bussaglia ont été utilisées avec parcimonie. Le cas le plus sensible sera bien sûr celui de Camille Abily qui ne semble pas vouloir continuer au-delà de l’Euro et dont le rôle ne semble pas prêt à être endossé par une autre. Dans la mesure où elle n’a sans doute plus les jambes pour enchaîner les matchs de haut niveau tous les trois jours, il serait sans doute prudent de la protéger jusqu’à l’Euro. Lyon et l’équipe de France ont les moyens de se passer d’elle pour une grande partie de leurs matchs afin de lui permettre de rééditer des prestations comme celle du match contre les États-Unis les fois où c’est nécessaire.

Si la France alignait une équipe plutôt plus jeune que les autres, elle était assez nettement la plus expérimentée avec une moyenne de 77 sélections par joueuse7 et par match là où les États-Unis en comptaient 66 et les autres nettement moins de 50.

Le changement dans la continuité

Avec en plus l’équipe de France B qui aligne en particulier des joueuses passées récemment par l’équipe A et beaucoup des vice-championnes du monde M20, Olivier Echouafni dispose donc d’un effectif capable non seulement de bien figurer à l’Euro mais aussi de pousser jusqu’à la Coupe du monde.

Il a fait le même choix que son prédécesseur de n’évoluer qu’à petites touches et de rester globalement dans la continuité. L’échec des Jeux Olympiques où la France n’a encore pas su comment gérer un match à élimination directe, contre un adversaire réputé inférieur qui plus est, aurait pu appeler à une remise à plat plus radicale. Il est sans doute maintenant trop tard pour y procéder. C’est une certitude pour l’Euro et pour la Coupe du monde, les deux années qui viennent seront bien courtes s’il faut tout changer. D’autant plus que si les sélectionneurs successifs choisissent les mêmes joueuses à de rares exceptions, c’est sans doute qu’ils n’ont finalement pas tellement le choix et que la hiérarchie est assez nette.

Il faudra donc obligatoirement réussir avec cette équipe, ce qui veut dire au minimum d’atteindre les demi-finales de l’Euro.



2 commentaires pour “Le rêve américain avant l’Euro”

  1. C’est un détail, évidemment, mais ‘Ainsi on n’a vu ni la jeune Brianna Pinto (17 ans) qui commence déjà à remplacer Mallory Pugh comme future merveille américaine’ : de fait, Mal Pugh a à peine 18 ans, sort d’une blessure, et parait au contraire suivre une progression régulière en s’installant petit à petit au sein de l’équipe US. Pinto, c' »tait plus pour l’emmener en stage visiblement. Elle a l’air d’impressionner tout le monde, mais pour l’instant, c’est sans doute un peu tôt pour détrôner Pugh de son piédestal de future meilleure joueuse du monde™.

  2. J’attendais cet article avec impatience !
    De mon point de vue, la SheBelievesCup a surtout montré ou confirmé que la France avait un 11 de départ potentiel de très très haute volée, mais aussi une équipe B qui est plusieurs crans en dessous. Beaucoup de seconds choix ont eu une chance de jouer à ce tournoi mais à part Geyoro qui est éblouissante comme Karchaoui l’an passé, et Toletti dans une moindre mesure, les Bussaglia, Lavogez, Catala, Diani (il faudra m’expliquer pourquoi Juvisy a autant de joueuses en EdF) et même Mbock ou Périsset ont semblé évoluer sur un terrain bien trop grand pour elles.
    Et toujours une incertitude quant au poste de gardien de but…

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