Ni buts ni soumises » Quarts de finales des JO de Rio 2016

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Quarts de finales des JO de Rio 2016

Les quarts de finale du tournoi de football féminin des Jeux Olympiques de Rio 2016 n’ont pas vraiment respecté la hiérarchie établie. La principale surprise est bien sûr l’élimination des États-Unis, jusque là toujours au moins finalistes par une Suède qui ne faisait peur à personne après son premier tour. L’Allemagne et le Brésil seront au rendez-vous dans la douleur.

France échoue avant les demi-finales alors que la route semblait dégagée. Autant la Coupe du monde pouvait donner des regrets avec un tableau particulièrement difficile, autant cette fois le sort avait finalement été plutôt clément et la France a étalé son incapacité à se hausser à la hauteur de l’événement.

À force d’expliquer que le tableau des tournois était presque entièrement défini par le classement Fifa, il fallait que cela arrive : les États-Unis, premières au classement mais aussi triple tenantes et championnes du monde en titre ont été éliminées par la Suède, sixième mondiale et qui restait sur un premier tour médiocre suivant une Coupe du monde qui n’était pas meilleure. C’est une vraie sensation puisque le plus mauvais résultat des Américaines aux Jeux Olympiques était jusque là une médaille d’argent obtenue lors d’une défaite en prolongation en 2000. Lors de toutes les autres éditions depuis l’entrée de la discipline au programme olympique en 1996, y compris donc les trois dernières, l’équipe des États-Unis avait remporté la médaille d’or.
Cette année, elle était encore largement favorite, forte de son titre de championne du monde obtenu l’an dernier au Canada. Quelques cadres avaient bien passé la main comme Abby Wambach ou Christie Rampone, mais leur participation au titre canadien avait été surtout symbolique et elles étaient remplacées par de jeunes joueuses très prometteuses, en particulier Mallory Pugh, déjà annoncée à 18 ans comme la superstar de demain.

Bien sûr, on l’imaginait pouvoir être mise en difficulté. Par l’Allemagne qui n’est jamais aussi dangereuse que quand on ne la croit pas au niveau. Par le Brésil de Marta qui joue à domicile et veut obtenir son premier titre mondial après plusieurs secondes places. Et pourquoi pas par la France, troisième mondiale et qui avait rivalisé au premier tour.

Alex Morgan a vu son tir au but arrêté par Hedvig Lindahl.

Alex Morgan a vu son tir au but arrêté par Hedvig Lindahl.

Mais il était difficile d’imaginer que cette opposition viendrait de la Suède. Incapable de remporter un match au Canada1, explosant en huitième de finale face à l’Allemagne, les coéquipières de Lotta Schelin n’avait pas vraiment fait mieux au premier tour à Rio. Après une victoire poussive contre la faible Afrique du Sud, elles avaient explosé face au Brésil et n’avaient pas été capables de faire la différence contre la Chine, sortant à nouveau des poules par une des places de meilleures troisièmes.

Mais contre les États-Unis, elles ont fait mieux que résister. L’ouverture du score était l’œuvre de Stina Blackstenius, la valeur montante suédoise, à l’heure de jeu et il fallait un coup de billard dans la surface pour permettre à Alex Morgan d’égaliser. Les deux équipes marquaient durant la prolongation un but refusé pour des hors-jeu peu évidents (voire inexistants) et la qualification pour la demi-finale se jouait aux tirs aux buts. Alex Morgan voyait son tir repoussé par Hedvig Lindahl tout comme Linda Sembrant par Hope Soloe. En fin de série, Christen Press tirait au dessus permettant à Lisa Dahlkvist de donner la victoire à son équipe malgré les tentatives d’intimidation de la gardienne américaine. Pia Sundhage éliminait ainsi l’équipe qu’elle avait menée au titre lors des deux dernières olympiades.

Le Brésil au rendez-vous de Rio

Ce quart de finale étant chronologiquement le premier, il y a fort à parier que son résultat était dans toutes les têtes lors des trois suivants : les États-Unis hors-jeu, la médaille d’or devenait tout de suite nettement plus accessible.

Dans le cas du Brésil, c’est même la place en finale qui s’ouvrait en grand à la perspective d’affronter la Suède, battue 5-1 il y a moins d’une semaine. Mais avant, il fallait réussir à se débarrasser de l’Australie, l’équipe qui avait éliminé les Brésiliennes l’an dernier au Canada. Malgré une débauche d’énergie et de beaux mouvements, aucune des deux équipes ne parvenait à marquer et le match se jouait également aux tirs aux buts où le Brésil s’imposait malgré l’échec de Marta.

Le Brésil a commencé très fort la compétition mais n’a pas réussi à marquer lors de ses deux derniers matchs. La revanche contre la Suède pourrait ne pas être une partie de plaisir, surtout si l’on se souvient du début de match des Suédoises en poule qui avaient nettement perturbé les locales, avant que deux buts autour de la 20e minute ne les liquéfie.

L’Australie sort de son tournoi avec des regrets : un match contre le Canada dominé en supériorité numérique mais perdu par manque de tranchant, le suivant face à l’Allemagne qui aurait dû être remporté largement, une victoire contre le Zimbabwe large mais pas assez pour passer devant l’Allemagne et s’offrir un quart de finale plus simple et enfin un nul contre le Brésil qui ne permet pas de passer. Le bilan est clairement celui des occasions manquées pour la quatrième meilleure équipe du plateau au classement Fifa.

L’Allemagne sans convaincre

Entre ces deux quarts, l’Allemagne était venue à bout de la Chine en dominant de bout en bout mais sans se montrer tellement dangereuse. Il fallait une lourde frappe de Melanie Behringer sur une remise d’Anja Mittag pour ouvrir le score à un quart d’heure de la fin contre une Chine réduite à dix par l’expulsion de Wang Shanshan suite à un tacle au menton sur Annike Krahn. Et il fallait ensuite un poteau pour repousser le pénalty de Wang Shuang et empêcher la Chine de revenir.

L’Allemagne est donc en demi-finale, sans convaincre mais grâce à un gros score contre le Zimbabwe, une égalisation miraculeuse contre l’Australie qui malgré une défaite contre le Canada leur a permis d’affronter l’adversaire le plus faible des quarts de finales. La capacité à se sortir des mauvais pas et à égaliser dans les arrêts de jeu est à coup sûr à porter au rayon des qualités de la Mannschaft, qualité qui fait défaut à d’autres.

Résultats

États-Unis- Suède 1-1 (3 t.a.b. à 4)

Chine- Allemagne 0-1

Canada France 1-0

Brésil Australie 0-0 (7 t.a.b. à 6)

L’échec des Bleues

La deuxième demi-finale sera également la revanche d’un match du premier tour : le Canada tentera de battre une deuxième fois l’Allemagne.

On ne négligera pas la qualité de l’adversaire, seul vainqueur de tous ses matchs du premier tour et présentant un collectif solide à défaut d’être brillant. Peut-être qu’on se rendra compte à la fin du tournoi et dans les années à venir que les Bleues ont assisté pour leur malheur à la naissance d’une très grande équipe.

Mais ce n’est pas certain. Il y a un an au Canada justement, la France était sortie pleine de regrets à l’issue d’une prestation remarquable contre une équipe d’Allemagne grande favorite de la compétition. Là, elle quitte la compétition après un match assez indigent face à un adversaire inférieur sur le papier. Et s’il doit y avoir des regrets, c’est que comme en 2009 et 2013, le destin avait tracé une route vers la médaille puisqu’il n’y avait plus qu’à battre les équipes moins fortes pour en accrocher une et que même l’Allemagne ne semblait pas invincible.

La bonne prestation de Sakina Karchaoui contre la Nouvelle-Zélande a sans doute été un mal pour un bien. Elle a incité Philippe Bergerôo à la titulariser à la place d’une Amel Majri qui est encore plus solide qu’elle pour l’instant, et surtout à monter la Lyonnaise d’un cran au poste qu’elle revendique mais où elle se retrouve limitée par l’obligation d’être fréquemment dos au jeu. Bref ce changement affaiblissait deux postes et le but est arrivé sur l’une des erreurs de placement de la Montpelliéraine. Mais le centre de Janine Beckie n’aurait été qu’une péripétie si de l’autre côté, l’autre latérale Jessica Houara, joueuse de base du sélectionneur n’avait pas ponctué son tournoi raté d’un oubli de marquage sur Sophie Schmidt.

Toutefois, ces détails ne doivent pas masquer l’incapacité totale de l’équipe de France d’imposer son jeu et de trouver autre chose à faire que de longs ballons. Le sélectionneur Philippe Bergerôo sait que ses jours sont comptés à la tête de l’équipe de France, son départ semblait déjà dans l’air avant la compétition et il est probable que la réponse qu’il fait en commun avec son président Noël Le Graët, qu’il est sous contrat jusqu’en 2017, n’est qu’une manière de temporiser.

Toutefois, l’ancien gardien toulousain pointe – de façon sans doute assez inélégante mais pas vraiment hors-sujet – l’incapacité de son équipe à se révolter et à renverser une situation défavorable. Effectivement, il semble y avoir pour la génération née lors de l’Euro 2005 un plafond de verre autour des quarts de finales : depuis 2009, elle a atteint ce stade à 6 reprises et n’y a remporté qu’un seul match, contre la Suède il y a quatre ans. On peut ajouter une qualification aux tirs aux buts contre l’Angleterre en 2012 et une victoire en huitième de finale l’an dernier face à une faible Corée du Sud pour arriver au résultat que les Bleues n’ont remporté que deux matchs à élimination directe sur onze.

Il est sans doute temps de passer à autre chose. Dans le staff bien sûr puisque si l’on n’oubliera pas que sous Philippe Bergerôo la France est montée à la troisième place mondiale et qu’elle n’a pas à rougir de son mondial 2015, il semble que son pic de performance a eu lieu avant même la compétition canadienne au moment des victoires contres les États-Unis et l’Allemagne et que son niveau semble en baisse depuis.

Mais les équipes de France de jeunes ont accumulé les titres et les places d’honneur depuis quelques années, il va falloir commencer à s’appuyer sur les joueuses qui les ont remportées. Certaines comme Griedge Mbock sont déjà présentes, d’autres vont arriver très vite.

Cela veut dire aussi que la génération 2005 va devoir passer la main tant elle semble marquée par ces échecs. Louisa Necib arrête sa carrière pour devenir Louisa Cadamuro. Camille Abily n’a sans doute plus les jambes pour tenir un rôle aussi central dans une compétition où les matchs sont aussi rapprochés avec autant d’intensité. Dans un an, les Bleues joueront l’Euro aux Pays-Bas et s’il serait intéressant de viser le titre dans une Europe en reconstruction où l’Angleterre s’affirme et où l’Allemagne est en difficulté (relative), il faudra déjà commencer à travailler sur l’équipe qui jouera à domicile en 2019. Le chantier est déjà ouvert puisque Sakina Karchaoui, Wendie Renard, Griedge Mbock, Amandine Henry, Amel Majri, Eugénie Le Sommer et Kadidiatou Diani postuleront à coup sûr. Mais il faudra sans doute que Wendie Renard et Amandine Henry en particulier prennent davantage de leadership pour changer la dynamique de l’échec.



4 commentaires pour “Quarts de finales des JO de Rio 2016”

  1. Analyse parfaitement objective

  2. Très bon article en effet. Je dirais juste que « La bonne prestation de Sakina Karchaoui contre la Nouvelle-Zélande a sans doute été un « bien » pour un « mal » « , puisque cela a conduit à des changements face au Canada. Et ces changements affaiblissaient deux postes et le but est arrivé sur l’une des erreurs de placement de la Montpelliéraine.

  3. Un autre souci qu’on a depuis quelques années, et qu’il faudra regler si on veut passer un cap, c’est notre incapacité à jouer sans avant-centre. Marie-Laure Delie et Gaetane Thiney ne sont pas au niveau, et Le Sommer a confirmé contre le Canada que c’était pas une avant-centre. Et que ce soit Bini ou Bergeroo, on n’a jamais réussi à contourner le probleme.

  4. Moi je me passerai de Delie qui est à la rue, je rappellerai Thiney qui le mérite, et je m’appuerai sur les 2 bretonnes LeSommer et LeBihan !

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