Ni buts ni soumises » La belle

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La belle

La finale de la Coupe du monde sera la même que celle des deux dernières compétitions mondiales. Ni le Japon ni les États-Unis n’ont complètement convaincu pendant un mois mais une telle régularité n’est certainement pas uniquement le fait du hasard ou d’un bon tirage au sort.

Après la victoire du Japon en 2011 en Allemagne et la revanche des États-Unis en 2012 à Londres, cette finale sera en quelque sorte la belle.

Le tableau annoncé lors du tirage au sort aura donc été respecté jusqu’au bout même si pour cela il aura fallu outrepasser légèrement le classement Fifa où l’Allemagne avait dépassé les États-Unis entre temps. Toutefois il n’y a que 10 points et une place entre les deux soit l’écart le plus faible entre deux adversaires depuis le début de la compétition.

Comme il fallait le prévoir, la haute intensité du quart de finale a empêché l’Allemagne d’être en mesure de répondre à la pression des États-Unis. Pourtant les joueuses de Silvia Neid avaient démarré tambour battant, ou peut-être que justement c’était la solution au problème en espérant marquer vite pour pouvoir contrôler et avoir ensuite moins d’efforts à faire. Mais au bout d’un quart d’heure, les Américaines reprenaient le jeu à leur compte.

Carli Lloyd

Carli Lloyd

Le milieu de terrain composé de Lena Goeßling et Melanie Leupolz a semblé dépassé de bout en bout et Anja Mittag a confirmé son mauvais match contre la France. Mais malgré les difficultés en quart, malgré la fatigue et malgré la domination américaine, Silvia Neid n’est quasiment pas interevenue : la composition de la demi-finale était quasiment la même que celle du quart1 alors que l’entrée de Dzsenifer Marozsan avait fait beaucoup de bien au jeu allemand contre les Bleues. Cette fois, elle intervenait à un quart d’heure de la fin seulement alors que l’Allemagne était déjà menée. Et si on avait pu louer la manière dont Silvia Neid avait su concerner toutes ses joueuses au premier tour, la phase finale s’est globalement jouée à 13 avec l’entrée obligée de Babett Peter en quart et la seule Dzsenifer Marozsan comme solution de rechange. Jennifer Cramer et Lena Lotzen sont entrées contre la Suède alors qu’il y avait respectivement 3-0 et 4-1, Melanie Behringer et Sarah Däbritz ont eu un rôle plus important contre la France mais leur temps de jeu a surtout été allongé par la prolongation. Et contre les États-Unis, Silvia Neid n’a fait qu’un seul changement.

Pourtant l’Allemagne n’a pas été si loin de passer. Il s’en est fallu d’un pénalty tiré par Célia Sasic à côté (qui avivera encore plus les regrets des Bleues) et d’un autre marqué par Carli Lloyd pour une faute à l’extrême limite de la surface pour donner l’avantage aux États-Unis. Le but de Kelley O’Hara était ensuite assez anecdotique quoi que fort bien conçu collectivement.

Coaching gagnant pour Jill Ellis

Au contraire de son adversaire, Jill Ellis a su faire évoluer son équipe en cours de compétition. Après l’intermède chinois où Lauren Holiday et Megan Rapinoe suspendues avaient été remplacées par Morgan Brian et Kelley O’Hara, et où Abby Wambach avait été laissée au repos, elle n’est pas revenue à sa position initiale. Les suspendues sont revenues mais Morgan Brian est restée ce qui a permis de placer Carli Lloyd dans une position beacoup plus avancée en soutien d’Alex Morgan, où elle a beaucoup gêné la défense centrale allemande, déjà mise en difficulté par la vitesse de la joueuse de Portland. Et c’est Abby Wambach qui démarrait sur le banc.

Les États-Unis n’ont pas encore été flamboyants depuis le début de la compétition, mais ça n’a jamais été leur marque de fabrique et ils ont su prendre la mesure de chacun de leurs adversaires. Certes le tableau leur a ménagé un peu de répit entre un premier tour difficile2 et une demi-finale contre la n°1 mondiale. Mais si on doit trouver un avantage pour les États-Unis dans le contexte, on le verra sans doute plus dans le match et la prolongation jouée par l’Allemagne face à la France.

Le Japon avance masqué

Le Japon n’a par contre toujours pas rencontré d’adversaire supposé plus fort, et il n’en a pas non plus rencontré qui se soit montré plus fort. Ses six premiers matchs se sont conclu par six victoires par un but d’écart. Contre l’Angleterre elle n’a tenu qu’à un fil. La première mi-temps a été une histoire de pénalties, celui de Fara Williams répondant à celui d’Aya Miyama.

Un peu à la manière d’un français après Allemagne-France, l’entraîneur anglais Mark Sampson pense qu’il n’a « jamais vu une équipe faire subir ce que [son équipe] a fait subir au Japon. ». C’est assez bien vu au moins dans le cadre de la Coupe du monde3. L’Angleterre a fait déjouer le Japon par son pressing et son impact physique et a su se créer des occasions, touchant par deux fois la transversale et obligeant Ayumi Kaihori à plusieurs parades.

Le dénouement a donc été d’autant plus cruel puisqu’il a eu lieu sur une action relativement anodine (quoi qu’en dise Norio Sasaki) et sur une malheureuse déviation de Laura Bassett à quelques secondes de la prolongation.

Exactement comme l’Allemagne, le Japon après avoir beaucoup tourné au premier tour aligne désormais toujours la même composition. Et comme pour l’Allemagne, il y a un changement qui donne à chaque match un coup de fouet au jeu nippon, en l’occurrence celui de Shinobu Ohno, peu à son avantage par Mana Iwabuchi. Contre l’Angleterre, c’est cette dernière qui a créé le plus de danger et permis au Japon de reprendre la main dans les 20 dernières minutes, même si le but est arrivé de l’autre côté. Un indice montre que le match était vraiment serré, Homare Sawa n’est pas entrée en jeu en fin de match pour la première fois de la compétition4.

États-Unis-Japon en finale, troisième édition

La finale opposera donc les mêmes équipes que lors de la finale précédente, mais aussi que lors de la finale des Jeux Olympiques qui sont réellement une Coupe du monde resserrée contrairement aux garçons.

Les deux équipes sont deux des trois plus plus âgées de la compétition (avec la Suède), en moyenne pondérée par le temps de jeu (c’est-à-dire sans que celle des Américaines ne soit excessivement augmentée par Christie Rampone et Shannon Boxx qui n’ont presque pas joué), les joueuse américaines ont un peu plus de 28 ans de moyenne et les japonaises un petit peu moins.

Christie Rampone et Yuki Ogimi à Londres en 2012

Christie Rampone et Yuki Ogimi à Londres en 2012

Ce n’est donc pas un hasard si beaucoup des joueuses qui fouleront la pelouse du BC Place Stadium de Vancouver dimanche étaient déjà présentes lors de l’une des deux dernières finales. Côté japonais, Rumi Utsugi a pris numériquement la place de Homare Sawa, Saori Ariyoshi celle de Yukari Kinga et Yuki Ogimi avait dès les Jeux Olympiques pris celle de Kozue Ando. Toutefois la joueuse de Francfort aurait sans doute eu une place de titulaire dans l’équipe si elle ne s’était pas blessée dès le premier match de la Coupe du monde, et ça n’aurait probablement pas été aux dépends de Yuki Ogimi, seule joueuse du Japon avec Aya Miyama à avoir joué l’intégralité de la compétition. L’actuelle joueuse de Wolfsbourg était d’ailleurs entrée en fin de match en 2011, tout comme Mana Iwabuchi qui a joué le rôle de joker pour les deux finales et qui tiendra sans doute encore ce rôle cette fois-ci. Enfin, Ayumi Kaihori avait laissé sa place à Londres à Miho Fukumoto dans les buts mais l’a reprise cette année. Autant dire que l’équipe qui sera sans doute alignée ne comptera que des championnes du monde en titre en dehors de Saori Ariyoshi et sans doute 8 joueuses qui étaient déjà titulaires en finale il y a quatre ans.

Les États-Unis un peu renouvelés

En face, il y a eu un peu plus de changement : la défense centrale composée de Christie Rampone et Rachel Buehler a été supplantée par Becky Sauerbrunn et surtout Julie Johston (qui a connu sa première sélection en 2013) et Amy LePeilbet a laissé sa place à Meghan Klingenberg. Ali Krieger a par contre repris la place qu’elle occupait en 2011 après avoir manqué les Jeux de 2012 suite à une blessure.

Au milieu du terrain (voire devant), on retrouve Megan Rapinoe et Carli Lloyd. Lauren Cheney devenue Holiday est toujours là aussi même si elle n’était que remplaçante à Londres pour la finale, tandis qu’Alex Morgan y était devenue titulaire et qu’Abby Wambach semble maintenant vouée à un rôle de joker. Shannon Boxx ne devrait pas jouer alors que Tobin Heath qui n’était que remplaçante en 2011 est désormais titulaire.

L’équipe est beaucoup moins figée que celle du Japon mais 11 des 13 joueuses ayant partitipé à la finale olympique pourraient récidiver à Vancouver (même s’il est peu probable que Christine Rampone ou Shannon Boxx entrent en jeu, et qu’Abby Wambach et Kelley O’Hara devraient se contenter au mieux d’un rôle de remplaçante). Et 10 des 13 finalistes de 2011 sont également présentes, avec là aussi une bonne probabilité d’en voir encore au moins six sur le terrain.

Cette finale sera donc bien une belle non seulement entre deux sélections mais entre deux groupes de joueuses qui se sont déjà affrontées deux fois en finale.

Le Japon attend sa première victoire

On rappellera enfin que le Japon et les États-Unis s’étaient déjà rencontrées 5 fois en match officiel avant ces deux finales, pour 5 victoires des Américaines. En 1991, Michel Akers avait menée son équipe à une victoire 3-0. En 1995, c’est Kristine Lilly qui avait porté son équipe vers une victoire 4-0, au premier tour comme quatre ans plus tôt. En 2004, c’est en quart de finales des Jeux d’Athènes que les deux équipes s’étaient rencontrées et le score avait commencé à être plus serré : Abby Wambach avait donné à son équipe la victoire 2-1. Enfin, quatre ans plus tard à Pékin, Japonaises et Américaines s’étaient rencontrées deux fois, au premier tour et en demi-finale. Lors du premier match, Carli Lloyd avait donné la victoire 1-0 à son équipe qui s’était ensuite imposée plus facilement lors du deuxième.

En 7 confrontations officielles, les États-Unis mènent donc face au Japon par 6 victoires et 1 nul (perdu aux tirs aux buts). Ils seront favoris mais le Japon ne se présentera pas en victime expiatoire.



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